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Archive pour la catégorie 'NOLAN Christopher'

Oppenheimer (id.) – de Christopher Nolan – 2023

Posté : 15 octobre, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Oppenheimer

On ne peut pas lui enlever ça : Christopher Nolan est un cinéaste ambitieux, qui a envie de tirer le blockbuster américain vers le haut. Et il y réussit évidemment, d’une manière même assez éclatante. Avec Oppenheimer peut-être encore plus qu’avec ses films précédents : parce que l’histoire est authentique, et que son récit est strictement cantonné dans les limites de ce qu’on appelle la réalité. Et parce que derrière le biopic se cache une réflexion sur la responsabilité assez passionnante.

Et comme le film a cartonné, quitte à en remontrer à la plupart des films franchisés de l’été, on ne peut que s’en réjouir. Surtout qu’Oppenheimer est un film très réussi, visuellement impressionnant, et porté par un Cillian Murphy qui gagne enfin ses galons de tête d’affiche après des tas de seconds rôles chez Nolan, et qui s’avère la meilleure idée d’un film qui n’en manque pas. Loin de Peaky Blinders, Murphy, grands yeux profonds et moue troublante, apporte une complexité infinie au personnage d’Oppenheimer.

Mais Nolan a, depuis que The Dark Knight a fait de lui le chevalier blanc du blockbuster d’auteur à haute portée psychologico-philosophique, une forte tendance à se prendre au sérieux. C’est souvent très convainquant dans les images, mais parfois pompeux dans l’écriture. Ou l’inverse. Inception et Interstellar notamment, films formidables d’une certaine manière, avaient marqué les limites d’un cinéaste qui se rêve en néo-Kubrick alors que son talent est ailleurs : dans sa manière de mettre en image des sensations, des perceptions.

Ses défauts et ses qualités sont particulièrement frappants dans Oppenheimer, film assez brillant, intense, impressionnant et souvent fin, qui chausse parfois de gros sabots et complexifie inutilement le récit, en ajoutant un suspense qui n’apporte rien au fond, et qui finit même par prendre le dessus dans la dernière partie, autour du personnage (très convaincant par ailleurs) de Robert Downey Jr.

Cette intrigue-là aurait pu être au cœur d’un autre film. Ici, elle donne le sentiment que Nolan veut toujours en donner plus. Oppenheimer aurait sans doute gagné à se recentrer sur le parcours mental et intellectuel du père de la bombe atomique, sur ses dilemmes moraux. Cette partie là, qui constitue le cœur d’un film au récit chronologiquement éclaté, est passionnante… mais plombée dans ses moments les plus spectaculaires (le grand essai dans le désert, la conférence de l’après-Hirochima) par une utilisation assourdissante du son.

C’est un autre travers auquel Nolan a tendance à céder : la tentation du trop plein, de la surenchère. Chez lui, les effets visuels sont souvent énormes, quitte à frôler le trop plein (la ville qui se retourne dans Inception). Ici, ils sont particulièrement réussis, peut-être parce que Nolan jure ne pas avoir eu recours aux effets numériques, tous les effets visuels ayant été réalisés « pour de vrai » devant la caméra. En revanche, c’est le son qui est ici énorme, et finit par tout dévorer, recouvrant la force des images et l’incarnation de Murphy.

Reste que dans le paysage général des blockbusters hollywoodiens, celui-ci a franchement belle allure. On fait la fine bouche, comme ça, parce qu’on sent bien que Nolan a les moyens de réussir d’authentiques grands films. Mais que pour ça, il lui faudrait peut-être renoncer à sa tentation de l’excès et du trop-plein.

Memento (id.) – de Christopher Nolan – 2000

Posté : 1 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Memento

Il en a fait du chemin, Christopher Nolan, depuis ce Memento qui a tant marqué les esprits au tout début des années 2000. C’était son deuxième film, son premier tourné dans des conditions confortables, et il était déjà le cinéaste de la perception et du rapport au temps qu’il n’a jamais cessé d’être, creusant ses obsessions avec des moyens de plus en plus énormes.

Au Messie du blockbuster, on peut toutefois préféré le réalisateur habité des premiers temps. Celui qui transcende un pur film de genre dans Insomnia. Ou celui qui s’amuse brillamment à nous glisser dans l’esprit d’un type qui oublie ses souvenirs immédiats toutes les quelques minutes.

