Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour septembre, 2023

Nuages de mai (Mayis Sikintisi) – de Nuri Bilge Ceylan – 1999

Posté : 30 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1990-1999, CEYLAN Nuri Bilge | Pas de commentaires »

Nuages de mai

Une scène, au cœur de Nuages de mai, dit beaucoup de l’œuvre tout entière de Nuri Bilge Ceylan : le personnage principal, alter ego du cinéaste, lui-même réalisateur revenu d’Istanbul pour tourner un film dans son village d’origine, tourne sa caméra sur sa mère et son père, les filmant longuement.

Cette scène, muette et bouleversante, c’est une manière pour Ceylan de capter pour l’éternité la vérité de ses propres parents. Son père Emin, surtout, qu’il avait déjà dirigé dans Kasaba, et qui apparaît ici comme un personnage fascinant, et comme une figure clé pour son cinéaste de fils.

Ceylan est alors dans sa veine « autofiction », au cœur d’une trilogie informelle commencée avec Kasaba et qui se terminera avec Uzak, dont le personnage-fil conducteur serait un jeune homme paumé, qui rêve de quitter la campagne pour aller vivre à Istanbul, mais qui ne trouve pas les ressources pour concrétiser son rêve.

Central au début du film, il ne tarde pas à s’effacer, à se confondre avec le décor. Le personnage du cinéaste aussi, d’ailleurs, qui s’efface bientôt derrière ses sujets. Les Ceylan en l’occurrence, parents du réalisateur, personnages fascinants, ne serait-ce que pour ce qu’ils disent de la personnalité du cinéaste lui-même.

Ceylan dédie ce film à celui qui hante tout son cinéma : Tchekhov, dont la tutelle est constamment présente, dans la manière de filmer des personnages qui ont leur part d’ombre, et dans la manière de jouer avec le climat, et avec l’environnement.

La nature joue un rôle primordial dans son cinéma. Nuages de mai ne fait pas exception, avec des plans sur les feuilles des arbres, le vent, la brume ou le soleil levant, qui évoquent parfois les grands maîtres impressionnistes.

Avec ce deuxième long métrage, le premier en couleurs, Ceylan confirme déjà qu’il est un grand cinéaste, et que c’est une œuvre qu’il construit, cohérente et constamment renouvelée.

Le Retour du héros – de Laurent Tirard – 2018

Posté : 29 septembre, 2023 @ 8:00 dans 2010-2019, TIRARD Laurent | Pas de commentaires »

Le Retour du héros

Pendant les guerres napoléoniennes, le capitaine Neuville est appelé sur le front à la veille de son mariage avec Pauline, jeune femme de la petite noblesse provinciale, qui reste désespérée en attendant désespérément des nouvelles de son fiancé, et se laissant bientôt dépérir. Pour la stimuler, sa sœur Elisabeth écrit elle-même des lettres qu’elle dit être de Neuville, lui inventant des exploits militaires, et finalement une mort héroïque. Mais le « capitaine » réapparaît trois ans plus tard, et Elisabeth le découvre crève-la-faim, lâche, déserteur… Il décide alors de se faire passer pour le héros que toute la ville pense qu’il est.

L’histoire est plutôt séduisante, et aurait pu donner un film d’aventure à l’ancienne assez sombre, ou une comédie réjouissante. Laurent Tirard fait le choix de la comédie. Pourquoi pas, donc. Mais tout sonne faux, constamment, dans ce film visuellement très propre (réalisation soignée, rien qui dépasse, pas même de poussière sur les meubles), et écrit comme… en fait non, pas écrit du tout.

On ne croit ni aux rebondissements, ni aux personnages, et encore moins aux dialogues dignes d’un atelier d’écriture pour élèves de primaire. Les acteurs sont en roue libre, mal dirigés et impuissants face à des personnages si mal définis. Alors Jean Dujardin ressort sa panoplie (et ses mimiques) d’Hubert Bonisseur de la Bath. Et Mélanie Laurent passe son temps à observer la scène avec un petit sourire amusé ou agacé, c’est selon.

Rien à sauver, hélas.

Kasaba (id.) – de Nuri Bilge Ceylan – 1997

Posté : 28 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1990-1999, CEYLAN Nuri Bilge | Pas de commentaires »

Kasaba

Il a fallu attendre l’apogée de Nuri Bilgan Ceylan (au moins trois chefs d’œuvre absolus d’affilée dont une Palme d’Or) pour que son premier long métrage ait droit à une sortie en salles en France. Et finalement ce n’est peut-être pas si mal : pas sûr qu’on aurait apprécié à sa juste valeur ce coup d’essai (ou presque : juste un court métrage avant ça) d’un cinéaste largement autodidacte.

