The Killer (id.) – de David Fincher – 2023
Un quasi-remake du Samouraï. Une espèce de contre-pied absolu à John Wick et toutes les grosses productions interchangeables récentes. On pourrait facilement résumer ainsi le nouveau film de David Fincher, dont l’histoire est on ne peut plus classique : un tueur, après un contrat raté, veut se venger de ceux qui s’en sont pris à sa petite amie.
Sur le papier, la simplicité et la frontalité du sujet évoquent d’autres classiques, comme le Point Blank de John Boorman. La liste des références, à vrai dire, est presque sans fin. A l’écran, la première séquence met d’emblée à mal toutes les velléités de comparaisons : avec The Killer, qui marque son retour au thriller noir (et ses retrouvailles avec son scénariste de Seven), Fincher se réinvente et réinvente le genre, comme il n’a cessé de le faire.
The Killer est sans doute son film le plus simple à résumer. C’est aussi peut-être son plus complexe stylistiquement. Aux antipodes de la surenchère habituelle du film de genre hollywoodien actuel, Fincher nous plonge dans l’esprit d’un tueur à gages, filmant longuement l’attente, la préparation, les interrogations, tout ce qui mène vers l’action elle-même qui n’est qu’un fragment spectaculaire dans un tout dénué de tout romantisme.
Son « héros », joué par un Michael Fassbender fascinant comme rarement, est un être ouvertement froid et clinique, attaché maladivement aux détails, et qui évite au maximum tout contact humain, ou tout ce qui pourrait faire de lui un être reconnaissable. Alors Fincher le met en scène dans des univers froids, interchangeables, sans âme.
Les décors eux-mêmes se ressemblent étrangement, où que se situe l’action. Et elle voyage beaucoup : le récit est divisé en cinq actes, et autant de villes à travers le monde. Et si le décor évolue peu, l’atmosphère elle, est clairement celle des lieux où Fincher pose ses caméras : Paris, New York, La Nouvelle Orléans…
Le directeur de la photo n’y est pas pour rien. Mais c’est surtout la précision de la mise en scène qui impressionne. La maîtrise absolue de son art, qui lui permet de signer des séquences aussi longues, aussi dénuées de tout effet spectaculaire, et aussi passionnantes. Le style Fincher épouse parfaitement les obsessions de son personnage principal, la prédominance des détails et une certaine froideur.
Pourtant, The Killer est aussi, et de loin, le film le plus drôle de Fincher. Bon. Pas non plus une franche comédie, non. Mais avec la voix off très présente de Fassbender, Fincher introduit une ironie, un décalage et une distance avec la froideur et la violence de son propos. Et derrière la simplicité du récit, c’est une sorte de condensé de tout son cinéma que réussit le réalisateur, de Fight Club à Gone Girl en passant par Panic Room.
Plus que jamais, Fincher est le cinéaste le plus passionnant de sa génération.