Je veux voir – de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige – 2008

Il y a quelque chose de magnifique avec Catherine Deneuve, c’est cette curiosité et cette ouverture qui semblent sans fin. Alors que d’autres (Delon, pour ne citer que lui) se sont enfermés dans leur statut d’icône, elle, qui a pourtant sa place depuis des décennies parmi les icônes, ne cesse de s’aventurer en terres inconnues.
C’est le cas avec cet objet filmique étonnant, qui ne répond au fond qu’à une envie : celle de ses deux réalisateurs libanais de filmer leur pays tel qu’il est au lendemain de la guerre de 2006 face à Israël, de s’aventurer entre les ruines du Liban pour tenter d’y retrouver la beauté enfouie sous les décombres.
Le procédé est proche du documentaire. Catherine Deneuve, dans son propre rôle donc, arrive à Beyrouth pour recevoir un prix, et insiste pour être emmenée dans le Sud, où les combats ont été les plus violents. « Je veux voir », lance-t-elle en guise d’explication. Elle est accompagnée par l’acteur Rabih Mroué (dans son propre rôle itou), et suivie par une équipe de cinéma menée par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige eux-mêmes.
Ces derniers s’effacent la plupart du temps, et ne réapparaissent que pour rappeler qu’on n’est pas dans une fiction. Pas totalement dans un documentaire non plus, même si le film est largement improvisé, et que c’est le regard de Deneuve découvrant les traces de la violence qui est le fil rouge. Une sorte d’entre deux un peu bancal dans un premier temps, mais qui finit par créer comme un étrange envoûtement.
Ce mini road-trip (quelques heures dans une même journée) vers le Sud, vers la frontière avec Israël, c’est aussi la rencontre de deux acteurs : l’un comédien libanais, l’autre star internationale, qui découvrent ensemble les ravages de la guerre, la peur des mines, le ballet impressionnant des avions israéliens, et ce village en ruines où Rabih n’arrive pas à retrouver la maison de son enfance. Bouleversant.
Pas d’autre histoire que celle-là : la rencontre de deux artistes que tout sépare dans une terre pleine de beautés et de gravas. Le sourire de Deneuve qui s’épanouit dans les derniers instants du film vaut à lui seul le voyage.