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Archive pour la catégorie 'GABIN Jean'

Le Plaisir – de Max Ophüls – 1952

Posté : 18 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Le Plaisir

Après La Ronde, Ophüls signe une autre variation autour du film à sketchs, et nous plonge cette fois dans l’univers de Maupassant, avec la même réussite exceptionnelle. Le Plaisir, ensemble de trois histoires aux atmosphères et aux durées très différentes (une bonne heure pour le segment central, une quinzaine de minutes pour les deux autres), est une merveille esthétique, et porte en lui toute la beauté, la nuance et la fragilité de l’être humain. Rien que ça.

Formellement, cette adaptation de Maupassant porte indéniablement la marque d’Ophüls. Une marque flagrante avant même la première image, avec cette voix off omniprésente (celle de Jean Servais prêtant son timbre à l’écrivain lui-même) qui commente et assure les transitions en s’adressant directement au spectateur, avant de prendre corps dans le dernier segment.

Surtout, la virtuosité du cinéaste est éclatante, aussi frappante dans un extraordinaire plan-séquence endiablé au cœur d’un bal parisien, que dans les allées d’une église rurale célébrant une première communion… Ophüls, à grand renfort de mouvements d’appareils fluides et virevoltants, capte l’atmosphère et l’énergie des lieux.

Mais avant tout, il en capte les sentiments, les émotions : cette émotion qui prend les pensionnaires d’une « maison » confrontées soudainement à la pureté d’une jeune fille de la campagne et de chants religieux. Ou celle à fleur de peau d’une vieille épouse délaissée prenant soin de son mari, ancien séducteur qui se perd chaque soir dans des parodies de jeunesse retrouvée.

Il y a dans Le Plaisir quelques-unes des plus belles images du cinéma d’Ophüls. D’abord, l’irruption de ce danseur au visage figé, dansant comme un pantin mystérieux dans ce bal plein de vie, dans le premier segment Le Masque. Puis ces fameuses pensionnaires d’une maison de plaisir qui s’arrêtent pour cueillir des fleurs dans un champs aux herbes hautes, sous le regard d’un Jean Gabin au cœur gros dans la deuxième histoire, La Maison Tellier.

La troisième, Le Modèle, est sans doute plus anecdotique, au moins visuellement. Plus cruelle que vraiment émouvante en tout cas. Mais elle complète plutôt bien la vision finalement assez cynique qu’offrent Maupassant et Ophüls de ce « plaisir » qui donne son titre au film : un plaisir basé sur des faux-semblants, des regrets ou des erreurs… Un homme qui court après sa jeunesse perdue. Un autre qui tente de retenir une parenthèse enchantée. Un dernier qui se ment sur ses propres sentiments…

Le film est bouillonnant de vie. Il n’en est pas moins grave et profond. Et la distribution, comme dans La Ronde, est impressionnante. On retrouve d’ailleurs une partie des mêmes : Simone Simon, Daniel Gélin, et surtout Danielle Darrieux (qu’Ophüls retrouvera une dernière fois pour un autre chef d’œuvre, Madame de…). Et puis Madeleine Renaud, Ginette Leclerc, Louis Seigner ou Pierre Brasseur. Et puis Gabin, en bon rustaud campagnard gentiment lourdaud, et très émouvant. Cette même année, Darrieux et lui se retrouvent pour un autre film important : La Vérité sur Bébé Donge.

Chiens perdus sans collier – de Jean Delannoy – 1955

Posté : 18 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, DELANNOY Jean, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Chiens perdus sans collier

Il n’a pas l’air, comme ça, ce film, mais il y est quand même question d’un pédophile, d’une grand-mère qui se prostitue, ou de parents qui poussent leur fille à avorter… Oh ! Aucun de ces termes n’est explicité, mais tout de même, il y a dans cette adaptation (libre) du roman de Gilbert Cesbron une volonté d’être en phase avec l’époque, qu’il faut saluer.

