Rien à perdre – de Delphine Deloget – 2023
Encore un grand rôle pour Virginie Efira, bouleversante en mère célibataire qui tente désespérément de ne pas sombrer quand son plus jeune fils est placé par les services sociaux, après un accident survenu alors qu’elle l’avait laissé seul pour aller travailler. Un sujet fort, du genre casse-gueule, qui glisserait du côté du pathos surchargé ou de la thèse engagée.
Et sur ces deux plans, Delphine Deloget, documentariste qui signe ici son premier long métrage de fiction, s’en tire assez brillamment. Côté thèse, la cinéaste évite les pièges en se focalisant sur le point de vue de la mère (jouée donc par une très grande actrice, ce qui aide). Ni jugement ni angélisme, donc : cette mère là est une femme bien, mais loin d’être parfaite, qui se repose sur son fils aîné pour palier ses propres manquements.
On sent bien où va la sympathie de la réalisatrice, ne serait-ce que par le côté tristement libérateur que provoque un certain coup de boule, et par la gêne que l’on ressent immédiatement : c’est mal, mais le moindre muscle du spectateur était à ce moment précis tendu vers une réaction qui ressemblerait à un hurlements, tant la situation s’apparente alors à un cauchemar à la Kafka, sans issue, sans autre possibilité d’échange que cette violence mortifère.
Côté pathos, le piège était donc encore plus tentant pour Delphine Deloget, qui fait le choix d’un sujet rude, abordé frontalement, au plus près du drame. Mais il n’y a pas d’effet facile dans sa mise en scène. Pas ou peu de larmes, mais un éprouvant sentiment d’étouffement qui se resserre sur la mère, et sur les nerfs du spectateur.
Au cœur de ce drame, les acteurs sont formidables, justes jusque dans la mesure, justes jusque dans le désespoir. Virginie Efira (bien sûr), mais aussi les deux jeunes interprètes de ses fils, ses deux frères, ses amis, et les agents des services sociaux, qui réussissent à faire ressentir leurs propres convictions, et leurs doutes.
On en sort secoué, remué, révolté et bouleversé, en se raccrochant aux éclats de vie et d’espoir que sème Delphine Deloget, cinéaste à suivre.