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Archive pour janvier, 2024

Jours de jeunesse (Gakusei romansu : wakaki hi) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 25 janvier, 2024 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Jours de jeunesse

C’est le huitième film d’Ozu, mais le premier conservé, toutes ses réalisations précédentes étant présumées perdues. Autant dire que c’est une œuvre importante : pas l’acte de naissance, mais l’œuvre la plus ancienne, forcément fondatrice, du plus grand réalisateur du monde…

Bon. Si sa carrière avait dû s’arrêter là, Ozu n’aurait pas été le plus grand réalisateur du monde. Sans doute son nom nous serait-il même rester totalement inconnu. C’est que Jours de jeunesse, comédie étudiante comme il en tournera d’autres dans les mois et années qui suivent, est une petite chose aussi sympathique qu’anodine.

Un élément, quand même, en fait une œuvre unique, au moins dans la filmographie du cinéaste : une grande partie du film se déroule à la montagne, durant un week-end de ski. Ozu et les sports d’hiver, voilà un mariage auquel on n’aurait pas pensé spontanément.

Il faut rappeler quand même qu’à l’époque, Ozu est un jeune réalisateur en construction, avant tout au service du studio pour lequel il bosse (la Shockiku), et qu’il n’hésite pas à se plier aux demandes du public. Les sports d’hiver étant alors en pleine éclosion au Japon, le voilà donc plantant ses caméras dans la neige.

Une curiosité, donc, qui ne brille pas par son originalité. Pour résumer : deux amis étudiants qui se disputent pas même jeune femme, ce triangle amoureux étant raconté à grand renfort de chutes et de glissades mal contrôlées, un peu répétitives et pas franchement hilarantes.

Pas désagréable pour autant, la comédie s’avère même délicieusement méchante lorsqu’elle s’attarde sur la mesquinerie de l’un des deux amis, le cancre, dont le sens de la morale est très discutable. On le voit donc ridiculiser son ami pour faire le coq auprès de la belle, ou faire tomber cette dernière dans la neige pour le plaisir de lui essayer les fesses.

Mais cette méchanceté ne va pas bien loin, et le film aurait nettement gagné à être resserré, pour se rapprocher des modèles revendiqués d’Ozu. On pense évidemment aux comédies d’Harold Lloyd, dont plusieurs personnages s’inspirent de l’allure, mais dont Ozu n’a clairement pas le génie comique. D’ailleurs, c’est une l’affiche de Seventh Heaven qui trône dans la chambre des étudiants. Pas exactement une comédie, mais Ozu était un grand admirateur de Frank Borzage, qu’il a toujours cité comme une source d’inspiration.

Welcome – de Philippe Lioret – 2009

Posté : 24 janvier, 2024 @ 8:00 dans 2000-2009, LIORET Philippe | Pas de commentaires »

Welcome

A la sortie du film, on ne parlait dans les médias que du sujet du film, la manière dont Philippe Lioret filmait pour la première fois la réalité des migrants arrivant à Calais et se heurtant à des murs, et pas seulement celui de la Manche. Cette manière de résumer le film à ce qu’il disait, en faisant une version moderne des Dossiers de l’Ecran, m’avait coupé toute envie de le voir : pas besoin d’un film de fiction pour prendre conscience de l’ampleur de ces tragédies personnelles.

Et puis je l’ai vu. Et aujourd’hui je le revois. Et j’en sors avec la même émotion, immense et profonde. Welcome, en plus d’être un film engagé et révoltant, est un film magnifique d’une délicatesse folle. Un vrai film de cinéma, qui n’abdique en rien sur les ambitions esthétiques. Philippe Lioret a des choses à dire, oui. Mais c’est aussi un authentique cinéaste, et un grand qui plus est, qui construit son récit avec la même rigueur narrative que, disons, un western classique, ou un film noir.

Un film de genre en tout cas, dont on retrouve la redoutable efficacité, et l’intensité. Le sens du rythme, et la manière de mettre en scène des personnages torturés, en pleine crise existentielle. Vincent Lindon en l’occurrence, maître nageur complètement paumé, dont la vie part en vrille depuis que sa femme l’a quitté. C’est d’ailleurs, égoïstement, pour tenter de la reconquérir qu’il vient en aide au jeune Kurde qui vient s’entraîner dans sa piscine en espérant pouvoir gagner l’Angleterre à la nage.

