L’Outrage (The Outrage) – de Martin Ritt – 1964
Le cinéma de Kurosawa a décidément nourri le western. Après Les 7 Mercenaires d’après Les 7 Samouraïs, et la même année que Pour une poignée de dollars d’après Yojimbo, c’est Rashomon que Martin Ritt refait à la sauce westernienne. Avec une dévotion flagrante pour le chef d’œuvre original, et avec fort peu de recul.
D’emblée, quelque chose de ce remake qui se contente de transposer l’histoire et les parti-pris de Rashomon dans un décor de western. Dès cette première scène, où trois personnes se rencontrent dans une gare abandonnée, sous une pluie battante. C’est exactement de la même manière que le film de Kurosawa commençait, mais dans un temple auquel cette gare miteuse fait furieusement penser. Comme ce décor désertique et montagneux que l’on devine derrière le rideau de pluie et l’obscurité.
Mais quelque chose cloche, donc. Peut-être est-ce la bande son, ces voix post-synchronisées trop claires, et le sentiment que Ritt ne sait pas quoi faire du bruit de la pluie lorsqu’il passe du présent des narrateurs aux différents flash-backs. Ou peut-être est-ce l’aspect quasi-caricatural, en tout cas désincarné, des personnages, réduits à leur type : un vieux prospecteur (Howard Da Silva, très bien), un escroc (Edward G. Robinson, truculent) et un pasteur (William Shatner, transparent). Sans vraie personnalité, en tout cas.
Le procédé narrative est le même que le film d’Akira Kurosawa : un enchevêtrement de flash-backs, et autant de points de vue qui racontent en se contredisant la rencontre fatale entre un couple de gringos (Claire Bloom et Laurence Harvey) et un bandit mexicain, joué par Paul Newman… Euh… Paul Newman en bandit mexicain ? Avec accent à couper au couteau et peau tannée soulignant ses yeux bleus ? V’là une idée qui sent le délire de fin de soirée arrosée… Il n’est pas mauvais d’ailleurs, dans ce rôle, mais difficile de croire à un personnage quand ce qu’on voit à l’écran, eh bien c’est un acteur trop grimé.
Bon. Dans Rashomon, chaque point de vue révélait quelque chose du narrateur, en plus d’apporter un nouvel éclairage sur le fait divers. Ici, c’est moins convaincant. Et comme Martin Ritt, réalisateur souvent inspiré, n’est quand même pas Kurowawa, son seul talent ne suffit pas à éviter le sentiment de redite, d’un point de vue à l’autre. Surtout que ces flash-backs subjectifs ont une tendance à tirer en longueur.
Bref. Pas convaincu par ce remake inutile, qui n’apporte rien et dont on se dit qu’il est à la fois un objet de dévotion, l’œuvre d’un cinéaste avide de se rapprocher de son modèle, et un film taillé pour un public américain pas prêt à se taper du Japonais sur grand écran.