Little Big Horn / La Rivière de la mort (Little Big Horn) – de Charles Marquis Warren – 1951
Il fait partie de ces grandes figures du western qu’on connaît finalement très mal : Charles Marquis Warren, auteur de romans peu ou pas édités chez nous, de séries populaires aux Etats-Unis mais beaucoup moins ailleurs (c’est à lui qu’on doit Rawhide, qui révéla Clint Eastwood), et de films inégaux et souvent inédits en France.
Le jugement est forcément parcellaire, mais le gars n’a pas le talent des grands cinéastes westerniens. N’empêche, on sent dès ce premier long métrage une vraie passion pour ces histoires de l’Ouest sauvage, et l’ambition de rendre hommage à ceux qui les ont faites, en étant le plus sincère et le plus honnête possible.
Forcément, l’ombre de Little Big Horn plane constamment sur ce film. Pourtant, on ne verra rien de cette tragique bataille, pas plus qu’on apercevra les moustaches de Custer. L’histoire que Charles Marquis Warren se déroule en marge de cet événement historique : au cœur d’un petit détachement de cavalerie qui parcourt des centaines de kilomètres en territoire indien pour tenter de prévenir Custer du piège qui l’attend près de cette satanée rivière de Little Big Horn…
Et cette ombre du célèbre massacre à venir rappelle constamment que Custer ne sera pas prévenu à temps, que l’entreprise héroïque de ces hommes tiraillés par le doute, par la peur, par l’envie de vivre, est vouée à l’échec. Une marche vers la mort que Warren filme au plus près des personnages. D’une part parce que ses moyens sont limités, tout comme ses décors. Mais aussi et surtout parce que ce sont ces moments de flottement, ces moments d’attente et de doute, qui semblent l’intéresser plus que tout.
Les scènes de violence, finalement assez rares et surtout très brèves, sont d’ailleurs filmées plutôt mollement (le budget n’a pas permis de faire intervenir de vrais cascadeurs !). A l’opposée des moments en creux totalement fascinants, et parfois très originaux : comme cette scène étonnante où les soldats, arrivés à un plan d’eau, prennent le temps d’inspecter longuement l’eau pour s’assurer qu’elle n’est pas croupie. Ou ces moments où les soldats s’installent des abris pour la nuit.
De la même manière, Warren a fait de ses deux personnages principaux des rivaux en amour, le capitaine de la patrouille ayant surpris son lieutenant dans les bras de sa femme. Le film commence d’ailleurs de la plus étrange des manières, avec une séquence de pur vaudeville (l’humour en moins) avec la pauvre Marie Windsor, qui disparaît totalement (à l’exception d’un court flash-back très inattendu) en quelques minutes, grâce à d’audacieuses ellipses.
Cette entrée en manière, a priori incongrue, donne un aspect plus dramatique encore aux relations entre ces deux officiers, joués avec beaucoup d’intensité et de subtilité par Lloyd Bridges et John Ireland (deux habitués aux seconds rôles), constamment en désaccord sur la conduite à tenir, mais dont on sent aussi qu’ils éprouvent l’un pour l’autre un respect, voire une affection, contrarié(e).
Plus psychologique que spectaculaire, ce Little Big Horn ne manque décidément pas d’audace. Et tout en rendant un hommage vibrant aux soldats américains, il évite consciencieusement toute exhalation de l’héroïsme et du sacrifice à tout prix. Pas si courant non plus…
* Le film fait partie de la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta. En bonus, une présentation passionnée de Bertrand Tavernier, et des évocations plus tempérées par Patrick Brion et Yves Boisset.