Il y a dans Kasaba, non pas une opacité, mais une espèce d’abstraction qui ne sera plus de mise dans ses grands films à venir. Et c’est à l’aune de ces derniers que Kasaba, film ramassé (qu’on n’aurait le temps de voir deux fois avec une pause-sieste de trente minutes au milieu pendant une projection des Herbes sèches) flirtant vaguement avec l’idée de narration, prend toute sa dimension, révélant d’emblée les obsessions et les thèmes d’un grand cinéaste en gestation.

Les premières minutes évoquent ainsi assez fortement Les Herbes sèches. Le décor est très similaire : une petite ville (la tradition de « Kasaba », comme un clin d’œil à La Grande Ville de Satyajit Ray) paumée dans l’Est de la Turquie. Le personnage qui paraît alors central aussi : un enseignant qui semble s’ennuyer ferme dans sa classe, rêvant à des lendemains sans doute plus urbains. La saison, enfin : un hiver glacial, avec la neige qui recouvre tout, y compris les bruits et les rêves.

« Les » saisons, plutôt : comme il le fera souvent dans son œuvre, Ceylan souligne à la fois la lenteur et le passage inexorable du temps par le changement de saison. Son film qui s’ouvre en plein hiver se poursuit bientôt à la belle saison, et se recentre sur d’autres personnages qu’on avait alors croisé comme par hasard : une fillette qui arrivait en classe avec un goûter moisi, ou un jeune homme qui errait sans but dans les rues désertes…

Après de longues et fascinantes errances quasi-muettes, Ceylan réunit ses personnages, membres d’une même famille, dans une étonnante séquence qui est le cœur du film, et celle qui évoque le plus fidèlement ce qui sera son cinéma à l’avenir. Trois générations de cette famille sont réunies dans une clairière où ils vont passer la nuit, et où les longues discussions, tout autant que les longs silences, révèlent les blessures et les espoirs déçus de chacun, avec, déjà, cette profondeur et cette délicatesse qui font la richesse du cinéma de Ceylan.

Ça et la beauté des images. Et dès ce premier film, toute petite production (le générique final doit durer trente secondes, et il ne défile pas vite) dont Nuri Bilge Ceylan apparaît comme l’unique auteur (scénariste, réalisateur et chef opérateur), la beauté des images est saisissante. En noir et blanc pour une fois, mais avec un contraste magnifique, et ce sens du cadre si élégant et si profond du cinéaste.

Un certain mystère se dégage quand même de ces portraits croisés. Mais les sensations sont immenses : la nostalgie, omniprésentes chez Ceylan, la douleur renfermée et les espoirs sourds. Et cette ultime image d’une main qui plonge dans l’eau vive d’une rivière, qui dégage sans que l’on comprenne vraiment pourquoi une émotion intense.

Casino (id.) – de Martin Scorsese – 1995

Posté : 27 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Casino

Les Affranchis ou Casino ? Casino ou Les Affranchis ? Me voilà bien incapable de dire lequel des deux est le plus abouti, le plus fou, le plus audacieux. Le fait est que, tournés à cinq ans d’écart, voilà peut-être les deux chefs d’œuvre de Scorsese, deux films jumeaux dans lesquels le style du cinéaste trouve sa forme la plus parfaite.

Cela tient à la virtuosité du gars bien sûr. Cela tient aussi à son casting exceptionnel, le trio Robert De Niro-Sharon Stone-Joe Pesci en tête. Cela tient surtout, peut-être, au montage hallucinant signé par l’indispensable Thelma Schoonmaker. Le montage, dans les grands films de Scorsese, est au cœur de leur réussite. Il donne à l’ensemble disparate voire foutraque des images un mouvement d’une pureté et d’une évidence extraordinaire.

Il permet aussi toutes les audaces, scènes hyperdécoupées ou plans séquences virtuoses, déluges de violence et pauses romantiques ou dramatiques… Visuellement, Scorsese semble tout se permettre, ouvrant son film sur des effets spéciaux inattendus, puis par une longue séquence dévoilant par des voix off bavardes et fascinantes le fonctionnement d’un casino et les enjeux de l’histoire…

On retrouve la même virtuosité que dans le précédent film de gangsters du cinéaste, la même vision de la mafia, les mêmes tourments humains aussi. Mais Casino n’est pas une simple copie, ni même un prolongement. Scorsese s’y approche plus que jamais peut-être de la tragédie grecque, dans ce qu’elle a de plus exceptionnelle et humaine à la fois.

