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Archive pour février, 2016

Little Big Horn / La Rivière de la mort (Little Big Horn) – de Charles Marquis Warren – 1951

Posté : 26 février, 2016 @ 8:00 dans 1950-1959, WARREN Charles Marquis, WESTERNS | Pas de commentaires »

Little Big Horn

Il fait partie de ces grandes figures du western qu’on connaît finalement très mal : Charles Marquis Warren, auteur de romans peu ou pas édités chez nous, de séries populaires aux Etats-Unis mais beaucoup moins ailleurs (c’est à lui qu’on doit Rawhide, qui révéla Clint Eastwood), et de films inégaux et souvent inédits en France.

Le jugement est forcément parcellaire, mais le gars n’a pas le talent des grands cinéastes westerniens. N’empêche, on sent dès ce premier long métrage une vraie passion pour ces histoires de l’Ouest sauvage, et l’ambition de rendre hommage à ceux qui les ont faites, en étant le plus sincère et le plus honnête possible.

Forcément, l’ombre de Little Big Horn plane constamment sur ce film. Pourtant, on ne verra rien de cette tragique bataille, pas plus qu’on apercevra les moustaches de Custer. L’histoire que Charles Marquis Warren se déroule en marge de cet événement historique : au cœur d’un petit détachement de cavalerie qui parcourt des centaines de kilomètres en territoire indien pour tenter de prévenir Custer du piège qui l’attend près de cette satanée rivière de Little Big Horn…

Et cette ombre du célèbre massacre à venir rappelle constamment que Custer ne sera pas prévenu à temps, que l’entreprise héroïque de ces hommes tiraillés par le doute, par la peur, par l’envie de vivre, est vouée à l’échec. Une marche vers la mort que Warren filme au plus près des personnages. D’une part parce que ses moyens sont limités, tout comme ses décors. Mais aussi et surtout parce que ce sont ces moments de flottement, ces moments d’attente et de doute, qui semblent l’intéresser plus que tout.

Les scènes de violence, finalement assez rares et surtout très brèves, sont d’ailleurs filmées plutôt mollement (le budget n’a pas permis de faire intervenir de vrais cascadeurs !). A l’opposée des moments en creux totalement fascinants, et parfois très originaux : comme cette scène étonnante où les soldats, arrivés à un plan d’eau, prennent le temps d’inspecter longuement l’eau pour s’assurer qu’elle n’est pas croupie. Ou ces moments où les soldats s’installent des abris pour la nuit.

De la même manière, Warren a fait de ses deux personnages principaux des rivaux en amour, le capitaine de la patrouille ayant surpris son lieutenant dans les bras de sa femme. Le film commence d’ailleurs de la plus étrange des manières, avec une séquence de pur vaudeville (l’humour en moins) avec la pauvre Marie Windsor, qui disparaît totalement (à l’exception d’un court flash-back très inattendu) en quelques minutes, grâce à d’audacieuses ellipses.

Cette entrée en manière, a priori incongrue, donne un aspect plus dramatique encore aux relations entre ces deux officiers, joués avec beaucoup d’intensité et de subtilité par Lloyd Bridges et John Ireland (deux habitués aux seconds rôles), constamment en désaccord sur la conduite à tenir, mais dont on sent aussi qu’ils éprouvent l’un pour l’autre un respect, voire une affection, contrarié(e).

Plus psychologique que spectaculaire, ce Little Big Horn ne manque décidément pas d’audace. Et tout en rendant un hommage vibrant aux soldats américains, il évite consciencieusement toute exhalation de l’héroïsme et du sacrifice à tout prix. Pas si courant non plus…

* Le film fait partie de la collection Westerns de Légende de Sidonis/Calysta. En bonus, une présentation passionnée de Bertrand Tavernier, et des évocations plus tempérées par Patrick Brion et Yves Boisset.

Le Mort qui marche (The Walkind Dead) – de Michael Curtiz – 1936

Posté : 25 février, 2016 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, CURTIZ Michael, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Mort qui marche

En à peine plus d’une heure, Michael Curtiz réussit une symbiose plutôt rare entre le film de gangsters, le genre roi de la Warner dont il était l’un des artisans les plus doués, et le fantastique très en vogue depuis le succès de Frankenstein. Sans que jamais l’un de ces aspects prenne le pas sur l’autre.

