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Archive pour la catégorie 'VANEL Charles'

La Peur / Vertige d’un soir – de Viktor Tourjanski – 1936

Posté : 15 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, TOURJANSKI Viktor, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Peur  Vertige d'un soir

Une femme mariée de la belle société viennoise trompe son ennui avec un amant, jusqu’à ce qu’une « escroqueuse » qui semble tout connaître d’elle vienne lui soutirer de l’argent, l’enfermant dans un mensonge dont elle ne parvient pas à se sortir…

C’est l’histoire, toute en simplicité et en tension, de La Peur, formidable longue nouvelle signée Stefan Zweig, qui dresse sous les aspects d’une histoire qui pourrait être celle d’un roman noir le portrait d’une jeune femme étouffée par les conventions, qui pourrait être une lointaine parente d’Emma Bovary.

L’adaptation que réalise Viktor Tourjanski (et que co-signe Joseph Kessel) ne reprend de cette nouvelle que la trame, pour la transposer dans un Paris contemporain, d’où les conventions semblent nettement moins prégnantes.

Pour tirer un long métrage de ces quelques dizaines de pages, un long prologue est ajouté, ne nous cachant rien de ce « vertige d’un soir » auquel a cédé la jeune héroïne (jouée par Gaby Morlay), comme une manière d’éradiquer toute la complexité de ce personnage qui, sur le papier, était mue par quelque chose qui ressemble à une envie de vivre sa vie librement.

A l’écran, elle est essentiellement une bonne épouse qui a cédé un unique soir et presque à son corps défendant à une simple pulsion qui eût été sans suite s’il n’y avait eu cette insistance de l’amant d’un soir, et le chantage dont elle est bientôt la victime.

Peu de mystère aussi autour de la figure du mari, que Charles Vanel incarne avec une grande justesse (est-il capable de ne pas être juste ?), mais aussi avec une extrême douceur, et une vraie douleur. Comme s’il était, lui, victime de la situation.

Sans déflorer son dialogue final, soulignons quand même que le mari est un avocat qui, contrairement à celui de la nouvelle, défend un homme qui a tué sa femme qui l’avait trompé, obtenant son acquittement à la suite d’un plaidoyer flamboyant… pour justifier un crime passionnel.

C’est sans doute ce qui dérange le plus dans cette adaptation, qui sonne presque comme une trahison, transformant une magnifique évocation du pardon et de la résilience en un geste un peu désincarné et franchement patriarcal. Et si vous relisiez Zweig, plutôt…

Le Salaire de la peur – de Henri-Georges Clouzot – 1953

Posté : 8 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, CLOUZOT Henri-Georges, Palmes d'Or, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Le Salaire de la peur

Les remakes ont parfois du bon. Sans préjuger des qualités de celui du Salaire de la peur, sur lesquelles je reviendrai (ou pas), cette production Netflix a au moins l’intérêt de remettre à l’honneur le classique de Clouzot, que la plateforme a la bonne idée de proposer également, dans une version d’une qualité à peu près parfaite.

Belle occasion, donc, de revoir ce chef d’œuvre qui reste un sommet du genre. Mais de quel genre, au fait ? Le cinéma d’aventure ? C’est évidemment à ce genre que le film s’apparente le plus. Mais rien d’héroïque dans cette histoire d’une poignée d’Européens coincés dans une contrée pauvre et désertique d’Amérique du Sud, où ils rêvent tout haut de pouvoir se payer le billet du bateau qui les ramènerait au bercail.

Le Salaire de la peur, c’est en quelque sorte Le Trésor de la Sierra Madre baigné dans une douloureuse nostalgie. Comment sont-ils arrivés ici ? Cela importe peu. Mais le sort de cette poignée d’hommes a quelque chose de profondément et cyniquement grotesque, à l’image de l’arrivée du personnage de Charles Vanel, qui affiche encore une espèce de superbe dont quelques-uns font mine d’être dupes.

Comme le personnage d’Yves Montand, parce qu’il a besoin de se raccrocher au premier signe d’espoir qui se présente à lui, et que Vanel, avec son beau costume qui ne restera pas longtemps blanc, est ce qui y ressemble le plus, dans son quotidien fait d’ennui, de poussière, de chaleur écrasante et de triste séduction.

