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Archive pour la catégorie 'COPPOLA Francis Ford'

Megalopolis (id.) – de Francis Ford Coppola – 2024

Posté : 11 octobre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Megalopolis

Alors ? Tu as aimé ? – Euh… Repose moi la question dans dix ans, histoire de me laisser le temps de digérer tout ça… Petit dialogue à la sortie de Megalopolis, ce projet fou et démesuré porté par Coppola depuis quarante ans. Ne serait-ce que pour ça, pour cette attente à peu près aussi longue que mon parcours personnel de cinéphile, voir Megalopolis est une expérience qui ne ressemble à aucune autre. Et qui mérite, donc, largement, d’être vécue.

Une autre raison, aussi : ce sentiment que l’on a durant plus de deux heures d’être embarqué dans les méandres du cerveau de Coppola, de toucher du doigt toutes les idées qu’il a accumulées au fil des années, pour ce qui restera quoi qu’il arrive le projet de sa vie. Ce qui, pour un cinéaste aussi important, audacieux et visionnaire que Coppola, n’est pas rien.

Mais alors ? C’est bien ? Franchement, impossible de répondre simplement à cette question, tant la vision de Coppola est radicale, grandiose, foisonnante, et naïve à la fois. Utopie futuriste, relecture de l’empire romain avant la chute, tragédie familiale qui doit plus à Shakespeare qu’au ParrainMegalopolis est tout ça à la fois : une œuvre totale et, oui, radicale, qui ne fait pas grand-chose pour plaire au grand public.

Dès les premières secondes, un carton l’annonce : c’est une fable qui va nous être présentée. Avec des personnages qui sont donc des incarnations de certaines idées, souvent extrêmes d’ailleurs. Au cœur du film, il y a le rêve de ville idéale et globale incarné par Adam Driver, bâtisseur vivant presque reclus dans sa tour, capable de manier le temps, de l’arrêter au fil de ses inspirations créatrices.

Autour de lui : la politique, et l’argent, deux forces qui s’opposent à sa vision pour des raisons radicalement différentes. D’un côté : le maire joué par Giancarlo Esposito, dont la fille (Nathalie Emmanuel, que je découvre avec plaisir vu qu’elle n’a fait à peu près que des Fast and Furious avant ça) tombe amoureuse de l’ennemi juré, le bâtisseur. De l’autre : le banquier fat Jon Voight et son odieux petit-fils Shia LaBeouf, incarnations d’une décadence tout droit héritée de la culture romaine antique.

Les parallèles avec l’empire romain sont un peu lourdement appuyés, avec musique ad hoc, toges et patronymes qui vont avec, et même une course de chars où on jurerait avoir aperçu Charlton Heston. Ce qui, on l’a bien compris, n’est pas possible. C’est là que l’aspect « fable » de l’entreprise touche un peu ses limites, à force de trop vouloir rapprocher deux mondes et deux époques (l’empire romain et les Etats-Unis du XXIe siècle). Qui ont, certes, sans doute des points communs.

Il y a quoi qu’il en soit une vraie vision de (grand) cinéaste derrière cette fable. Et malgré sa richesse extrême, excessive même, qui multiplie les pas de côté et nous submergent littéralement d’idées, il y a là une incontestable maîtrise, un mouvement fascinant et d’une grande cohérence qui nous fait accepter tous les excès, et des moments de pur et de grand cinéma comme on a rarement l’occasion d’en voir.

Megalopolis est sans doute un film très imparfait, voire bancal. Ou peut-être est-il simplement génial, après tout… Franchement, il me paraît bien difficile d’avoir un avis tranché sur la question avant de l’avoir revu, et surtout de l’avoir laissé infuser… Quoi qu’il en soit : c’est l’œuvre d’un cinéaste immense, qui n’a cessé d’inventer de nouvelles formes au fil de sa carrière, quitte à risquer sa propre fortune. C’est ce qu’il fait plus que jamais pour ce projet fou. Et le voir, à 80 ans passés, miser autant d’argent personnel sur un film dont il rêvait depuis si longtemps, a quelque chose de magnifique.