Malgré la modestie du métrage, Curtiz prend le temps de planter son décor, présentant une galerie de personnages corrompus et une machination qui se met en place pour tuer un juge trop honnête, et pour faire porter le chapeau à un coupable innocent. En l’occurrence un repris de justice qui ne cherche qu’une chance de se réinsérer, mais qui finira sur la chaise électrique… avant d’être ramené à la vie par un scientifique génial et pas si désintéressé.

Le scientifique, c’est Edmund Gwen, interprète hitchcockien qui livre ici une variation intéressante autour de la figure du docteur Frankenstein. Un homme avide de justice, semble-t-il, désireux de réparer les erreurs commises. Un homme vieillissant surtout, qui dévoile rapidement les vraies motivations de son « miracle » : trouver un interlocuteur qui lui livrera le secret de l’au-delà.

Quant au faux coupable, devenu faux mort, ou faux vivant comme on voudra, c’est Boris Karloff en personne, une nouvelle fois ramené d’entre les morts mais dans un tout autre registre que Frankenstein. Plus humain, plus mélancolique. Plus mystérieux aussi, et plus tragique, superbe travelling vers son incroyable visage lorsqu’il marche vers la mort au son du violoncelle.

Le Mort qui marche n’est visiblement pas une très grosse production. Mais Curtiz s’y montre particulièrement inspiré, notamment lors de cette séquence du couloir de la mort, succession de plans désaxés d’une puissance dramatique rare. Les scènes dans le cimetière baigné de brume sont également magnifiques, toujours dominées par la présence de Karloff dont la triste silhouette errant entre les tombes fait comprendre l’évidence avant même qu’il l’énonce : « I belong here ».

Film de gangster et film de zombie mêlant vengeance, savant fou, résurrection, réflexion sur la mort et sur la médecine… Curtiz aurait facilement pu se perdre avec un tel cocktail. Il n’en est rien. Son film est une superbe réussite, sur tous les tableaux, et au rythme implacable.

L’Île des péchés oubliés (Isle of forgotten sins) – de Edgar G. Ulmer – 1943

Posté : 22 février, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, CARRADINE John, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

L'Île des péchés oubliés

Fort sympathique, ce petit nanar fauché et plutôt rigolo, une rareté que Ulmer tourne juste avant deux de ses films les plus connus, Barbe Bleue et Détour. On retrouve d’ailleurs l’acteur du premier, John Carradine, qui tient pour une fois le rôle du héros de service, un marin bagarreur qui se lance sur la piste d’un trésor enfoui au fond d’un lagon, avec son comparse et éternel adversaire.

Une chasse aux trésors, des bagarres bien viriles, des tas de jolis femmes, des îles paradisiaques… Le film est clairement à ne pas prendre au sérieux. Seul objectif de ce pur divertissement : le dépaysement. Et malgré son manque de moyens, qui limite l’effet-choc des grands moments de bravoure (comme cette séquence finale de tempête), Ulmer atteint plutôt son but.

Elles ont de la gueule, ces maquettes balottées par le vent. Et le cinéaste filme joliement ces scènes de nuit noire, dont la raison d’être est d’économiser sur les décors, mais qui créent une ambiance bien sympathique. Ulmer, qui a dû se contenter de budgets ridicules pour la majorité de ses films, en a toujours tiré le meilleur. C’est une nouvelle fois le cas ici…

A deux ou trois réserves près, quand même. Les effets caléidoscopiques des nuages sont assez étranges. Et la marionnette qui remplace John Carradine lors de ses descentes de scaphandrier a l’air… eh bien d’une marionnette vaguement articulée dont les mouvements de bras rappellent le Guignol de notre enfance. C’est charmant et assez drôle. Pas exactement l’effet voulu…

* Le film, très rare, est édité chez Artus Films, avec une qualité d’image pour le moins inégale: quelques plans semblent tirés d’une vieille VHS, tandis que d’autres ne sont disponibles qu’en VF. Quelques répliques en français viennent ainsi se glisser dans les dialogues originaux. Aucun bonus, si ce n’est des extraits ou bandes annonces des quatre films de la collection « Grands Classiques Hollywoodiens » (un titre un peu exagéré).

