Mission Impossible : Dead Reckoning, part 1 (id.) – de Christophe McQuarrie – 2023
Le sentiment que me procure la saga Mission Impossible ne fait que se renforcer depuis que Christopher McQuarrie est devenu le yes-man de Tom Cruise : voilà bel et bien et définitivement les films d’action les plus ébouriffants et les plus enthousiasmants qui soient, mais quand Cruise redeviendra-t-il cet acteur qui savait surprendre et se mettre en danger ?
Ce sentiment est d’autant plus fort que cet épisode 7 (ou plutôt 7A, avant la sortie du 7B l’été prochain) a beau être jouissif comme aucun autre film d’action depuis Fallout, il donne pour la première fois l’impression de ronronner, en citant d’autres films de la saga : la tempête de sable de Ghost Protocole notamment, mais surtout le premier opus, dont on retrouve un personnage oublié depuis, celui de Kittridge (« Kittridge, you’ve never seen me very upset ! »).
On pourrait voir ça comme une manière de boucler la boucle, cette mission en deux films ayant été annoncée un temps comme un ultime baroud pour Ethan Hunt (mais Cruise semble être revenu depuis sur ses bonnes intentions… peut-être que le box-office en demi-teinte lui fera entendre raison après tout). Mais cela sonne surtout comme une incapacité à se réinventer, comme si, presque trente ans après, on avait fait le tour.
Il faut dire aussi que la saga n’avait pas été conçue comme la série cohérente qu’elle est devenue sous la houlette de JJ Abrams, puis McQuarrie, mais comme une sorte d’anthologie qui consisterait à confier chaque épisode à un cinéaste à la personnalité forte, chacun devant réinventer le personnage de Hunt, et la manière de filmer l’action. En cela, le très mal aimé épisode 2 signé John Woo reste sans doute le plus radical de tous les films de la série…
Avec McQuarrie, on est loin de ces audaces. Et Cruise s’enferme de plus en plus dans un processus de surenchère qui ne peut pas être sans fin. Comment pourrait-il aller plus haut que le Burj Khalifa ? Comment pourrait-il faire plus dangereux que s’accrocher à un avion cargo qui décolle ? Le plus beau, c’est qu’il y arrive encore, avec une poignée de séquences hallucinantes…
Deux d’entre elles, surtout, marquent les esprits. La plus immersive : celle où, à moto, il saute d’une falaise avant d’ouvrir son parachute, séquence filmée au plus près de l’acteur-cascadeur, assez incroyable. La plus inventive : celle où Hayley Atwell et lui traversent à la verticale les wagons d’un train accroché dans le vide, moment de suspens assez classique sur le papier, mais totalement réinventé à l’écran.
Mais même ces moments exceptionnels, si bluffants soient-ils, n’arrivent plus à totalement nous surprendre. Un peu sur le principe : oui, c’est dingue, mais on n’en attend pas moins… La saga continue à innover, à repousser les limites, mais une sorte d’habitude s’est installée, qui est le signe qu’il serait peut-être temps de passer à autre chose.
Un autre signe que Cruise s’installe dans une logique routinière très personnelle : on avait déjà remarqué qu’il ne mangeait jamais, mais voilà qu’il est désormais totalement désexué, franchissant encore une étape dans ce sens après Top Gun : Maverick. Ça n’a pas toujours été le cas : il y avait une certaine sensualité dans les rapports de son personnage avec Emmanuelle Béart ou Thandie Newton, dans les premiers films. Ici, pas le moindre trouble manifeste entre Hunt et le personnage joué par Hayley Atwell.
Personnage que l’on découvre ici, et qui prend d’emblée une importance centrale, repoussant au second plan celui autrement plus passionnant, et troublant, de Rebecca Ferguson, qui était pourtant le plus enthousiasmant des derniers épisodes. Comme si ce personnage dirigeait la saga vers des zones plus incertaines dont le duo Cruise/McQuarrie ne voulait pas.
La grande originalité du film, c’est sans doute la nature du grand méchant. Et ce grand méchant, ce n’est pas le personnage dangereux et (encore) mystérieux d’Essai Morales, sorte de nemesis de Hunt dont le prochain film nous dévoilera sans doute les secrets. Non, le grand méchant est… une intelligence artificielle, plongeant la saga dans une actualité qui, pour le coup, est assez troublante.
C’est sans doute la première fois que j’écris une chronique aussi négative sur un film qui, finalement, m’a procuré tant de plaisir. Voilà toute l’ambivalence de la carrière récente de Tom Cruise, acteur dont je ne me lasserai jamais de revoir les grands films, d’Eyes Wide Shut à Collateral, acteur dont j’attends chaque nouveau film d’action avec impatience (et Dead Reckoning Part 2 ne fera pas exception), mais acteur qui, à 60 ans bien tapé, pourrait peut-être enfin se réinventer ?