Le Chœur de Tokyo (Tokyo no korasu) – de Yasujiro Ozu – 1931
Ozu aime le cinéma américain. Il aime King Vidor, et il aime La Foule, chef d’œuvre sorti en 1928, grand drame social flirtant avec la comédie qui met en scène un homme se débattant dans un monde du travail particulièrement fermé. C’est pile le thème de ce Chœur de Tokyo, très beau film qui permet à Ozu d’affirmer son style et ses obsessions : la confrontation du moderne et du traditionnel, les cheminées et les fils électriques omniprésents, le linge qui sèche…
Et, surtout, la grandeur des petites attentions humaines, la beauté de l’amour marital et filial, et ce bonheur qui se trouve dans les petites choses du quotidien. Chœur de Tokyo est à la fois un drame social, et une ode à la simplicité et aux petits bonheurs de la vie. Un vrai Ozu, donc.
La manière dont le film est construit est particulièrement originale. Non seulement parce qu’Ozu ne choisit pas entre le drame et la comédie, mais aussi parce que son film est en fait une succession de longues séquences, comme autant de chapitres narrant les déchéances et la rédemption de son héros.
Tokihiko Okada, que l’on découvre en étudiant vaguement rebelle dans une étonnante séquence d’introduction, pur moment de comédie dont on se demande ce qu’elle vient faire là. Si ce n’est mettre en parallèle l’insouciance de la jeunesse étudiante, et les tracas financiers et professionnels dans lesquels on retrouve ensuite le héros.
La deuxième séquence est tout aussi étonnante, alternant le pur comique (les efforts que déploient les employés du bureau pour ouvrir leur enveloppe de prime en toute discrétion) et le drame central : le licenciement « héroïque » du héros, qui prend fait et cause pour un collègue plus vieux viré injustement. Son face à face avec son boss prend les allures d’un duel… à l’éventail, dans un passage plein de poésie et d’humour.
Tout le film est à l’avenant, regorgeant de belles trouvailles narratives pour entremêler les sourires et les grimaces, jusqu’à cette très belle conclusion, où l’avenir et la rédemption ressemblent curieusement à un brutal retour en arrière. Où l’optimisme et l’amertume ne font plus qu’un.