Play it again, Sam

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Archive pour juin, 2025

Une auberge à Tokyo (Tokyo no yado) – de Yasujiro Ozu – 1935

Posté : 20 juin, 2025 @ 8:00 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Une auberge à Tokyo

Pour la quatrième et dernière fois, Ozu met en scène le personnage de Kihachi, interprété par l’un de ses acteurs fidèles de l’époque, Takeshi Sakamoto. Déjà au cœur de Cœur capricieux, Histoires d’herbes flottantes et Une jeune fille pure (considéré comme perdu), le personnage est une sorte de symbole de l’homme du peuple, pauvre et droit, dans la lignée de ceux que mettaient alors en scène les grands cinéastes américains qu’Ozu admirait.

On retrouve dans ce magnifique film quelque chose du Charlot des Lumières de la Ville, des films Warner de la Grande Dépression comme Wild Boys of the Road ou Je suis un évadé, mais surtout de King Vidor, réalisateur adoré d’Ozu, qui s’inscrit très clairement, au moins dans l’esprit, dans la lignée de Notre pain quotidien. Plus influencé que jamais par le cinéma hollywoodien donc, Ozu signe pourtant un film très personnel, et très japonais dans ce qu’il dit des rapports humains.

Kihachi donne l’occasion à Ozu de mettre en scène l’extrême pauvreté dans ce qu’elle a de plus quotidien, et de plus cruel. Une grande partie du film se déroule dans un vaste terrain vague où les motifs habituels d’Ozu sont poussés à l’extrême : des lignes électriques horizontales, des poteaux verticaux, de larges réservoirs qui occupent tout le paysage… Autant de formes géométriques qui semblent contraindre et enfermer les personnages, les privant de toute issue.

Il y a pourtant de la vie dans ce portrait d’un père sans le sou qui tente de survivre avec ses deux garçons, désespérant de trouver une solution à sa misère. De la vie, et même une pointe de légèreté. Une pointe, toujours teintée d’amertume, comme dans cette très belle scène où le père et ses enfants miment le festin dont ils rêvent.

Le récit est fait de constants vas et vient, des personnages qui ne réussissent jamais à sortir de la pauvreté, cet état si terrible et si aliénant. Il met en scène la solitude de ces êtres rejetés de tous, mais aussi une certaine forme de solidarité, cette bonté dont Ozu, comme Vidor avant lui, fait la clé de la rédemption.

C’est le dernier film muet connu d’Ozu (il tournera encore L’Université est un endroit agréable, lui aussi disparu), et peut-être le plus beau de tous. Celui, en tout cas, qui serre le plus le cœur, le plus intense, le plus bouleversant.

Les Fraises sauvages (Smultronstället) – d’Ingmar Bergman – 1957

Posté : 19 juin, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

Les Fraises sauvages

Serait-ce le plus beau Bergman ? On pourrait dire ça de tant d’autres films aussi. Alors disons le plus nostalgiquement bouleversant. Bergman, 39 ans au moment du tournage, signe l’un des plus beaux films sur la vieillesse (avec Voyage à Tokyo et quelques autres Ozu). Ou sur la jeunesse. Ou sur la vie, tout simplement.

Le principe est tout simple : un vieux médecin à la retraite part en voiture pour être mis à l’honneur lors d’une cérémonie très officielle. Sa belle-fille l’accompagne sur la route, et ils sont bientôt rejoints par trois jeunes voyageurs. En chemin, l’homme de 78 ans, bien installé mais seul et peu tourné vers les autres, se remémore des souvenirs de sa jeunesse.

Ce court voyage prend bientôt l’aspect d’une véritable introspection, d’un périple intérieur qui va réveiller des sentiments profondément enfouis. Et il y a dans Les Fraises sauvages quelques unes des plus belles scènes de rêve du cinéma, dénuées de tous les défauts et limites habituels des scènes de rêve au cinéma. Filmée avec simplicité et dépouillement, elles prennent aux tripes et bousculent comme peu d’autres avant ou depuis.