Du Salaire de la peur, on ne retient souvent que le suspense de ces camions chargés de nitroglycérine traversant des paysages abrupts et des pistes pleines de pièges. C’est vrai qu’elles sont exceptionnelles. Mais c’est oublier un peu vite toute la première partie, soit un bon tiers du film, qui n’est faite que de cette attente, des visages de ces Occidentaux peu aimables qui, en quelque sorte, expérimentent bien contre le gré le retour de bâton du colonialisme dont leurs pays sont tous des acteurs majeurs.

Politique, Le Salaire de la peur ? Clouzot ne l’est jamais frontalement, pas plus qu’il ne l’était dans Le Corbeau, son premier chef d’œuvre. Mais l’idée est bien là. Et cette première partie, pathétique et terriblement sombre, est tout aussi forte que la suite, plus spectaculaire, l’ensemble affichant une parfaite cohérence autour d’un sentiment qui domine, au-delà du suspense : l’absurdité.

Absurde, la présence de ces hommes dans cet endroit du monde. Absurdes, les rapports humains qui s’y nouent. Absurde, leur unique espoir qui repose sur une mission suicide. Absurde, le « sacrifice » que se permet Montand. Absurde, la conclusionLe Salaire de la peur, c’est du grand cinéma pour aborder une bien triste humanité…

Pêcheur d’Islande – de Jacques de Baroncelli – 1924

Posté : 25 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DE BARONCELLI Jacques, FILMS MUETS, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Pêcheur d'Islande

Comme la passion et les espoirs de la pauvre Gaud, qui attend désespérément que son rustre de marin lui déclare son amour, le film de Jacques de Baroncelli souffle constamment le chaud et le froid, et nous fait passer d’un désintérêt poli à un enthousiasme fervent. L’effet des embruns bretons, sans doute…

Gaud, jeune femme de Paimpol au visage taillée pour la tragédie… Les drames, d’ailleurs, s’accumulent autour d’elle. C’est le destin des femmes bretonnes, qui se retrouvent au pied de la croix des veuves, d’où l’on voit le mieux les bateaux rentrer au port… ou ne pas rentrer. Tout un symbole, donc, cette Gaud, qui a le regard triste et débordant d’amour de Sandra Milowanoff, jeune actrice révélée chez Louis Feuillade, et qui connaîtra une brève mais belle carrière jusqu’à la fin du muet.

Jusqu’à Dans la nuit à vrai dire, le film que réalisera Charles Vanel en 1929. Et c’est justement Charles Vanel qui interprète ici le marin rustre, celui qui ne se décide pas à déclarer son amour. Grand acteur, décidément, y compris dans ses jeunes années, où sa forte stature ne dissimule qu’à moitié une grande sensibilité ravalée. Il est formidable Vanel, dans ses doutes et dans ses obstinations, dans sa manière d’éviter le regard de Gaud, et de regarder la Mer, son autre amour.

Le vrai personnage principal de cette adaptation du roman de Pierre Loti (Charles Vanel jouera un rôle secondaire dans une autre adaptation, très libre, que tournera Pierre Schoendorffer trente-cinq ans plus tard), c’est elle, la mer. Et c’est peut-être un peu ambitieux pour Jacques de Baroncelli, qui n’a ni le regard poétique de Jean Epstein (Finis Terrae), ni le génie dramatique de Duvivier (La Divine Croisière), et qui ne réussit pas totalement à faire de la mer une entité vraiment forte.

Il y met les moyens pourtant (bon… pas dans le choix des maquettes de bateau, qui font très… maquettes de bateau), avec un montage savant et l’utilisation de transparences pour le coup joliment dramatiques. Les scènes les plus amples sont appliquées, un peu sages. Mais la magie opère pleinement dans quelques scènes remarquables, parfois très fugaces.