Jean Delannoy n’est sans doute pas l’homme de la situation, quand même. Il eût fallu un cinéaste avec une toute autre aura pour réussir réellement ce projet, basé sur une radiographie d’une société qui ne parvient pas à intégrer sa jeunesse. Il y a dans le film une naïveté un peu confondante, qui n’est contrebalancée que par une sincérité totale.

Reconnaissons au film de Delannoy une bienveillance extrême, à travers cette série de portraits de gamins abîmés par la vie. Orphelins, ou grandissant dans des familles dysfonctionnelles (c’est un euphémisme), ils sont filmés certes avec une certaine naïveté, mais aussi avec une tendresse confondante. Et face à eux, Jean Gabin campe un juge des enfants qui révèle des doutes permanents.

Gabin qui doute… Ce n’est pas si courant à cette époque où il commence justement à incarner ce personnage sûr de lui et infaillible, qui se révèle l’homme de la situation quelle que soit la situation. Dans Chiens perdus…, c’est un peu plus compliqué que ça. Il veut bien faire, ce juge pour enfant, refusant de laisser ce gamin à une mère qui accepte d’être l’enjeu d’un jeu de cartes entre deux prétendants. Mais a-t-il raison ? Le sort qu’il réserve à l’enfant est-il plus enviable ?

C’est toute l’intelligence de Delannoy que de ne pas trancher définitivement, laissant au spectateur le dernier mot, ce qui n’est pas si courant dans ce genre de « cinéma social » auquel Gabin est alors habitué. Il est d’ailleurs très juste, Gabin, jamais trop démonstratif, ne laissant transparaître son humanité (profonde) que dans ses actes et son regard, pas dans ses postures.

Les enfants aussi sont justes. Et il faut reconnaître à Jean Delannoy, réalisateur très inégal, un vrai talent pour mettre en scène ces enfances sacrifiées. La première séquence, notamment, est très belle : ce moment où un enfant, seul, s’invente une réalité alternative, jouant (littéralement) avec le feu. Belles images, tensions extrêmes… Cette introduction pèse de son poids sur tout le film.

Méphisto – de Henri Debain et Georges Vinter – 1931

Posté : 13 novembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, DEBAIN Henri, GABIN Jean, VINTER Georges | Pas de commentaires »

Méphisto

Le film invisible, celui que les vrais amoureux de Gabin rêvaient de voir depuis des décennies : ce film dont on savait vaguement qu’il existait une copie conservée dans une cinémathèque (celle de Toulouse), mais qui n’était jamais sortie de sa boîte. Et voilà que les indispensables magiciens de Lobster Films se sont lancés dans une restauration du film, qui permet aujourd’hui de découvrir enfin ce film mystérieux, dans tous les sens du terme.

Verdict final, pour commencer : Méphisto n’est pas un chef d’œuvre. Très influencé par le Fantômas de Louis Feuillade, il reste encore très marqué par l’esprit de ces serials des premiers temps, avec un méchant au look iconique (chapeau profondément enfoncé, grand manteau, large écharpe dissimulant le visage), un super-enquêteur sur sa piste (Gabin en personne), des fausses-pistes, des rebondissements et des cliffhangers qui clôturent les différentes parties (le film est divisé en quatre chapitres).

Mais aussi : un rythme qui semble déjà approximatif en ce début des années 30. Le début, surtout, est assez poussif, avec un jeu d’acteur qui semble bien maladroit. Même Gabin paraît un peu emprunté. Il faut dire à sa décharge qu’il n’a que peu d’expérience de l’écran : il n’a alors à son actif qu’un unique long métrage, Chacun sa chance. Il est encore connu avant tout pour sa carrière au music-hall, où il se livre à des numéros très influencés par Maurice Chevalier.

En pleine enquête, on le voit donc monter sur scène (littéralement) le temps d’une chanson qui a tout d’un tube pour l’époque : « J’aime les grosses femmes »… Tout un programme ! Curieusement, c’est en montant sur scène dans un boui-boui marseillais que son personnage gagne en épaisseur, et que Gabin semble gagner en confiance. Son jeu s’affirme, sa présence s’impose. Ce n’est pas encore le grand Gabin, mais c’est un Gabin en construction, et c’est passionnant.

