Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour février, 2023

La Vie en rose – de Jean Faurez – 1948

Posté : 28 février, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, FAUREZ Jean | Pas de commentaires »

La Vie en rose

Dans un collège, le jour de la remise des prix, un enseignant tente de se suicider dans sa chambre. Un jeune surveillant intervient juste à temps, et se plonge dans le journal intime de l’homme, découvrant page après page les événements qui l’ont conduit à cette extrémité.

Et c’est l’auto-portrait d’un quadragénaire charismatique, à la faconde irrésistible, qui se dessine de sa propre main, dans ce journal intime qui prend vie devant nos yeux. Mais ce n’est que la première partie de ce film malin et réjouissant. La seconde offre un regard extérieur et objectif sur les mêmes événements, nettement moins flatteurs pour le « suicidé », homme effacé incapable d’extérioriser ses sentiments.

La Vie en rose n’est pas un cas unique dans l’histoire du cinéma, loin de là. A peu près à la même époque, pour ne citer que celui-là, Duvivier refera le coup du changement de point de vue dans son malin La Fête à Henriette, au procédé comparable sur un tout autre sujet. Il y a un point commun évident entre les deux films, au-delà du fait que ce sont deux merveilles : tous deux sont dialogués par Henri Jeanson.

Et ils sont importants, les dialogues, dans ce qu’ils disent du fossé qui sépare l’homme qu’est réellement cet enseignant effacé, et celui qu’il se fantasme. Et ce fossé est profond, d’une vérité dérangeante. Sous les attraits de la comédie, que suggère le dynamisme et la jeunesse éclatante de François Périer, c’est un drame étonnamment cruel qui se noue, Jean Faurez (cinéaste que je découvre avec enthousiasme) nous plongeant mine de rien dans la psyché d’un homme méprisé, qui passe à côté de sa vie sans que quiconque s’en soucis.

Dans ce rôle, double et passionnant, une autre révélation : Louis Salou, loin de son personnage hautain des Enfants du Paradis. Il est le pivot du film. Sa prestation dans le sublime et dans le pathétique est d’une intensité folle, digne des plus grands, inoubliables. Une révélation, une vraie.

Bonnes à tuer – d’Henri Decoin – 1954

Posté : 26 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Bonnes à tuer

Henri Decoin, homme à femmes, aurait-il projeté ses propres fantasmes dans ce film ? Il y met en scène un homme qui réunit lors d’une soirée dans un bel appartement dominant la ville, toutes les femmes qui ont compté dans sa vie (dont Danielle Darrieux, ex-compagne du cinéaste). Une soirée à l’atmosphère étrange, un peu malsaine, où l’hôte se met en scène en démiurge s’amusant des réactions de sa cour…

Le personnage que joue Michel Auclair est aux antipodes du cinéaste, éternel amoureux. Lui est un jeune ambitieux et arrogant dont on sait dès le début qu’il a prévu de tuer l’une des femmes, et que l’issue du film sera effectivement fatale. Mais quelle est sa cible ? Laquelle de ses quatre conquêtes, qu’il invite ensemble malgré tout ce qui les oppose, pour ce qu’il dit être la pendaison de crémaillère du luxueux appartement avec terrasse surplombant Paris, qu’il s’est offert comme le symbole de son ascension fulgurante.

L’essentiel du film se concentre dans cet appartement, et sur cette terrasse, sur cette soirée étrangement tendue. Mais ce qui fascine, c’est moins cette tension (avec sa conclusion attendue), ou le fait de faire d’un personnage antipathique le pivot du film (Auclair est très bien, d’ailleurs), que les personnalités si dissemblables des quatre femmes. Quatre femmes radicalement différentes, presque limitées à un type, au bord de la caricature : la douce (Danielle Darrieux, merveilleuse), l’hyper-sexuée (Corinne Calvet), la vamp mystérieuse (Miriam di San servolo), et la jeune ingénue délurée (Lyla Rocco).

La construction du film est étonnante. Essentiellement linéaire, il est parsemé de plusieurs flash-backs, adoptant chacun le point de vue de l’une des femmes. L’un d’eux est remarquable, et rompt avec l’habituel classicisme tout en élégance et en efficacité qui domine par ailleurs : celui où la jeune ingénue raconte une soirée telle que son esprit embrumé d’alcool l’a vécu. Là, Decoin dévoile une autre facette de son talent, passionnante, qui aurait mérité d’être développée.