La main d’une veuve qui caresse celle de Gaud, la grand-mère qui assiste à travers un drap à une demande en mariage tant attendue, ou encore, et surtout, l’étonnante rencontre au large et en pleine brume avec un « vaisseau fantôme », moment où le temps semble suspendu visuellement magnifique et émotionnellement très fort.

La Proie du vent – de René Clair – 1926

Posté : 8 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, CLAIR René, FILMS MUETS, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Proie du vent

Voilà un film parfait pour illustrer la manière dont la mise en scène peut transcender un sujet. Celui de La Proie du vent aurait pu accoucher d’une petite chose anodine et sans grande conséquence. René Clair en fait un modèle de virtuosité, un film profondément immersif qui fait de la vitesse et de l’action les motifs principaux.

Le film intrigue dès les premières minutes, qui narrent deux histoires sans rapport apparent en séquences parallèles. D’une part, les voyages d’un aviateur à qui est confié le soin d’ouvrir une nouvelle ligne commerciale. D’autre part, le désespoir d’une jeune femme jetée au fond d’un cachot avec sa mère mourante, dans un pays d’Europe de l’Est en pleine révolution. Ce n’est pas la Russie mais un pays imaginaire du nom de « Libanie », mais l’ombre de la Révolution de 1917 plane : le film est produit par Albatros, la compagnie des Russes blancs installés à Paris.

Bref. Comment donc ces deux intrigues vont-elles se rencontrer ? Par le biais d’un atterrissage forcé dans le parc d’un château au cœur d’une immense forêt, épisode trop beau pour être vraiment vrai, surtout que l’aviateur (Charles Vanel, la gueule d’un mec sur le point de faire de grosses bêtises) tombe amoureux de la maîtresse des lieux, amour qui semble réciproque, et lui aussi trop beau pour être vrai.

Ce qui compte, ce n’est pas tant l’histoire, dont on voit arriver le rebondissement gros comme une maison mais ce que fait René Clair des séquences de suspense, ou d’action. Les scènes aérienne d’abord, réalisées avec l’aide d’Albert Préjean, qui se contente de jouer les figurants entre deux réglages de séquences spectaculaires vues du ciel. Et plus encore les moments de doutes et de tensions, dont Clair fait des morceaux de bravoure qui nous plongent dans les interrogations de son héros.

Une scène, notamment, impressionne. Celle où Vanel observe derrière sa fenêtre le rai de lumière de la chambre d’en face, derrière lequel son cerveau rongé par la jalousie imagine le pire des scénarios. Ou cette pseudo-course poursuite d’une virtuosité assez dingue, où tout est vitesse et intensité. C’est brillant, jamais gratuit, toujours au service non de l’intrigue, mais de l’impression : avec ce film, René Clair semble déjà avoir tout compris au langage cinématographique, comme art de créer de la sensation.

Le feu aux poudres – de Henri Decoin – 1957

Posté : 20 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DECOIN Henri, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Le Feu aux poudres

En mode mineur, Decoin, avec cette histoire de trafic d’armes et de flic infiltré dans le port de Sète. Ce qui frappe en tout premier lieu, c’est la forme limite caricaturale des personnages auxquels on a un peu de mal à croire, pas aidés c’est vrai par les dialogues manquant de naturel d’Albert Simonin.

Raymond Pellegrin convainc très moyennement en jeune premier dont on comprend très vite qu’il est un flic infiltré. Peter Van Eyck n’est guère plus convaincant en trafiquant oscillant entre un charme tout en suavité et une jalousie maladive.

Il faut dire que l’objet de sa jalousie est Françoise Fabian, toute jeune et très belle, dans un rôle de nymphomane qui promet d’apporter une petite touche d’originalité à ce polar. Hélas, ces promesses ne sont tenues que dans la première scène et dans la toute dernière partie, où sa seule présence crée une sorte de malaise, souligné par un beau jeu sur le contre-jour. Entre deux, dommage que son personnage ne soit cantonné à un simple rôle de joli faire-valoir.