Le Sang de la Terre (Tap Roots) – de George Marshall – 1948

Posté : 19 février, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, MARSHALL George, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Sang de la terre

Évacuons tout de suite la comparaison incontournable pour toute grande production évoquant l’irruption de la guerre de Sécession dans un grand domaine du Sud : oui, Le Sang de la Terre lorgne du côté de Autant en emporte le vent, non seulement pour son décor, mais aussi pour son couple vedette, une héritière au caractère bien trempé et un séducteur un rien cynique…

Voilà pour la comparaison. Mais ce beau western romanesque et spectaculaire vaut bien plus qu’un sous-quoi que ce soit. Ne serait-ce que pour son sujet, original et passionnant : dans le Sud sur le point de faire sécession, une vallée riche et paisible décide à son tour de faire sécession de l’état sécessionniste dont elle refuse d’épouser la cause et surtout la posture belliqueuse.

Plutôt rare de faire de ses héros des hommes et des femmes qui désirent plus que tout rester en dehors de l’histoire en marche. A vrai dire, le film ne va pas tout à fait au bout de ce sujet fort, restant surtout très évasif à propos de la condition des noirs qui travaillent dans cette vallée, et n’évoquant que subrepticement la question de l’esclavagisme.

Pourtant, la guerre civile prend un visage plus absurde que jamais avec cette vallée idyllique qui finit par voler en éclat à force de vouloir rester à l’écart, la lutte fratricide se résumant même à un affrontement totalement personnel et intime. Belle idée, qui trouve son épilogue lors d’une bataille d’une grande intensité au coeur des marais, superbe scène intense et tragique.

George Marshall n’est ni Raoul Walsh, ni Anthony Mann, mais il « fait le job » très efficacement, avec un sens du rythme parfait, et en réussissant toutes les grandes scènes clés du film. Souvent avec sobriété, comme lorsque le personnage de Van Heflin affronte du regard, sans un mot, la foule venue le lyncher. Ou lors de l’accident de cheval qui paralyse Susan Hayward, accident que l’on ne voit tout simplement pas.

Quant au casting, il est aussi improbable qu’impeccable, entre Van Heflin (dont la voix profonde donne une intensité rare à la moindre de ses répliques) et Susan Hayward (un rôle en or pour cette belle actrice mésestimée), entre Ward Bond (formidable en patriarche) et Boris Karloff (étonnant dans l’un de ses rares rôles totalement positifs), sans oublier l’incontournable Arthur Shields, une nouvelle fois en pasteur.

Bref, que du bon dans ce western épique et dramatique, qui offre un regard original sur les ravages de la guerre et l’impossible neutralité…

Quand la ville dort (The Asphalt Jungle) – de John Huston – 1950

Posté : 18 février, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, HUSTON John | Pas de commentaires »

Quand la ville dort

Dans ses grands films noirs de cette période, John Huston a souvent évoqué l’inexorable marche vers l’échec de groupes d’individus hétéroclites. C’était le cas dès son premier film avec les improbables adversaires de Sam Spade (Le Faucon maltais). C’était aussi le cas dans l’exceptionnel Trésor de la Sierra Madre. Deux chefs d’œuvres absolus, auxquels on peut ajouter celui-ci, aussi abouti, sur un ton une nouvelle fois très différent.

Dès la séquence générique, c’est la manière dont Huston filme la ville qui surprend et donne le ton, dans ce formidable « film de casse ». Contrairement aux films noirs habituels, rien de romantique dans la ville, avec ses rues froides et ses entrelacs de fils électriques qui barrent l’horizon. Et les personnages ne sont pas de vrais citadins, mais des êtres comme enfermés dans cet environnement sans horizon, confrontés à leur propre solitude, et à leurs obsessions.

Ce sont ces obsessions qui mènent les personnages à leur perte : l’avidité pour l’un, le goût des jeunes femmes pour un autre, l’alcool, le jeu… Ou cette nostalgie de l’enfance qui fait tenir Sterling Hayden, sublime paumé qui n’a qu’une ambition : se débarrasser de la pourriture de la ville, pour reprendre ses mots, et retrouver ces instants précieux de l’enfance qui le hantent jusque dans son sommeil.

