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Archive pour la catégorie 'OPHÜLS Max'

Le Plaisir – de Max Ophüls – 1952

Posté : 18 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Le Plaisir

Après La Ronde, Ophüls signe une autre variation autour du film à sketchs, et nous plonge cette fois dans l’univers de Maupassant, avec la même réussite exceptionnelle. Le Plaisir, ensemble de trois histoires aux atmosphères et aux durées très différentes (une bonne heure pour le segment central, une quinzaine de minutes pour les deux autres), est une merveille esthétique, et porte en lui toute la beauté, la nuance et la fragilité de l’être humain. Rien que ça.

Formellement, cette adaptation de Maupassant porte indéniablement la marque d’Ophüls. Une marque flagrante avant même la première image, avec cette voix off omniprésente (celle de Jean Servais prêtant son timbre à l’écrivain lui-même) qui commente et assure les transitions en s’adressant directement au spectateur, avant de prendre corps dans le dernier segment.

Surtout, la virtuosité du cinéaste est éclatante, aussi frappante dans un extraordinaire plan-séquence endiablé au cœur d’un bal parisien, que dans les allées d’une église rurale célébrant une première communion… Ophüls, à grand renfort de mouvements d’appareils fluides et virevoltants, capte l’atmosphère et l’énergie des lieux.

Mais avant tout, il en capte les sentiments, les émotions : cette émotion qui prend les pensionnaires d’une « maison » confrontées soudainement à la pureté d’une jeune fille de la campagne et de chants religieux. Ou celle à fleur de peau d’une vieille épouse délaissée prenant soin de son mari, ancien séducteur qui se perd chaque soir dans des parodies de jeunesse retrouvée.

Il y a dans Le Plaisir quelques-unes des plus belles images du cinéma d’Ophüls. D’abord, l’irruption de ce danseur au visage figé, dansant comme un pantin mystérieux dans ce bal plein de vie, dans le premier segment Le Masque. Puis ces fameuses pensionnaires d’une maison de plaisir qui s’arrêtent pour cueillir des fleurs dans un champs aux herbes hautes, sous le regard d’un Jean Gabin au cœur gros dans la deuxième histoire, La Maison Tellier.

La troisième, Le Modèle, est sans doute plus anecdotique, au moins visuellement. Plus cruelle que vraiment émouvante en tout cas. Mais elle complète plutôt bien la vision finalement assez cynique qu’offrent Maupassant et Ophüls de ce « plaisir » qui donne son titre au film : un plaisir basé sur des faux-semblants, des regrets ou des erreurs… Un homme qui court après sa jeunesse perdue. Un autre qui tente de retenir une parenthèse enchantée. Un dernier qui se ment sur ses propres sentiments…

Le film est bouillonnant de vie. Il n’en est pas moins grave et profond. Et la distribution, comme dans La Ronde, est impressionnante. On retrouve d’ailleurs une partie des mêmes : Simone Simon, Daniel Gélin, et surtout Danielle Darrieux (qu’Ophüls retrouvera une dernière fois pour un autre chef d’œuvre, Madame de…). Et puis Madeleine Renaud, Ginette Leclerc, Louis Seigner ou Pierre Brasseur. Et puis Gabin, en bon rustaud campagnard gentiment lourdaud, et très émouvant. Cette même année, Darrieux et lui se retrouvent pour un autre film important : La Vérité sur Bébé Donge.

La Ronde – de Max Ophuls – 1950

Posté : 17 février, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

La Ronde

Après sa brillante carrière aux Etats-Unis, Max Ophuls rentre en France où il entame une brillante dernière partie de carrière avec cette adaptation libre d’un livre d’Arthur Schnitzel, dont il fait une œuvre aussi légère que vertigineuse, sur le désir amoureux autant que sur la création artistique.

Le principe de La Ronde est simple : une femme couche avec un homme qui en rencontre une autre qui tombera sous le charme d’un autre… jusqu’à ce que le dernier maillon de la chaîne couche avec la première, bouclant ainsi une ronde amoureuse. Le grand amour en prend un sacré coup : les couples qui se forment et se déforment sont davantage basés sur le désir physique et le dépit que sur les beaux sentiments.