Guère convaincant, le film se regarde pourtant avec un certain plaisir, grâce au savoir-faire de Decoin qui réussit quelques scènes joliment tendues. Hésitant un peu sur le ton à adopter, il oscille entre la noirceur et une certaine légèreté, avec quelques beaux moments dans tous les tons : une fusillade finale parfaitement tendue, ou un intermède chanté par Dario Moreno (qui tient un rôle secondaire mais important de trafiquant jovial) et plein de charme.

Grand plaisir aussi de voir le grand méchant Charles Vanel jouant les amnésiques alors qu’il est interrogé par un jeune flic nommé Lino Ventura. Ce n’est pas fondamental, certes, mais c’est déjà beaucoup.

La Loi du Nord / La Piste du Nord – de Jacques Feyder – 1939-1942

Posté : 26 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, 1940-1949, FEYDER Jacques, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Loi du Nord

Un richissime magnat de l’acier de New York tue l’amant de sa femme. Condamné, il s’évade et s’enfuit avec sa secrétaire dans le grand Nord canadien, où il s’alloue les services d’un trappeur chevronné. Ce dernier tombe amoureux de la secrétaire, tandis qu’un caporal de la police montée se lance à leur poursuite et les rejoint bientôt…

Un grand film d’aventure dans les vastes paysages du cercle polaire ? Ce n’est clairement pas ça qui attire Jacques Feyder dans ce projet, pour ce qui sera son avant-dernier film. Certes, il filme le froid et le vent des paysages recouverts de neige. Certes, il y a une vraie tension tout au long de ce périple vers une hypothétique liberté. Mais ce n’est clairement pas ça qui est au cœur du film.

D’ailleurs, Feyder ne fait pas grand-chose pour dissimuler le côté « studio » de son grand Nord. De la même manière qu’il élude soigneusement tous les moments les plus spectaculaires. Le héros s’évade ? Oui, mais au cours d’une audacieuse ellipse qui ne nous dévoile strictement rien des circonstances. L’un des personnages fait une chute qui pourrait être mortelle ? Oui, mais en arrière-plan, et de manière presque subreptice.

Le crime initial : filmé en quelques plans secs et rapides. Le procès : évacué en quelques minutes un peu lourdaude. On le sent d’emblée : tout le film converge vers quelque chose. Pas la course-poursuite dans la neige non plus, qu’une rencontre préalable entre le chasseur et ses proies prend bien soin de désamorcer. Plutôt vers le moment où, enfin, les quatre personnages principaux se retrouvent ensemble, coupés du monde, entourés par une nature hostile.

Et c’est là que le film devient vraiment passionnant, lorsqu’il met en scène trois hommes que tout oppose mais que réunit une même femme. Il faut dire que c’est Michèle Morgan, au sommet de sa grâce, femme de cœur et femme de poigne, qui ne se contente pas d’aimer benoîtement. Loin de là même : c’est elle le moteur de l’intrigue, c’est elle qui prend systématiquement les choses en main, l’air de rien.

Autour d’elle, trois spécimens de virilité revendiquée : le riche homme d’affaires dont elle admire la puissance et qu’interprète Pierre Richard-Willm ; l’officier de la police montée qui perd tous ses moyens à l’apparition d’une femme si belle, beau rôle encore pour Charles Vanel ; et le trappeur Louis avec sa belle gueule toute troublée de découvrir l’amour… L’unique rôle de Jacques Terrane, dont la carrière frémissante d’acteur a été interrompue par la guerre, et par sa mort prématurée en 1941, à l’âge de 25 ans.

Le Domino vert – de Herbert Selpin et Henri Decoin – 1935

Posté : 21 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, SELPIN Herbert, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Le Domino vert

Le Domino vert est un film important pour Danielle Darrieux comme pour Henri Decoin. Parce que c’est leur première collaboration, et que de cette collaboration naîtront une poignée de films formidables et deux carrières exemplaires du cinéma français. C’est aussi un film assez anecdotique en soi, l’adaptation d’une pièce de théâtre qui évite soigneusement les écueils du théâtre filmé, mais pas les lenteurs d’un cinéma d’avantage narratif que visuel.

