Les Mendiants de la vie (Beggars of life) – de William A. Wellman – 1928
Wellman est un grand cinéaste des laissés pour compte. Bien avant le Ford des Raisins de la colère, il a signé quelques grands films de l’Amérique de la Dépression, comme Wild Boys of the road, et d’autres.
Avant même le krach de 1929, et avant de passer au parlant, Wellman a signé ce très beau portrait d’un couple qui se crée dans la misère et l’adversité. Richard Arlen et Louise Brooks (juste avant Loulou), tellement désemparés qu’ils en deviennent terriblement attachants.
La scène où ces deux-là, qui viennent de se rencontrer, se créent une sorte de cocon dans une meule de paille, est particulièrement évocatrice des rêves cachés de ces êtres nés sous une mauvaise étoile…
Beggars of life, pourtant, n’est pas un film léger. Malgré la présence, aussi, de Wallace Beery, tête d’affiche qui apparaît tardivement dans le rôle d’une espèce de John Long Silver des clochards. Truculent et plein d’humour, même s’il est une brute qui ne pense qu’à s’offrir les charmes de la belle Louise Brooks…
Le fond est dur, très dur même. Avec une simplicité qui force le respect, Wellman filme la rudesse des relations humaines, la brutalité extrême du monde dans lequel les jeunes amoureux sont coincés. Lorsqu’ils se rencontrent, c’est d’ailleurs autour d’un cadavre, dont le sang coule encore sur le plancher. Rencontre d’une intensité rare, avec ce flash-back terrible qui défile en transparence sur le visage de Louise Brooks…
Un visage d’une grande pureté, qui tranche radicalement avec ceux des hommes qu’elle croise dans sa fuite : ces types prêts à s’entre-tuer pour en faire un objet de plaisir…
Wellman réussit aussi quelques morceaux de bravoure sur les trains, où se passe une grande partie de l’action. En particulier cette impressionnante descente d’un wagon incontrôlable dans la montagne, qui se regarde le souffle coupé. Du grand cinéma, tout simplement.