Et au fur et à mesure que cette ronde tourne, c’est une sorte de comédie humaine qui se dessine, tantôt attachante, tantôt mesquine, incarnée par une galerie de vedettes extraordinaire : Simone Signoret, Serge Reggiani, Danielle Darrieux, Daniel Gélin, Gérard Philipe… Un casting qui explique en partie l’énorme succès qu’a connu le film à sa sortie. Acteurs formidables, à l’image de Fernand Gravey, délectable en mari fat qui s’écoute prononcer de grandes phrases vides. « C’est profond, ce que je dis là ! »

Mais si La Ronde reste un immense chef d’œuvre, et s’il procure autant de plaisir, c’est pour la mise en abîme de la mise en scène, et le vertige formel que procurent les parti-pris d’Ophuls. L’image est superbe, hyper stylisée, tout en jeux d’ombres et en cadres désaxés. Le film joue brillamment avec les décors, dont on découvre l’envers, et même les projecteurs, en suivant le maître du jeu : Anton Walbrook, inoubliable en… en quoi ?…

Narrateur, chef d’orchestre, incarnation du metteur en scène, ou du spectateur, c’est selon : sa présence omniscience, sa manière d’interagir à la fois avec le spectateur et avec les personnages, entonnant le beau thème musical, fait pencher ces petites histoires du côté de l’allégorie, ou de la fable. Il donne à cette ronde une allégresse teintée d’amertume, absolument irrésistible. Envoûtant.

Madame de… – de Max Ophuls – 1953

Posté : 9 novembre, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Madame de…

L’avant-dernier film de Max Ophüls (avant Lola Montes), et une pure merveille. Cette adaptation d’un roman de Louise de Vilmorin est tout à la fois l’histoire d’un amour impossible, le portrait d’un homme qui voit la femme qu’il aime lui échapper, et surtout celui d’une femme qui a tout pour elle, et qui ne rêve qu’à ce qu’elle n’a pas…

Danielle Darrieux, bien sûr, est magnifique dans le rôle. Incarnation même du charme, du désir… et de la frivolité la plus égocentrée, elle est à la fois bouleversante et odieuse, entièrement tournée vers son propre bonheur (ou plutôt son manque), révélant un désintérêt total face au bonheur simple de sa nièce. Egoïste, cruelle, et pourtant d’une innocence désarmante.

On comprend qu’elle fasse tourner les têtes, la Darrieux, d’une beauté fulgurante : celle de son amant joué par Vittorio De Sica, et celle de son mari Charles Boyer, absolument formidable dans le rôle d’un officier droit dont le port altier dissimule de moins en moins les fêlures. Les deux scènes d’adieux dans un train dont il est, à chaque fois, l’un des protagonistes, sont extraordinaires. Il y est d’abord léger et détaché, affable mais cruel. Puis désarmant de douleur et de tendresse contenues. Et ce contraste est bouleversant.

C’est que le film montre merveilleusement l’abîme qui sépare les apparences des sentiments, dans cette société très corsetée. « Notre bonheur conjugal est à notre image : ce n’est que superficiellement qu’il est superficiel », résume le personnage de Charles Boyer. Les dialogues, que l’on doit à Marcel Achard, sont merveilleux, souvent à double sens. « Avez-vous eu de bonnes nouvelles de votre mari ? » demande Vittorio de Sica inlassablement, avec une courtoisie à peine feinte : son regard implore une réponse négative qui ne vient pas.

Dialogues et mise en scène participent d’ailleurs de la même logique : dire ou montrer sans les dire vraiment, et sans vraiment les montrer. Ophüls réussit des ellipses magnifiques (« 4 jours sans vous voir… » ; « 2 jours sans vous voir… » ; « 24 heures sans vous voir… », drôle de compte-à-rebours qui illustre le sentiment amoureux qui ne fait que croître), des hors champs inoubliables (le coup de feu unique, glaçant), et de longs plans d’une élégance à couper le souffle.

C’est le cas dès la première image, plan séquence (presque) subjectif qui s’ouvre sur une penderie remplie de vêtements et de bijoux, avant de s’éloigner pour mieux embrasser le luxe de la chambre, avec cette voix off envoûtante de Danielle Darrieux qui nous plonge immédiatement dans son intimité la plus troublante. Magnifique.

Pris au piège (Caught) – de Max Ophüls – 1949

Posté : 25 février, 2018 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, OPHÜLS Max, RYAN Robert | Pas de commentaires »

Pris au piège Caught

Ce n’est pas le plus célèbre des films américains d’Ophüls. Tourné juste après sa superbe adaptation de Lettres d’une inconnue (qui l’impose enfin à Hollywood après des années d’errements), Caught a en commun avec le précédent film qu’il est le portrait d’une jeune femme aux idéaux très forts, confrontée à ce que la relation amoureuse peut avoir de plus fort.