Pour faire court : Decoin fera nettement mieux que ce drame sur deux époques, qui ressemble à beaucoup de films évoquant le destin brisé d’une mère martyr. Danielle Darrieux donc, toute jeune et dévorant l’écran, déjà, dans le double-rôle d’une jeune femme apprenant tardivement que son père est en prison pour un meurtre commis vingt ans plus tôt, et de la mère de celle-ci dans un long flash-back qui occupe la plus grande partie du film.

Decoin fera nettement mieux, donc. Mais il n’est que partiellement responsable des faiblesses de ce Domino vert. Le film de Decoin, produit par le futur patron de la Continental pendant l’Occupation Alfred Greven, est en fait la version française d’un film allemand signé Herbert Selpin. N’ayant pas vu la version allemande, difficile de savoir à quel point Decoin a pu imposer sa propre vision. Il n’est en tout cas pas crédité comme réalisateur, mais pour la « collaboration française », ça ne s’invente pas.

Le film manque de rythme, tire en longueur, et ne parvient pas à tirer l’émotion qui semble pourtant évidente sur le papier. Pas la plus grande réussite de Decoin, assurément. Mais en dépit de ses lenteurs, le film évite tous les pièces du théâtre filmé. Et puis il y a les acteurs, formidables : Charles Vanel dans un rôle très secondaire d’amoureux transi, Jany Holt en garce magnifique et crispante, et surtout Danielle Darrieux, déjà impériale dans ce double-rôle qu’elle incarne avec un naturel, une intensité et un charme qui n’appartiennent qu’à elle.

L’Assaut – de Pierre-Jean Ducis – 1936

Posté : 15 février, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DUCIS Pierre-Jean, VANEL Charles | Pas de commentaires »

L'Assaut 1936

Existe-t-il un gage de qualité imparable pour le cinéma français des années 30 ou 40 ? Eh bien oui : Charles Vanel. La filmographie de l’acteur est longue comme le bras, et pas une fois il n’a semblé à côté de la plaque, pas à sa place, ou pas simplement formidable. Il l’est une nouvelle fois ici, dans le rôle d’un chef de parti politique dont l’ascension irrésistible est contrariée par les assertions d’un maître chanteur.

Vanel, une nouvelle fois, est l’atout principal de ce film adapté d’une pièce d’Henri Bernstein, à qui il confère sa dignité, et un mélange de force et de fragilité. « L’assaut », c’est celui de la meute, ces forces contraires qui apparaissent pour tenter de mettre à terre un homme qui a voulu s’élever au-dessus des autres, dixit l’homme en question : Charles Vanel, en député en pleine ascension qu’un article de presse vient diffamer.

C’est l’éternelle histoire du doute qui s’instille lorsqu’une accusation, même infondée, vient salir le plus honnête des hommes. Le doute qui circule sur les terrasses des bistrots où l’on commente l’affaire, mais aussi celui que le diffamé lit dans le regard de ses proches. Digne mais ébranlé, Charles Vanel apporte un mélange de force tranquille et de fragilité menacée à son personnage.

Mais c’est dans une sorte de parenthèse dans l’histoire qu’il se montre le plus émouvant : lorsque la jeune femme qu’il croyait destinée à son fils déclare son amour pour lui, « vieillard » de 53 ans (oui, à chaque période ses vieillards) résigné depuis longtemps à vivre dans le souvenir de son épouse décédée depuis des années. Entre l’actrice Alice Field et lui se passe alors un très beau moment de cinéma, assez bouleversant.

Belle figure de patriarche entouré d’enfants aimants (dont Madeleine Robinson, toute jeunette et déjà très bien), de conseillers plus ou moins fidèles, et de cette jeune femme qui pourrait être sa fille (il rêvait d’ailleurs qu’elle épouse son fils).

A l’exception d’Alerme, joyeusement gourmand en influenceur de l’ombre, on ne peut pas dire que les seconds rôles soient surprenants, ni même franchement profonds. Mais ce petit film malin donne une vision assez passionnante du milieu politique de la 3e République, mais aussi d’une certaine bourgeoisie provinciale. Et puis Pierre-Jean Ducis (qui??) signe une réalisation souvent très inspirée, avec quelques fulgurances. On retiendra en particulier le splendide travelling fendant la foule avec lequel on entre dans l’enceinte du tribunal. Le genre de plans qui mérite à lui seul de découvrir un film.