De cette générosité calculée naîtra plus qu’une amitié : une prise de conscience, le réveil d’un homme amorphe qui voyait l’humanité se déliter autour de lui sans lever ne serait-ce qu’un sourcil. Avec lui, on se réveille, on se révolte, on s’écœure, on se passionne, et on se prend d’amour pour ce gamin venu de si loin, que Lioret filme comme un symbole de ces migrants dont personne ne veut.

Un peu réducteur, protesterons certains. Certes, et plein de bons sentiments aussi. Mais filmés avec tant de délicatesse et d’intensité à la fois que ces bons sentiments paraissent tout simplement beaux. Et qu’on en sort bouleversé.

Le Goût du riz au thé vert (Ochazuke no aji) – de Yasujiro Ozu – 1952

Posté : 23 janvier, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Le Goût du riz au thé vert

La valeur d’un homme ne se mesure pas à ses cravates ou à ses costumes, lance un personnage. Et celle d’un couple ne dépend pas du nombre de domestiques ou du confort de la maison, pourrait-on ajouter, après avoir vu ce beau film, dans lequel Ozu capte des prises de conscience, des femmes et des hommes qui décident de s’emparer de leurs propres vies…

La mélancolie qui baigne Le Goût du riz au thé vert n’est pas habituelle pour Ozu. Elle semble ici souligner non le temps qui passe (qui a pourtant son importance), mais le sentiment au contraire d’être enfermé dans un moment subi : cette toute jeune femme à qui son entourage prépare une rencontre arrangée, et surtout sa tante et son oncle qui vivent un mariage décidé pour eux bien des années avant.

Il y a dans ce film, au-delà de la mélancolie, une espèce de rancœur rare dans le cinéma d’Ozu. Au-delà de la tristesse et de la rage, une hargne qui s’apparente par moments à du dégoût de soi. Les quelques gestes tendres du couple formé par Michiyo Kogure et Shin Saburi sont constamment contrariés par des mots durs, des regards fermés. Ce contraste, on le retrouve jusque dans le décor de leur maison, entre la tradition japonaise du salon et le confort tout occidental de la chambre.

Et toujours, l’enfermement psychologique des personnages, qui se manifeste à l’écran par des cadres dans le cadre… dans le cadre, la logique géométrique du regard d’Ozu trouvant ici une sorte d’aboutissement jusqu’au-boutiste. Avec ces images, filmées près du sol bien sûr, Ozu en dit plus sur la détresse de ses personnages et leur incapacité, au fond, à échanger vraiment et sincèrement.

Il n’y a pas que ces cadres dans le décor qui éloignent les personnages. Il y a aussi les domestiques, figures plutôt rares dans le cinéma d’Ozu, qui servent d’intermédiaires en même temps qu’elles empêchent malgré elles tout rapprochement.

C’est d’ailleurs en leur absence que le couple se rapprochera finalement, lorsqu’il se retrouvera autour d’une action qui peut sembler anodine mais qui se révèle sublime : dans la cuisine qui a les atours d’une terra incognita où, soudain, les masques tombent. Et autour de ce riz au thé vert qui donne son titre au film, recette toute simple, dénuée de tout artifice. Aussi pur que le cinéma d’Ozu.

La Grande Evasion (The Great Escape) – de John Sturges – 1963

Posté : 22 janvier, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, STURGES John | Pas de commentaires »

La Grande Evasion

La cool attitude de Steve McQueen renvoyé encore et toujours à l’isolement dans sa cellule. La gueule burinée d’un Charles Bronson en granit. La dégaine dégingandée de James Coburn. Classique indéboulonnable du cinéma populaire des années 60, La Grande Evasion est avant tout un film de caractères. Un festival de vedettes qui se tirent la bourre pour attirer la lumière.

Comme dans Les 7 mercenaires, autre classique multi-stars du même Sturges, McQueen s’impose sans peine à ce petit jeu du cool-cabotinage, sans jamais écraser ses partenaires de jeu. Plaisir garanti, même au dixième visionnage, grâce aussi au savoir-faire du cinéaste, qui a un talent indéniable, à la fois pour les morceaux de bravoure (la mythique course-poursuite à moto) et pour les moments plus intimes.

Sans jamais jouer la carte de la surenchère, Sturges donne du corps, de la consistance à la vie de ces soldats dans leur camps de prisonniers. Il renouvelle le vieux thème de l’évasion, s’attachant à de petites choses, à de longs processus anti-spectaculaires au possible (la manière dont ils se débarrassent de la terre), sans le moindre temps mort.

