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Archive pour la catégorie 'RAY Nicholas'

La Fureur de vivre (Rebel without a cause) – de Nicholas Ray – 1955

Posté : 7 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, RAY Nicholas | Pas de commentaires »

La Fureur de vivre

Rebel without a cause est un classique, pas un film irréprochable. Résumer le caractère fuyant d’un père sans caractère en le mettant en scène en tablier, occupé à des tâches ménagères, est une image qui passe quand même difficilement en 2020. Certes. Mais Rebel without a cause est, quand même et toujours, un film majeur.

Avec ce film, Nicholas Ray signe sans doute l’œuvre ultime sur la jeunesse qui souffre, sur le cruel et violent passage à l’âge adulte, sur cette période impitoyable de l’adolescence : les doutes, la violence du changement, la solitude, et surtout ce besoin viscéral d’avoir des repères.

James Dean est le symbole parfait de cette transition violente. Parce qu’il porte sur son visage la tragédie annoncée, mais aussi pour ce que l’on sait de son propre destin bien sûr, qui tient toute sa place à la fois dans sa mythologie et dans le poids que sa présence à l’écran continue à avoir.

Ray réussit ce que peu d’autres cinéastes ont réussi : donner corps à cette violence-là, à cette jeunesse si pleine de doutes. L’intrigue du film se déroule sur une seule journée, et les drames qui s’y déroulent marquent chacun une étape dans l’affirmation du personnage principal, fils en quête d’attention, tiraillé entre des parents qui ne le comprennent pas.

Vu à 15 ans, Rebel without a cause est de ces films qui vous marquent à vie. Vu trente ans plus tard, il est de ces films qui vous rappellent l’adolescent que vous étiez, et qui vous souffle dans un cri douloureux que certaines choses ne changent pas. L’émotion, en tout cas, est toujours là, immense. Un classique vraiment intemporel.

Johnny Guitare (Johnny Guitar) – de Nicholas Ray – 1954

Posté : 4 octobre, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, BOND Ward, CARRADINE John, RAY Nicholas, WESTERNS | Pas de commentaires »

Johnny Guitare

Un western qui commence par une longue séquence en huis-clos pour s’achever par un duel entre femmes. Forcément, Johnny Guitar est à part dans l’histoire du genre. C’est aussi un film immense, petite production transcendée par un cinéaste en état de grâce.

Tout commence donc par un étonnant huis-clos d’une bonne vingtaine de minutes, absolument sidérant de tension. Dans ce lieu fermé (un saloon-casino qui se dresse au milieu de nulle part), Ray introduit les nombreux personnages et enjeux du film, dans une série d’affrontements verbaux qui semble pouvoir exploser à tout moment. C’est une intensité folle, et brillamment mis en scène.

Il y a donc Johnny Guitar (Sterling Hayden, parfait), aventurier solitaire armé d’une seule guitare qu’il dégaine lorsque d’autres auraient sorti leur flingue. Il y a le Dancing Kid (Scott Brady, peut-être son meilleur rôle), dont le seul pas de danse a une bestialité et une brutalité qui ne sont pas sans effets. Il y a Vienna surtout : Joan Crawford bien sûr, dont la douce beauté de la jeunesse a laissé la place à une maturité aux contours plus brusques. Face à elle, une autre femme forte, dure et mesquine celle-là : Mercedes McCambridge, femme castratrice qui mène à la baguette les hommes de la cité, veules et pathétiques, que « mène » un formidable Ward Bond.

Ray ne sacrifie aucun de ses dix ou douze personnages majeurs. Le traditionnel rôle de l’homme à tout faire est particulièrement frappant : simple silhouette dans la plupart des films, ce personnage interprété ici par John Carradine a une profondeur étonnante, dont il est le premier surpris. « Personne ne me regarde », s’amuse-t-il d’ailleurs, avant une dernière apparition magnifique. La même attention est portée aux acolytes de Scott Brady. Royal Dano en particulier : silhouette patibulaire qui ressemble à tant d’autres, mais qui ne cesse de surprendre tout au long du film, avec son goût pour les livres et sa nostalgie à fleur de peau.