Comme il est passionnant de le voir dominer les débats dans ce qui est son premier rôle de flic (il faudra attendre près de vingt-cinq ans pour le revoir endosser l’imper du policier, ce sera pour Razzia sur la chnouf), véritable héros quasi-omniprésent à l’écran. Il lui manque encore un peu d’épaisseur, c’est vrai. Mais à sa décharge, le scénario est assez improbable, avec un « génie du crime » dont on se demande bien ce qu’il cherche vraiment, et qui passe quand même tout le film à rater à peu près tout ce qu’il essaye…

Mais il y a quelques belles idées (le « résumé » des épisodes précédents qui utilise la voix populaire autour des journaux du jour), de beaux moments de suspense (la scène du train, ou celle de la cave, fort joliment réalisées et très tendues), une belle manière de filmer les ruelles de Marseille, ou les extérieurs parisiens. Une fraîcheur aussi, et une générosité dans l’action et les rebondissements. Et le plaisir, immense, de découvrir cette curiosité. Enfin.

Variétés – de Nicolas Farkas – 1935

Posté : 23 juin, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, FARKAS Nicolas, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Variétés

Variétés est sorti quelques semaines seulement après La Bandéra, film qui propulsa la carrière de Gabin à des hauteurs stratosphériques : en cinq ans, il devait enchaîner une dizaine des plus grands films de toute l’histoire du cinéma français. Le film de Nicolas Farkas peut donc être considéré comme le dernier des débuts de l’acteur. Il y retrouve Annabella, déjà sa partenaire dans le film de Duvivier, mais n’occupe pas encore le haut de l’affiche.

C’est Fernand Gravey, dont le capital sympathie est très grand, qui s’y colle dans ce triangle amoureux pas très original sur le fond : deux amis inséparables, une petite camarade dont ils réalisent en même temps qu’elle est devenue une femme fort attirante. Gabin se déclare en premier. Manque de pot : c’est de Gravey qu’Annabella est éprise. Et comme Gabin n’est pas du genre à accepter la défaite sans gueuler très fort, ni à s’effacer simplement, la belle harmonie va tourner en confrontation bien tendue.

D’autant plus tendue que, si le triangle amoureux lui-même est assez convenu, le décor l’est moins : les trois personnages principaux sont des trapézistes, des artistes qui, à chaque représentation, remettent leurs vies dans les mains de leurs partenaires. Littéralement. Les scènes de voltige aérienne sont rares, mais l’une d’elles, la dernière, est particulièrement tendue, et laisse des sueurs froides.

C’est le clou du film, et l’un des plus beaux moments. Il y en a d’autres, plus intimes : ce beau plan montrant les visages de Gabin et Gravey observant avec le même regard plus très innocent leur amie s’éloigner… Joli moment qui annonce tout à la fois la fin d’une époque et le début d’une rivalité inévitable.

Le film a pour lui l’interprétation de ses trois acteurs principaux. Difficile de juger la réussite formelle d’un film vu dans une copie franchement dégueu. Difficile donc de dire à quel point le passé de directeur de la photo international de Nicolas Farkas a pu être déterminant. Mais le réalisateur a su tirer le meilleur de son décor, signant de belles séquences dans les coulisses du music-hall, pleines de vie, d’humour, de petits drames. D’humanité, en un mot.

Remorques – de Jean Grémillon – 1939-1941

Posté : 5 juin, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, 1940-1949, GABIN Jean, GRÉMILLON Jean | Pas de commentaires »

Remorques

Remorques marque la fin d’un cycle pour Gabin. Et quel cycle ! En cinq ans, l’acteur a enchaîné dix des plus grands chefs d’œuvre du cinéma français, série sans équivalent dans l’histoire. C’est la guerre qui y met un point final : le film est commencé avant la déclaration de guerre, et terminé bien après la débâcle. Le tournage chaotique ne se ressent en rien. Après Gueule d’amour, Grémillon offre à Gabin un nouveau monument, plus grand encore, plus impressionnant, plus tragique, plus beau.

