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Archive pour la catégorie 'GUITRY Sacha'

Bonne chance ! – de Sacha Guitry et Fernand Rivers – 1935

Posté : 28 octobre, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, GUITRY Sacha, RIVERS Fernand | Pas de commentaires »

Bonne chance

Guitry est un jeune cinéaste quasi-débutant de 50 ans quand il signe Bonne chance !, sa première comédie originale : il venait alors de tourner l’adaptation de sa pièce Pasteur, nettement plus austère. Il venait aussi de se marier (dans la vraie vie) avec la jeune actrice Jacqueline Delubac, à qui il donne la réplique ici. Et on sent bien que l’amour qui unit ces deux là nourrit le film, une pure légèreté dénuée du cynisme que l’on retrouvera souvent chez le cinéaste Guitry.

Dans Bonne chance !, tout est plaisir et joie : le plaisir communicatif que prennent les deux acteurs, Guitry tournant en dérision leur différence d’âge, son personnage se décidant même à adopter officiellement cette jeune femme pour qui il éprouve un amour qu’il imagine impossible. Quand elle lui dit que son rêve est d’aller à Venise, il s’y refuse, rappelant que Venise est une ville où on va pour faire quelque chose qu’ils ne feront pas, « parce que ne n’aime pas faire ça avec mes parents » précise-t-il, avant de répondre du tac au tac à la jeune femme qui lui demande où lui rêve d’aller : « à Venise » !

Il y a du Lubitsch dans cette histoire, dans le rythme que lui donne Guitry, que l’on sent gourmand, avide d’utiliser toutes les possibilités narratives de cet art cinématographique qu’il a si longtemps gardé à distance. Une scène, parenthèse inutile à l’intrigue et réjouissante comme Guitry en a le secret, résume cet enthousiasme presque enfantin : une caméra subjective filmant la route, embarquée sur une voiture, et la voix off de Guitry et Delubac qui discutent de cette vision qui évoque un plan de cinéma. « On m’a dit qu’on enregistrait les paroles ensuite au studio. – C’est bien invraisemblable. »

L’histoire elle-même pourrait être celle d’une grande comédie hollywoodienne, qu’aurait signé Lubitsch, ou Preston Sturges : un billet de loterie gagnant, que sa propriétaire décide de partager avec cet homme dont elle est persuadé qu’il lui a porté bonheur en lui criant « bonne chance ! » dans la rue, sans raison apparente. Et lui qui n’accepte qu’à condition qu’ils dépensent ensemble la moitié qu’elle lui laisse. Les voilà lancés dans un voyage de quelques jours, parenthèse merveilleuse avant qu’elle n’épouse celui auprès duquel elle s’est engagée…

C’est joyeux, et léger comme du champagne, et c’est brillant comme… eh bien comme du Guitry, cinéaste chez qui toutes les envolées semblent possibles, à l’image de cette valse aérienne dans laquelle Guitry se lance soudainement, alors qu’il traversait jusqu’alors le film avec une sorte de flegme. Soudain, les envolées de l’esprit deviennent celle du corps, et c’est un beau moment de grâce.

La Poison – de Sacha Guitry – 1951

Posté : 13 février, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

La Poison

« Regardez-moi ça, un vrai boudin »

Guitry a rarement été aussi cruel et cynique que dans La Poison, portrait corrosif au possible de l’enfer du couple. Il a rarement été tendre avec l’idée même du mariage, dans ses films. Mais là, avec ce couple de provinciaux haineux l’un envers l’autre, le plaisir habituel de la langue cède souvent la place à des silences dérangeants. En tout cas dans la première partie, la meilleure.

Dans cette première moitié, Guitry prend le temps de filmer ce couple, joué par Germaine Reuver et Michel Simon. Trente ans de mariage, une union devenue depuis longtemps une cohabitation pleine de dégoût et de colère. Les rares mots qu’ils échangent sont des insultes, le moindre mouvement irrite l’autre… Ils n’essaient même plus de cacher leurs ressentiments, chacun attendant la mort de l’autre.