D’un western sur les temps qui changent (un thème central du genre), Ray tire un formidable film de caractères, sur le temps qui passe, les rendez-vous manqués, les opportunités et les rêves. Avec ces quelques notes de musiques envoûtantes qui reviennent régulièrement, comme la promesse d’un avenir meilleur, et d’une chanson que l’on n’entendra que sur les toutes dernières images, d’une beauté absolue. Un chef d’œuvre, oui.

Les Ruelles du malheur (Knock on Any Door) – de Nicholas Ray – 1949

Posté : 2 mai, 2018 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BOGART Humphrey, RAY Nicholas | Pas de commentaires »

Les Ruelles du malheur

« Vivre vite, mourir jeune et laisser un beau cadavre. » Une phrase entendue cent fois, et qu’on attribuerait volontiers à James Dean. Pourtant, ce n’est pas dans La Fureur de vivre, mais dans un film que Ray a tourné six ans plus tôt qu’on peut l’entendre, dans la bouche du tout jeune John Derek.

Beau gosse aux allures de gendre idéal, Derek n’est pas un acteur renversant. Mais il a eu la chance d’inspirer quelques grands cinéastes. C’est le cas ici, où son physique lisse et finalement assez peu expressif fait des merveilles. Qui est ce gamin sans grande personnalité, victime d’une naissance défavorable et d’un environnement difficile ? C’est toute la question que se posent les jurés dans ce film-enquête construit autour d’un procès pour meurtre.

Une construction plutôt efficace, qui associe habilement les codes du film de procès et ceux du film social. Humphrey Bogart jouant l’avocat qui défend Derek, en même temps que le principal témoin de sa vie et de sa déchéance, on comprend que la partie procès ait pris une importance peut-être plus grande qu’elle n’aurait dû. La dernière partie, d’ailleurs, se concentre uniquement sur la salle d’audience. Et le film perd un peu de sa force.

On a quand même droit à un beau plaidoyer de Bogart sur l’inégalité des hommes et l’injustice, plaidoyer qui résonne encore parfaitement aujourd’hui. Et il y a quelques détails formidables dans cette salle d’audience : la sueur sur le fauteuil du juge, les doutes qui s’instillent inexorablement sur les visages…

Mais c’est dans les flash-backs que le film est le plus réussi, parce que Ray y livre une vision hors du commun de la pauvreté et des rues mal fâmées, loin de tous les stéréotypes hollywoodiens. Ces ruelles sentent la crasse et l’inconfort, et sont peuplées d’êtres sans illusions, à l’image de ce vieux paumé sans âge qui se fait appeler « junior », surnom qui évoque immédiatement des rêves envolés et une jeunesse perdue.

A l’ombre des potences (Run for cover) – de Nicholas Ray – 1955

Posté : 28 mars, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, CAGNEY James, RAY Nicholas, WESTERNS | Pas de commentaires »

A l'ombre des potences

Après Johnny Guitare, Nicholas Ray reste dans le western, et signe un très beau film intime, qui n’oublie pas de remplir le cahier des charges en matières d’action : on a droit à quelques fusillades, coups de poing et chevauchées particulièrement intenses. Mais la violence est autant psychologique que physique. Et quand elle est physique, elle est brève et cinglante.

Ray s’intéresse vraiment à la psychologie de ses personnages, ce qui est déjà remarquable. Mais surtout, il évite soigneusement tous les poncifs du genre, tous les rebondissements attendus. On a pourtant là les ingrédients d’un western classique : un cavalier solitaire au passé mystérieux (James Cagney, parfait), qui arrive dans une petite ville pas si tranquille et qui prend sous son aile un jeune homme un peu paumé qui cherche sa place dans la société.