Deux ans avant le très surfait Irréversible, Nolan se colle au scénario à rebours. Mais contrairement à Gaspar Noé, chez qui le procédé n’était qu’un effet choc et méprisant, lui a une bonne raison de raconter son histoire en commençant par la fin : en remontant peu à peu le temps, il place le spectateur dans la même ignorance que le héros avec sa « condition », pour utiliser le terme qu’il ne cesse de répéter.

Modèle de scénario (d’après une histoire du frangin Nolan, Jonathan), Memento ne triche jamais avec son procédé, et réussit le prodige d’être un authentique suspense, et un mystère qui se résout à l’envers : qui a tué la femme de notre héros, qui mène l’enquête tout en oubliant régulièrement ses découvertes. Un vrai tour de force, original et angoissant, auquel l’interprétation étrangement froide de Guy Pearce donne le mystère idéal.

On est chez Nolan. La question de la perception est donc centrale. Elle est même omniprésente, tant les polaroïds et les tatouages que se fait le héros pour ne pas perdre le fil sèment le trouble. Peut-on condamner quelqu’un sur les bases de notes disséminées ? Peut-on croire ce que l’on voit, sans remettre en question ses propres certitudes ? Le spectateur, témoin et acteur, se fait allégrement et brillamment manipuler…

Dunkerque (Dunkirk) – de Christopher Nolan – 2017

Posté : 7 septembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Dunkerque

En mai 1940, 400000 soldats alliés se retrouvent encerclés autour de Dunkerque, à portée de vue ou presque des côtes anglaises. Acculés sur terre, attaqués par les avions et les sous-marins allemands, ils tentent en vain de prendre la mer. L’Angleterre organise une vaste opération de sauvetage qui incluse l’intervention de centaines de bateaux civils qui, tous, convergent vers Dunkerque.

Cette défaite glorieuse, qui marque en quelque sorte la deuxième partie de la guerre, a inspiré plusieurs films à travers les décennies (dès 1942, dans Mme Minniver, et jusqu’à Week-end à Zuytcoot ou Reviens-moi). Forcément, Christopher Nolan ne pouvait pas en filmer une simple relecture. Sur le fond, rien de bien nouveau en fait. Nolan raconte l’histoire à travers les regards croisés de plusieurs personnages, trois essentiellement : un soldat coincé sur la plage (Fionn Whitehead), un marin à bord de son bateau de plaisance (Mark Rylance), et un pilote de la Royal Air Force (Tom Hardy).

Que Christopher Nolan nous plonge littéralement au cœur de la bataille n’est pas étonnant. D’abord parce que Spielberg et son Soldat Ryan, tous les réalisateurs qui s’attaquent à la seconde guerre mondiale s’inscrivent dans cette même ambition. Et puis parce que Nolan est avant tout un cinéaste de la perception. Dès les premières scènes, il nous y plonge totalement, avec une maîtrise de son art assez impressionnante, d’une efficacité et d’une fluidité de mouvement extraordinaires.

Une maîtrise presque trop parfaite, même : passées les premières minutes, volontairement foutraques, on ne ressent plus vraiment cette sensation de chaos qui nous saisit lorsque les premières bombes explosent, ce sentiment que les personnages ne savent pas vraiment ce qui se passe autour d’eux. L’action est toujours parfaitement compréhensible, et la tension d’une densité rare, qui vous serre le cœur jusqu’à la dernière image.

Les meilleurs films de Nolan sont souvent ceux dans lesquels il réfrène ses penchants aux scénarios emberlificotés. Dunkerque, pour le coup, est un film d’une simplicité extrême, si on cherche à en résumer l’histoire. Pas pour autant un recul dans les ambitions de Nolan. A la perception liée à la bataille à proprement parler, avec ses morts, ses explosions et ses peurs, s’ajoute une perception temporelle étonnante : les trois points de vue qui s’entremêlent ont chacun leur propre échelle de temps.

Sur la plage, le film raconte une semaine de survie ; sur le bateau, une journée ; dans l’avion, une heure. Parti-pris audacieux que Nolan introduit un peu lourdement par des surtitres introductifs, mais qu’il aborde là aussi avec une étonnante fluidité. Il joue avec ces échelles de temps différentes, qui prennent tout leur sens lorsqu’elles s’entrecroisent et se rejoignent. Et qui participent à l’intensité de ce nouveau trop sensoriel de Nolan, moins tape-à-l’œil et tout aussi brillant que son Interstellar.