Pour lui (pour lui seulement), la libération semble à portée de main, et a les doux traits de Jean Hagen… Aussi paumées que les hommes, mais encore pures à leur manière, les femmes représentent ce qui aurait pu être, dans d’autres circonstances, avec d’autres envies, dans d’autres endroits. Autour de Louis Calhern, vieil homme riche et indigne, pathétique et magnifique, on trouve ainsi deux femmes : son épouse, qui ne vit que dans le souvenir de leur bonheur évanoui avec l’âge ; et une très jeune femme qu’il entretient et qui pourrait sa petite fille. C’est Marylin Monroe, pas encore superstar mais déjà troublante quand elle sussure « Uncle… ». Et déjà adorée par la caméra.

Si le film est aussi fort, c’est en partie parce que le moindre personnage existe d’une manière incroyable. Chez le chauffeur bossu et loyal jusqu’au bout (James Whitmore), chez le chef de gang qui refuse de porter une arme (formidable Sam Jaffe), chez le commissaire qui utilise la méthode forte (John McIntire)… Il y a une belle profondeur chez ces personnages. Une noblesse et une simplicité touchante aussi. Plutôt rares dans le genre…

John Huston n’invente pas le genre du « film de casse ». Il en respecte même scrupuleusement la construction : la préparation, le casse lui-même, les conséquences. Mais son scénario (adapté d’un roman de W.R. Burnett) est remarquable, et sa mise en scène est d’une fluidité et d’une précision impressionnantes, et réussit constamment à faire ressentir la douleur et les faux espoirs de ses personnages.

Jusqu’à un final éblouissant et bouleversant, dans une pâture baignée de soleil. John Huston a toujours su conclure merveilleusement ses films. Mais cette fin-là est peut-être la plus belle de toute sa filmographie. Et oui, ça se discute: va savoir si je ne penserai pas la même chose pour le prochain…

Le Saint contre-attaque (The Saint strikes back) – de John Farrow – 1939

Posté : 17 février, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, FARROW John | Pas de commentaires »

Le Saint contre-attaque

Deuxième « Saint » de la série produite par la RKO, et déjà le héros imaginé par Leslie Charteris change de visage. Après Louis Hayward, qui campait un Simon Templar ténébreux et inquiétant dans Le Saint à New York, c’est George Sanders qui enfile le costume de l’aventurier, ce qu’il fera dans quatre autres films jusqu’en 1941 (les deux derniers films de la série étant interprétés par Hugh Sinclair).

Aux antipodes de Hayward, Georges Sanders… fait du George Sanders. Suave et débonnaire, perpétuellement détendu et élégant, l’accent aristocratique et l’humour british, Templar n’est plus tout à fait le tueur implacable qu’il était dans le précédent film, même s’il conserve une aura de danger : Sanders rend palpable la menace derrière ses manières distinguées.

Le ton du film est à l’avenant. Nettement moins violent et sombre que le premier film, The Saint strikes back se résume pour l’essentiel à un savant jeu du chat et de la souris entre Simon Templar, la police, les vrais méchants et les faux méchants… Avec surtout de réjouissants face à face entre le héros et son éternel ami-adversaire, l’inspecteur Fernack, toujours interprété par John Hale.

La présence derrière la caméra de John Farrow, réalisateur de l’excellent La Grande Horloge, laissait espérer le meilleur pour ce deuxième film. Mais sa mise en scène ne fait pas vraiment d’éclat, si ce n’est dans la séquence d’ouverture, modèle de suspense et d’efficacité dans un dancing bondé où l’action se met en place quasiment sans un mot. La suite, qui se voit avec un certain plaisir, est plus anodine…

Philomena (id.) – de Stephen Frears – 2013

Posté : 16 février, 2016 @ 8:00 dans 2010-2019, FREARS Stephen | Pas de commentaires »

Philomena

Cinquante ans après, une femme vieillissante raconte à sa fille comment, alors qu’elle n’était qu’une adolescente, elle avait été enfermée dans un couvent où son fils, né d’une relation d’un soir, lui avait été enlevé et adopté par une famille dont elle n’a jamais pu retrouver la trace… Le film n’est commencé que depuis cinq minutes, mais déjà c’est le cœur serré et les larmes au bord des yeux qu’on découvre ce mélo frappé du label « inspiré d’une histoire vraie ».

Le film est en fait l’adaptation très libre d’un livre écrit par un journaliste qui a aidé la vieille femme à retrouver la piste de son fils. De quoi tirer un grand mélo larmoyant… De quoi, aussi, tirer un beau film certes bouleversant, mais aussi élégant et fort, rageur et apaisé, émouvant et drôle. Un petit miracle que l’on doit à trois artistes particulièrement inspirés.