Dracula (Bram’s Stoker Dracula) – de Francis Ford Coppola – 1992

Posté : 28 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Dracula 1992

Quitte à choquer les puristes, le Dracula de Coppola me semble toujours bien être la meilleure adaptation du roman de Bram Stocker. Oui, meilleure que le Nosferatu de Murnau, c’est dire. Comme ce dernier, que Coppola cite régulièrement tout au long du film, ce Dracula version 1992 est extrêmement fidèle au récit original, et à sa construction épistolaire.

L’histoire se déroule d’ailleurs en 1897, l’année même où le roman est publié. L’occasion pour Coppola d’ajouter à cette grande histoire d’horreur baroque une déclaration d’amour au cinéma. Le comte Dracula, arrivé à Londres, assiste en effet à une projection de film. La manière dont Coppola filme les éléments fantastiques est aussi une manière de s’inscrire dans ce cinéma des origines.

Pas d’effets numériques, en effet, dans ce film visuellement éblouissant : tous les effets spéciaux sont réalisés directement sur le plateau, avec des trucages dont certains auraient pu être utilisés par Murnau lui-même. Et c’est, ne serait-ce que sur ce plan technique, une immense réussite, qui inscrit Dracula dans la lignée des grands films « expérimentaux » de Coppola, de Apocalypse Now à Coup de Cœur.

Dracula est un film de commande, qui lui a été proposé par Winona Ryder. Mais Coppola en fait un grand film personnel, et un grand film tout court, comme Le Parrain 3 qu’il a tourné juste avant, et qui lui a permis de renouer avec le succès. Et peut-être d’avoir ce casting assez incroyable : Winona Ryder donc, mais aussi Keanu Reeves, Anthony Hopkins et Gary Oldman, glaçant et bouleversant en compte Dracul (dit avec l’accent transylvanien).

De cette histoire horrifique, Coppola retient surtout l’aspect extraordinairement romantique, celui-là même qui a séduit la si romanesque Winona Ryder (qui a failli jouer dans Le Parrain 3, et se rattrape merveilleusement bien ici). Il signe un film génialement bricolo, et merveilleusement grandiloquent, jonché d’images d’une puissance picturale et émotionnelle assez radicale. Un film dont on (re)tombe amoureux à chaque vision. C’est beau.

Jardins de pierre (Gardens of stone) – de Francis Ford Coppola – 1987

Posté : 24 avril, 2023 @ 8:00 dans 1980-1989, COPPOLA Francis Ford | Pas de commentaires »

Jardins de pierre

Au début du film, le bruit d’un hélicoptère évoque immédiatement les images inoubliables d’Apocalypse Now, le grand-œuvre de Coppola sur le VietNam. Huit ans plus tard, le cinéaste renoue avec le conflit, avec un point de vue radicalement différent tout en multipliant les références au classique de 1979, jusque dans le nom de ses deux personnages principaux (Willow et Hazard, comme deux facettes de Willard). De la guerre elle-même, on ne verra rien directement : quelques images diffusées à la télé seulement. Même cet hélicoptère entendu est l’objet d’un exercice, loin, bien loin du front.

Il n’est pourtant question que de la guerre, dans ce film qui se passe intégralement autour du cimetière militaire d’Arlington, en Virginie, où un peloton de prestige est chargé d’accompagner tous les soldats tués au combat dans des cérémonies d’inhumation tout en protocoles. Des scènes vues cent fois dans le cinéma américain, mais jamais filmées comme ici, Coppola nous plongeant réellement au cœur de ces manœuvres si ritualisées, au plus près des visages et des costumes.

Mais le tour de force de Jardins de pierre est ailleurs : dans ce que le film dit de l’horreur de la guerre, du dégoût et de la colère qu’elle provoque chez ces soldats qui savent mener une mission importante, tout en ayant le sentiment de ne pas être à leur place, d’être inutiles. Un tiraillement que Coppola synthétise dans le beau personnage douloureux de James Caan, que le cinéaste retrouve quinze ans après Le Parrain.