Les Enfants du Paradis – de Marcel Carné – 1945

Posté : 12 février, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, CARNÉ Marcel | Pas de commentaires »

Les Enfants du Paradis

Que peut-on attendre d’un film qu’on a si souvent placé en tête du classement des plus beaux du cinéma français, et qu’on n’a pas revu depuis si longtemps ? D’être envoûté, enthousiasmé, bouleversé, emballé, en un mot emporté. Emporté par l’ambition de la reconstitution de ce Paris du XIXe siècle, emporté par la magie des mots de Jacques Prévert, emporté par l’interprétation habitée, par l’ampleur du drame romanesque…

J’ai bien peur de ne pas être original : Les Enfants du Paradis est une merveille, un bonheur de 3 heures et 9 minutes dont on aimerait qu’il ne s’arrête jamais. Le plus beau rôle d’Arletty, Garance pour l’éternité. Le plus beau rôle de Pierre Brasseur, flamboyant Frédérick Lemaître. Le plus beau rôle de Jean-Louis Barrault, Baptiste Debureau si intense, si tragique. Le plus beau rôle d’à peu près tout le monde à vrai dire, tant ce drame ample et intime à la fois laisse de la place à tous.

Les Enfants du Paradis est ce qu’on appellerait aujourd’hui un blockbuster, une grosse machine. Des décors extraordinaires de Trauner, des dizaines de figurants, des tas de rôles parlants, des intrigues qui s’entremêlent, deux époques qui se répondent (le film est divisé en deux longs métrages)… Dès le générique de début, la musique de Kosma et Thiriet annonce l’ambition et la démesure du projet. Encore que démesure ne soit sans doute pas le terme le plus précis : les moyens sont immenses, et semblent même illimités, mais le film frappe surtout par l’intensité et la maîtrise qui s’en dégagent, une sorte d’état de grâce qui ne s’éteint jamais.

« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un si grand amour. » « Je ne suis pas belle, je suis vivante. » « Vous êtes riche et vous voudriez être aimés comme un pauvre. » Les grands dialogues grandiloquents peuvent être plombants. Ceux que glisse Prévert dans la bouche d’Arletty sont d’une beauté sidérante, comme cette gouaille si joyeuse qui laisse la place à une distinction si désabusée. C’est beau, renversant, poétique et tragique.

Le scénario et les dialogues sont magnifiques, c’est un fait. De là à attribuer au seul Prévert la réussite du film, il y a un pas qu’il serait bien injuste de franchir. Carné est bien plus qu’un illustrateur : de ce scénario si ample, de tous ces personnages qui se croisent sur un boulevard du crime bondé, il tire un film où tout coule de source, fluide et intense, drôle et poignant, d’un seul mouvement complexe et pluriel.

Dans ce vaste mouvement qui emporte tout, on croise une artiste paumée, libre et amoureuse, un célèbre mime, un grand acteur, un tueur anarchique… Mais au fond, uniquement des êtres qui tentent chacun à leur manière de dompter leur solitude. Un film en état de grâce. Allez… On refait un classement des plus beaux films du monde ?

La Conspiration du Caire (Walad min al Janna) – de Tarik Saleh – 2022

Posté : 11 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, SALEH Tarik | Pas de commentaires »

La Conspiration du Caire

Le fils d’un pêcheur est accepté dans la prestigieuse université al-Azhar du Caire, haut lieu de l’enseignement islamique. Là, il deviendra le jouet des services de sécurité du pays, qui veulent en faire leur taupe pour infiltrer les frères musulmans, qui eux-mêmes auraient infiltré l’université. Vraiment ?

Le réalisateur d’origine égyptienne (il a la nationalité suédoise), à qui on doit déjà Le Caire Confidentiel, laisse un temps planer l’idée que son film se résumerait à ça : la menace intégriste qui rongerait le monde musulman de l’intérieur. Son scénario est en fait autrement plus retors, et son film nettement plus politique que religieux : c’est la société égyptienne dans ce qu’elle a de plus trouble et opaque qui est au cœur de l’histoire.