Stephen Frears bien sûr, dont la mise en scène aérienne évite le pathos et la complaisance.

Judi Dench évidemment, absolument sublime en « femme du peuple » pas aussi naïve qu’on peut le croire.

Et Steve Coogan surtout, qui interprète avec subtilité ce journaliste un peu cynique, un peu antipathique, un peu en colère, et un peu attachant. C’est lui, surtout connu pour ses émissions humoristiques à la télévision anglaise, qui est à l’origine du projet et le produit. C’est lui aussi qui signe le scénario (avec Jeff Pope), modèle d’intelligence qui parvient à insuffler de l’humour et de la légèreté dans un sujet plombant et révoltant (le sort réservé aux mères-enfants dans l’Irlande conservatrice des années 50).

Alors oui, on pleure à chaudes larmes, et on a envie d’étriper ces religieuses dénuées de la moindre humanité. Mais on sourit aussi, et on rit, devant ce duo improbable formé par un riche journaliste cynique et une pauvre infirmière retraitée d’une bonté déroutante. Et on se retrouve, comme le personnage de Steve Coogan, dérouté par le refus de céder à la colère, de celle dont la vie aura pourtant été si douloureuse.

Un superbe mélo, une jolie vision de la vie…

* Blue ray chez Pathé, avec commentaire audio, making of, entretiens avec Judi Dench et Steve Coogan, et petit documentaire sur la vraie Philomena.

Soupe au canard (Duck Soup) – de Leo McCarey – 1933

Posté : 15 février, 2016 @ 8:00 dans 1930-1939, Marx Brothers, McCAREY Leo | Pas de commentaires »

Soupe au Canard

Pas un immense fan des Marx Brothers, dont l’humour m’a toujours paru affreusement vieillot, et dont les films n’ont souvent strictement rien d’autre à mettre en valeur que leurs propres personnalités, en particulier celle de Groucho, leader écrasant.

Malgré la présence derrière la caméra de Leo McCarey, ce classique marxien ne me fera pas radicalement changer d’avis, même si je dois admettre avoir ri franchement à plusieurs reprises, et avoir regardé cette comédie potache et vaguement politique avec un certain plaisir.

Mais quelle platitude dans la mise en scène ! McCarey lui-même disait volontiers à quel point ce tournage fut déplaisant pour lui. On l’imagine bien, tant rien d’autre que les Marx eux-mêmes ne semblent avoir le moindre espace pour exister. Pas même le pauvre Louis Calhern, condamné à rouler des yeux en découvrant les pitreries des vedettes.

A vrai dire, la plupart des frangins eux-mêmes sont relegués aux arrières-plans au profit d’un Groucho dévorant qui semble vouloir accaparer la moindre image… jusqu’à être confronté à des doubles de lui-même : pour exister enfin, Harpo et Chico sont contraints d’abandonner leur personnalité et leur apparence pour se glisser dans celle, si reconnaissable, de Groucho… Sans même parler du pauvre Zeppo, quatrième larron sans envergure qui ne sort de son statut de figurant qu’à l’occasion de brefs numéros musicaux.

Pourtant, les moments les plus drôles du film sont dus non pas à Groucho, mais au duo Harpo et Chico. L’un avec son éternelle allure de pierro lunaire muet, l’autre avec son look et son accent latinos, forment un grand tandem qui renoue avec le comique visuel du burlesque originel, et un non-sens irrésistible. On leur doit une scène absolument hilarante, autour d’un stand de limonade, totalement inutile pour l’histoire, mais totalement indispensable pour le film.

Le Pirate de Capri (The Pirates of Capri / I Pirati di Capri) – d’Edgar G. Ulmer – 1949

Posté : 14 février, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Le Pirate de Capri

Quelque part entre Le Signe de Zorro de Rouben Mamoulian et Le Livre noir d’Anthony Mann (sorti cette même année 1949)… Toujours inattendu, Edgar Ulmer signe un film d’aventures sur fond de révolution (italienne cette fois), avec pour personnage principal l’un de ces héros masqués vengeurs et justiciers (joué par Louis Hayward). Curieux cocktail qui, sur le fond n’apporte pas grand-chose : à part quelques belles idées de scénario (la reine obnubilée par le destin tragique de sa sœur Marie-Antoinette), rien de très original dans ce portrait d’un homme qui dissimule sa vraie nature (celle du héros masqué) sous des faux-semblants grotesques.