La tragédie, ici, vient du plus profond des êtres. Et comme dans leur précédente collaboration, Gabin est un homme à l’apogée de sa vie, qui va se prendre un retour de bâton cruel en se confrontant à la réalité des autres. Le capitaine d’un remorqueur en haute mer, en l’occurrence, tel qu’on imagine Gabin : grand, beau, fort, imperturbable. Un socle, un bloc, celui sur qui se reposent son équipage aussi bien que sa femme. Jusqu’à ce que survienne l’impensable. Oh ! Rien de spectaculaire, non : une autre femme.

Sauf que cette femme-là apparaît dans une scène véritablement spectaculaire : un sauvetage en pleine mer, et en pleine tempête, dont Grémillon fait ressentir tout le danger et toute la vérité en jouant habilement avec des gros plans et des maquettes. Grand moment de cinéma d’aventures, où les embruns et la sueur se ressentent constamment.

Mais l’essentiel, bien sûr, est ailleurs : dans le regard de Gabin, paumé quand il se découvre aussi imparfait que ceux qu’il remettait à leur place quelques jours plus tôt seulement, parce que dans un tel équipage, on ne peut pas s’autoriser des faiblesses. Mais lui-même se retrouve tiraillé entre sa femme, Madeleine Renaud, et cette « sirène » sortie des flots, Michèle Morgan… Soudain, Gabin apparaît non plus comme un capitaine sûr de lui en toute circonstance, mais comme un homme, fatigué de sa vie de couple bien installé, et attiré par l’aventure d’une belle jeune femme.

Comme un symbole, ces deux femmes qui déchirent l’âme de Gabin sont interprétées par les deux actrices qui ont le plus marqué sa filmographie : Madeleine Renaud, co-vedette de trois de ses meilleurs films d’avant l’état de grâce (Le Tunnel, La Belle Marinière et Maria Chapdelaine), et Michèle Morgan, sa partenaire mythique du Quai des brumes (mais aussi de deux films plus méconnus, Le Récif de Corail et La Minute de Vérité). Leur présence à toutes les deux renforce encore la beauté intime et rude de ce joyau.

Golgotha – de Julien Duvivier – 1935

Posté : 16 mai, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DUVIVIER Julien, GABIN Jean | 1 commentaire »

Golgotha

Gabin en toge dans le rôle de Ponce Pilate… Voilà une curiosité qui, sur le papier, fait craindre le pire. La première apparition de l’acteur en toge ne rassure d’ailleurs pas tout à fait : c’est Gabin avec son phrasé de Français populo, un peu plus en retenue simplement. Et puis finalement, le charme opère, et c’est tout le parti-pris de Julien Duvivier qui se résume dans cette incarnation sobre et dénuée d’effet.

Duvivier n’en est pas à son premier film « religieux ». De L’Agonie de Jérusalem à La Vie miraculeuse de Thérèse Martin, sa période muette compte quelques œuvres mystiques importantes. Il reviendra à la figure christique avec son Don Camillo, mais c’est une autre histoire, qui n’est toutefois pas sans rapport : sa comédie à venir rappelle que la crise de foi du cinéaste a vite tourné court. Son Golgotha, mise en images de la Passion du Christ, est un peu à la croisée des chemins.

Duvivier s’y montre très respectueux de l’histoire telle que racontée dans le Nouveau Testament, mais se défait autant que possible de l’imagerie religieuse traditionnelle, pour filmer les événements avec le sens du vrai et du vivant qui caractérise son cinéma. C’est là que son film est le plus passionnant : dans la capacité qu’a le cinéaste de rendre palpable l’atmosphère de cette Jérusalem là, grouillante de vie et remplie d’intrigants.