L’Aîné des Ferchaux – de Jean-Pierre Melville – 1963

Posté : 15 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, d'après Simenon, MELVILLE Jean-Pierre, VANEL Charles | Pas de commentaires »

L'Aîné des Ferchaux

Le film s’ouvre sur une scène de boxe d’un rare tragique. La voix off de Belmondo le précise : ce combat est sa chance de devenir professionnel, à condition qu’il le gagne. On sait bien qu’il le perdra… Belmondo n’a peut-être jamais été aussi proche d’un anti-héros de film noir américain que dans ce film, dont l’action se déroule justement en grande partie de l’autre côté de l’Atlantique, sur les routes d’une Amérique populaire, loin des clichés glamours, mais si proche de l’image qu’en donne le film noir.

Belmondo, jeune homme qui fait le deuil de la vie qu’il aurait pu avoir, embauché comme « secrétaire particulier » par Charles Vanel, vieil homme qui fait le deuil de la vie qu’il a eue. Lui est un tout puissant banquier poussé à prendre la fuite pour éviter la prison qu’un scandale provoqué par son arrogance lui promet. Les deux hommes se trouvent, d’une certaine manière, tous deux cyniques et dénués de toute empathie. A ceci près que le vieux est riche et acculé, et le jeune pauvre et affamé.

Comment voulez-vous qu’une telle rencontre donne lieu à un semblant d’optimisme. Ce n’est clairement pas la vision de Melville, qui adapte ici un roman de Simenon, le seul de sa carrière, l’un de ses grands hommages au cinéma américain qui l’a tant nourri. Il y est question de Frank Sinatra, de Marlon Brando. Mais c’est plutôt la silhouette d’Alan Ladd ou de Robert Mitchum que l’on entrevoit derrière la démarche lasse de Belmondo, superbe dans le dernier de ses trois Melville.

Melville filme l’Amérique comme peu de cinéastes français l’on fait, à travers un road trip fascinant, qui dévoile le pathétique de ce « couple » improvisé dans l’urgence : deux hommes opposés sur à peu près tout si ce n’est le cynisme et l’indifférence, et qui se replient peu à peu l’un sur l’autre. L’Aîné des Ferchaux n’est pas le plus typique des films de Melville. Pas le plus aimable non plus, avec ses longues scènes d’affrontement silencieux entre deux personnages antipathiques.

Mais la longueur de ces scènes et le côté inconfortable de l’entreprise font beaucoup pour rendre palpable le sentiment d’enfermement ressenti par les deux hommes, magnifié par la belle musique de Georges Delerue. Et puis il y a Vanel et Belmondo, formidables malgré les conditions du tournage (Belmondo a, au mieux, viré le Stetson et les lunettes noires de Melville après que ce dernier s’en est pris un peu trop violemment à Vanel, incident qui a marqué la rupture définitive entre le cinéaste et le jeune acteur). Leur rencontre, pathétique et tendue, est une raison bien suffisante pour redécouvrir le film.

La Maison du Mystère – Alexandre Volkoff – 1922

Posté : 8 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1920-1929, FILMS MUETS, VANEL Charles, VOLKOFF Alexandre | Pas de commentaires »

La Maison du mystère 1

Alexandre Volkoff (réalisateur) et Ivan Mosjoukine (acteur) font partie de ces Russes blancs exilés en France après 1917, qui ont fondé Albatros, enthousiasmante maison de production à qui on doit quelques-uns des meilleurs films de l’époque, films dont les équipes étaient majoritairement russes, mais qui sont pour la plupart très ancrés dans la culture française.

C’est le cas de ce formidable serial en dix épisodes, chef d’œuvre qui évite tous les pièges trop souvent associés au genre : rebondissements téléphonés, personnages caricaturaux, situations improbables. Il y a des tonnes de rebondissements, des drames, du suspense, de l’action aussi, et des émotions qui vous emportent. Il y a aussi et surtout une profondeur, une justesse et une intensité qui ne retombe jamais au fil des épisodes, à la fois cohérents et constamment surprenants.