Le choix de John Derek, gueule d’ange au visage innocent, est formidable. Pas qu’il soit l’acteur le plus renversant du monde, mais on lui confierait le bouton de la bombe H, tant il respire la bonté et la bienveillance. Et puis, s’il déconnais, on lui accorderait sans doute même une seconde chance…

Le film est entièrement basé sur la relation entre ces deux-là, entre le gamin qui enchaîne les erreurs, et ce vieux briscard de Cagney qui ne cesse de lui renouveler sa confiance, lui-même cherchant à rester fidèle à ses principes et à ses convictions, quoi qu’il se passe.

Il est question de seconde chance donc, mais aussi de jugement et de bienveillance, sentiment finalement rarement à l’honneur dans le western. Et qui donne quelques moments magnifiques, comme la longue séquence de la demande en mariage, huis clos superbement photographié et très économe en dialogues, entre Cagney, sa promise (la Suédoise Vivecas Lindfords, parfaite et pleine de vie) et le père de cette dernière (Jean Hersholt, présence intense et chaleureuse). Là, la délicatesse de Ray atteint des sommets.

Mais Ray sait aussi être lyrique dans sa manière de filmer ses personnages dans des paysages époustouflants, tantôt séduisant, tantôt inquiétants. Malgré toutes ses qualités, et elles sont nombreuses, Run for cover fait partie des films les plus méconnus de Ray. Bien injuste…

Le Violent (In a lonely place) – de Nicholas Ray – 1950

Posté : 16 juillet, 2017 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOGART Humphrey, RAY Nicholas | Pas de commentaires »

Le Violent

Bogart a rarement été aussi émouvant que dans ce faux polar, l’un des premiers très grands films de Nicholas Ray. L’histoire commence bel et bien comme un film noir : un scénariste hollywoodien connu pour ses accès de violence amène chez lui une jeune femme pour une raison a priori toute innocente (il a la flemme de lire le bouquin qu’il doit adapter, elle l’a lu, il lui demande de lui raconter). Mais au petit matin, elle est retrouvée assassinée.

Forcément, le doute est là : Bogart a-t-il assassiné la pauvrette ? A priori non, Ray nous a clairement montré son départ, seule dans la nuit. Mais va savoir ce qui s’est passé après… Pourtant, ce qui commençait (et plutôt très bien) comme un grand suspense policier se transforme vite en un suspense amoureux, un peu à la manière du Soupçons d’Hitchcock, mais dans une forme plus intense, plus ancrée dans la vraie vie.

Soupçonné par la police, Bogie est innocenté par le témoignage de sa belle voisine, dont il tombe raide dingue. Elle, c’est la grande Gloria Grahame, un choix loin d’être anodin : à l’époque, elle est l’épouse de Nicholas Ray, homme perturbé qui semble livrer ici le plus autobiographique de ses films. Une sorte d’autopsychanalise ? Ray signe en tout cas le portrait bouleversant d’un couple rongé par le doute et la culpabilité.

Bogart est formidable en homme violent, qui laisse éclater une étonnante fragilité. La scène où il s’approche de son ami et agent, qu’il vient de frapper dans un accès de colère, est un sommet d’émotion retenue, d’une sobriété bouleversante. Quant à Gloria Grahame, actrice décidément merveilleuse, elle aussi dissimule un trouble profond derrière son apparente nonchalance. Chacun de leur côté, ces deux êtres faits pour s’aimer vont s’isoler de plus en plus…

Ray réussit un film intense et authentique, et offre à ses deux acteurs vedettes l’un de leurs plus beaux rôles.

La Femme aux maléfices (Born to be bad) – de Nicholas Ray – 1950

Posté : 30 avril, 2017 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, RAY Nicholas, RYAN Robert | Pas de commentaires »

La Femme aux maléfices

On la voit venir de loin, la Joan Fontaine, avec son air de sainte-nitouche et son petit sourire de chacal. Une authentique femme fatale dont on imagine dès sa première apparition qu’elle va semer le malheur sur son passage. Hélas, c’est bien là la plus grande faiblesse du film : sans doute Joan Fontaine a-t-elle été choisie (par Howard Hughues, qui venait de prendre le contrôle de la RKO) parce qu’elle est l’image même de la douceur et de la bonté. Mais alors, pourquoi avoir rendu d’emblée si évidentes les intentions de la fausse douce ?