Film engagé, mais aussi thriller efficace, La Conspiration du Caire multiplie les fausses-pistes et dévoile une société rongée par la corruption, la manipulation, la violence institutionnelle. Dans ce vaste jeu de massacre, le pauvre étudiant se retrouve ballotté au gré de ses rencontres, utilisé sans trop de vergogne par à peu près tout le monde, y compris ce flic un peu paumé, un peu tendre, capable des pires dérives comme de la plus folle rédemption.

La religion, finalement, n’est qu’une passionnante toile de fond, un peu à la manière du Nom de la Rose. Et plutôt que l’islamisme radical, ce sont les cent nuances de l’Islam que met en lumière Tarik Saleh, dont le style impressionne dès qu’il filme l’institution religieuse : superbes travellings sur des apprentis imams évoluant dans le décor de l’université, plongées vertigineuses sur une « armée » d’étudiants coiffés de rouge…

Tourné loin de l’Egypte, où le réalisateur est « indésirable » depuis avant Le Caire Confidentiel, Tarik Saleh ne risque pas de renouer avec son pays d’origine avec ce film, passionnant… thriller?… parcours initiatique ?… pamphlet ? Tout ça à la fois, pour une plongée fascinante et oppressante dans une guerre de pouvoir assez glaçante.

Babylon (id.) – de Damien Chazelle – 2022

Posté : 10 février, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, CHAZELLE Damien | Pas de commentaires »

Babylon

Est-ce la mauvaise passe que traversent les salles obscures ? Le cinéma en tant que sujet n’a peut-être jamais autant inspiré les grands cinéastes qu’aujourd’hui. David Fincher (Mank), Quentin Tarantino (Once upon a time in Hollywood), Steven Spielberg (The Fabelmans)… et Damien Chazelle, pas encore quadragénaire, qui nous plonge avec Babylon à l’époque charnière de la fin du muet et du début du parlant.

Cette période a inspiré plus d’un film, de Chantons sous la pluie à The Artist. Chazelle rend d’ailleurs un bel hommage au film de Stanley Donen et Gene Kelly, particulièrement dans la très belle dernière scène, dans une salle de cinéma. Il y en a plusieurs, des scènes qui se passent dans des salles obscures, toutes différentes, toutes poignantes, toutes pleines de vie. Parce que Chazelle a beau signer un film profondément nostalgique, Babylon est aussi et avant tout un chant d’amour plein de vie au cinéma d’hier et d’aujourd’hui.

Le moment qui résume, peut-être, le mieux le propos du film, c’est cette scène où une critique à la plume acerbe confirme à la star sur le déclin que oui, ses jours de gloire sont terminés, mais que ce qu’il laisse dépasse de loin sa propre personne. Que des enfants qui naîtront cinquante ans plus tard vibreront devant les films qu’il a fait, devant ce qu’il représentera pour toujours, en tout cas pour longtemps.

On pourrait comparer Babylon à Une étoile est née, pour les destins croisés de cette grande star sur le déclin et de cette starlette en pleine ascension (Brad Pitt et Margot Robbie, formidables tous les deux). Mais ce serait aller un peu vite. Chazelle, cinéaste, est au moins autant chef d’orchestre. Il n’y a pas d’intrigue à proprement parler dans son film, mais des personnages qui se croisent et interagissent comme des musiciens, ou comme les notes d’une partition qui passe du gigantisme à l’intime avec une maîtrise exceptionnelle du mouvement.

On parle de la séquence d’ouverture ? Ou plutôt non : « des » séquences d’ouverture ? D’abord, une soirée d’orgie hallucinante qui nous dévoile d’emblée l’envers du rêve, la débauche et la vulgarité de stars dont l’humanité est dévoilée avec beaucoup de crudité. Et puis l’autre envers du décors : un plateau de cinéma en plein air, où se tournent simultanément plusieurs films dans un bordel absolument pas organisé, mais d’où naissent de vrais moments de pure magie : une larme qui coule au bon moment, un coucher de soleil miraculeux et un papillon sur le noir, qui donnent du sens au chaos.

Chazelle filme ce chaos à grand renfort de travellings, de gros plans et de plans très larges, démiurge dont le style impressionnant n’est jamais écrasant, toujours extrêmement maîtrisé et même très humain. Chazelle filme une époque et un mouvement, pas un biopic. D’ailleurs, à de rares exceptions près (Thalberg notamment), tous les personnages sont fictifs, quoi que très inspirés par d’authentiques personnalités, à l’image du personnage de Brad Pitt qui évoque la figure de John Gilbert.

