Trois jours et une vie – de Nicolas Boukhrief – 2019
Cinéaste décidément très porté sur la légèreté, Nicolas Boukhrief signe un film de commande pour une fois : l’adaptation (par lui-même) d’un roman de Pierre Lemaître, en vogue depuis Au-revoir là-haut, qui raconte l’histoire d’une culpabilité, celle d’un gamin qui grandit en gardant pour lui un terrible secret. Le fils du voisin, qui a un jour disparu sans laisser de traces, c’est lui qui l’a tué par accident…
Plombant ? Dans sa première partie, oui, le film l’est terriblement. Parce qu’il narre dans le détail les événements qui ont conduit au drame, et ce secret insupportable dans lequel le gamin s’enferme. Mais ça, ce n’est que la première partie. Après un incroyable rebondissement, quasi-divin, c’est autre chose qui commence. Moins plombant, mais tout aussi lourd. C’est alors du poids du secret qu’il est question.
C’est, d’une certaine manière, un film sur la culpabilité. Mais pas tout à fait, en même temps. Bien sûr, elle est présente cette culpabilité, implacable et radicale. Pourtant, imperceptiblement, Boukhrief et Lemaître glissent vers autre chose de plus lancinant, et de finalement moins noble : les effets que procure ce secret pas si bien gardé, cette hypocrisie qui s’organise et dont personne ne sort gagnant.
Nicolas Boukhrief a un savoir-faire indéniable, et le don pour créer des atmosphères pesantes. Il est ici en terrain conquis. Presque trop, même, dans la première partie, dérangeante mais attendue. Evidemment, c’est plombant, et c’est bouleversant, parce que la victime et le tueur sont deux gamins particulièrement mignons et attachants, qui ne méritent pas leur sort. Mais le drame annoncé l’est tellement (annoncé) que rien ne vient vraiment nous surprendre.
La surprise de cette tempête qui vient tout effacer n’en est que plus grande. Dérangeante, même, pour le coup, tant elle est mise en scène comme l’intervention de quelque chose de plus grand, un véritable miracle. On se dit d’abord que c’est du grand n’importe quoi, et puis cet épisode a le mérite d’éveiller un intérêt tout neuf, et d’ouvrir vers une seconde partie nettement moins attendue, plus complexe, plus riche, et plus passionnante.
De la pure tragédie, le film passe alors à l’étude plus trouble d’une communauté rongée par ce secret. Avec douleur, mais aussi avec cynisme, comme le confirme l’un des derniers plans, regard perdu sur une assiette. Ce n’est décidément plus de culpabilité qu’il s’agit, mais des rêves envolés, et de la prison dans laquelle enferme le secret.
C’est porté par d’excellents acteurs (Gamblin, Bonnaire, Torreton, et Pablo Pauly dans le rôle principal), et ça vous trotte dans la tête bien longtemps après la projection. Fort, et dérangeant.