L’actrice est irréprochable, apportant un heureux mélange de passion et de machiavélisme à un personnage pas si simple que cela. Mais le film aurait sans doute gagné à laisser planer le mystère plus longtemps sur la présence de cette louve dans la bergerie. C’est d’autant plus dommage que le pur film noir qui nous ai promis réserve bien des surprises, en jouant constamment sur la nuance des sentiments, et sans tomber dans le noir profond.

Nicholas Ray, encore jeune dans le métier (c’est son cinquième film, il n’a pas encore 40 ans), sait mettre en avant ces petits détails qui révèlent les failles des personnages et de leurs sentiments. La séquence où Joan Fontaine instille la suspicion dans le couple formé par Joan Leslie et Zacharie Scott est en cela formidable, parce que rien n’y est surjoué ou lourdement asséné.

Le cinéaste peut, c’est vrai, compter sur un casting exceptionnel, avec aussi Mel Ferrer, et surtout Robert Ryan, dont je continue à me demander s’il sait mieux que personne choisir les bons films, ou si c’est sa simple présence qui donne aux films dans lesquels il joue cette dimension si particulière. Encore une fois, il fait mieux que donner une épaisseur à son personnage d’amant éconduit : il crée une sorte de lien intangible entre tous les personnages de ce drame. Si le film est une réussite, c’est au moins en partie grâce à lui.

La Forêt interdite (Wind across the Everglades) – de Nicholas Ray – 1958

Posté : 3 novembre, 2014 @ 6:25 dans 1950-1959, RAY Nicholas | Pas de commentaires »

La Forêt interdite

Il y a des abysses entre Traquenard, chef d’œuvre pas loin d’être parfait que tournera Nicholas Ray dans la foulée (et en studio), et ce « grand film malade » que le cinéaste a tenu, contre l’avis de tous, à tourner en décors réels, dans les marais inhospitaliers de Floride. Un film déroutant et fascinant, plein d’imperfections mais au final, l’une des très grandes réussites de Ray.

Le film est constamment surprenant, ne serait-ce que par l’intrigue : la lutte solitaire d’un naturaliste « étranger » en proie aux agissements de trafiquants de plumes qui vivent au cœur des marais des Everglades, dont ils déciment les oiseaux pour profiter de la mode des chapeaux à plumes, qui fait fureur dans ce Sud des années 1900.

Drôle de héros, en fait, à qui Christopher Plummer, dans l’un de ses premiers rôles, apporte un décalage réjouissant. Une allure de gamin maladroit, mais qui boit aussi sec que les trafiquants qu’il affronte ; une détermination à toute épreuve, qui dissimule mal une frousse manifeste… Plummer est bien loin du héros traditionnel hollywoodien. Son sourire timide, l’impression qu’il donne de ne pas être tout à fait à sa place… Il y a quelque chose de terriblement humain dans sa simple présence, qui fait beaucoup pour le film.

Face à lui, il y a l’ogre Burl Ives, acteur génial que Ray filme effectivement comme un ogre des marais, une sorte de Barberousse qui vit entouré de sa cour décérébrée, faite d’hommes au passé trouble et aux mœurs inquiétantes (parmi eux, un jeune, inconnu et barbu Peter Falk). Entouré d’ivrognes crados et idiots, Burl Ives est un monstre tragique. Horrible, mais curieusement émouvant.

Mais si le film a une couleur si particulière, c’est bien parce qu’il est tourné en extérieurs. On sent bien que c’est la raison d’être du film : cette nature superbe et hostile, qui n’est belle que parce que l’homme n’y est pas à sa place. Ray, fasciné par ce qui l’entoure, s’accorde de longues pauses méditatives, de longs plans sur les oiseaux, les serpents, l’eau omniprésente et menaçante, et les lumières changeantes. Déroutant, dérangeant, et fascinant.

