L’incroyable Monsieur X (The Amazing Mr. X / The Spiritualist) – de Bernard Vorhaus – 1948
John Alton est grand. Directeur de la photo de Mann pour ses meilleurs films noirs (Marché de brutes, La Brigade du suicide), Alton a aussi travaillé avec des cinéastes nettement moins réputés, et pour des films nettement moins mémorables, mais toujours en apportant ce petit quelque chose en plus, faisant naître le mystère ou l’angoisse de ses images jouant souvent sur le contraste entre l’ombre et la lumière.
C’est particulièrement flagrant avec cette petite production dont le scénario, tiré par les cheveux, louche un peu trop ostensiblement vers le mystère à la Rebecca, avec des dialogues qui pèsent comme de la pierre. Bernard Vorhaus n’est pas un grand formaliste. Mais ici, sa mise en scène semble se mettre au service des images d’Alton. Visuellement très réussi, et ambitieux, le film joue constamment sur l’obscurité, et sur la lumière qui en sort, créant un sentiment de mystère et d’angoisse assez fascinant.
Là où le film est le plus convainquant, c’est justement dans sa manière de jouer sur la frontière entre l’ombre et la lumière, avec les frontières du fantastique et de l’illusion, par les trucages du faux médium, les étranges apparitions nocturnes dont est victime Christine, la veuve qui pleure un mari disparu tragiquement, ou encore les manipulations amusées du détective privé qui lui vient en aide, ancien magicien.
Hélas, la supercherie au coeur de l’intrigue est dévoilée trop rapidement : l’aura de mystère qui entourait la première partie disparaît alors, au profit d’un thriller un peu plus convenu, qui laisse la part belle aux comédiens. Pas des grandes stars, mais des vedettes de séries B, pour une interprétation irréprochable. Le plus marquant : le séducteur Turhan Bey, sorte d’ersatz du jeune Orson Welles. Angoissant, inquiétant. Une réussite.