Pas question donc d’égratigner ce mythe du cinéma populaire, souvent copié, et dont le rythme et l’inventivité supportent parfaitement l’épreuve du temps. Il y a quand même quelques petites facilités scénaristiques pour relancer l’intérêt : la cécité du personnage de Donald Pleasance, ou la claustrophobie de Bronson, qui apparaissent sans que rien ne nous y prépare, pour renouveler la tension dramatique. On chipote, certes.

Discutable aussi : le changement radical de ton de la fin du film. L’arrivée du drame, assez traumatisant (c’est inspiré d’une histoire vraie qui ne s’est pas particulièrement bien terminée, disons), rompt en effet radicalement avec l’esprit bon-enfant des deux premières heures, où rien n’est jamais grave, où le danger semble toujours relatif.

Mais on pardonne volontiers, emporté par le plaisir gourmand que l’on prend à ce classique, festival de stars au top, et grande date du cinéma populaire américain de la décennie. Indémodable, pour toujours.

Winter Break (The Holdovers) – d’Alexander Payne – 2023

Posté : 21 janvier, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, PAYNE Alexander | Pas de commentaires »

Winter Break

La période des fêtes est terminée. Si vous n’avez pas vu Winter Break, vous avez donc loupé le meilleur moment de l’année pour voir ce qui restera le plus beau film de Noël 2023. Cela dit, même si vous lisez ces lignes en juillet, le film reste très, très recommandable.

Winter Break n’invente rien : il réunit trois êtres solitaires que tout oppose dans un même lieu au moment des fêtes, et se livre à une sorte de thérapie collective dont on sort non pas euphorique, mais plein de confiances en l’être humain. Ce qui, en ces temps troublés, est déjà une sacré gageure.

Pour être précis, disons qu’Alexander Payne nous amène à ouvrir les yeux sur les autres, ceux qui ne nous ressemblent pas et qu’on a tôt fait de cataloguer : parce qu’ils sont austères, parce qu’ils ne sourient pas, parce que ce sont des gosses de riches… Et si, derrière tout ça, il y avait des souffrances, des cœurs qui battent, et même de belles âmes ?

Dit comme ça, Winter Break ressemble sans doute à un condensé de bons vieux clichés. Mais Alexander Payne a un regard, une délicatesse et une élégance, une manière de transformer ça en un merveilleux conte de la rédemption qui vous provoque deux, trois larmes, vous nouent le ventre, et dans le même mouvement vous tire de larges sourires de bien-être.

Et puis il y a la manière dont Payne signe un authentique film de 1970… C’est l’époque où l’histoire se passe : durant les vacances d’hiver, lorsqu’un professeur très dur (génial Paul Giamatti) est désigné pour rester sur le campus seul avec les pensionnaires qui ne passent pas les fêtes en famille. En l’occurrence un pensionnaire, brillant mais forte tête (Dominic Sessa, une révélation). Ajoutez à ça l’inamovible cuisinière (bouleversante Da’vine Joy Randolph), et voilà notre trio.

Payne signe un authentique film de 1970, disais-je. Pas seulement parce que la reconstitution est brillante, et que l’esprit de cette époque est parfaitement restitué. Mais aussi par tous ses choix esthétiques, jusqu’au grain de l’image… et au faux copyright dans le générique de début. Pourtant, jamais il ne donne l’impression de faire le malin : son film est d’une justesse absolue. L’esprit de Noël, sans mièvrerie. Pur bonheur.

Halloween (id.) – de David Gorden Green – 2018

Posté : 20 janvier, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, GREENE David Gordon | Pas de commentaires »

Halloween

Difficile de suivre la saga Halloween. Dès le deuxième film, on sent bien qu’il y a eu un énorme conflit d’envies autour de cet univers. John Carpenter lui-même aurait voulu en faire une série anthologique : impliqué un peu malgré lui dans la première suite de son chef d’œuvre originel de 1978, il s’est passionné pour le numéro 3 en espérant (en vain) en faire autre chose que ce qu’il était condamné à devenir : une déclinaison sans conclusion possible autour de la figure de Michael Myers, l’increvable « Shape », ou croquemitaine.