Il est beau ce personnage, parce qu’il est profondément humain, jusque dans ses excès et ses fragilités. Grande gueule, mais incapable de sortir une phrase lors de sa première soirée avec cette jolie voisine qui lui plaît tant (Anjelica Huston), écœuré par cette guerre mais trépignant de ne pouvoir y retourner… Un homme complexe, qui prend sous son aile le fils d’un ancien camarade de combat, jeune sous-officier promis à un grand avenir.

Sauf qu’on sait bien que non. Le film commence par une première cérémonie d’enterrement, qui est le sien. Et cette mort pèse sur tout le film, donnant un visage à tous ces autres morts dont on ne sait rien. Dans cet environnement d’hommes, où les femmes jouent un rôle primordial, il est question de devoir, de responsabilité, d’honneur, d’amitié. C’est peut-être le plus fordien des films de Coppola (la voix truculente de James Earl Jones évoque celles de Victor McLaglen ou de Ward Bond), l’un des plus intimes et l’un des plus émouvants.

Jardins de pierre s’inscrit en tout cas parfaitement dans cette décennie 1980 de Coppola, mésestimée mais passionnante, entièrement tournée vers les échos d’un passé révolu. D’Outsiders à Peggy Sue s’est mariée en passant par ce Jardins de pierre, cette décennie aussi est pleine de perles incomparables.

Rusty James (Rumble Fish) – de Francis Ford Coppola – 1983

Posté : 5 avril, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, COPPOLA Francis Ford | Pas de commentaires »

Rusty James

Very, very bad trip pour Matt Dillon, alias Rusty James. A peine sorti de Outsiders, grand film désenchanté sur une certaine jeunesse américaine, l’acteur reste pour Coppola l’incarnation de cette jeunesse paumée, condamnée par des rêves d’ailleurs qui n’ont pas de prise. A ceci près que, ici, les rêves eux-mêmes ne font plus même rêver.

Lorsque le film commence, Rusty James se prépare pour une baston comme on en faisait autrefois, sans trop y croire lui-même, traînant dans son sillage une bande qui n’a plus de bande que le nom. Il erre, avec le souvenir d’un grand frère disparu depuis quelque temps, qui était pour lui l’unique guide possible : une sorte de bad boy à l’ancienne, dernier survivant d’une ère de mauvais garçons à l’ancienne. Rien d’étonnant à ce que leur père soit incarné par Dennis Hopper, comparse de James Dean, image iconique qu’on ne peut pas ne pas invoquer.

Mais le grand frère réapparaît. C’est Mickey Rourke, plus marmoréen que jamais, le regard paumé, la voix basse, la dégaine désabusée. Un prince de la rue pour tous, presque une icône lui aussi, mais avant tout un type qui sort à peine de l’enfance, et qui paraît déjà usé par la vie, incapable de voir la vie autrement qu’en noir et blanc.

C’est d’ailleurs ainsi que Coppola filme son récit : en noir et blanc, avec une étrange froideur qui déstabilise d’abord, malgré le style hyper esthétisant qui évoque par moments le cinéma de Lynch. Mais cette froideur, cette distance, font bientôt sens : c’est le point de vue de Rusty James et de son frère, le Motorcyle Boy, qu’adopte Coppola. Et ce point de vue est totalement dépassionné, privé d’horizon.

En Californie, où il a fui un temps à la recherche d’un ailleurs, le Motorcycle Boy n’a pas même vu l’Océan. « Pour moi, la Californie est un rivage », s’étonne Rusty James. A la place, il n’a vu qu’un fantôme qui lui a renvoyé la perte déjà si lointaine de son innocence. « J’ai cessé d’être enfant à 5 ans », constate-t-il simplement.

Très différent d’Outsiders (et de Peggy Sue s’est marié, le troisième film que Coppola consacre à la jeunesse dans les années 80), Rusty James est l’un des films les plus personnels et ambitieux du cinéaste, par sa forme. C’est aussi l’un de ses plus désenchantés, et l’un des plus beaux. Et de Nicolas Cage à Dennis Hopper, en passant par Tom Waits ou Diane Lane, son film est plein de personnages inoubliables.

