Massacre pour un fauve (Rampage) – de Phil Karlson – 1963
De Phil Karlson, on connaît surtout les films noirs (Le Quatrième Homme, Les Frères Rico, L’Inexorable enquête… que du bon), et quelques westerns très recommandables (en particulier Le Salaire de la violence, formidable). Mais sa filmographie, très largement méconnue, dépasse largement les frontières de ces deux genres. La preuve avec ce film d’aventures qui flirte ouvertement du côté de Hatari !, le film de Hawks, sorti l’année précédente.
Une expédition est montée autour de deux hommes radicalement différents, pour trouver et capturer des tigres et une panthère quasi-mythique dans les vastes paysages de Malaisie. L’un est un grand chasseur anglais, qui collectionne les trophées, souvenirs des innombrables animaux qu’il a tués à travers le monde. L’autre est un trappeur américain, qui préfère les animaux vivants (mais qui ne voit aucun inconvénient à les mettre en cage ou à les parquer dans un zoo)…
Deux hommes, deux styles, deux visions de la vie, et une belle jeune femme entre les deux, dont on comprend vite qu’elle est la véritable proie que se disputent les deux mâles alphas. Elle, c’est Elsa Martinelli (qui était déjà, tiens, dans Hatari !). Eux, c’est Jack Hawkins et Robert Mitchum. Le premier, homme vieillissant qui cache mal ses doutes derrière un flegme surjoué. Le second, impérial et d’une étonnante modestie.
Le triangle amoureux qui se forme, et les dialogues constamment lourds en sous-entendus plus ou moins délicats, pourraient porter à sourire. Mais Karlson lui donne une intensité inattendue, et trouve un délicat équilibre entre la bluette en plein air et les scènes plus tendues de capture d’animaux, d’affrontements virils, ou de traque urbaine.
Bien sûr, on est loin des polars qu’on lui connaît. Tourné en décors réels la plupart du temps, le film bénéficie visiblement d’un budget très confortable. Et Karlson s’y montre très inspiré pour filmer les (beaux) paysages, mais aussi les animaux avec quelques plans rapprochés assez bluffants, à la fois dans la partie « exotique » et dans la partie « civilisée ».
Le film reprend en effet une construction à la King Kong, dont on retrouve aussi des thématiques. On n’en est pas à dénoncer ouvertement l’enfermement des animaux dans les espaces exigus des zoos, l’époque ne s’y prête pas encore. Mais Karlson adopte un regard critique et gentiment ambigu. C’est assez efficace, et c’est très sympathique.