L’équipée sauvage (The Wild One) – de László Benedek – 1953
Ah ! Brando tout de cuir vêtu, les lunettes de soleil sur le nez, le cul sur sa moto… Une image 100 % mythique, de celles qui font la grandeur d’Hollywood. Fut un temps où des tas d’ados avec un poster du genre dans sa chambre, souvent sans même avoir vu le film, qui a toujours été considéré comme très inférieur aux grands chefs d’œuvre auxquels on associe le génie de Brando immédiatement, Un tramway nommé Désir et Sur les Quais.
L’équipée sauvage a été tourné à mi-chemin entre les deux films d’Elia Kazan. Et s’il n’a pas tout à fait la même puissance, le film est assez fort. Et loin de l’image assez stéréotypée à laquelle son imagerie tout-cuir le réduit trop facilement, il frappe surtout par la bienveillance de son regard. Qu’il filme les habitants de cette petite ville à l’ancienne très attachée à sa tranquillité, ou cette bande de motards un peu écervelés, László Benedek ne verse jamais dans le jugement facile, et encore moins dans le manichéisme primaire.
La relation entre Marlon Brando, chef de bande un peu fatigué, et Lee Marvin, frère ennemi d’une bande rivale, est réjouissante, et illustre bien la bienveillance et la justesse du regard de Benedek : ces deux là sont constamment prêts à s’entre-tuer, mais on sent pourtant tout aussi bien les sentiments fraternels et presque tendre qui les unissent.
Le film appartient à son époque. Deux ans avant La Fureur de Vivre, il symbolise une autre forme de la jeunesse mal dans sa peau et dans son Amérique. Il rappelle d’ailleurs que James Dean, qui incarne pour l’éternité cette jeunesse rebelle à l’autorité, est arrivé après Marlon Brando, pour qui il ne cachait pas son admiration. Brando, le gros dur qui ne sait pas laisser transparaître sa fragilité… La fin du film, sans parole, tout en regards, est un très joli moment de cinéma.