Depuis, plusieurs suites directes, un remake officiel et sa suite, des suites-reboots, deux décès pour Laurie Strode/Jamie Lee Curtis. Autant dire que, disons depuis à peu près trente-cinq ans, on n’attendait plus grand-chose de Halloween. Rien d’autre en tout cas qu’un vague plaisir coupable qui s’était nettement émoussé depuis que Donald Pleasance est mort, nous privant de cette figure hautement caricaturale mais si familière du Docteur Loomis.

Et puis voilà qu’est arrivé un nouvel Halloween, onzième film officiel, et troisième à porter ce simple titre (après le film de Carpenter et son remake de Rob Zombie). Un film signé David Gordon Green, ce qui est une bonne nouvelle : réalisateur du très beau Joe, le gars n’est pas un spécialiste de l’horreur, mais c’est un authentique (bon) cinéaste. Et non pas un remake, un reboot, ou quel que soit le terme à la mode du moment. Non : une suite, une vraie.

Et à la question épineuse de « comment faire une énième suite après tant de suites qui remettaient systématiquement en question les précédents films », Green apporte une réponse simple, qui se résume dans son film à une unique réplique : les suites que l’on connaît ne sont que l’illustration des fantasmes générés par le traumatisme du premier film. En gros : tout ce qui suit le générique de fin du film originel de 1978 n’a jamais existé.

Le procédé est un peu facile, et particulièrement en vogue dans le cinéma américain d’aujourd’hui, totalement gangrené par la logique étouffante des « franchises » jusqu’au-boutistes. On s’est planté en tirant sur la ficelle ? Faisons comme si de rien n’était… Ça peut ressembler à du foutage de gueule (si, si). Ou ça peut être salvateur. Et c’est précisément l’impression que donne le film de Green, qui est, et de loin, ce que la série a fait de plus enthousiasmant depuis le film de Carpenter.

Parce que oui, David Gordon Green est un excellent réalisateur, qui sait créer une atmosphère et donner du sens à ses images. La manière dont il filme Michael Myers se réappropriant ce masque devenu si mythique en quarante ans est assez impressionnante. Visuellement très beau, en tout cas. On peut saluer aussi la facilité avec laquelle il impose sa propre patte esthétique, tout en multipliant les clins d’œil, parfois très explicites, au film de Carpenter.

Et puis le plaisir de retrouver Jamie Lee Curtis quarante ans plus tard, dans la meilleure réinvention de son personnage que l’on ait eu l’occasion de voir. Une femme âgée et traumatisée, hantée par les souvenirs de ce film et de cette nuit. C’est à elle qu’on s’identifie bien sûr, ne serait-ce que pour une raison précise : comme elle, c’est le souvenir du Halloween de 1978 qui nous hante, et qui rend si efficace cette suite tardive.

Parce qu’au-delà de ses qualités évidentes, ce Halloween version 2018 ne dépasse jamais son modèle, auquel il se réfère constamment jusqu’à citer ouvertement plusieurs scènes (des travellings dans les rues d’Haddonfield, le drap de fantôme, des plans à travers les fenêtres, le corps qui disparaît au pied du balcon… la liste est presque sans fin).

Et puis au fil d’un dialogue, on nous rappelle que le film de Carpenter se terminait avec un décompte de cinq morts. Cinq morts « seulement », pourrions-nous ajouter, tant la surenchère est devenue la norme. Et cette surenchère, Green ne l’évite pas, comblant avec la loi de la masse sa principale limite : bon réalisateur, il n’a pas le génie de Carpenter pour, à partir de pas grand-chose, créer un profond sentiment d’angoisse. Les petits moments de tension que l’on ressent ici, si sympathiques soient-ils, n’ont rien à voir avec la peur profonde que l’on ressent toujours devant ce classique fondateur.

Tornade (Passion) – d’Allan Dwan – 1954

Posté : 19 janvier, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, DWAN Allan, WESTERNS | Pas de commentaires »

Tornade

Tornade se situe chronologiquement au cœur de la période la plus célébrée aujourd’hui d’Allan Dwan, cinéaste incroyablement prolifique à qui on attribue généralement plusieurs centaines de films. Entre 1954 et 1956, il signe quelques-uns de ses meilleurs films, comme Quatre étranges cavaliers et Deux rouquines dans la bagarre.