Interstellar (id.) – de Christopher Nolan – 2014

Posté : 30 septembre, 2017 @ 8:00 dans 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

Interstellar

Jusqu’où va-t-il réussir à aller toujours plus loin ? Christopher Nolan, qui fut un cinéaste exceptionnel lorsqu’il était plus modeste (j’avoue une passion qui ne se dément pas pour Insomnia, son formidable thriller insomniaque), affirme film après film son nouveau statut d’excellent cinéaste démesuré. Avec son frangin Jonathan à l’écriture, Nolan a une imagination extraordinaire, et un sens du spectacle tout aussi impressionnant.

Mais le lecteur attentif l’aura remarqué : entre « exceptionnel » et « excellent », il y a un monde. Et quitte à fâcher quelques fans, il me semble que les premiers films du réalisateur de Memento marquaient la rétine et les esprits un peu plus longtemps que des superproductions comme l’impressionnant et vain Inception, ou même ce Interstellar, certes passionnant, spectaculaire et, en un mot, brillant, mais au final étrangement désincarné.

On comprend bien qu’avec ce fameux dernier quart d’heure, Nolan a voulu s’inscrire dans la lignée du Kubrick métaphysique de 2001 l’odyssée de l’espace. Il le fait d’ailleurs avec intelligence, dans une sorte de paradoxe spacio-temporel envoûtant qui donne le moment le plus étourdissant du film, sans le caractère insondable de 2001. Mais dans cet entre-deux qui éclaire tous les mystères de la première partie, c’est l’émotion qui se fait la belle, en ne laissant que des traces…

Et c’est bien dommage, parce que c’est là que Nolan est le plus prometteur, en axant dès le début son histoire de science-fiction sur un père et sa fille privés l’un de l’autre. Nolan se fait même le plus souvent l’héritier de John Ford, plutôt que de Kubrick. Le Ford de La Prisonnière du désert, avec le personnage de Matthew McConaughey (décidément formidable), obsessionnel et bouleversant, qui laisse ce qui reste de sa famille pour une longue quête peut-être sans retour.

Au cœur du film, il y a une idée extraordinaire, basée sur le paradoxe temporel, et qui se résume à une ligne de dialogue, une phrase du père à sa fille (jouée, à l’âge adulte, par la superbe Jessica Chastain) : « Quand je reviendrai, nous aurons peut-être le même âge » (ou quelque chose comme ça). Une idée magnifique, déchirante, et qui en partie tient ses promesses.

En partie seulement, parce que Nolan, quand même, a de grandes idées de grandeur, une imagination foisonnante, et une envie un peu trop marquée de tout mettre à l’écran, sans faire de choix. Alors oui, je fais la fine bouche. Interstellar est l’un des blockbusters les plus aboutis, les plus passionnants de ces dernières années, avec les meilleurs acteurs de leurs générations (Chastain et McConaughey, mais aussi Michael Caine, un fidèle du réalisateur). Mais on sent bien que Nolan, cinéaste et scénariste exceptionnels, a force de ne pas choisir, est passé juste à côté d’un grand chef d’œuvre. Et ça, c’est un rien frustrant.

The Dark Knight rises (id.) – de Christopher Nolan – 2012

Posté : 26 août, 2012 @ 10:57 dans 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, NOLAN Christopher | Pas de commentaires »

The Dark Knight rises

Etrange sensation à la sortie de The Dark Knight rises : à la fois hyper-excité par l’un des blockbusters les plus ébouriffants de ces dernières années, et un peu frustré aussi. Quels que soient ses défauts (trop long, Nolan a des centaines d’idées et refuse obstinément de faire des choix), le film est en tout cas une excellente conclusion d’une trilogie assez géniale. En tout cas tenue d’un bout à l’autre sur un même cap, ce qui n’est vraiment pas si courant. Malgré le succès, immense, malgré les moyens, démesurés, Nolan a su rester fidèle à ce qu’il voulait montrer : le destin tragique d’un homme prêt à se sacrifier pour une société qui le lui fait pas de cadeaux, mais à qui ses parents avaient déjà donné leur vie.