Peggy Sue s’est mariée (Peggy Sue got married) – de Francis Ford Coppola – 1986

Posté : 4 mars, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, CARRADINE John, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Peggy Sue s'est mariée

Le film ne peut pas ne pas être une réponse à Retour vers le Futur, sorti un an plus tôt. Une réaction, plutôt, comme si Coppola voulait s’approprier de la manière la plus intime qui soit cette histoire, qu’il n’a pourtant pas écrite (c’est une commande, qui n’était même pas faite pour lui), mais dont il tire un film que l’on sent totalement personnel.

Comme beaucoup de ses films des années 80, il y a le rapport à son propre passé, à la nostalgie d’une époque heureuse et fondatrice. Contrairement au film de Zemeckis, ce n’est pas un ado qui retourne dans le passé pour découvrir la jeunesse de ses parents, mais une femme mûre, qui se confronte à sa propre jeunesse.

Et contrairement à Zemeckis, Coppola n’a pas besoin d’une DeLorean pour réussir ce voyage vers autrefois. Il suffit d’exacerber l’émotion, dans une séquence d’une intensité folle, sorte de condensé magique de ce que représente la force du cinéma : Peggy Sue est sacrée reine de la promo vingt-cinq ans plus tard lors d’une soirée avec ses anciens camarades de lycée, où le passé est omniprésent, avec les expériences souvent douloureuses et le poids des années en plus. Elle est sur le point de divorcer de celui avec qui elle elle formait un couple si magique, Crazy Charlie, à qui Nicolas Cage apporte un décalage plein de force.

Il y a dans Peggy Sue s’est mariée une simplicité, une pureté même, qui bouleverse. Peggy Sue, le rôle de sa vie pour Kathleen Turner, est à un tournant de sa vie d’adulte, où ses rêves de jeunesse semblent tous envolés. Revivre cette période déterminante est l’occasion de réparer les erreurs commises… « Si j’avais su alors ce que je sais aujourd’hui, j’aurais fait bien des choses autrement. »… Hmm… Mais Peggy Sue s’est mariée, c’est un fait établi, presque historique.

Confronter la femme riche de son expérience à son univers d’adolescente donne beaucoup de moments légers, d’autres graves, mais surtout une émotion constante qui nous ramène à notre propre nostalgie. Peggy Sue incapable de parler à cette grand-mère qu’elle aimait tant (Maureen O’Sullivan), ou retrouvant la jeunesse oubliée de sa mère… Des moments simples, mais d’une beauté foudroyante.

C’est aussi un film sur la perception, sur ce qu’on fait de ses souvenirs. Deux plans étranges le soulignent au début et à la fin. Deux plans où la caméra fait face à un miroir, qui n’est pas vraiment là : les reflets sont remplacés par des doublures de dos, dont les mouvements ne sont pas absolument synchronisés. La vérité n’est pas toujours exactement telle qu’on se l’imagine. Les sentiments et l’émotion, eux, ne mentent pas. C’est très beau.

Outsiders (The Outsiders) – de Francis Ford Coppola – 1983

Posté : 12 novembre, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, COPPOLA Francis Ford, CRUISE Tom | Pas de commentaires »

Outsiders

Après le flop de Coup de cœur, Coppola devait trouver le bon sujet pour sauver sa société Zoetrope de la faillite… C’est un groupe d’étudiants qui le lui apporte sur un plateau, en lui demandant d’adapter cette histoire, quelque part entre West Side Story et Grease.

Loin de son univers, a priori : deux gangs de jeunes citadins qui s’affrontent. D’un côté, les Greasers, pauvres gamins sans argent et sans parents. De l’autre, les Socs, fils de riches vivants du bon côté de la ville, mais tout aussi paumés. Parce que quel que soit l’endroit d’où on le regarde, le coucher de soleil est le même, comme le dit l’un des personnages.

