Le Réveil de la Sorcière rouge (Wake of the Red Witch) – d’Edward Ludwig – 1948
Voilà une merveille de film d’aventures, un petit bijou constamment oublié dans la liste des grandes réussites du genre. Pourtant, ce Réveil de la Sorcière rouge (beau titre mystérieux, qui annonce l’importance que jouera l’épave d’un bateau) est une œuvre complexe fascinante, un film original et ambitieux marqué par de constants changements de rythmes et de tons, et dont la construction est particulièrement audacieuse, avec ce long flash-back au cœur du film qui donne au personnage de Gail Russell une aura particulière, jusque dans ses absences, faisant du film une superbe histoire d’amour tragique.
Mais c’est bien John Wayne qui porte le film sur ses épaules. Même s’il n’a pas encore cette intensité menaçante qui rendra inoubliable son personnage de La Prisonnière du Désert, il est remarquable dans le rôle de ce capitaine habité par un sombre dessein, que l’on découvre d’abord inquiétant et mystérieux. Son Capitaine Ralls, comme le Ethan Edwards du chef d’œuvre de John Ford, est un être obsessionnel, rongé par un passé douloureux qui ne sera révélé qu’au compte-goutte.
Tous les personnages sont particulièrement réussis, notamment celui du méchant (Luther Adler, grand nom du théâtre américain). Loin de toute caricature, il semble n’exister que dans la haine de celui qu’il veut détruire. A tel point qu’on le retrouve anéanti lorsqu’il apprend que son ennemi juré est probablement mort… Une vision pour le moins inattendue et curieusement émouvante, comme s’il venait de perdre son unique raison de vivre.
Entièrement au service de l’histoire, la mise en scène d’Edward Ludwig ne s’embarrasse pas de fioriture ou de recherches esthétiques. Mais elle est d’une efficacité parfaite, jusque dans les formidable séquences sous-marines, modèles du genre pourtant tournées sans grand moyen (le film est produit par la Republic, l’une des firmes de la « poverty row » d’Hollywood), mais où la tension est constamment palpable. Même avec cette pieuvre géante – en caoutchouc -, et cette épave – miniature – qui tangue, le suspense est parfaitement tenu.
Et pourtant, le film reste méconnu et mésestimé. Pas par John Wayne lui-même, qui ira jusqu’à appeller sa compagnie de production la Batjac, clin d’œil à Batjak, l’armateur du navire « La Sorcière Rouge ».