C’est à la fois spectaculaire dans la forme, et édifiant sur le fond. Dans la forme, Duvivier filme Jérusalem plus encore qu’il ne filme Jésus lui-même (Robert Le Vigan, habité). Il alterne habilement les plans larges de foules, impressionnants, et les gros plans sur des visages pleins de passions. Et devant sa caméra, Jérusalem a le même accent de vérité que la Casbah de Pépé le Moko ou les forêts glacées de Maria Chapdelaine.

Sur le fond, Duvivier fait de Jésus un objet de désir ou de dégoût, c’est selon. Mais son sort est clairement entre les mains de politicards, de personnages lâches ou mesquins. On sent bien que c’est moins Jésus lui-même qui intéresse le cinéaste que tous ceux qui ont son sort entre leurs mains, que ce soit le puissant et grotesque Hérode (Harry Baur, grandiose le temps d’une unique séquence) ou un simple anonyme dont les convictions oscillent au rythme de la foule.

Et Pilate, donc, dont Gabin fait un homme simple et même médiocre, un type qui a plutôt bon cœur, et qui ne veut fâcher ni la foule dont la colère pourrait lui coûter sa place, ni sa femme (Edwige Feuillère), qui ne veut pas qu’on touche au Messie, et dont la colère pourrait lui coûter la paix de l’esprit. Il s’en lave les mains, donc. Ce geste historique est filmé comme toutes les étapes de la Passion : avec une certaine distance, qui révèle curieusement l’humanité profonde des personnages.

L’Air de Paris – de Marcel Carné – 1954

Posté : 14 mai, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, CARNÉ Marcel, GABIN Jean | Pas de commentaires »

L'Air de Paris

Quatre ans après La Marie du Port, et quinze ans après Le Jour se lève et Le Quai des brumes, Jean Gabin retrouve Marcel Carné pour la dernière fois de sa carrière, et pour le plus faiblard de leurs quatre films en communs. On est loin, bien sûr, des deux immenses chefs d’œuvre d’avant-guerre, mais loin aussi de leurs premières retrouvailles en 1950. L’Air de Paris manque cruellement de passion, ce qui est tout de même bien dommage pour un film qui ne parle que de ça.

Gabin, lui, est formidable dans un rôle tout en nuances, mine de rien : celui d’un entraîneur de boxe qui trouve dans un jeune paumé l’espoir qu’il a attendu toute sa vie, une graine de champion qu’il veut mener là où lui-même n’a pas réussi à se hisser. C’est Roland Lesaffre, que Gabin avait croisé sous les drapeaux, et qui sera le partenaire privilégié de Carné pendant vingt-cinq ans. Acteur pas franchement enthousiasmant, Lesaffre a pour lui un physique, qui donne une vraie force à ce personnage de jeune boxeur. Carné s’amuse à flirter avec un sous-texte homosexuel, filmant ce corps comme un idéal à atteindre, avec lequel l’épouse de l’entraîneur a bien du mal à rivaliser.

C’est Arletty, touchante en épouse délaissée par un mari qui ne se passionne plus que pour son jeune éphèbe. Quel couple, quand même : Arletty et Jean Gabin, si loin du Jour se lève, qui luttent contre la monotonie… Face à ce couple ancré dans le réel, où Gabin semble si solidement ancré, la romance entre le jeune boxeur et la belle femme du monde sonne comme une chimère…

Plein de bonnes intentions, le film ne tient pas toutes ses promesses hélas. Tout en saluant la prestation de Gabin, et quelques belles scènes, on se dit que Carné aurait mieux fait de rester fidèle au réalisme poétique d’avant-guerre, que le début du film semblait annoncer : sur fond noir, avant que le générique défile, la voix d’Yves Montand (lui-même qui avait remplacé Gabin dans Les Portes de la Nuit) entonne in extenso une chanson à la gloire de Paris. Entrée en matière étonnante et séduisante.