Producteur avisé, Nolan ne ferme pas non plus la porte à un prolongement de ces aventures. La fin ouverte laisse penser qu’il y aura bien un après, et que cet après ne sera pas un énième reboot. Mais quoi qu’il arrive, c’est la fin d’une époque. La relève est prête.

Vrai suite, annoncée dès la fin du précédent volet, ce troisième Batman est dominée par deux personnages-clés des précédents volets, morts mais pourtant omniprésents : Ra’s al Ghul (Liam Neeson dans Batman begins) et Harvey Dent (Aaron Eckhart dans The Dark Knight). Dent, élevé au rang d’icône dont l’image guide une cité de Gotham enfin débarrassée de ses démons (il n’y aurait pas quelque chose de religieux derrière tout ça… ?). C’est d’ailleurs pour sauvegarder cette icône que Batman a accepté d’endosser le costume du criminel à abattre.

Huit ans ont passé, et Batman a totalement disparu. Quant à Bruce Wayne, il s’est mué en riche ermite à la longue barbe, sorte de Howard Hughes (la comparaison est explicite) qui pleure la mort de sa bien aimée autant que son propre destin. Il faudra l’irruption d’une jolie cambrioleuse, d’une jolie milliardaire (oui, il est bien entouré quand même) et d’un mystérieux homme masqué, héritier de Ra’s al Ghul, pour le sortir de sa retraite. Il faudra aussi une nouvelle menace de destruction totale de Gotham…

Difficile de résumer l’intrigue, tant les pistes sont nombreuses et s’imbriquent étroitement. Mais comme toujours, tout en parsemant son film d’incroyables moments d’anthologie (dès la première séquence, l’attaque à main armée d’un avion en vol… par l’extérieur ), c’est aux personnages que Nolan s’intéresse le plus.

Et les personnages ne manquent pas autour d’un Batman/Bruce Wayne plus tourmenté que jamais. Gordon, Alfred et Lucius sont de retour, et gagnent en complexité. Et beaucoup de nouveaux venus : Catwoman, le futur Robin, la milliardaire Miranda, le super méchant Bane… On pourrait se dire que c’est trop, que forcément certains vont être sacrifiés, mais non : Nolan parvient à les faire vivre, en leur donnant une belle profondeur. Il faut dire qu’il prend le temps : 2h45 de métrage quand même.

Anne Hathaway, surtout, est parfaite en Selina/Catwoman. Nolan, qui sait bien qu’il ne fera pas oublier la Michelle Pfeiffer de Batman le défi, prend une autre direction (comme il l’avait fait pour son Joker, différent de celui de Jack Nicholson dans le Batman de Burton). Entre humour, charme, cynisme et agilité, sa Catwoman n’a rien de surnaturel ou d’innocence perdue. Elle est juste une très bonne voleuse en quête d’une seconde chance. Une simplicité qui semble même un peu fade dans la première partie du film, mais qui finit par emporter l’adhésion.

Joseph Gordon-Levitt, lui, trouve un rôle en or, de ceux qui transforment un jeune acteur qui monte en vraie star (comme le Ringo de La Chevauchée fantastique pour John Wayne, disons). Ce jeune flic intègre et courageux est le vrai héros de ce troisième film. Et les dernières minutes sont pleines de promesses pour lui, en ce qui concerne de probables suites…

Quant au grand méchant Bane, interprété par le massif et fascinant Tom Hardy, il est évidemment impressionnant. Hardy a une présence magnétique, dommage quand même que Nolan se prive (et nous prive) de sa gueule incroyable en le cachant derrière un masque du début à la fin.

Hélas, il y a un maillon faible, et c’est Marion Cotillard qui décroche la timbale. Je l’aime pourtant depuis des années, mais elle est un peu à côté de la plaque, dans un rôle (Miranda) qui est, c’est vrai, le moins bien écrit de tous. Sans relief et téléphoné, son personnage cache un secret qu’on devine dès les premières minutes alors que c’est censé être le grand twist du film.