La première, surtout, où le personnage principal est confronté à une vision cauchemardesque qui le met face à sa propre mortalité, face à des horloges sans aiguille, un homme sans visage, ou une charrette sans conducteur (serait-ce un clin d’œil à La Charrette Fantôme, que réalisa Sjöström bien des années avant)… Dérangeant, et frappant : une image qui semble sortie d’un film muet (de Murnau… ou Sjöström).

La référence au muet n’est pas anodine, même si le film est très dialogué. Les rêveries du vieil homme le renvoient à l’époque de sa jeunesse, au début du siècle, et du cinéma. Et ce n’est évidemment pas un hasard si Bergman, qui dirige sa troupe habituelle, confie le rôle principal à l’autre légende du cinéma suédois, celui qui lui a en quelque sorte ouvert le chemin : Sjöström, à qui il avait déjà confié un petit rôle dans Vers la joie, magnifique dans le rôle de cet homme de 78 ans qui fend peu à peu la carapace qu’il s’est forgée.

Sa présence devant la caméra de Bergman fait le pont entre deux époques, qui se répondent constamment. Hier et aujourd’hui, le temps qui passe, ce qui reste et ce qui a disparu pour de bon… Le sujet même de ce film magnifique.

It must be heaven (En shita kama fi el-sama) – d’Elia Suleiman – 2019

Posté : 18 juin, 2025 @ 8:00 dans 2010-2019, SULEIMAN Elia | Pas de commentaires »

It must be heaven

Si on ne comprend pas tout de ce qu’est la Palestine dans le monde d’aujourd’hui, ce n’est pas en voyant le dernier film en date d’Elia Souleiman qu’on va voir la lumière. Et c’est très bien comme ça : dix ans après son précédent film, le réalisateur de Intervention divine revient avec un film à son image, comme un reflet d’un monde absurde et aliénant, dont il vaut mieux rire si on ne veut pas qu’il nous rende fou.

It must be heaven est clairement l’œuvre d’un homme dont l’univers propre lui échappe, confronté à une vague agressive, étouffante, irrépressible. Et Suleiman ne résume pas ce sentiment à Nazareth et à la Palestine. Il en fait un thème universel, que son personnage (lui-même, confronté où qu’il aille au refus du scénario de ce film, « pas assez palestinien » selon un producteur français) affronte où qu’il aille, à Paris comme à New York.

Suleiman ne montre rien de la réalité des Palestiniens. Pourtant, son film, à première vue débarrassé de toute obligation de vraisemblance, confronte le spectateur à un monde universellement inquiétant, où « l’autre » quel qu’il soit met mal à l’aise, procure des sentiments extrêmes et inattendus, ou à tout le moins détonne.

Devant sa propre caméra, Elia Suleiman retrouve son personnage d’observateur muet, variation autour de la figure de Tati, ou de celle de Keaton on ne sait trop. Un personnage qui ne prononce pas la moindre parole, si ce n’est pour répondre à la question simple d’un taxi new-yorkais. La plupart du temps, il est simplement là, observant impassible les réaction et sentiments que provoque sa simple apparition.

Le constat est assez glaçant au fond, dans ce que le film montre de l’inhumanité de la société, et de l’incompréhension entre les êtres. Mais Suleiman traite le sujet avec un humour froid réjouissant, et souvent avec une jolie poésie, lorsqu’il ne sombre pas dans la facilité (les New-Yorkais qui apparaissent tous surarmés, jusqu’à sortir un lance-roquette pour aller faire ses courses… mouais…).

It must be heaven est en fait une succession de courtes saynètes quasi muettes, souvent sur le même motif, mais dont les petites variations donnent le ton et le rythme du film, parfois déroutant, souvent passionnant, toujours original. Même inégal, un grand plaisir de cinéma, qui réussit sous une certaine légèreté à donner le sentiment d’être connecté au réel. Et comme c’est poétique et drôle, c’est très précieux.