Il y a des moments d’une très grande force dans cet affrontement silencieux : les regards plongés dans la soupe tandis que la radio diffuse une (belle) chanson de Lucienne Delyle, la solitude plombante de Michel Simon à la table du café devant ses copains inquiets (parmi lesquels un Louis De Funès encore jeune et chevelu), ou la touchante confession de Simon au joli personnage de fleuriste jouée par l’indispensable Jeanne Fusier-Gir…

Cette première partie est d’une cruauté assez radicale. Et plus il va loin dans la violence psychologique, plus Guitry s’efface derrière ses personnages. Lui que l’on devine souvent derrière chacune des répliques qu’il prête à ses acteurs semble se contenir derrière la caméra, qu’il place au plus près de ce couple toxique, merveilleusement interprété. Il y a bien quelques sourires, quelques réparties comme Guitry sait les écrire. Mais c’est une immense amertume qui domine, jusqu’au crime.

La suite est également très réussie, mais moins surprenante. Dans ce procès, où le personnage de Michel Simon se transforme en une sorte de cabot théâtral, le réalisme froid de la vie conjugale laisse la place à un jeu de massacre un rien plus convenu, et l’amertume terrible de la première partie à un cynisme assez jubilatoire, mais plus attendu. Personne n’est épargné : ni l’avocat qui vit sa profession comme le ferait un acteur, ni les bons voisins ravis de voir que le crime profite à la notoriété du village…

Sacha Guitry réussit là l’un de ses meilleurs films, dense et cruel. Court, aussi : à peine plus d’une heure vingt, y compris un générique de début comme il les aime, long de plus de cinq minutes. Le « maître » lui-même y apparaît comme il en a l’habitude. Et après un long éloge de Michel Simon face à l’acteur, il passe d’un comédien à l’autre, avec pour chacun un petit mot, puis à son équipe technique, et à tous ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre au film… Véritable court métrage qui mérite à lui seul de voir le film, ne serait-ce que pour le plaisir du verbe et du phrasé de Guitry.

 

Napoléon – de Sacha Guitry – 1955

Posté : 26 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Napoléon

Le grand œuvre de Guitry : trois heures d’une fresque ambitieuse consacrée à l’Empereur. Et rien ne manque, ou presque, de son parcours, de sa naissance en Corse à sa mort sur une autre île, celle de Sainte-Hélène.

Trois heures de déclaration d’amour, mais avec le cynisme rigolard de Guitry. Il oublie certains épisodes à dessein ? Il le reconnaît lui-même : « D’autres s’en souviendront ». Parce que Guitry, bien sûr, est omniprésent, s’accordant le rôle qui lui va le mieux : celui de raconteur. Talleyrand en l’occurrence, qui raconte à ses proches, à sa manière et en voix off, la vie d’un grand homme qui a mal fini.

Cette construction à la Guitry, avec cette voix qui donne le rythme et permet tous les raccourcis, permet aussi une pointe d’humour et d’audace, dans la manière parfois d’évoquer plus que de raconter, à l’image de ces batailles caricaturales, où le triomphe de Napoléon est symbolisé par les soldats qui avancent sans être même effleuré par le feu ennemi.

Le film est à la fois très ample et ambitieux, avec de nombreux décors et beaucoup de figurants, et très simples dans sa facture. Presque figé même, par moments. Avant d’être une grande fresque, Napoléon reste toujours un « Guitry », où le verbe est plus important que l’image. Le réalisateur, cela dit, est parfois très inspiré (la prise de Moscou en flammes, simple et belle). Lorsqu’il ne se contente pas d’une mise en scène purement fonctionnelle.

Le casting est évidemment exceptionnel. Beaucoup de stars ne font que passer (ou trépasser) : quelques minutes à peine pour Jean Gabin (tout en perruque en maréchal Lannes), Erich Von Stroheim (à peine reconnaissable en Beethoven) ou Orson Welles (ogresque en Hudson Lowe), un peu plus pour Serge Reggiani (Lucien Bonaparte) ou Yves Montand (le maréchal Lefebvre)… Les femmes de Napoléon ont finalement le beau rôle : Danielle Darrieux totalement libérée, et surtout Michèle Morgan, très émouvante dans le rôle de Joséphine.

La meilleure idée du film, c’est peut-être d’avoir confié le rôle titre à deux acteurs : Daniel Gélin pour la jeunesse de Bonaparte, Raymond Pellegrin pour la maturité de l’Empereur. Ils ne se ressemblent pas vraiment, mais ce procédé évoque plus qu’il ne montre vraiment l’évolution, la bascule de l’homme… Du pur Guitry, qu’on a quand même le droit de préférer plus intime (modeste n’étant pas le mot le plus juste).