Gloria – de Hans Behrendt et Yvan Noé – 1931

Posté : 13 mai, 2022 @ 9:23 dans 1930-1939, BEHRENDT Hans, GABIN Jean, NOE Yvan | Pas de commentaires »

Gloria

Voilà un film de jeunesse très méconnu pour Gabin, version française d’un film allemand réalisé par Hans Behrendt. Star aussi populaire des deux côtés du Rhin (on l’a vue à la fois dans Metropolis en Allemagne, et dans L’Argent en France), Brigitte Helm est la vedette des deux versions. Le reste de la distribution est, pour l’essentiel, différent. Le personnage principal est ici incarné par André Luguet, que Gabin retrouvera pour ce qui sera son premier grand film, Cœur de Lilas.

Dans Gloria, Gabin est encore cantonné au second rôle. Mais le film vaut surtout pour ses rapports avec le héros, Brigitte Helm n’existant qu’à peine dans cette équation. Il est le mécanicien du pilote joué par Luguet, as de l’aviation qui ronge son frein après avoir accepté d’arrêter les acrobaties aériennes à la demande de sa femme (Brigitte Helm), et qui finira par tenter la traversée de l’Atlantique. L’exploit de Charles Lindgbergh, réalisé quatre ans plus tôt, est encore dans tous les esprits.

Gabin s’invitera à ce voyage à hauts risques, pour ce qui est jusqu’alors le plus consistant de ses personnages. Lui qui se contentait le plus souvent d’être le bon gars souriant et plein de santé, gagne en profondeur. Face à un André Luguet très bien, mais dont le jeu est plus daté, Gabin est déjà d’un naturel confondant. Dans la grande scène du banquet, où son rôle est purement visuel et de second plan, il dévore littéralement l’écran, éclipsant tous les autres au jeu plus convenu.

Inégal mais sympathique, le film est plutôt bien tenu dans sa montée en tension. Si les scènes aériennes ont une dimension un peu limitée (on n’est pas chez Wellman, dont le Wings avait nettement plus d’ampleur), mais les gros plans sont parfaitement utilisés pour filmer le danger et la tension. Une belle curiosité.

Les Vieux de la vieille – de Gilles Grangier – 1960

Posté : 12 avril, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, GABIN Jean, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Les Vieux de la vieille

Après Archimède le clochard, ces Vieux de la Vieille confirment le tournant pantouflier de Gilles Grangier, dont les premiers films avec Gabin étaient autrement plus enthousiasmants. On est ici dans l’univers de René Fallet, l’auteur de La Soupe au chou, grand poète d’une France rurale et un brin réac, peuplée de vieillards priapiques et grandes gueules. Côté grandes gueules, on est servi…

On a donc Jean Gabin, Pierre Fresnay et Noël Noël, trois amis d’enfance devenus retraités célibataires, qui n’ont rien perdu de leur envie de mettre le boxon et d’emmerder les autres. Des vieux cons, en fait, aussi attachants qu’agaçants, devenus la terreur de leur bled à force d’envoyer promener tous ces qui les entourent, à commencer par les « étrangers » (donc ceux qui vivent à plus de trois kilomètres) qui se permettent de critiquer leur environnement.

L’histoire est bien anecdotique : ces trois comparses réalisent chacun à leur manière qu’ils ont passé la date de péremption, et que leur place est dans cet hospice qu’on leur a vanté comme un paradis pour personnes âgées. Donc un endroit où ils pourraient passer la journée à se marrer et à picoler. On imagine bien qu’ils tomberont de haut en découvrant un lieu nettement plus hostile que ce à quoi ils s’attendaient.

A l’image des trois « vieux », le film est à la fois agaçant et attachant. Agaçant parce qu’il surjoue très lourdement l’accent campagnard et les outrances des personnages, noyant la dimension sociale (la place des personnes âgées dans la société) dans un torrent d’humour rabelaisien et de tirades gueulées par des acteurs en roue libre.

Noël Noël est sans doute celui qui s’en tire le mieux, en tout cas en apportant un peu d’humanité et de fragilité à son personnage, vieux fermier totalement déshumanisé par un fils qui le traite désormais comme un enfant attardé. Gabin et Fresnay sont d’avantage en mode cabots, mais le plaisir de les retrouver côté à côte plus de vingt ans après La Grande Illusion est bien réel. La complicité entre les trois est sans doute ce qui fonctionne le mieux dans le film.