Sam Rothstein (De Niro, très grand) est une espèce de demi-dieu, de souverain en son royaume : le Las Vegas des années 1970, sous la coupe d’une mafia qui ne dit pas son nom mais qui impose sa loi. Un homme de confiance, qui a tout pour atteindre les sommets. Mais il a un ami d’enfance encombrant, Nicky, caïd de la pègre aux pulsions mortelles (Pesci, aussi flippant que dans Les Affranchis). Et il tombe amoureux de la femme qu’il ne faut pas, Ginger.

Avec cette figure tragique, superbe et pathétique, Sharon Stone trouve le rôle de sa vie, le seul peut-être digne du statut qui était le sien après Basic Instinct. Scorsese en fait le moteur principal de son drame, la figure autour de laquelle tout le film se concentre bientôt. Et sans y paraître, c’est tout le rythme du montage qui oscille en fonction de l’état d’esprit du personnage. Grand rôle, et grande interprétation.

Grand conteur, grand chef d’orchestre même, tant son cinéma est ample et brasse de multiples enjeux et personnages, Scorsese n’est sans doute jamais aussi inspiré que quand il a un décor fort à filmer : le monde de la boxe, celui du billard, les nuits de New York, le milieu de la pègre… Filmer les casinos et leurs joueurs avides offrent quelques-unes des images les plus fortes de tout son cinéma.

Ambulance (id.) – de Michael Bay – 2022

Posté : 26 septembre, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), BAY Michael | Pas de commentaires »

Ambulance

Un film à montrer à tous les apprentis cinéaste. Enfin, pas tout : 2h16, c’est long, surtout les deux heures du milieu. Disons l’interminable scène de braquage de banque, à montrer en écho à celle de Heat, dont elle est une énième resucée.

Ces deux scènes côte à côte, imaginons chacun des deux films réalisé par le réalisateur de l’autre : Mann aux commandes d’Ambulance, Bay aux commandes de Heat. Vous avez l’image ?

Bon… Imaginerait-on Mann balader sa caméra au sommet d’une tour et la redescendre aussi sec vers l’action, comme s’il filmait un grand huit en caméra subjective ? Un plan sorti de nulle part et sans aucune justification, parce que non : il ne se passe rien au sommet de cette tour.

Imaginerait-on aussi Mann filmer des types tirant à l’arme lourde sans contrechamps, comme s’il filmait l’intérieur d’un stand de tir ? Le choc de Heat aurait alors un effet proche du néant.

Voilà un peu l’effet que procure Ambulance, film interminable et creux, où Bay fait à ce point du Bay qu’il ne cesse de s’autociter explicitement, évoquant (dans les dialogues) The Rock ou Bad Boys comme des socles fondateurs dont il n’est jamais sorti. Tant mieux pour ses fans. Qui existent.

LIVRE : Bernard Blier, un homme façon puzzle – de Jean-Philippe Guérand – 2009

Posté : 25 septembre, 2023 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

Bernard Blier, un homme façon puzzle

Bernard Blier est le plus grand acteur du cinéma français. Oui, cette affirmation est sujette à débat, et je pourrais moi-même me rétorquer que Gabin et Jouvet, c’est pas de la merde non plus. Qu’il y a aussi Raimu, Jean Rochefort, Harry Baur et Kev Adams… Ah non, pas Kev Adams (tiens : je n’avais jamais écrit « Kev Adams » sur ce blog, voilà qui est fait trois fois !).

Mais je l’affirme tout de même avec force et avec cœur : Bernard Blier est le plus grand acteur du cinéma français. Parce qu’il est génial dans la grandiloquence comme dans le pathétique, dans le comique comme dans le tragique, dans des premiers rôles comme dans des panouilles…

Qu’importe finalement l’importance et la nature du rôle, il est immense. Petit rôle dans Hôtel du Nord ou rôle central dans Quai des Orfèvres. Grotesque dans Les Tontons flingueurs ou dramatique dans Le Septième Juré… la même présence, la même intensité, toujours le même et toujours différent dans sa manière de dire les dialogues.

Sur ce point au moins, il est le digne héritier de Louis Jouvet, son maître et ami, dont il restera jusqu’au bout le disciple, mais un disciple qui a su très tôt prendre son propre chemin, passant des petits rôles aux personnages de premiers plans avant de privilégier volontairement des rôles plus secondaires dans la dernière partie de sa carrière. Inégale, mais passionnante de bout en bout.