Les couchers de soleil… omniprésents et sublimes, comme le symbole d’une innocence perdue, de la perte, ou du début d’autre chose. Un symbole qui était déjà au cœur d’Autant en emporte le vent, auquel on pense fortement : pour les couleurs du crépuscule et ces superbes clairs obscurs, mais aussi parce que le libre lui-même revient régulièrement dans l’histoire.

De ce sujet improbable pour lui, Coppola tire un film d’une beauté renversante. Visuellement, donc, mais aussi et surtout pour cette déchirante nostalgie, ce sentiment de perte que Coppola instille par de longs plans d’une élégance folle, avec une utilisation magistrale et très subtiles de musiques et chansons célèbres (celles d’Elvis, notamment).

Totalement sous le charme de ce film tragique et superbe, et pas seulement pour son extraordinaire casting, qui voit les quasi-débuts de C. Thomas Howell, Matt Dillon, Rob Lowe, Ralph Macchio, Emilio Estevez, Patrick Swayze et Tom Cruise. De ce sujet presque anodin, Coppola tire tout simplement l’un de ses plus beaux films. Une merveille.

Apocalypse Now (id.) – de Francis Ford Coppola – 1979 (Redux : 2001)

Posté : 24 septembre, 2020 @ 8:00 dans 1970-1979, 2000-2009, COPPOLA Francis Ford, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

Apocalypse Now

Un monument, bien sûr. Mais un monument comme il n’en existe pas tant dans l’histoire du cinéma : Apocalypse Now est une œuvre ultime, de ces films où la narration s’efface au profit de la sensation. Pas un meilleur film que Le Parrain par exemple, non, mais Coppola réussit une chose rare ici : faire vivre au spectateur l’espèce de transe dans laquelle lui-même semblait être au moment où il tournait le film, un voyage jusqu’au-boutiste aux frontières de la folie qui est aussi celui de son personnage principal, le rôle d’une vie pour Martin Sheen.

Des expériences comme celle-ci sont précieuses dans la vie d’un cinéphile. Découvrir Apocalypse Now trop jeune, ou dans de mauvaises conditions, peut faire passer à côté d’un film immense. Ça a été longtemps été mon cas, jusqu’à la sortie en salles de la version Redux, remontée par Coppola lui-même en 2001. Un choc sensoriel, plus qu’esthétique, qui n’aura d’équivalent dans ma vie de cinéphile que le Lost Highway de David Lynch et une poignée d’autres (Le Cheval de Turin de Béla Tarr ou la saison 3 de Twin Peaks… encore de Lynch).

Apocalypse Now est un film tellement immense que tout a été dit à son sujet. Rien de pertinent à ajouter, donc, si ce n’est cette expérience personnelle dont je ne me suis pas remis, vingt ans après. Du coup, ce n’est pas la toute nouvelle version « Final Cut » re-re-montée par Coppola l’année dernière que j’ai découverte, mais cette version Redux déjà si forte que j’ai revue. Son aspect hypnotique reste intact…

Dès les premières notes du fameux « The End » des Doors qui ouvre le film, nous voilà pris dans les vapeurs éthyliques de Willard, cet officier américain dont on ne peut que ressentir les effets qu’ont eu sur lui des mois passés au VietNam. Le film est fort, parce que Coppola ne prend jamais la tangente. Son sujet : c’est le voyage mental de Willard, cet Américain qu’on imagine sans histoire confronté à un monde devenu fou, à une violence quotidienne et grotesque.

On suit sa remontée du fleuve vers le territoire ennemi comme dans un état second, fasciné par la lumière et les sons comme hors du temps, halluciné par les outrances d’un officier grande gueule (Robert Duvall) qui aime rien tant que de balancer du napalm avant de lancer, d’un air soudain nostalgique : « un jour, tout ça s’arrêtera »… Cette adaptation si personnelle d’un roman de Joseph Conrad est devenu l’un des films les plus percutants sur le VietNam, et sur la guerre en générale.

Et un immense chef d’œuvre du cinéma, dont on ressort exsangue.