Moins convaincante : la manière dont Grangier joue avec l’image de ses acteurs, et particulièrement de Gabin. Une scène, surtout, renvoie directement au Jean Valjean des Misérables : celle où Gabin tente de soulever une lourde paroi effondrée à la force de son dos… en oubliant que ses exploits physiques appartiennent au passé. Très référencé, mais un peu froid et vain.

C’est du bon cinéma de papa, sans grande envergure, le show à peine maîtrisé de trois acteurs vieillissants qui semblent prendre beaucoup de plaisirs à surjouer les vieux réacs. Le film se résume largement à une succession de petits moments un peu répétitifs, mais parfois assez amusants. La gouaille des acteurs et quelques répliques bien senties (« c’est le Cayenne des vieux ! ») suffisent à susciter un plaisir léger, un peu distant, mais réel.

La Péniche de l’amour (Moontide) – d’Archie Mayo – 1942

Posté : 25 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, GABIN Jean, LUPINO Ida (actrice), MAYO Archie L. | Pas de commentaires »

La Péniche de l'amour

La carrière hollywoodienne de Jean Gabin, pendant l’occupation, se limite en gros à Moontide (il y a tourné deux films, en fait, mais l’autre, L’Imposteur, est réalisé par son vieux comparse Julien Duvivier et participe à l’effort de guerre, disons donc qu’il ne compte qu’à moitié). C’est donc une vraie curiosité, dans laquelle Gabin trouve un rôle dans la lignée de ceux qui ont fait sa gloire, mais avec un regard hollywoodien… et une belle chevelure blonde.

Un rôle taillé pour lui, donc : un docker qui pense être le meurtrier d’un homme, tué lors d’une de ses innombrables soirées de beuverie. Il ne fait d’ailleurs pas les choses à moitié, éclusant des choppes de whisky et de saké, histoire que son amnésie passagère soit crédible. A vrai dire, elle l’est assez moyennement : survivre à une telle quantité d’alcool est en soi assez miraculeux.

Le film n’est, de fait, pas d’une finesse extrême. L’identité du tueur est bien vite évidente, l’histoire d’amour manque de subtilité, la plupart des personnages sont monoblocs… Et le naturel habituel de Gabin tombe souvent à plat dans une langue qui n’est pas la sienne. Malgré tout, Moontide est un film très attachant, en partie pour sa jolie naïveté.

Le principal décor de l’histoire fait beaucoup pour cette réussite. Non pas une péniche, mais une barge, transformée en cocon romantique coupé (y compris physiquement) du monde, pour le docker paumé et une jeune femme qu’il a sauvée du suicide, jouée par Ida Lupino. Presque une abstraction : on ne saura rien de son passé, Gabin lui-même refusant de l’écouter lorsqu’elle veut se confier.

Là encore, la vision du couple n’est pas la plus subtile ni la plus avant-gardiste qui soit : la belle Ida comprendra bien vite que ce qu’attend un homme, c’est que sa femme tienne la maison et l’accueille après la journée de boulot avec une belle robe sexy. Mais oui, voilà qui est parlé ! Remettons dans le contexte, comme on dit…

Pas avant-gardiste, non, mais attachant par sa bonhomie, par la manière aussi de réduire l’intrigue à quelques personnages qui tournent autour de la barge, ne laissant que de brèves scènes à d’autres personnages plus secondaires. Beau casting, d’ailleurs, avec Thomas Mitchell et Claude Rains notamment.

Presque un huis clos, d’où émergent toutefois quelques scènes « extérieures » baignées de brumes, comme si rien d’autre n’existait que cette barge, seul bonheur possible pour nos deux tourtereaux. On retiendra surtout une implacable poursuite dans la nuit, sur une jetée, ou l’aboiement d’un chien qui annonce le danger…Soudaines montées dramatiques dans un film qui, par ailleurs, ressemble plus à une fable bon enfant, malgré son sujet.

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