Fête de famille – de Cédric Kahn – 2019

Posté : 17 juin, 2025 @ 8:00 dans 2010-2019, KAHN Cédric | Pas de commentaires »

Fête de famille

Cédric Kahn qui s’essaye au film de famille… Un véritable genre en soi qui a inspiré les plus grands, de Bertrand Tavernier (Un dimanche à la campagne) à Christophe Honoré (Non ma fille, tu n’iras pas danser), et qui nécessite de savoir trouver un rythme, une atmosphère, quelque chose qui lie tous ces personnages réunis dans un tourbillon plus ou moins tendu.

Les premières minutes laissent craindre le pire : tout ne sonne pas très juste, les échanges semblent trop construits, les acteurs peu à l’aise. Et puis, la magie de la musique (et des chansons) au cinéma, une simple scène vient tout changer : Cédric Kahn lui-même et Emmanuelle Bercot, frère et sœur à l’écran, qui s’étreignent au son de la voix de Mouloudji, dans une voiture sous la pluie. Une émotion pure et grande naît de cette image. Elle ne nous quittera plus.

Bon… Elle évoluera. Parce que comme dans tout bon film de famille, celle-ci est particulièrement gratinée. Autour de la matriarche, Catherine Deneuve, qui fête son anniversaire, la tribu affiche autant ses liens (profonds) que ses dissensions (profondes)… C’est le genre de famille qui pousse à jeter un regard bienveillant sur la sienne (en tout cas à essayer). Une famille où l’amour et la violence vont de pair, une famille qui se déchire avec une brutalité radicale, et qui s’aime avec autant de force.

Trois enfants, tous problématiques. L’aînée, Bercot, très fragile psychologiquement, qui revient comme une fleur après trois ans passés aux Etats-Unis, et avoir avoir laissé son ado de fille derrière elle. Le premier frère, Kahn, un peu autoritaire et un peu manipulateur. Le deuxième, Vincent Macaigne, réalisateur autoproclamé qui a décidé de filmer cette réunion de famille pour une raison un peu mystérieuse, et avec beaucoup de cynisme.

Réalisateur tout terrain, Kahn n’y va pas toujours avec une grande délicatesse, mais il réussit ce pari improbable de rester sur la crête, entre la tendresse et la détestation. Devant sa caméra, le cocon familial est cruel, dévastateur même… Mais il apparaît aussi, et malgré tout, comme le meilleur des refuges.

Les acteurs sont formidables. Macaigne même en roue libre, est un acteur génial. Emmanuelle Bercot bouscule avec une intensité folle, Kahn est remarquable dans un rôle plus austère mais très nuancé. Et Deneuve, faussement en retrait, est exceptionnelle en mère fatiguée, dont on ne sait pas trop si elle est la plus consciente de tout, ou si elle se réfugie dans un déni mortifère. Sans doute les deux. Sur la crête, toujours.

La Bonne Combine (Mister 880) – d’Edmund Goulding – 1950

Posté : 16 juin, 2025 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, GOULDING Edmund, LANCASTER Burt | Pas de commentaires »

La Bonne Combine

Les films qui trouvent leur inspiration dans les archives des services de sécurité américains… Un genre en soi, dans le cinéma hollywoodien des années 40-50, avec quelques sommets (Appelez Nord 777…) et beaucoup de films plus dispensables.

Celui-ci, tiré des archives du Trésor, commence très exactement comme tous les autres : une voix off qui dresse les louanges du service en question, illustrée par un montage d’images documentaires et d’autres tournées pour l’occasion. Du tout venant, donc, à un détail près.

Le détail, c’est le côté anodin de l’affaire. Depuis dix ans, les agents du Trésor se cassent les dents sur un faux-monnayeur remarquable par : 1) son amateurisme flagrant (ses billets sont franchement bâclés)  ; 2) son absence totale d’ambition (il écoule des faux billets de 1 dollar… un par un).

Dix ans d’échecs, c’est long. Alors on charge un super flic de reprendre l’enquête : Burt Lancaster, dans un registre de genre idéal mâtiné d’obstination. Bref, un type un peu buté, et finalement guère aimable, surtout que le faux monnayeur qu’il recherche, et dont l’identité nous est dévoilée très tôt, est lui le meilleur type du monde : un vieil extrêmement bon, un rien naïf, et très attachant, joué avec truculence par Edmund Gwenn.