C’est un peu embêtant, mais pas de quoi gâcher le plaisir de ce film démesuré et pourtant très humain. Reste à espérer que l’avènement annoncé de Robin soit confié à un réalisateur d’une autre trempe que Joel Schumacher, réalisateur des calamiteux Batman forever et Batman and Robin

The Dark Knight, le chevalier noir (The Dark Knight) – de Christopher Nolan – 2009

Posté : 25 juin, 2012 @ 10:46 dans 2000-2009, FANTASTIQUE/SF, NOLAN Christopher | 2 commentaires »

The Dark Knight

La question a déchiré les amoureux du justicier de Gothman City : ce deuxième Batman de l’ère Christopher Nolan est-il le meilleur de tous ? Je continue à placer Batman le défi, le chef d’œuvre de Tim Burton, sur la plus haute marche, mais The Dark Knight est une vraie, et grande réussite. Comme dans Batman begins, Nolan cite régulièrement les films de Tim Burton, avec une noirceur tout aussi marquante, mais avec un réalisme revendiqué.

Prolongement direct du précédent (qui se terminait d’ailleurs par une scène-teasing qui annonçait l’arrivée du Joker), The Dark Knight va plus loin sur tous les plans : plus spectaculaire, plus noir, plus pessimiste, plus foisonnant, le film reprend les mêmes thèmes, mais avec une ambition décuplée. Et le résultat est à la hauteur, ce qui confirme l’adage bien connu : meilleur est le méchant, meilleur est le film.

En parlant de méchant, la prestation de Heath Ledger a été largement acclamée, d’autant plus que le jeune acteur était mort quand le film est sorti. Monstrueux et impressionnant, il fait du Joker un méchant d’anthologie sidérant et mystérieux, très loin du cartoonesque Jack Nicholson du premier Batman de Burton. Aussi barré que le grand Jack, aussi machiavélique, mais nettement plus profond, d’autant plus que, à la différence de Burton, Nolan ne dit rien de la genèse de ce super-méchant, qui s’invente autant de passés qu’il a d’interlocuteurs. Pourquoi est-il si méchant ? Parce que !

Il y a toutefois une injustice autour de la géniale prestation de Heath Ledger : aussi impressionnante soit-elle, elle ne mérite pas qu’on oublie comme cela a été fait celle de Aaron Eckhart. Car le procureur Harvey Dent qu’il interprète est bel et bien le plus grand personnage du film, le plus attachant et le plus repoussant qui soit, le plus séduisant et le plus tragique. Quand on pense au Double-Face interprété par Tommy Lee Jones (au creux de la vague, alors) dans les années 90, on réalise à quel point Joel Schumacher a plongé la mythologie de Batman dans des méandres de nullité.

Pour le reste, on est en terrain connu : Christian Bale apporte au justicier masqué le trouble nécessaire, Michael Caine est parfait en majordome, Morgan Freeman itou en variation batmanienne de Q, et Gary Oldman est toujours aussi génial en commissaire Gordon. Film de la surenchère, The Dark Knight enchaîne les séquences d’anthologie, avec des faux Batman en pagaille, un semi-remorque qui se retourne à la verticale, et des dizaines de moments inoubliables.

Reste plus qu’à attendre le prochain Batman, qu’on nous annonce encore plus sombre et spectaculaire. Christopher Nolan place la barre très haut !

Batman begins (id.) – de Christopher Nolan – 2005

Posté : 24 juin, 2012 @ 10:17 dans 2000-2009, FANTASTIQUE/SF, NOLAN Christopher | 1 commentaire »

Batman begins

Ce Batman-là gagne à être revu. J’avais gardé le souvenir d’un curieux mélange des genres, à la fois adaptation assumée de comics, et film noir et âpre. Pas très convaincant. A le revoir quelques années après la sortie, le mélange des genres est toujours aussi marquant, mais le jugement est nettement plus positif. Gonflée et originale, cette renaissance du justicier masqué (pas Zorro, l’autre), dix ans après la double-torture infligée par Joel Schumacher, est un film d’une grande audace, et absolument passionnant.

Audacieux, Christopher Nolan, qui sortait de son très sous-estimé Insomnia, se permet de ne sortir le costume de Batman qu’au bout de près d’une heure de métrage. Conçu dès le départ comme le premier volet d’une trilogie (c’est en tout cas ce qu’il affirme alors que le troisième opus est TRES attendu), ce Batman begins porte bien son nom, tout entier consacré à la naissance du justicier masqué.

