Arbitrage (id .) – de Nicholas Jarecki – 2012
Richard Gere est formidable dans un excellent film. Voilà une phrase qu’on n’a pas eu l’occasion d’écrire depuis pas mal de temps. Mais le fait est que ce « Bûcher des Vanités des années 2010 » est une petite merveille, un portrait au vitriol du monde de la finance, cynique et édifiant.
La comparaison avec le film de Brian De Palma (et le roman de Thomas Wolfe) paraît à peu près inévitable. Par l’histoire d’abord : Arbitrage raconte la chute vertigineuse d’un roi de la finance new-yorkaise, rattrapé par son cynisme et ses aventures extra-conjuguales, et pris au piège de ses propres mensonges après un accident de la circulation aux conséquences dramatiques.
Les deux films partagent aussi une même ambition : celle de présenter une peinture au vitriol d’une société où le culte de l’argent conduit à la disparition de toute moralité. Le personnage de Richard Gere pourrait d’ailleurs être le frère spirituel de celui de Tom Hanks, qui aurait traversé sans heurts les années 90 : c’est un sexagénaire qui a continué à s’enrichir grâce à un sens des affaires qu’il place au-dessus de tout, et que ses abus rattrapent soudain.
Sherman McCoy (le golden boy du Bûcher des Vanités) connaissait une sorte de rédemption morale, parce qu’il était mis au pied du mur. Robert Miller (Gere), lui, a traversé les décennies sans heurt, son amoralité et son cynisme (il faut le voir baser le moindre de ses rapports à autrui sur l’argent) n’ayant pour effet qu’un accroissement de sa fortune. C’est peut-être pour ça qu’Arbitrage paraît plus cynique encore que les œuvres de Wolfe et DePalma.
C’est aussi que les temps ont changé, et que l’affaire Madoff est passée par là, secouant tout un système sans l’abattre. Robert Miller semble très inspiré par Bernard Madoff : pris au piège de ses mensonges, menacé de prison, lui survivra à tout, symbole de ce monde de la finance qui traverse les crises et les scandales, les uns après les autres. Mais comme pour Faust, le pouvoir et la réussite ont un prix : l’âme que Miller devra sacrifier.
En donnant à Richard Gere (et à Susan Sarandon, glaçante dans le rôle de l’épouse effacée, mais pas tant que ça…) son meilleur rôle depuis des lustres, Nicholas Jarecki fait de son film une œuvre complexe et intelligente, qui inspire un mélange d’attirance et de répulsion. Une grande réussite, en tout cas.