Le film commence en 1926, mais les figures qu’on y croise évoquent parfois un Hollywood plus ancien encore : celui des années 1910 où tout se construisait, et du début des années 1920. L’overdose de la starlette sous les yeux d’une vedette très opulente, au début du film, rappelle évidemment la déchéance de Roscoe Arbuckle en 1921. Chazelle s’autorise beaucoup de liberté, pour mieux restituer la folie d’une époque révolue, et la perte d’une certaine idée de la liberté justement.

Moins spectaculaire mais tout aussi impressionnante : la séquence où l’actrice qui monte tourne sa première scène parlante, le silence absolu et les règles draconiennes ayant remplacé sur le plateau l’effervescence et le joyeux bordel des tournages muets. Margot Robbie y est d’ailleurs absolument formidable, attirant la lumière jusque dans ses nuances de jeux.

C’est aussi l’histoire d’un idéal perdu, et de l’apparition d’un Hollywood où les femmes n’ont plus leur place que sur l’écran, et les noirs n’ont d’intérêt que pour les rentrées qu’ils peuvent assurer dans leur communauté. Cruel et désenchanté, mais pas totalement cynique : l’amour du cinéma domine constamment, jusque dans la folie glauque de la scène du blockhaus (un peu too much, mais glaçante), et dans la dernière scène mélancolique et déchirante de Brad Pitt, inoubliable.

Mais le cinéma, c’est un peu plus que la vie. Chazelle le ressent profondément, et il en fait le cœur de son film, extravagant et sensible. Beau.

125, rue Montmartre – de Gilles Grangier – 1958

Posté : 9 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

125 rue Montmartre

Gilles Grangier est à la toute fin de sa grande période lorsqu’il réalise ce film noir franchement formidable. La fin de sa carrière sera surtout marquée par des comédies pépères avec Gabin ou Fernandel, très dispensables. Mais ce 125, rue Montmartre, adaptation d’un roman à succès, est clairement l’un des sommets de sa filmographie, son chant du cygne disons…

C’est aussi l’un des meilleurs rôles de Lino Ventura, surprenant en vendeur de journaux à la criée, entraîné bien malgré lui dans une histoire de crime dont il est le pigeon habilement manipulé. On n’est dira pas beaucoup plus pour ménager les surprises, mais ce scénario brillamment retors est parfaitement mis en scène par Grangier, qui profite de ce polar pour nous plonger dans le quotidien de ces « crieurs », dont on découvre les petites habitudes, les réveils matinaux, les repas dans une cantine grouillante de vie…

125, rue Montmartre est un film noir digne des plus grandes réussites américaines du genre, qui vaut autant pour son scénario que pour ses personnages et son atmosphère. Et pour ses dialogues, signés Audiard, du caviar pour un Ventura, jusqu’à présent brillant second rôle qui s’apprête à devenir une star à part entière, et qui sort de sa zone de confort pour un rôle d’anti-héros assez passionnant.

Passionnant aussi, quoi que plus en retrait : le personnage du flic joué par Jean Desailly, que l’on découvre un peu fat et presque ridicule, et qui s’avère un digne héritier de Columbo, en plus élégant. Particulièrement réjouissant lorsqu’il s’adresse à son second alors qu’un suspect vient de lui mentir éhontément : « Suis-je idiot ? – Oh non commissaire. – Alors dites-lui, on gagnera du temps. » Réjouissant.

Remous – d’Edmond T. Gréville – 1935

Posté : 8 février, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, GREVILLE Edmond T. | Pas de commentaires »

Remous

Le désir est un thème qui réussit bien à Gréville, à qui on devra le très bon Port du Désir avec Gabin, ou le formidable Le Diable souffle, que Remous annonce à bien des égards. Formellement, on retrouve la même ambition, la même volonté d’utiliser toute la force du cinéma, avec une narration avant tout basée sur les silences, les regards, le mouvement, les ellipses (superbes et lancinantes, les ellipses).