Autre détail amusant : le flic et le faux-monnayeur se rencontrent autour d’une jeune femme (Dorothy McGuire) qui passe très vite du statut de vague suspecte à celui de love-interest. Autant dire que l’intrigue policière se résume bientôt à un simple dilemme moral qui flirte avec le marivaudage amoureux.

D’un strict point de vue narratif, Edmund Goulding respecte parfaitement le cahier des charges du genre, filmant très efficacement et avec un savoir-faire imparable les avancées de l’enquête. Mais c’est surtout l’ironie qu’il infuse qui fait mouche : le contraste entre l’obstination du flic et la légèreté des faits, entre la froide détermination d’un Lancaster parfaitement rasé, parfaitement coiffé, toujours impeccablement vêtu, et la chaude décontraction de Gwenn, dont l’apparence révèle une absence totale de faux semblant.

Un polar sans suspense, et sans action… Voilà ce que filme Goulding. Et c’est franchement réjouissant.

La Ruée sanglante (They rode West) – de Phil Karlson – 1954

Posté : 15 juin, 2025 @ 8:00 dans 1950-1959, KARLSON Phil, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Ruée sanglante

On a connu Phil Karlson plus inspiré que dans ce petit western Columbia un peu fauché. Grand réalisateur de polars (Le Quatrième Homme, Les Frères Rico…), l’homme a réussi quelques chouettes westerns (La Poursuite des Tuniques bleues, et surtout Le Salaire de la violence). Celui-ci souffre de quelques défauts qui le plombent.

Son manque de moyens d’abord, avec de longs plans tirés de stock shots qui privent le film d’une unité formelle, et cassent trop souvent le rythme. Son interprétation ensuite, avec des acteurs pas toujours très convaincants (on sauverait bien Donna Reed, qui est très bien, mais dans un rôle trop mal défini). Et puis un scénario maladroit, auquel on a bien du mal à réussir à faire semblant de croire. C’est dire si on a essayé.

Le film n’est pas inintéressant pour autant. Parce que si le scénario est approximatif, le sujet est audacieux, et fort. Jeune médecin fraîchement diplômé, le personnage joué par le jeune Robert Francis (étoile filante disparue l’année suivante à 25 ans) est nommé dans un fort en pays indien, où il se retrouve vite confronté plusieurs dilemmes : son devoir de soldat face à celui de médecin, sa loyauté envers son propre peuple et son humanisme…

Bref, des thèmes qui deviendront assez classiques, mais qui dénotent encore dans le paysage westernien de l’époque. Le film de Karlson affiche une vraie ouverture d’esprit, et se montre très critique face à l’autoritarisme violent des colons blancs. Un film pro-Indiens, pour faire court, qui comme beaucoup de films de cette tendance brouille son message en confiant les rôles d’Indiens à des acteurs bien blancs. Il faudra attendre bien longtemps encore avant que Hollywood ne perde cette habitude.

Finalement, c’est moins pour la manière qu’il dépeint les Indiens que le film s’avère un peu original et assez convainquant, que pour quelques visions étonnantes de l’armée américaine : l’obstination mortifère de l’officier « rival » du héros, et surtout la saleté et laisser-aller coupable du chirurgien au début du film, dont l’unique scène, glaçante, est de loin la plus mémorable, la plus inattendue et la plus forte.

Pour le reste, le film laisse un sentiment d’inachevé, avec beaucoup de belles idées et une ambition de complexité qui ne débouchent au final pas sur grand-chose.

Un homme intègre (Lerd) – de Mohammad Rasoulof – 2017

Posté : 13 juin, 2025 @ 8:00 dans 2010-2019, RASOULOF Mohammad | Pas de commentaires »

Un homme intègre

Mohammad Rasoulof est-il d’abord un grand cinéaste, ou un homme courageux ? Les deux, évidemment, ce que ne cesse de confirmer la découverte de sa filmographie, qui témoigne d’une volonté inlassable de témoigner, et de filmer. Un homme intègre est donc un grand film, tout autant qu’un film courageux.