Le biographie que lui consacre Jean-Philippe Guérand est à la hauteur de ce parcours unique à travers une grande partie du cinéma français du XXe siècle. Un beau portrait d’homme aussi, documenté et humain, dont on découvre l’enfance, les amitiés, les rencontres fondatrices, la passion pour la montagne ou les livres. Un homme beau, dont ce livre donne une furieuse envie de revoir les films…

Misanthrope (To catch a killer) – de Damián Szifrón – 2023

Posté : 24 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, SZIFRON Damian | Pas de commentaires »

Misanthrope

Il est souvent passionnant de voir des réalisateurs étrangers s’emparer des codes du thriller américain. Parce que le genre semble marquer le pas depuis quelques années (il faut dire que les franchises ne laissent guère de place), et parce qu’un regard biberonné à une autre culture permet souvent de réinventer ces codes, tout en en respectant leur importance.

De Robert Siodmak à Barbet Schroeder, les exemples ne manquent. Cette fois, c’est un réalisateur argentin qui s’y colle, et ça ne saute pas aux yeux : Misanthrope a plutôt les allures d’un thriller nordique, et pas seulement parce que l’action se déroule en plein hiver, avec de grandes scènes enneigées. Il y a aussi un aspect rugueux et austère chez les personnages, qui sont plutôt des caractéristiques du Grand Nord.

Ce qu’on pourrait dire aussi, d’une certaine manière, d’un grand classique du film de tueurs en série, auquel on pense immanquablement beaucoup : Le Silence des Agneaux, que cite ouvertement Damián Szifrón. Faire de l’héroïne une jeune novice tourmentée confrontée dès sa première affaire à un tueur méthodique est insaisissable n’est pas un hasard.

Il y a du Clarice Sterling dans le personnage joué par Shailene Woodley, aux antipodes du tout-venant des héroïnes hollywoodiennes : une policière effacée, pas même charismatique, mais obsessionnelle et pleine d’empathie. Une qualité centrale dans ce film, dont la principale originalité repose peut-être sur l’importance qu’il accorde à l’humanité de ses personnages, du super-enquêteur joué par l’intense Ben Mendelsohn au du tueur aussi glaçant… que touchant.

C’est aussi, et surtout, un vrai thriller, d’une efficacité redoutable, admirablement tendu, qui rappelle les meilleurs aspects d’un cinéma de genre en voix de disparition avec l’omniprésence des super-héros. La mise en scène est précise et inspirée (on pardonnera à Szifrón les quelques plans « à l’envers » gratuits et tape-à-l’œil), le scénario intelligent, les personnages attachants… Que du bon dans ce thriller épatant.

La police fédérale enquête (The FBI Story) – de Mervyn LeRoy – 1959

Posté : 23 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, LeROY Mervyn, MILES Vera, POLARS/NOIRS, STEWART James | Pas de commentaires »

La Police fédérale enquête

Le titre original est plus juste que sa « traduction » française : c’est l’histoire du FBI que raconte le film de LeRoy. Mais là où Clint Eastwood, dans J. Edgar, n’éludera rien de la complexité du tout puissant patron du « bureau », LeRoy signe une véritable hagiographie du FBI et de son directeur, d’où toute nuance est bannie.

Le FBI est le grand œuvre du modèle américain, et Hoover est un guide ultime, que la caméra caresse avec un respect extrême, filmant sa silhouette comme une apparition divine. Il faut voir aussi l’effet que son discours d’introduction produit sur ses ouailles. Voir le regard énamouré de James Stewart, agent du FBI qui vit ce discours comme une révélation quasi-mystique.

C’en est parfois franchement gênant, voire risible, tant la nuance et le recul ne sont pas les points forts du film. Mais au moins LeRoy annonce-t-il la couleur dès les premières minutes. Aussi a-t-on le temps de s’y faire, et de se focaliser sur les aspects positifs. Qui ne manquent pas dans ce film finalement bien foutu et même assez passionnant.

Il y a d’abord la belle mise en scène de LeRoy, avec quelques éclats de pur cinéma. Une fusillade aussi brève que percutante. Le reflet d’hommes cagoulés dans la vitrine d’un journal. Un baiser entre les rayonnages d’une bibliothèque… Des moments qui permettent de donner du corps aux personnages : le couple ballotté par la violence qu’interprètent James Stewart et Vera Miles, trois ans avant L’Homme qui tua Liberty Valance.