Du grand cinéma, sur un sujet fort et audacieux : l’impuissance d’un homme, sorti diminué d’un accident de la route durant son voyage de noces, et la frustration de plus en plus difficile à gérer de sa jeune et belle épouse, qui l’aime sincèrement mais se retrouve face aux réalités de son corps et de ses désirs. Tout ça est bien plus que suggéré dans ce film à la fois direct et délicat.

Gréville, par successions d’épisodes entrecoupés par des plans d’eaux en furie (tout un symbole), filme ce couple si beau dont la perfection se fissure au fur et à mesure que le quotidien s’impose, un peu comme un barrage qui se remplirait peu à peu jusqu’à… jusqu’à quoi au fait ? Qu’il n’explose, ou qu’au contraire les eaux s’apaisent et se reposent ? Comme un symbole, encore : le mari, architecte, est justement en train de construire un barrage.

Surtout, Remous est un film de regards, croisés ou évités. On n’y parle pas beaucoup, et les paroles sont le plus souvent noyées sous une musique très présente, très puissante. Un peu gênante d’abord, et puis on réalise la futilité des rares paroles, et la force des images. Gréville revendiquait lui-même cette volonté de raconter par l’image, en digne héritier des réalisateurs du muet. Aux dialogues, il préfère l’évocation symbolique, multipliant les gros plans évocateurs qui disent plus que de longs discours sur l’état d’esprit des personnages.

Direct et délicat, inspiré et audacieux, Remous est un film puissant et profond, et très émouvant ce qui ne gâche rien.

Bagarres – de Henri Calef – 1948

Posté : 7 février, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, CALEF Henri | Pas de commentaires »

Bagarres

Etrange titre pour ce film où on n’assiste à peu près à aucune bagarre, si ce n’est un bref affrontement qui n’excède pas les cinq secondes à l’écran. Mais il est question d’affrontements, sourds et silencieux, entre à peu près tous les hommes de la distribution, tous membres d’une même petite communauté, et prêts à s’entretuer pour les faveurs d’une belle jeune femme.

C’est en tout cas la seconde moitié de ce film assez fascinant de Henri Calef, cinéaste un peu tombé dans l’oubli. La première est tout aussi tendue, mais sur un autre registre : la belle, Carmelle (jouée par Maria Casarès) est poussée par le jeune homme qu’elle aime à se mettre au service du riche paysan de la région, réputé pour profiter de sa position avec les femmes. Si elle pouvait se le mettre dans la poche et en profiter financièrement…

Le regard sombre et triste de Maria Casarès est magnifiquement filmé, femme fière et sacrifiée qui n’aspire qu’à la liberté dans ses montagnes, et qui est confrontée à la mesquinerie et à la brutalité des hommes. Le riche paysan d’abord, formidable Jean Brochard, dont Calef révèle le côté pathétique et solitaire derrière la pure brutalité. On le découvre abattant son chien devenu trop vieux. « Ce qui ne me sert plus à rien ne me donne jamais d’émotion », lance-t-il, bravache.

Mais Calef sait capter par de petits détails, des silences surtout, une vérité plus nuancée derrière les apparences : la dureté du riche Rabasse, ou la bonté de son employé Giuseppe (Edouard Delmont). Il filme un monde dur, où les femmes font ce qu’elles peuvent pour surnager, sans pouvoir trouver de réconfort dans ce qui leur sert de foyer (un « frère » joué par Mouloudji, plus menaçant que rassurant). Même la musique de Kosma, lyrique et romantique, apparaît comme étouffante tant elle est présente par moments.

Calef ne laisse guère de place pour la légèreté, n’accordant à son héroïne que de brèves respirations solitaires dans les montagnes. L’amour n’est pas loin, bien sûr, mais il sera d’emblée marqué par le destin. Vrai film noir. Beau film cruel.

La Tour des ambitieux (Executive Suite) – de Robert Wise – 1954

Posté : 6 février, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, STANWYCK Barbara, WISE Robert | Pas de commentaires »

La Tour des ambitieux

Robert Wise est un cinéaste souvent ambitieux, et toujours appliqué. Le voilà qui nous plonge dans les coulisses d’un grand groupe industriel, côté grands pontes. Les rouages d’une grande entreprise capitaliste, les petits accords et combines, les ambitions dévorantes, la recherche du profit au prix de son âme parfois… Il y a dans La Tour des ambitieux quelque chose qui annonce le fameux Margin Call de JC Chandor. Comparer ces deux films n’est pas anodin.