La comparaison s’arrête à peu près là. Car si le personnage de Louis Jourdan était un salaud par omission, celui de Robert Ryan, dont je ne dirais jamais assez qu’il est un acteur fabuleux, est un homme réellement machiavélique. Un vrai méchant de cinéma, à peine crédible tant il est odieux et dénué de toute compassion. Une pure ordure, donc, qui aurait facilement pu tomber dans le grand-guignol. Mais c’est Robert Ryan, donc, et ce type a un talent inouï pour être constamment juste quel que soit son emploi. Il l’est, ici encore.

L’héroïne, c’est Barbara Bel Geddes, qui sera la poteau de James Stewart dans Sueurs froides, et qui trouve ici l’un de ses plus beaux rôles : celui d’une femme qui croit trouver le prince charmant et réalise trop tard qu’elle est tombée sur un monstre. Et que le prince charmant, le vrai, est un médecin pauvre mais désintéressé, qu’interprète James Mason, sorte de double négatif de Ryan.

Soyons honnête : il faut une bonne demi-heure pour qu’Ophüls impose réellement son style et se démarque de l’imagerie habituelle du film noir. Il y a comme un air de déjà vu dans cette première partie. Mais la cruauté qui finit par se dégager, associée à une superbe humanité, finissent par créer une atmosphère inattendue et envoûtante, renforcée par des ellipses audacieuses et magnifiques.

Le génie d’Ophüls fait le reste. Ce travelling superbe qui traverse les pièces du cabinet médical laisse carrément béat d’admiration. Et cette scène, toute simple, où Mason et son pote médecin parlent avec une chaise vide entre eux, détail qui souligne subtilement et de manière évidente l’absence de la jeune femme, est un moment d’une grande beauté.

Lettre d’une inconnue (Letter from an unknown woman) – de Max Ophüls – 1948

Posté : 6 novembre, 2013 @ 8:16 dans 1940-1949, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Lettre d’une inconnue (Letter from an unknown woman) – de Max Ophüls – 1948 dans 1940-1949 lettre-dune-inconnue

Ophüls et Stefan Zweig pouvaient-ils seulement ne jamais se rencontrer. Il y a une telle parenté entre les œuvres du cinéaste et de l’écrivain que ce Lettre d’une inconnue relève de l’évidence. Une évidence qui touche au cœur comme peu d’autres grandes adaptations littéraires, parce que celle-ci respecte parfaitement l’esprit de l’homme de lettres, tout en étant un film profondément personnel du cinéaste. Pas si courant…

Joan Fontaine, l’une des plus grandes romantiques du cinéma américain, trouve sans doute son rôle le plus déchirant ici. L’une de ces grandes amoureuses de Zweig : absolue, totale, éternelle, et tragique. Elle s’éprend d’un homme (Louis Jourdan) qui a tout pour lui : un talent de musicien, la richesse, la notoriété, le charme… et les femmes qui défilent chez lui et dont Lisa, la jeune héroïne, n’est pas même jalouse.

Son amour, elle le vit sans rien demander en retour, et sans être dupe de celui à qui elle le donne. Elle ne le juge pas, cet homme qui ne vit que de plaisirs simples et égoïstes, et qui ne fait que pressentir qu’il passe à côté de quelque chose d’important ; ce type qui tombe amoureux d’elle sans même s’en rendre vraiment compte, et qui n’ouvre les yeux que quand il est trop tard.

La construction du film est sublime : décidé à échapper à un énième duel avec un mari cocu, Stefan, le dandy séducteur, s’apprête à quitter Vienne, mais découvre une lettre écrite par une jeune femme qu’il a connue autrefois, mais dont il ne se souvient pas vraiment. Ce qu’elle lui raconte d’elle, et de lui-même, va remettre en cause sa vie entière…

Vienne, ville fascinante où les bonnes manières et les apparences règnent en maîtres, est le décor idéal de cette histoire d’amour à l’issue forcément tragique. Lisa ne triche pas, mais la séduction de Stefan ne repose que sur l’illusion : dans ce faux train où les décors peints défilent, devant cet orchestre romantique qui n’attend qu’une occasion de rentrer chez soi, et par des phrases qui semblent sortir droit du cœur mais qu’il sert à toutes ses conquêtes…

Le voile des apparences finira par tomber, mais trop tard. Par ce « Lisa » que Louis Jourdan souffle enfin face à la mort, comme la jeune femme, des années plus tôt, soufflait son prénom, « Stefan », lorsque le bonheur était à portée de main. Ce souffle sonne comme cette deuxième naissance qu’évoque Lisa au début de sa longue lettre. Et c’est d’une beauté déchirante.

 

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