She’s so lovely (id.) – de Nick Cassavetes – 1997
Sean Penn qui déclare son amour à Robin Wright sous la pluie battante : cette scène reste pour moi l’une des plus sublimes tournées dans les années 90. Il y a dans She’s so lovely une simplicité, une honnêté, voire une naïveté qui m’ont toujours bouleversé.
Eddie est un type un peu paumé, bouffé par l’alcool des accès de violences qu’il ne contrôle pas, mais qui vit une histoire d’amour passionnée avec Maureen, qui attend un bébé. Un soir, Maureen s’ennuie alors qu’Eddie enchaîne les verres dans les bars. Elle accepte l’invitation d’un voisin (James Gandolfini, avant sa période Soprano), qui tente de la violer. Lorsqu’il l’apprend, Eddie pête les plombs… Il passera les dix années suivantes dans un centre de détention. Lorsqu’il en sort, Maureen est devenue l’épouse rangée de Joy (John Travolta), et vit dans une grande maison bourgeoise.
Le film est clairement divisé en deux parties : avant et après. D’une époque à l’autre, tout a l’air d’avoir changé : les rêves de jeunesse se sont envolés, la vie dissolue et les galères d’hier se sont transformés en souvenirs chargés de nostalgie… Et puis finalement, on se rend compte que rien n’a changé. Le désespoir des deux amants était déjà présent AVANT. Il l’est toujours APRÈS. Simplement, il se dissimule d’une autre manière. Finis les drogues, l’alcool et les excès, la maturié impose de la retenue, des sacrifices, et un certain contrôle de soi… C’est en tout cas ce que semble incarner John Travolta, dans un rôle aussi court que marquant. Maureen et Eddie essayent de se plier, de rentrer dans le moule, mais à quoi bon… Ils ne sont pas faits pour notre société. Ce ne sont pas des rebelles, non, leur monde est simplement ailleurs, et ils sont seuls à y vivre. Pas « contre » la société, mais en marge.
L’amour que ces deux-là se porte est d’une pureté absolue, et c’est magnifique.
John Cassavetes, qui a écrit le scénario, devait le porter à l’écran, déjà avec Sean Penn, dans les années 80. Après sa mort, le comédien a également pensé à le réaliser lui-même. Finalement, c’est le fils de Cassavetes qui s’y colle, offrant à Penn l’un de ses plus beaux rôles, qui lui valut d’ailleurs le Prix d’interprétation au festival de Cannes.