Derrière le miroir (Bigger than life) – de Nicholas Ray – 1956

Posté : 3 novembre, 2014 @ 6:22 dans 1950-1959, RAY Nicholas | Pas de commentaires »

Derrière le miroir

Très partagé à la vision de ce drame méconnu de Ray, tourné quelques mois après La Fureur de vivre et la mort de James Dean. D’un côté, on est franchement ému par l’histoire de cet homme souffrant d’une maladie rare qui ne survit que grâce à la cortisone, dont l’excès le plonge peu à peu au cœur de la folie. D’un autre côté, il faut reconnaître qu’on a connu Nicholas Ray plus délicat…

Pour évoquer les effets ravageurs de ce médicament alors expérimental, Ray utilise des ficelles que n’aurait pas renié Dwain Esper ou les autres réalisateurs bis qui, dans les années 30, ont signé les fameux films dénonçant avec des sabots énormes les ravages des drogues en tous genres (les petites productions du genre Reefer Madness…). Bien sûr, Nicholas Ray a un talent immense, qu’il utilise magnifiquement pour suggérer la folie grandissante de cet homme, et la menace de plus en plus pesante qu’il représente pour sa famille. Une scène pour s’en convaincre : celle où James Mason se montre intransigeant avec son fils qui n’arrive pas à résoudre un problème de mathématique, son ombre portée sur le mur semblant planer comme une menace sur l’enfant…

Mais la plongée est trop abyssale pour ne pas frôler le grotesque. Suffisamment loin la plupart du temps, mais de beaucoup trop près dans la première partie qui tourne au thriller glauque et dérangeant. C’est en tout cas une chose qu’on peut reconnaître à Ray : le cinéaste ne fait rien pour simplifier son propos, et filme une famille confrontée à une authentique crise, dans tous les sens du terme. Car cette maladie qui pose un problème insoluble (faut-il continuer à prendre ces médicaments qui rendent fous, ou les arrêter et risquer de mourir) semble être un effet de la crise économique, pour ce professeur forcé de cumuler deux boulots pour payer ses traites, et soumis à une extrême fatigue.

La dimension économique du film aurait mérité d’être davantage mise en avant : elle souligne en parti le dilemme moral de l’épouse, merveilleusement jouée par Barbara Rush, en retrait mais admirable de bout en bout. Tiraillée entre son amour (et sa dévotion) pour son mari, et sa responsabilité de mère de famille, elle semble constamment au bord de la rupture, tout en étant d’un courage exemplaire. Elle (et le gamin, formidable lui aussi) est le cœur et l’âme de ce film dans lequel James Mason semble s’être investi totalement. Egalement producteur, il livre une prestation particulièrement intense, faisant naître la menace de la figure paternelle, dans un mouvement inexorable et inconfortable…

Le Brigand bien-aimé / Jesse James, le brigand bien-aimé (The True Story of Jesse James) – de Nicholas Ray – 1957

Posté : 15 août, 2014 @ 3:11 dans 1950-1959, CARRADINE John, RAY Nicholas, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le brigand bien-aimé Ray

Un remake du film de Henry King était-il bien nécessaire ? Sans doute pas, mais Nicholas Ray adopte une approche très différente du mythe de Jesse James, notamment dans la structure du film, avec une construction en puzzle qui tourne entièrement autour de la personnalité du bandit et de la perception qu’en ont les Américains.

Esthétiquement, cependant, les choix de Ray ne sont pas loin de ceux de King. La preuve : des stock shots du film de 1939 (dont la spectaculaire chute du cheval) sont utilisés dans le film de Ray, et se marient parfaitement à l’ensemble, malgré les deux décennies qui séparent les deux tournages. La filiation entre les deux films est assez frappante, beaucoup de séquences renvoyant directement au film de King. Surtout, il y a la participation de John Carradine, qui tenait le rôle de Robert Ford dans le film de 1939 et dans sa suite (signée Fritz Lang).