Cela met en évidence à la fois l’exceptionnelle réussite du film de Chandor, et l’évolution du regard hollywoodien (en tout cas dans ce qu’Hollywood fait de mieux). En 1954, le cynisme est déjà mis en scène frontalement, et le monde de l’entreprise est déjà une jungle très cruelle, dont tout le monde ne sort pas indemne. Mais le film de Wise, malgré sa complexité, simplifie tout de même assez radicalement le propos en le résumant à une seule opposition : la seule recherche du profit, contre l’amour du travail bien fait.

C’est un peu court tout de même pour être totalement convainquant, mais c’est autour de cette opposition que tourne toute l’intrigue, l’histoire d’une difficile succession après la mort subite du président d’une grande entreprise, qui n’avait pas officiellement désigné son dauphin. D’un côté, le clan du mal (l’ultra capitalisme) incarné par l’homme aux diagrammes, Fredric March, dont le personnage n’a aucune vie privée connue. De l’autre, le clan du bien (un créateur), un homme de terrain proche des ouvriers et disponible pour sa famille joué par William Holden.

Entre les deux, une demi-douzaine de personnages qui hésitent, confrontés à leurs propres questionnements, hésitant entre soumission et probité. Et quel casting ! Barbara Stanwyck, Louis Calhern, Walter Pidgeon, Paul Douglas, Dean Jagger, mais aussi June Allyson, Nina Foch et Shelley Winters dans des rôles d’amoureuses qui n’existent que pour leurs hommes… Vraiment, on a fait démonstration plus légère.

Mais Wise est un cinéaste appliqué, donc, et parfois même très inspiré. L’utilisation de la caméra subjective dans la première partie, qui adopte le point de vue du PDG jusqu’à sa mort, est au moins originale à défaut d’être réellement convaincante (jamais été très fan de la vision subjective). L’absence de musique, y compris dans le générique, est plus originale encore, et nettement plus percutante, comme ces cloches qui sonnent régulièrement et assourdissent l’action.

Et puis, malgré toutes ses limites et facilités, le scénario est d’une efficacité imparable, lent crescendo menant à la réunion finale qui cristallise en un unique débat les deux points de vue du film, jusqu’au plaidoyer d’un William Holden qui endosse subitement les frusques d’un personnage à la Capra. C’est le tout premier scénario signé Ernest Lehman, dont la filmographie comptera quelques monuments du cinéma comme Sabrina, La Mort aux trousses ou Le Grand Chantage sur un thème pas si éloigné.

Borderline (id.) – de William A. Seiter – 1950

Posté : 5 février, 2023 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, SEITER William A. | Pas de commentaires »

Borderline

William A. Seiter a une solide expérience dans la comédie (La Femme la plus riche du monde, par exemple), et cela se sent dans ce thriller sur le thème assez convenu du flic infiltré. Borderline commence comme un film noir sombre et tendu, à la manière d’un Anthony Mann. Mais très vite, lorsque l’intrigue se ressert sur les deux personnages principaux, l’attirance manifeste et la vérité que le spectateur pressent et comprend bien avant les protagonistes prennent le dessus, et la légèreté avec.

Difficile d’être plus précis sur cette vérité sans gâcher le plaisir de la découverte. Disons simplement que Claire Trevor interprète une policière amenée à accompagner un homme de main joué par Fred McMurray d’un côté à l’autre de la frontière mexicaine, pour mettre la main sur un puissant trafiquant. Disons aussi qu’ils ont à leurs trousses un trio de gangsters menés par l’incontournable Raymond Burr, aussi inquiétant qu’incapable de réussir la moindre action.

Hélas, on sent bien vite que Seiter s’intéresse moins à l’aspect policier de son film qu’à son côté marivaudage, et qu’il passe donc en partie à côté d’un thriller tortueux et original. Il n’y a pas dans Borderline la sécheresse et la tension que l’on retrouvait à la même époque dans les films de Mann ou de Fleischer. Il y a tout de même de beaux moments : la tentative foireuse de séduction d’une Claire Trevor se faisant passer pour une danseuse de cabaret ; l’appel téléphonique rendu difficile par un câble transformé en corde à lingeQuelques détails comme ça qui confirment le goût de Seiter pour la comédie.

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