Son héros, cet « homme intègre », est un homme qui cherche à tout prix à rester droit dans ses bottes, à n’être ni un oppressé, ni un oppresseur, dans un pays, l’Iran des Mollahs, où comme le dit un personnage : l’essentiel est surtout de longer les murs. De ne pas se faire remarquer, donc, et de rentrer dans le moule imposé sans trop tenir compte des dommages collatéraux.

Le film a été tourné sans autorisation bien sûr. Et il n’a pas pu être diffusé en Iran, bien sûr. En ne filmant que son héros, Reza, et sa femme Hadis (Reza Akhlaghirad et Soudabeh Beizaee, deux magnifiques comédiens), Rasoulof filme l’imparable étau que représente ce régime autoritaire où la religion et la corruption sont omniprésents, et où toute velléité de révolte paraît dangereuse.

L’idée du film serait venu au cinéaste après avoir été incarcéré pour avoir refusé de payer un pot-de-vin. Le même acte « fondateur » des déboires de Reza, que ce simple refus entraîne dans une spirale digne de Kafka, mais où l’absurde aurait cédé la place à une intransigeance cruelle et cynique, où pouvoir, religion et fric seraient inséparables.

Parfaitement tendu, filmé comme un thriller paranoïaque, le film, éprouvant et passionnant, nous plonge dans la détermination et les doutes de Reza : son jusqu’au-boutisme, son désespoir aussi. « Certains apprennent trop vite, d’autres trop lentement », lance son beau-frère dans un souffle tristement désabusé.

Et Rasoulof, combatif, signe un film fort, mais sans grande illusion. Peut-on vraiment éviter les choix qu’on nous impose ? Peut-on éviter d’utiliser les armes contre lesquelles on se bat ? Et si on les utilise, qu’est-ce que ça fait de nous ? La conclusion, totalement inattendue, nous laisse à peu près dans le même état que Reza… Et je n’en dirais pas plus.

L’Île dans la brume (Fog Island) – de Terry O. Morse – 1945

Posté : 12 juin, 2025 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MORSE Terry O. | Pas de commentaires »

L'Île dans la brume

Lionel Atwill, George Zucco… Deux visages incontournables de la série B horrifique. Pas les meilleures acteurs du monde, mais des gueules, généralement employés pour ce que leur simple présence dégage de mauvaises ondes. C’est bien le cas dans ce film fauché (et court), adaptation pour la société de production (fauchée) PRC d’une pièce de théâtre.

Adapter une pièce de théâtre : une solution de facilité pour ce type de productions tournées en quelques jours seulement. Ça donne l’avantage de ne pas être ruineux en décors. Si en plus vous tournez dans la pénombre, et que les rares scènes vaguement extérieures sont baignées de brumes, ça limite drastiquement les efforts à consentir sur ce qu’on voit des quelques décors.

Ces contraintes ont parfois donné d’excellentes surprises, voire des petits chefs d’œuvre. Mais pour ça, il faut le regard d’un vrai cinéaste. Terry Morse, surtout connu pour avoir signé la version américaine du Godzilla de Honda, n’est pas le plus enthousiasmant de la bande. De ce thriller flirtant avec les codes du film d’épouvante, il tire un film trop lent et maladroit, qui passe à côté de sa cible.

La faute à un manque flagrant de rythme, à un scénario peu convainquant, et à des acteurs un peu ternes, dont émerge à peine Jerome Cowan, le Miles Archer du Faucon maltais. Le ton détaché du film aurait pu créer un décalage intéressant avec ce qui est au fond une sinistre et très violente histoire de vengeance. Mais le résultat est anodin, manquant cruellement de conviction. Reste un curieux happy end, dont je n’arrive pas à décider s’il est réjouissant d’ironie, ou totalement foutage de gueule.

La Brigade des stupéfiants (Port of New York) – de Laszlo Benedek – 1949

Posté : 11 juin, 2025 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BENEDEK Laszlo | Pas de commentaires »

La Brigade des stupéfiants

Encore un film à la gloire de ces hommes (et non, pas de ces femmes) qui œuvrent pour la sécurité des bons Américains. Un véritable genre en soi, à l’intérieur du polar des années 40/50. Ici, ce n’est pas un service, mais deux que le film met en valeur : les « stups » et la brigade des finances, unis à travers deux super-flics dans une lutte dangereuse contre un mystérieux trafiquant de drogue.

