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EO (IO) – de Jerzy Skolimowski – 2022

Posté : 10 novembre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, SKOLIMOWSKI Jerzy | Pas de commentaires »

EO

Cinéaste rare, le Polonais Jerzy Skolimowski a remporté le Prix du Jury au dernier festival de Cannes, la fameuse « Palme du cœur ». Et du cœur, il y en a dans ce film vu par les yeux d’un âne, et inspiré du Au hasard Balthazar de Bresson, dont Skolimowski dit que c’est le seul film qui l’a fait pleurer dans sa vie.

Adopter le point de vue d’un animal… Rien à voir avec le Cheval de guerre de Spielberg, où le cheval est finalement avant tout une astuce scénaristique pour passer d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre. Skolimowski va beaucoup, beaucoup plus loin, faisant réellement de l’âne EO son personnage principal, et son narrateur. Et plus il va loin dans cette démarche, plus le film est beau.

EO raconte donc les tribulations de cet âne qui porte un regard totalement dénué de jugement mais plein d’incompréhension sur le monde qui l’entoure, alors que les hasard et accidents de sa vie l’amènent à traverser l’Europe. On le découvre dans un cirque ambulant, où il fait équipe avec une jeune femme qui le traite avec amour… et dont il est séparé par l’intervention de défenseurs des animaux.

Skolimowski est un défenseur des animaux, pas de doute là-dessus. Pourtant, on sent bien qu’il n’a pas une admiration sans borne pour ces militants qui privent son héros de l’affection de la jeune femme. Pas plus que pour qui que ce soit d’ailleurs. L’âne ne juge pas, mais on n’est pas bien sûr de pouvoir dire la même chose du cinéaste qui, à travers le regard de son drôle de héros, filme une humanité à peu près unanimement hostile.

C’est d’ailleurs quand l’âne s’enfonce au plus profond de la nature, belle et sauvage, que le film est le plus beau, le plus intense, le plus vivant même. Dans ces moments, le cinéaste radicalise son esthétisme, et nous entraîne dans une espèce de trip sensoriel sublime et fascinant, qui évoque les plus grands moments de David Lynch ou Bella Tarr. A ceci près que lui ose un décalage du point de vue vers le règne animal, ce qui est quand même assez audacieux.

Et convainquant, même si Skolimowski verse volontiers du côté de l’anthropomorphisme, jouant avec le regard et les réactions de son héros, et nous livrant des visions des souvenirs heureux de l’âne. Là, franchement, on pourrait faire la moue. Mais non : la sincérité du propos est telle qu’on se laisse embarquer par l’émotion, et qu’on finit par voir les retours réguliers à la civilisation, et à un style plus classique, comme l’irruption de dangers potentiels.

Il faut dire que l’humanité filmée par Skolimowski est gratinée : du violent, de l’aviné, du haineux… Qu’ils soient fermiers, pompiers, chasseurs, ou supporters de foot, la quasi-totalité des personnages humains du film ne font qu’utiliser les animaux ou les envoyer à la mort. Le film marque d’ailleurs par son utilisation très parcimonieuse de la violence, qui apparaît souvent sans qu’on s’y attende, brisant brutalement des moments de grâce ou de douceur.

Rares sont les personnages qui trouvent grâce aux yeux du réalisateur. Le jeune prêtre, peut-être, qui semble vouloir offrir à EO une retraite paisible, dans une espèce de havre de paix italien. Mais ce havre cache l’un de ces drames amoureux humains totalement incompréhensibles pour un animal comme cet âne, avec une Isabelle Huppert qui apparaît tardivement (et inutilement longuement, comme si Skolimowski voulait profiter de la participation de l’actrice), diva ramenant le jeune prêtre à un drame tristement banal.

Ne serait-ce que pour la forme, extraordinaire et rare, EO est une merveille. Et il y a un peu plus que ça : la vision délicieusement sincère d’un jeune cinéaste octogénaire, dont l’audace et la maîtrise de son art font un bien fou, comme un appel à tous les cinéastes du monde : osez, allez au bout de vos visions ! Skolimowski a 84 ans, et il a l’enthousiasme d’un jeune artiste sans le moindre cadre. C’est beau.

 

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