Volkoff, cinéaste que je découvre, apparaît aussi comme un formidable formaliste, dont chaque plan est admirablement construit, et qui utilise la lumière d’une manière particulièrement forte. La Maison du mystère, grand film dont les 6h30 s’avalent avec gourmandise et passion.

1. L’ami félon

Ça commence comme un marivaudage très léger : le jeune et riche propriétaire d’une usine textile peine à demander la main de la femme qu’il aime… qui finira par le faire à sa place. Le ton est au badinage, voire à la comédie : les mimiques gênées du jeune amoureux (Ivan Mosjoukine), le temps que Volkoff accorde à cette parade prénuptiale… et même un trucage inattendu (images montées à l’envers) qui permet au fiancé de littéralement bondir sur la selle d’un cheval.

La première partie est légère, et permet de présenter le décor et les personnages. La seconde met en place les tensions, et le drame qui se noue. Un triangle amoureux en l’occurrence, le gérant et ami d’enfance du héros étant amoureux de la même femme (Hélène Darly), et rêvant de briser le couple. Le félon, c’est Charles Vanel, le regard torve et la lippe haineuse, qu’on découvre prêt à lâcher un molosse sur un pauvre mendiant et son fils. C’est dire s’il est méchant.

Entre ces deux parties, la noce, illustrée par une suite de tableaux en ombres chinoises, absolument magnifiques, et totalement coupés esthétiquement du reste du film. Une parenthèse très séduisante qui souligne bien l’ambition esthétique du film, et ces parti-pris qui peuvent manquer de cohérence, mais qui ne manquent pas d’audace. On retiendra aussi, dans un style à peu près contraire à ces espèces d’estampes japonisantes, une belle utilisation de la lumière naturelle, plongeant le couple dans un beau contre-jour, ou le « félon » dans une pâture baignée de soleil.

2. Le Secret de l’étang

Le drame se noue plus intensément dans ce deuxième épisode plus court, et plus condensé. Beaucoup de mouvements, beaucoup de suspense… Ce qui frappe le plus, c’est alternance de scènes d’intérieur dans de vastes décors un peu vides, et des extérieurs où la végétation et la nature en général jouent un grand rôle, particulièrement autour de l’étang dont les hautes herbes semblent coupées de la réalité. La lumière naturelle est vive, et éclatante. Elle contribue étrangement à distiller un malaise grandissant.

3. L’Ambition au service de la haine

Très sombre troisième partie. Notre héros réalise que tout l’accuse du crime qui a été commis, tandis que le vrai criminel tente de se débarrasser d’un maître chanteur… Charles Vanel, dont on a l’impression d’entendre la voix si reconnaissable dès qu’il ouvre la bouche, se transforme littéralement sous l’effet de la haine et de la folle détermination. Le couple Hélène Darly Ivan Mosjoukine prend quant à lui des allures expiatoires, elle en madone au chevet d’un enfant, lui dans une position très christique…

La Maison du mystère 2

4. L’Implacable verdict

L’intensité ne fait que croître, sans que jamais Volkoff et Mosjoukine (co-scénariste) ne cèdent à la facilité de rebondissements trop attendus. La série prend le pas de s’intéresser à chaque personnage, et de montrer comment le drame qui s’est noué à influer sur eux. Volkoff garde épisode après épisode la même exigence, la même ambition esthétique. L’utilisation des lumières, naturelles ou artificielles, reste exemplaire, et les recherches formelles sont constantes à l’image de l’arrestation de Julien, filmée par une brusque plongée spectaculaire illustrant l’étau qui se referme sur lui.

5. Le Pont vivant

Outre une superbe utilisation de la lumière, il faut aussi attribuer à Volkoff un grand sens du rythme et de la narration. Ce cinquième épisode, en particulier, témoigne d’une immense maîtrise narrative, dans la spectaculaire évasion de Julien Villandrit, que l’on voit certes venir, mais qui fait plus que tenir ses promesses. La manière dont il filme (et monte) la course-poursuite entre le train et les gardiens, et l’utilisation qu’il fait des décors rocheux, sont franchement impressionnantes jusqu’à cet improbable « pont vivant » qui donne son titre à l’épisode.