Les flics, ce sont Scott Brady et Richard Robert, deux « heavy » pas franchement portés sur l’humour, qui affrontent les dangers avec un flegme du plus bel effet machiste. Le mystérieux trafiquant, c’est Yul Bryner, encore chevelu et se délectant (un peu trop) d’un vrai rôle de méchant. Mais le vrai personnage principal, c’est celui qui donne son titre original au film.

Le port de New York, donc, présenté par la voix off inaugurale comme le plus grand du monde, comme un eldorado pour les touristes, et comme un cauchemar pour ceux qui veulent faire respecter la loi. Une zone de non-droit, en quelque sorte, paradis inattaquable des trafiquants qui y font entrer la drogue pour tout le pays.

Côté intensité, Benedek signe un film raide et parfaitement efficace. Côté émotion, il fait un peu l’impasse, racontant cette enquête comme s’il lisait un procès-verbal désincarné. Il y a des drames, il y a des morts, il y a de la peur. Mais de larmes, point. Là où le film est vraiment très fort en revanche, c’est dans sa manière de filmer la ville, si souvent à l’honneur au cinéma, comme si on la découvrait vraiment pour la première fois.

C’est la plus grande force de ce film passionnant et audacieux, où chaque meurtre frappe par sa brutalité, et qui s’autorise de faire disparaître très prématurément l’un des personnages principaux, mais dont la froideur clinique entrave la puissance qu’il aurait pu avoir, et qui aurait pu en faire l’un des grands sommets du genre.

Tandem – de Patrice Leconte – 1987

Posté : 10 juin, 2025 @ 8:00 dans 1980-1989, LECONTE Patrice | Pas de commentaires »

Tandem

Un mystérieux chien rouge, un vélo qui tombe du ciel… Doit-on soupçonner Patrice Leconte d’avoir voulu faire de Tandem un conte flirtant avec la métaphysique, une plongée lynchienne dans la psyché de ses personnages ? C’est peut-être aller un peu loin, mais ces détails mystérieux, vaguement absurdes, pas vraiment inquiétants, témoignent du fait que Leconte est un cinéaste ambitieux… mais peut-être pas le plus grand formaliste.

Sur cet aspect, le film ne fait qu’entrouvrir des portes qu’il ne franchit jamais. De quoi faire regretter qu’il les ait même entrouvertes. Parce que ses personnages seuls suffisaient, et c’est là que Leconte est le plus convainquant : dans la sincérité pleine de tendresse avec laquelle il filme des personnages flirtant très allégrement avec le ridicule. De cet animateur radio vieillissant, vieux beau cabot cachant derrière sa grandiloquence un profond mal-être ; et de son technicien qui semble ne vivre que par procuration au côté de ce mentor qu’il protège malgré lui, Leconte aurait pu faire des personnages grotesques, objets de tous les rires.

Ce n’est pas le cas, bien sûr. Il fait même de ce tandem joué par Jean Rochefort (truculent et touchant) et Gérard Jugnot (modeste et touchant itou) l’un des plus beaux de son cinéma. On sait que le scénario s’inspire du fameux Jeu des 1000 francs (ce que Lucien Jeunesse apprécia peu), mais ce n’est qu’un prétexte pour confronter l’image des « gens de médias » à la réalité provinciale. Et pour arriver à cette conclusion, assez courante chez Leconte : le ridicule n’est pas forcément celui qu’on croit.

Bien sûr, ce n’est pas révolutionnaire, mais ça prend toute sa dimension dans les scènes les plus a priori outrées. Cella, par exemple, où Rochefort s’emporte contre une famille pique-niquant au bord d’une route très passante, sortant des horreurs au visage d’un Ged Merlon fasciné par la faconde de l’homme. Dans un moment comme ça, Leconte réussit à transcender son sujet, pour faire ressentir une extrême bienveillance. C’est très touchant.

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