Deburau – de Sacha Guitry – 1951

Posté : 13 mars, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Deburau

Grandeur et chute de Deburau, le plus célèbre des mimes, celui-là même qu’interprétait Jean-Louis Barrault dans Les Enfants du Paradis. Sacha Guitry, lui, s’intéresse à la vieillesse de sa vie, à la fin de sa carrière, s’offrant le rôle titre avec une gourmandise teintée d’une nostalgie déchirante.

Quoi de plus normal dans ce choix : Guitry a toujours fait de ses personnages des doubles de lui-même, et tous ses grands films ont des accents d’autobiographie rêvée. C’est le cas ici. Où est Deburau, où est Guitry dans ce personnage de mime qui parle, qui parle, qui parle sans quasiment jamais se taire du lever de rideau jusqu’au mot fin ?

On ne s’en plaint pas, d’ailleurs. Comme souvent dans ses films, Guitry est tout : auteur, réalisateur, acteur, et bien plus… Il ne joue pas son film, il « est » son film. C’est lui qui en donne le ton, le rythme, le mouvement.

Plus encore que dans un chef d’œuvre comme Le Roman d’un tricheur, où la forme audacieuse jouait un grand rôle, le phrasé si particulier et si jouissif de Guitry est précieux dans ce théâtre filmé qui ne cache jamais ses origines, respectant la constructions en actes, l’unité de décors, mais aussi les apartés.

La logique de Guitry cinéaste, sans fard, tel Deburau qui enlève le blanc de son visage. Totalement fabriqué, tout en rimes, et pourtant d’un naturel désarmant.

Le Roman d’un tricheur – de Sacha Guitry – 1936

Posté : 24 novembre, 2018 @ 8:00 dans 1930-1939, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Le Roman d'un tricheur

Le plus typiquement Guitry des Guitry, ou comment faire de la fameuse voix de Guitry l’élément central du cinéma de Guitry, et laisser penser ainsi aux spectateurs des générations à venir (et présentes) qu’ils ont une idée précise de ce qu’était Guitry sur scène.

Le Roman d’un tricheur donne un nouveau relief à la voix off, omniprésente, qui remplace tout : du générique au moindre dialogue. Un générique inoubliable, dans lequel la voix de Guitry présente les uns après les autres les comédiens, les techniciens et autres gens de l’ombre, jusqu’au producteur, victime consentante de la verbe acide de Guitry. Ce seul générique mérite à lui seul de voir le film. Il inspirera d’ailleurs plusieurs cinéastes, à commencer par Orson Welles pour La Splendeur des Amberson (rien que ça), ou Truffaut pour Fahrenheit 451.

Et cette voix de Guitry, donc, qui recouvre quasiment tout le film, disant lui-même chaque dialogue d’une histoire construite en longs flash-backs. Dans ces flash-backs, seule Fréhel a droit à la parole, le temps d’une chanson restée célèbre et très émouvante (« Voilà pourquoi, chaque dimanche… »). Ce choix de la voix off se justifie d’ailleurs : c’est un homme (Guitry, donc), installé à la terrasse d’un café, qui écrit ses mémoires.

Ce procédé reste à peu près unique, en tout cas dans sa réussite. Le Roman d’un tricheur, c’est aussi un modèle de construction, non seulement dans son utilisation des flash-backs, mais aussi dans celle d’images d’archives d’actualité, qui contribuent à opacifier les frontières entre la réalité et la fiction.

L’histoire de cet homme est incroyable. On jurerait pourtant qu’elle dit beaucoup de Guitry lui-même. Guitry qui, dans la vraie vie, n’a pas survécu à un dîner aux champignons vénéneux qui auraient emporté sa famille entière, parce qu’il en avait été privé pour avoir volé et menti. Et n’en a donc pas tiré la conclusion que le mensonge et le vice lui avaient sauvé la vie.

Le Roman d’un tricheur est un chef d’œuvre d’humour et de cynisme (les deux allant ensemble, en l’occurrence). C’est aussi une merveille formelle. Guitry n’est pas uniquement un grand auteur et un grand comédien et orateur. Il est aussi un vrai cinéaste, et cela est particulièrement évident avec ce film-ci, qui joue constamment avec les miroirs et les ombres, jusqu’à la séquence de l’arrestation des conspirateurs, quasiment expressionnistes, impressionnante de maîtrise.

 

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