Tornade n’a pas la même notoriété (toute relative, j’en conviens). Mais il participe de la même dynamique, produit comme ses autres films de l’époque par Benedict Bogeaus, producteur fauché avec qui Dwan semble s’être épanoui, comme avec le grand chef op John Alton, à qui les grands moments de bravoure du film doivent beaucoup.

Une fusillade et un incendie dans une maison isolée plongée dans la pénombre, une course poursuite à pied dans un paysage montagneux enneigé… Au-delà de leur puissance formelle imparable, ces séquences soulignent l’originalité de ce western dont le décor, la Californie mexicaine du XXe siècle, évoque une autre réussite majeure de Dwan, muette celle-là : La Naissance d’un empire.

Comme dans ce dernier, son ultime film muet, Dwan évoque dans son film les affrontements meurtriers autour de la possession des terres. Mais à l’ampleur pour laquelle qu’il optait à la fin des années 1920, il préfère ici une approche plus intime : la quête pleine de souffrance d’un homme (Cornel Wilde) à qui la violence des hommes a tout enlevé.

Le film illustre en tout cas parfaitement l’immense savoir-faire de Dwan, artisan qui privilégie toujours l’efficacité pure à l’esbroufe. Le film séduit ainsi par sa simplicité et par son authenticité, comme dans ces scènes où Yvonne De Carlo (j’adore Yvonne De Carlo !!!) interprète les rôles de deux sœurs radicalement différentes. Aucun trucage pour ces rencontres : juste les savoir-faire conjugués d’un réalisateur et d’un monteur qui connaissent suffisamment leur métier pour ne pas être tentés d’en rajouter.

Retribution (id.) – de Nimrod Antal – 2023

Posté : 18 janvier, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, ACTION US (1980-…), ANTAL Nimrod | Pas de commentaires »

Rétribution

Liam Neeson en action hero, acte 842. Oui, sauf que cette fois, pas de coup de poing, pas de clés de bras… L’acteur trouve un rôle qui sied parfaitement à son grand âge, passant la quasi-totalité du film assis au volant de sa voiture, dont il ne peut sortir au risque de déclencher la bombe que le mystérieux méchant a placée sous son siège.

Et voilà un concept qui évoque furieusement un certain Speed, référence évidente et assumée de ce thriller à l’ancienne, dont même le générique de début fleure bon le film de genre des années 90. Un plaisir régressif, donc ? Que oui. Parce que Retribution rompt avec la surenchère insupportable du cinéma d’action d’aujourd’hui, et avec les innombrables kick-asses à répétition de Neeson.

Neeson qui, en passant, donne la réplique dans une poignée de scène à une certaine Embeth Davidtz, qui fut l’une des révélations de La Liste de Schindler il y a tout juste trente ans, du temps où Neeson jouait des rôles autrement plus ambitieux dans des films autrement plus ambitieux. Mais ça, c’était juste une parenthèse.

Dans la longue série de films d’actions que Neeson enchaîne depuis une dizaine d’années, depuis le succès empoisonné de Taken, celui-ci sort donc du lot, par son concept fort, dont il ne dévie pas. Derrière la caméra, Nimrod Antal fait le taf assez brillamment, se jouant d’un scénario bourré de clichés sur la cellule familiale américaine pour signer un pur exercice de style tendu et imparable.

Le gars n’est pas du genre à faire du gras et à délayer. En 90 minutes montre-en-main, il réussit un thriller haletant, sans que jamais le fait que l’action-hero Neeson ne lève les fesses de son siège ne soit pesant. Ce n’est pas rien. Ce n’est rien de plus non plus, mais c’est déjà beaucoup.

Les Délices de Tokyo (An) – de Naomi Kawase – 2015

Posté : 17 janvier, 2024 @ 8:00 dans 2010-2019, KAWASE Naomi | Pas de commentaires »

Les Délices de Tokyo

En cherchant la recette des dorayakis, on tombe facilement sur des sites qui nous indiquent une vingtaine de minutes de préparation seulement. Avec ça, il ne faut sans doute pas s’attendre à ressentir les mêmes émotions que les personnages de ce beau film de Naomi Kawase. Parce qu’avec Tokue, la vieille dame qui convainc Sen de l’embaucher pour l’aider dans sa petite boutique des restauration rapide, confectionner le dorayaki dépasse largement le simple cadre gastronomique.