This is the end
My only friend
And all the children are insane
Waiting for the summer rain…

L’Idéaliste (The Rainmaker) – de Francis Ford Coppola – 1997

Posté : 5 septembre, 2019 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, COPPOLA Francis Ford | Pas de commentaires »

L'Idéaliste

Film de commande, adaptation par un grand auteur déchu d’un petit maître du polar juridique, simple « film de prétoire »… Tout ça est vrai, sans doute. Dans la filmographie grandiose de Coppola, The Rainmaker fait figure de petite chose anecdotique, ne serait-ce que par ses ambitions modestes.

Sauf que cette petite chose modeste et anecdotique pour Coppola aura tout d’un sommet pour des tas d’autres réalisateurs honorables. L’Idéaliste est même la meilleure adaptation d’un roman de John Grisham, et l’un des meilleurs films de prétoire de cette décennie qui en compte beaucoup.

Cela tient, un peu, à l’intrigue riche en tension et en émotion. Cela tient aussi, et surtout, à l’élégance, la simplicité et l’intelligence d’une mise en scène classique et précise, à cette manière qu’a Coppola de filmer la vérité de ses personnages, de glisser une pointe d’humour dans une scène tendue, de contrebalancer un moment tragique par une pirouette inattendue. Bref, à son talent pour faire apparaître la vie, la vraie, de personnages ou de scènes qui peuvent sembler familiers. La vie avec ses aberrations, ses surprises, ses déceptions… On sent que c’est ce thème qui a attiré Coppola : cette envie de confronter des personnages qui n’y sont pas préparés aux accidents de la vie.

Et quel casting pour porter cette histoire : Matt Damon, parfait en jeune « puceau du barreau » qui connaîtra le plus grand dépucelage de l’histoire du droit en défendant la famille d’un jeune homme mourant de la leucémie contre le puissant assureur qui n’a pas voulu payer l’opération qui pouvait lui sauver la vie ; Mickey Rourke en avocat tripatouilleur ; Jon Voight en ténor sans scrupule ; Danny De Vito en caution humoristique (mais pas que)… Ajoutez Claire Danes en femme battue, Virginia Madsen en témoin dépressive, Roy Sheider en big boss hautain et détestable, et même Teresa Wright (oui, celle de L’Ombre d’un doute d’Hitchcock) en vieille femme digne…

Le film compte bien des personnages. Pas un n’est sacrifié. Pas même ce père paumé (joué par Red West) qui semble condamné à ne faire que de la figuration, éclusant son alcool en arrière-plan, mais dont on comprend peu à peu qu’il n’est pas l’abruti qu’on croit et que c’est sa douleur qu’il dissimule dans l’alcool. Sans un mot, ou presque, et en une poignée de scènes seulement, il habite le film de sa présence digne et douloureuse.

Mineur, L’Idéaliste ? Peu-être, mais des films mineurs comme ça, je veux en voir tous les jours.

Conversation secrète (The Conversation) – de Francis Ford Coppola – 1974

Posté : 20 juin, 2017 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, COPPOLA Francis Ford, FORD Harrison, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

Conversation secrète

Entre deux Parrains ici et ici (et deux Oscars du meilleur film), Coppola change radicalement de style (et décroche une Palme d’or). Au lyrisme sublime de ses films sur la mafia (ou, plus tard, de son grand œuvre sur la guerre du VietNam, Apocalypse Now), le cinéaste oppose cette fois un minimalisme qui a souvent fait dire que Conversation secrète était un film plus personnel dans sa carrière.

C’est sans doute faux, mais le fait est que la réussite de ce film apporte une autre dimension à la filmographie de Coppola, qui n’est donc pas que le cinéaste de l’emphase et de la surenchère. Cela dit, c’est bien le triomphe (critique et populaire) du Parrain qui a permis à Coppola de mettre en images ce scénario qu’il avait écrit plusieurs années auparavant.

Dès la scène d’ouverture, ont sent que le réalisateur, également producteur, est dépouillé de toute contrainte. Cela commence donc par une séquence aussi énigmatique que virtuose, qui reviendra tout au long du film, un peu sur le modèle de Blow Up (ou plus tard de Blow Out) : divers objectifs et micros sont braqués sur une place bondée et tentent d’accrocher la conversation qui se noue entre un homme et une femme, tandis qu’un troisième larron les observe sans en avoir l’air.

