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Archive pour la catégorie 'DIAO Yi’nan'

Le Lac aux oies sauvages (Nán Fāng Chē Zhàn De Jù Huì) – de Diao Yinan – 2019

Posté : 27 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 2010-2019, DIAO Yi'nan | Pas de commentaires »

Le Lac aux oies sauvages

Sur le papier, un film noir que n’aurait pas renié Robert Mitchum : l’histoire d’un petit truand sans grande envergure transformé en une nuit en fugitif recherché par toutes les polices après une réunion qui tourne mal. A l’écran, un grand polar chinois à l’esthétisme hyper léché, dont chaque plan est extrêmement cadré.

Un esthétisme presque trop appuyé dans la première bobine (oui, je parle encore en bobines, même à l’ère du numérique), où les cadrages sont tellement construits, tellement parfaits, que le film frôle l’abstraction, un peu comme si on assistait au passage en revue d’un story-board animé. Tellement concentré sur ses cadres, Diao Yinan en oublierait presque de laisser de l’espace à ses acteurs pour exister.

C’est en tout cas l’impression qui se dégage dans les premières minutes, visuellement splendides mais qui laissent dubitatif. Le temps qu’on se laisse happer par cette plongée aux enfers fascinante et angoissante à la fois. Il faut aller le chercher, le naturel, se donner la peine, pas bien pénible d’ailleurs, de traverser les images si belles pour pénétrer dans ce polar moite, violent et glauque. Mais quand on y est entré, c’est une virée tout sauf paisible et confortable qui nous attend.

Quelle est cette ville que filme Diao Yinan ? Une sorte d’abstraction, là aussi, un condensé de bas-fonds baignés par la pluie et la chaleur, succession d’allées obscures, de boyaux recouverts de tuyauteries, d’immeubles déglingués et de restaurants sans charme. Du film noir, on serait passé à Blade Runner, qui lui-même s’inspirait du film noir. Tout ça se tient, Diao Yinan a des références, et une manière bien affirmée de les digérer et de les recracher à l’écran.

Mouvement perpétuel, atmosphères appuyées, utilisation maligne des flash-backs, tragédie en marche… et titre trompeur. Le Lac aux oies sauvages est un grand film désenchanté, un thriller où le lac en question n’est qu’un lieu de débauche et de danger, et où les oies sauvages évoquées ne sont aperçues qu’à l’occasion d’un plan furtif, images lointaines et pixelisés d’une vision capturée au zoom. Comme un espoir si vague qu’il ne peut même pas se fixer à l’écran. Noir, noir. Superbe, mais noir.

Black Coal (Bai ri yan huo) – de Diao Yi’nan – 2014

Posté : 9 mars, 2017 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 2010-2019, DIAO Yi'nan | Pas de commentaires »

Black Coal

Un flic dépressif devenu ex-flic alcoolique à la suite d’un bain de sang. Une série de meurtres commis sur plusieurs années. Un mystérieux assassin au patin à glace. Une douce jeune femme au lourd secret… C’est un pur film noir que signe Diao Yi’nan. Et comme dans la grande tradition hollywoodienne du genre, le film noir est à la fois le moyen d’offrir une plongée labyrinthique dans les affres des personnages, et de faire ressentir le poids social d’une époque…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette époque-là (la Chine d’il y a une dizaine d’années) ne fait pas rêver. Ni les spectateurs, ni les personnages, qui semblent se débattre sans trop y croire dans une vie sans issue heureuse. « Tu crois qu’on peut gagner dans cette vie ? » lance même l’un des flics avec le petit sourire de celui qui a compris.

Le décor lui-même est totalement sinistre : une région grise où le charbon est omniprésent, industrie qui semble faire vivre tant bien que mal, et d’une manière ou d’une autre, la moitié de la population. Un univers où les hommes gesticulent pour se donner l’illusion d’avoir un but (« Je veux faire quelque chose » explique Zhang, l’ex flic obsédé par des meurtres qui le ramènent à une ancienne enquête), et où les femmes ne font plus même mine de croire en quoi que ce soit.

Diao Yi’nan signe un film au rythme lancinant, inconfortable et fascinant. Un film dont les seules couleurs semblent venir des lumières artificielles de la ville, et où la glace semble constamment tout recouvrir. Un film aussi qui privilégie les moments en creux, le cinéaste suivant ses personnages de près, les filmant longuement dans leurs silences, en s’autorisant de grandes et audacieuses ellipses.

Mais il sait aussi, dès les premières scènes, instaurer un climat d’angoisse. Un sentiment d’oppression et de menace qu’il pousse à son paroxysme à chaque explosion de violences, où l’horreur et l’absurde se disputent la vedette. Jusqu’à un final étrange, poétique et magnifique, un « feu d’artifice en plein jour » (c’est d’ailleurs le titre en version originale) qui, sur le fil, semble annoncer la possibilité de sentiments partagés. Une infime lueur d’espoir dans cette atmosphère plombée.

 

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