Ainsi, toute la première partie raconte la descente aux enfers de l’héritier le plus riche et le plus puissant de Gotham City : Bruce Wayne, playboy un peu inconséquent marqué par l’assassinat de ses parents quand il était gosse, dans un flash-back qui fait le pont avec le premier Batman de Tim Burton, dont Nolan se démarque très nettement tout en le respectant visiblement. Hanté par son deuil, hanté par le Mal qui gangrène la mégalopole de plus en plus profondément, Bruce sent qu’il a un rôle à jouer, mais qu’il doit dépasser ses peurs. Le voilà alors parti pour un voyage qui pourrait être sans fin, qui le mène dans les pires prisons des pays de l’Est, puis dans une sorte de monastère dans les sommets du Népal.

Les années passent, et Bruce apprend. Nolan prend le temps de s’intéresser à cet apprentissage, d’en dévoiler longuement toutes les étapes. Et cette première moitié du film contribue à la noirceur du personnage, qui en devient totalement crédible (pas évident, a priori, de rendre convaincante la psychologie d’un type qui se déguise en chauve-souris pour affronter les méchants), et d’une profondeur inattendue.

Réalisateur très ambitieux, Nolan n’est ici pas aussi sensoriel que pour Memento ou Insomnia, mais sa mise en scène, brute et directe, est d’une efficacité redoutable, et le gigantisme de son film ne prend jamais le pas sur la profondeur de ses personnages.

Casting impeccable, aussi, avec un Christian Bale qui dose parfaitement le personnage de Batman/Bruce Wayne, à la fois ultra-entraîné, et d’une grande vulnérabilité. Les seconds rôles, de Morgan Freeman à Michael Caine en passant par Liam Neeson, sont excellents. Mention spéciale à Gary Oldman, génial dans le rôle du commissaire Gordon, loin de l’imposant Pat Hingle des précédents Batman. Flic intègre et usé par la corruption généralisée qui l’entoure, il contribue largement à ancrer le film dans un réalisme troublant, que Nolan approfondira encore dans les suites, The Dark Knight.

• Voir aussi : The Dark Knight rises.

Insomnia (id.) – de Christopher Nolan – 2002

Posté : 10 janvier, 2011 @ 5:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, NOLAN Christopher, PACINO Al | Pas de commentaires »

Insomnia

« Dormir », semble susurrer Al Pacino en décrochant le téléphone. A vrai dire, c’est son nom (Dormer) qu’il annonce, mais toute l’atmosphère de ce thriller génial est résumée dans ce simple mot. Dormer, donc, est un grand flic new yorkais qu’on envoie enquêter sur le meurtre d’une jeune étudiante, dans une bourgade paumée d’Alaska, à une époque où la nuit ne tombe jamais. Une « petite » enquête qui lui permet d’échapper pour un temps à l’enquête interne dont il est l’objet.

Nolan fait très fort avec ce film de genre qui succède à Memento, parce qu’il ne tombe jamais dans le piège pourtant très tentant de la surenchère. Le face-à-face entre le superflic et le tueur tient toutes ses promesses, mais le tueur en question n’est pas un génie du crime à la Seven : c’est un pauvre type auquel Robin Williams apporte une belle profondeur, une fêlure presque touchante.

Le vrai sujet du film, ce n’est évidemment pas l’enquête, mais le tourbillon personnel dans lequel se retrouve Dormer/Pacino. Et Nolan a un talent fou pour embarquer le spectateur dans ce tourbillon mental, au cœur des tourments professionnels de Dormer, qu’aggrave son incapacité à trouver le sommeil dans cette terre où il ne fait jamais nuit. Cela donne quelques très grands moments de cinéma : en choisissant la simplicité (contrairement à Inception), Nolan ne signe pas seulement son meilleur film, il réussit à créer une atmosphère qu’il tient de bout en bout.

On ne voit pas le film, on le vit, comme si on était dans la tête de Dormer, comme si le manque de sommeil nous touchait aussi. D’où le trouble immense lorsque Dormer tue son équipier, qui s’apprêtait à le balancer : est-ce un accident, ou un acte délibéré ? Nolan laisse planer le doute jusqu’au bout.

Pacino est exceptionnel, bien sûr. Sa prestation, dans Insomnia, est sans doute sa meilleure depuis L’Impasse. Le regard hagard, les épaules voûtées, ce « grand flic » révèle ses fêlures, son humanité, et rappelle que, malgré des choix un peu douteux ces dernières années, Pacino est l’un des plus grands qui soit…

 

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