On est alors en pleine crise du Watergate (même si le film a été écrit avant), et l’Amérique renoue avec la paranoïa post-Dallas. Conversation secrète donne corps à cette politique de l’intrusion et des écoutes illégales, avec une intrigue complexe entièrement basée sur la paranoïa, où la violence n’est jamais plein écran, mais où le danger semble pouvoir sortir de n’importe quel visage avenant. Le (petit) rôle du tout jeune Harrison Ford est en cela très marquant : sa seule présence, même s’il ne fait pas grand-chose pour cela, fait naître un profond malaise.

Le film démystifie aussi cette paranoïa, cette image d’une puissance cachée omniprésente et toute puissante. Car la « main armée » des écoutes, incarnée par un Gene Hackman formidable, est lui-même la première victime de ces intrusions dans la sphère privée. Un homme dont la vie tourne entièrement autour de celles des autres, de personnes qu’il ne connaît qu’à travers des écrans, et qui s’enferme de plus en plus dans une solitude pathétique.

Cotton Club (The Cotton Club) – de Francis Ford Coppola – 1984

Posté : 15 décembre, 2015 @ 7:00 dans * Films de gangsters, * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, COPPOLA Francis Ford | Pas de commentaires »

Cotton Club

Coppola qui renoue avec l’univers des gangsters ? Difficile de ne pas penser au Parrain… Pourtant, à part une explosion de violence sur fond de numéro musical, qui évoque les règlements de compte sur fond d’opéra de son grand-œuvre, vers la fin du film, le ton est radicalement différent dans cette évocation de l’Amérique des années 1928 à 1931. La forme aussi d’ailleurs.

Plutôt qu’un film de gangsters, Coppola préfère réinventer cette période qui a tant inspiré le cinéma : celle des débuts du parlant, de la crise économique, des gangsters mythiques comme Dutch Schultz ou Lucky Luciano (deux personnages centraux du film), et surtout celle du swing et de la musique noire américaine qui rythmait les soirées folles, notamment dans le fameux Cotton Club, célèbre pour ne présenter que des numéros de noirs (tout en étant réservé à une clientèle blanche).

Coppola filme une Amérique totalement musicale. Son film n’est pas à proprement parler une comédie musicale (à l’exception de la dernière séquence), mais la musique est omniprésente, et fait bien plus qu’accompagner l’action : elle l’incarne, à travers les destins croisés des deux personnages principaux, Dixie le musicien blanc (Richard Gere) et Sandman le tanseur de claquettes noir (Gregory Hines).

Deux personnages qui vivent pour leur art, tournés vers les autres. Deux personnages pour qui la famille est une valeur centrale. Deux personnages qui affichent un sourire et un optimisme qui semblent à toute épreuve. Mais deux personnages prisonniers de leur époque et de cette Amérique pas si légère : l’un confronté aux préjugés raciaux, l’autre embringué malgré lui dans la cohabitation avec les plus grands gangsters de son temps.

Cotton Club est à la fois grand et un peu raté. Grand, parce que Coppola en fait une sorte de mouvement perpétuel fascinant et très séduisant. Un peu raté parce que cet exercice de style paraît par moments étrangement désincarné. La faute à un Richard Gere un rien transparent ? Ou à un ton qui oscille constamment entre le grave et le léger sans paraître réussir à faire un choix.

Coppola filme bien un monde dangereux et violent, avec une poignée de séquences particulièrement cruelles (la mort de Nicolas Cage, petit frère de Dixie, petite frappe qui se prend pour un caïd). Mais c’est bien dans la légéreté et l’ironie qu’il fait mouche. Le plus beau ? Les scènes de retrouvailles : celle très émouvante de Gregory Hines et son frère au milieu d’un numéro. Et celle surtout du ponte de la mafia Owney Madden (Bob Hoskins) et de son gorille Frenchy (Fred Gwynne). Hilarante et génialement décalée.

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