Mais dans la forme, cette relativement grosse production (énorme, même, si on la compare à la grande majorité des films d’Ulmer) est particulièrement riche et passionnante. Le réalisateur met à profit les moyens qu’il a à sa disposition, ses décors impressionnants, ses nombreux figurants, pour signer une suite de tableaux saisissants, grouillants de vie et lourds de menace.

Toutes les séquences dans le village des pirates sont ainsi exceptionnelles, avec ces gueules mises en valeurs par la lumière des torches, les vieux murs qui se dessinent dans la nuit et dont sortent femmes et enfants… On sent qu’Ulmer apporte une attention toute particulière au quotidien de ces petites gens qu’il a toujours affectionné. C’est peut-être ça qui définit le mieux ce cinéaste à la carrière incroyable et totalement inclassable: cette empathie pour les petits, les opprimés.

Ici, il se révèle aussi un excellent cinéaste d’action, avec une poignée de duels à l’épée magnifiquement filmées, l’impressionnante séquence du soulèvement populaire, et surtout une course-poursuite hallucinante sur les toits de Naples, avec ces silhouettes qui semblent volet à travers la ville. Malgré son histoire un rien convenue, voire maladroite par moments, Le Pirate des Capri est une grande réussite, formellement impressionnante, et à la tension remarquablement tenue.

* Une rareté que Artus Films, éditeur plus habitué à exhumer le cinéma bis européen, vient de sortir de l’oubli, tout comme un autre film d’Ulmer : L’Île des péchés oubliés.

Blancanieves (id.) – de Pablo Berger – 2012

Posté : 13 février, 2016 @ 8:00 dans 2010-2019, BERGER Pablo, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Blancanieves

Transposer le célèbre conte de Blanche-Neige dans l’univers de la tauromachie, dans l’Espagne des années 1920, et le faire en noir et blanc… et en muet. Une idée totalement loufoque, au mieux. Au pire, une drôle de manière de surfer sur le succès de The Artist. Mouais. Sauf que Blancanieves est une pure merveille, un film qui parvient à ressusciter le langage cinématographique du muet des années 20 (l’époque à laquelle se déroule l’intrigue n’est pas un hasard), tout en étant d’une modernité et d’une audace assez incroyables.

Et même si certains aspects un rien caricaturaux du conte crispent un peu (la chambre de la petite Carmenita dans la cave à charbon, ou le sacrifice hyper-téléphoné du pauvre coq Pepe), le film est visuellement tellement splendide, et si admirablement tendu, que l’on accepte tout de bon cœur. Un véritable chef d’œuvre narratif, qui semble réinventer un langage oublié depuis l’invention du parlant : avec une grande économie d’intertitre, Pablo Berger raconte cette histoire réimaginée avec une fluidité devenue rare au cinéma.

Et il le fait en utilisant tous les outils visuels à sa disposition: alternance de très gros plans et de plans larges (comme aux abords de cette arène bondée), montage qui sait accélérer lorsqu’il le faut, voire devenir totalement syncopé, surimpression, jeux de lumière… En se privant de la parole, Berger renoue avec la pureté des grandes années du muet, et le résultat est éblouissant.

Quant à sa vision du conte, elle tranche assez radicalement avec celle de tonton Walt, avec laquelle Berger semble s’amuser pour mieux la détourner. Tout est là: la pomme, le miroir, le cercueil de verre, et les sept nains bien sûr (mais sont-ils vraiment sept?)… Mais la féerie et l’optimisme béat ont laissé la place au cynisme et à la cruauté. La mort n’est plus un simple état passager, mais la fin de tout, y compris de l’innocence et de la décence: un cadavre devient une sorte de poupée avec laquelle on veut se faire photographier, ou un pathétique monstre de foire…

L’ambition, le diktat de la beauté, la jalousie, la différence, le handicap… Blancanieves aborde mine de rien des sujets très actuels, et dynamite au passage le mythe du prince charmant et du happy-end avec une ultime image absolument sublime.

Avec ce film muet en noir et blanc, dont l’action se déroule dans les années 1920 dans le milieu très codifié de la tauromachie, Pablo Berger signe l’adaptation la plus moderne, la plus intemporelle et la plus universelle de Blanche-Neige. La plus passionnante et la plus percutante, aussi…

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