A travers ce couple, LeRoy raconte les premières années du FBI au rythme, comme des chapitres successifs, des grandes enquêtes fondatrices (auxquelles le personnage de Stewart est systématiquement rattaché) : la lutte contre le Ku Klux Klan, les meurtres des Indiens Osage (ceux-là même qui sont au cœur du Killers of the Flower Moon de Scorsese), Baby Face Nelson, Dillinger…

Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (She’s gotta have it) – de Spike Lee – 1986

Posté : 22 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1980-1989, LEE Spike | Pas de commentaires »

Nola Darling n'en fait qu'à sa tête

Le premier long métrage de Spike Lee n’est ni le plus abouti, ni le plus emblématique de sa carrière, loin de là. Mais le cinéaste y affirme déjà un ton, une certaine liberté, et ce sens de la rupture qui caractériseront beaucoup de ses films. Un mélange d’ironie mordante et de bien-pensance aussi, qui fait que même quand il secoue l’ordre établi, Lee reste un citoyen bien élevé.

Le personnage de Nola Darling ressemble en fait beaucoup à son cinéma : une jeune femme noire ivre de liberté, qui multiplie les amants tous différents les uns des autres, comme un refus de se plier à la norme, mais qui se révèle incapable de choisir entre une facette ou l’autre de l’homo erectus. Ou une fausse nympho qui finit par opter pour la chasteté.

Bref, Nola Darling n’est pas telle qu’elle semble être au premier abord, pas plus que le cinéma de Spike Lee, qui est finalement moins politique que… cinématographique. C’est sur la forme, plus que sur le fond, que Lee est grand. On ne peut pas dire que ce constat soit évident dès ce premier film, encore un peu brouillon, plus bouillonnant que maîtrisé. Mais quand même…

Si Nola Darling… tranche avec de nombreux (premiers) films de cette époque, ce n’est pas tant par la liberté affichée de son héroïne. Sur ce plan, Lee n’invente pas grand-chose : son cinéma évoque même celui d’un Cassavetes des premiers temps, en plus sage et moins subversif. Mais dans la forme, il impose déjà une marque très personnelle, par quelques détails qui lui sont propres.

Sa manière de filmer le visage et le corps de Tracy Camilla Johns (pas une grande actrice, mais une grande présence… qu’on ne reverra quasiment plus par la suite), son utilisation des travelling et des gros plans, sa construction qui évoque un journal intime, ou l’irruption soudaine de la couleur dans un film au noir et blanc granuleux. Des petites choses qui assoient déjà le regard singulier de Spike Lee.

Ne réveillez pas un flic qui dort – de José Pinheiro – 1988

Posté : 21 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, PINHEIRO José | Pas de commentaires »

Ne réveillez pas un flic qui dort

Je n’attendais strictement rien de ce polar tardif de Delon, ses adieux au cinéma de héros comme Le Solitaire fut ceux de Belmondo l’année précédente. Juste l’envie un peu régressive de revoir les derniers feux de la star, ces ultimes moments où Delon se vit comme une superstar encore active.

Et voilà que je me surprends à y prendre un vrai plaisir. Oh ! Pas que le film soit très réussi. Une histoire un peu con, pompage éhonté de Magnum Force quinze ans après, une musique insupportable, des personnages caricaturaux, et Pinheiro qui se dresse en ersatz de Jacques Deray sous influence hollywoodienne…

C’est exactement ce qu’est le film : un Deray sous influence hollywoodienne, avec la noirceur de l’un et les excès de l’autre. Et au centre, un Delon qui en fait le minimum, mais avec une présence indéniable. On ne peut certes pas en dire autant de Michel Serrault, qui cachetonne sans forcer son talent dans un rôle de flic pourri à la tête d’un escadron de la mort.

Il fait la gueule et ne parle guère. Normal : c’est le méchant. A ses côtés, Xavier Delluc est pire, surjouant le sadisme de l’homme de main qui prend son pied à tuer la racaille. Avec un flingue, un bazooka, une arbalète ou une tenaille… C’est qu’il faut varier les plaisirs si on veut tenir l’attention du spectateur.

C’est con, ça devrait être insupportable. Mais la présence de Delon et quelques scènes d’action percutantes et bien senties assurent l’intérêt, notamment une fusillade à la Mesrine d’une violence rare. Pas un temps mort, pas non plus de grande idée, de grande vision… Mais le contrat est rempli. Le cahier des charges, c’est vrai, était bien mince.

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