Tellement haletant, inventif et passionnant qu’on pardonne bien volontiers quelques petites facilités scénaristiques : la découverte du journal découpé (comment a-t-il pu ne pas le détruire ???), ou le chapeau malencontreusement oublié… Des détails, franchement, au regard de la réussite de l’ensemble.

6. La Voix du sang

Après l’action du trépidant épisode précédent, place à l’émotion. Julien retrouve sa fille dans une très longue séquence d’une beauté déchirante, dont la dernière partie n’est filmée qu’en gros plans qui font un bien fou. Après les retrouvailles viennent l’heure des séparations déchirantes : la déclaration de guerre, les personnages principaux qui s’engagent tous d’une manière ou d’une autre, et les années qui défilent de 1914 à 1919 comme un enchaînement d’images déshumanisées, en quelques minutes à peine, mais qui font ressentir le poids, une fois encore, du temps qui passe si cruellement… Dans l’épure et l’ellipse aussi, La Maison du Mystère est une grande réussite.

7. Les Caprices du destin

Les masques tombent, Julien renoue avec ses grands amours perdus, et le spectateur verse toutes les larmes de son corps dans cet épisode poignant et intense. Une fois encore, le destin (et les quelques raccourcis scénaristiques déjà évoqués) ramène notre héros sur les lieux de son passé. Sous les traits, inattendus, d’un clown qui perd totalement contenance lorsque son regard croise ceux de sa femme et de sa fille hilares, assises près de celui qui lui a pris sa vie (Vanel, donc).

Il y a à la fois du Borzage et du Browning dans ces passages-là, romantiques et marqués par le sceau du destin. Le marivaudage de la fillette devenue jeune femme et de son fiancé devant une affiche arborant l’immense visage du père méconnaissable est ainsi déchirant. Comme les regards échangés, comme les retrouvailles tant de fois reportées. Comme les embrassades, enfin, superbes.

8. Champ clos

Retrouvailles, suite. La tragédie, l’attente, la libération. Superbe épisode, encore une fois, où Volkoff entremêle plus que jamais l’intensité du drame humain et le suspense du film de genre. A l’extase des retrouvailles succède ainsi un face-à-face sous haute tension entre les deux antagonistes de l’histoire, et une longue et puissance bagarre à mains nus, qui se termine sur un à-pic impressionnant. Modèle de mise en scène et de montage, encore une fois. Modèle d’intensité dramatique aussi, qui ne fait que s’accroître au fil des épisodes.

9. Les Angoisses de Corradin

Drames humains, suspense, beauté des cadresLe rythme s’emballe au fur et à mesure que la conclusion se rapproche. Charles Vanel abandonne définitivement sa suavité pour ne plus laisser apparaître que son caractère retors, qui domine lors d’une séquence sous haute tension dans les ruines du château.

Et puis il y a la beauté et la force des images, ces cadrages qui donnent tant d’importance à la profondeur de champs et à la lumière. C’est particulièrement fort dans la maison de Rudeberg, lorsque le vieux jardinier prend une décision majeure tandis que, à l’arrière-plan, son fils adoré est en plein tourment.

10. Le Triomphe de l’amour

Un travelling avant qui se termine en gros plan sur le visage de Christiane, la fille devenue grande du héros. Le même plan qui s’éloigne… Trois fois rien, vraiment, un simple mouvement d’appareil tellement discret, mais qui en dit plus que tous les dialogues sur les tourments de la jeune femme. Le serial est plein de ces moments d’une modernité folle, jamais tape-à-l’œil, toujours au service de l’histoire et de l’émotion.

De bout en bout, jusqu’à une dernière séquence formidable (ce plan de Corradin s’éloignant à l’arrière plan, entre deux gendarmes), Volkoff aura réussi à maintenir à la fois le rythme et l’intensité de son histoire, et un style inventif et moderne, d’une fluidité remarquable. Grand serial. Grand film tout court.

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