Un état d’esprit, une communion avec ce qui nous entoure, une manière d’accepter son destin et d’aller de l’avant, pas moins : voilà ce que représentent les dorayakis. Et si vous ne savez pas ce que c’est (en gros, deux pancakes enserrant des haricots rouges confits et sucrés), c’est que vous n’avez pas vu Les Délices de Tokyo. C’était mon cas. J’en sors avec le cœur empli d’émotions, ce genre d’émotions où la tristesse et la joie se mélangent dans un même mouvement…

Nous sommes donc à Tokyo, dans un quartier sans grand charme, si ce n’est cet imposant cerisier qui, à la belle saison, se pare de superbes fleurs blanches. C’est à cette période que débarque Tokue, 76 ans et les doigts déformés par la lèpre, qui tente de convaincre le gérant d’une bicoque de dorayamis qu’il fait tourner sans passion, de l’embaucher. Il finit par accepter, séduit par ses haricots…

Et c’est une belle histoire d’amitié qui s’installe peu à peu, à travers ces longs mouvements mille fois répétés pour préparer ces fameux haricots… en écoutant ce qu’ils ont à dire. La beauté, immense, de ce film repose sur une culture qu’un occidental n’a à peu près aucune chance de connaître, mais qu’importe. Naomi Kawase filme les gestes, les silences, les regards, et c’est d’une beauté renversante.

A travers ces dorayakis, la cinéaste filme en fait les efforts de trois solitudes pour se raccrocher à la vie : Tokue donc (magnifique Kirin Kiki), Sen, qui trimballe un sombre passé qui le hante, mais aussi la jeune Wakana, collégienne un peu en marge, vivant seule avec une mère qui semble avoir bien du mal à accepter ce rôle de mère… Trois solitudes, trois générations, qui finissent par créer une sorte de cocon presque familial.

Beaucoup de fans de la première heure de Naomi Kawase ont fait la fine bouche dans ce film tendre et délicieusement sucré, qui rompait visiblement assez radicalement avec ses précédentes réalisations. Etant très ignorant de la filmographie de la dame, pas de comparaison possible. Je me contente donc de fondre et de me déclarer officiellement amoureux de son cinéma. En tout cas de ce film.

Montparnasse 19 / Les Amants de Montparnasse – de Jacques Becker – 1958

Posté : 16 janvier, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, BECKER Jacques | Pas de commentaires »

Montparnasse 19

C’est Max Ophüls qui aurait dû réaliser ce film, adapté des dernières années de la vie de Modigliani. L’inestimable cinéaste de Madame de… étant décédé peu avant le tournage, le projet est revenu à Jacques Becker, qui mourra lui-même deux ans plus tard, et qui dédie le film à Ophüls. Avec un tel parrainage, pas étonnant que l’ombre de la mort soit à ce point pesante…

Il faut dire que Modigliani mourra à l’âge de 35 ans en 1920, que le film commence au lendemain de la Grande Guerre, et que le peintre est incarné par Gérard Philipe (qui mourra lui-même très jeune), qui n’est jamais aussi bon que quand il interprète un homme dans l’antichambre de la mort. Ce qu’est Modigliani, qui noie dans les vapeurs d’alcool un mal-être profond et ravageur.

Avant-dernier film de Becker (avant Le Trou), Montparnasse 19 arrive après deux films de genre plutôt déstabilisants dans son œuvre magnifique (Ali Baba et Arsène Lupin). Et c’est comme si, soudain, le réalisateur de Casque d’or retrouvait l’inspiration, comme s’il sortait d’une sorte d’hébétude qui pourrait être celle de Modigliani cuvant ses hectolitres d’alcool…

Plutôt qu’une biographie fidèle, Becker préfère filmer les doutes et les tourments d’un artiste total qui ne trouve pas sa place dans un monde cynique et marchand qui ne lui correspond pas. Difficile de ne pas faire un parallèle avec le parcours du cinéaste. Gérard Philippe est bouleversant en être incapable de saisir la bienveillance qui l’entoure.

Pourtant, c’est dans les scènes où il ne figure pas que, curieusement, les émotions sont les plus fortes. Dans la manière dont ses proches parlent de lui. Dans les espoirs et les railleries qui entourent son œuvre. Et dans cette dernière séquence, avec un Lino Ventura marchand de tableaux dénué de scrupule, incarnation de ce que ce monde-là a de plus cynique et écœurant. Un sommet de cruauté, qui donne le sentiment que tout le film tend vers ce moment, puissant et révoltant.

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