Là où Ray s’éloigne le plus de King, c’est dans sa manière de montrer la violence, sans ménager le spectateur. La toute première séquence ne laisse guère de doute, et impressionne en nous immergeant directement dans la violence la plus brutale, dans le sang et dans la boue. Le romantisme et le mythe qui entourent le personnage de Jesse James ne sont que des fantasmes dont Ray n’est pas dupe le moins du monde.

Âpre et intense, le film aurait quand même mérité des acteurs un peu plus… âpres et intenses. Aussi sympathiques Robert Wagner et Jeffrey Hunter (dans le rôle de Frank James, le frangin) soient-ils, ils font pâle figure à côté de Tyrone Power et Henry Fonda, et n’apportent jamais vraiment cette ambiguïté nécessaire à leurs rôles.

Le film, finalement, est surtout réussi pour les détails souvent anodins en apparence qu’y glisse le cinéaste, comme ces badauds qui se ruent après la mort de Jesse, volant objets et photos dans la maison endeuillée. Des petits riens inutiles pour le déroulement de l’histoire, mais qui apportent un supplément d’âme, une humanité qui justifie à elle seule l’existence de ce remake.

Traquenard (Party Girl) – de Nicholas Ray – 1958

Posté : 15 août, 2014 @ 3:07 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, COMEDIES MUSICALES, RAY Nicholas | Pas de commentaires »

Traquenard Ray

Nicholas Ray fait partie de ces cinéastes, comme Elia Kazan, qui ont donné un nouveau souffle à Hollywood, dans les années 50, alors que l’âge d’or des studios arrivait à son fin. Son cinéma marque certainement une évolution, mais pas une rupture, tant il est marqué par celui de ses aînés, ce qui est surtout perceptible dans ses grands films noirs et dans ses westerns. Avec Le Brigand bien-aimé, qu’il tourne l’année précédente, il se démarque ainsi du Jesse James d’Henry King, dont il est le remake, avec une approche très différente, mais aussi en lui rendant un hommage sincère et appuyé.

Avec Traquenard, il va plus loin encore. Film noir, film de gangster, comédie musicale, comédie romantique… Son film est un chant d’amour au grand cinéma hollywoodien. Et le résultat est peut-être son plus grand chef d’œuvre¸ une merveille qui navigue d’un genre à l’autre avec une habileté et une fluidité sidérante. Et avec un couple inédit d’acteurs absolument formidables : Cyd Charisse et ses jambes interminables, dans un rôle moins dansant que ceux auxquels elle est habituée ; et Robert Taylor, immense acteur aux antipodes des postures très Actor’s Studios de James Dean, dont Ray fut le grand metteur en scène.

Taylor est fabuleux dans son rôle d’avocat de la mafia, handicapé par une jambe folle et tiraillé entre son engagement au côté du « parrain » local (génial Lee J. Cobb, absolument réjouissant) et le dégoût que ses méthodes lui inspirent. Un avocat peu regardant pourtant sur le mode de vie de ses clients, mais qui réalise trop tard, lorsqu’il décide de mener une vie rangée avec la belle danseuse dont il est tombé amoureux, qu’il s’est enfoncé bien trop profondément dans le monde du crime…

Party Girl (le titre original est bien plus beau) est un cocktail presque unique dans le cinéma américain, une sorte de trait d’union entre tous ses genres-phare (à l’exception du western), qui réussit sur absolument tous les plans. Le suspense est réellement angoissant (avec une séquence finale à l’atmosphère à couper au couteau), les personnages sont magnifiquement écrits. Même les numéros de music-hall, dont je ne suis pas un grand client habituellement, sont beaux et envoûtants. Un pur plaisir de cinéma, quoi, d’une intelligence et d’une efficacité rares.

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