La Chevauchée fantastique (Stagecoach) – de John Ford – 1939
Que dire sur ce monument du western ? Treize ans après Trois sublimes canailles, Ford renoue avec un genre qu’il avait totalement délaissé depuis la fin du muet. Avec ces retrouvailles, le cinéaste signe une espèce de western définitif, qui rassemble toutes les grandes figures du genre : attaque d’Indiens, cavalerie à la charge, duel dans la nuit.
Surtout, Ford réunit dans une diligence tous les personnages typés du genre westernien : le hors-la-loi, le médecin alcoolique, le joueur de poker, le banquier hautain, le petit homme un peu lâche, la femme du monde qui arrive dans l’Ouest pour retrouver son mari, le shérif, le conducteur débonnaire, et la « fille » au passé sulfureux.
De ces stéréotypes, Ford fait des personnages à part entière, extraordinairement bien écrits et vivants. Le cinéaste a un vrai génie pour donner de la consistance au moindre second rôle de ses films, et pour créer des communautés éphémères, qui ont tout d’une vrai famille, avec ses attirances, ses inimitiés, ses engueulades, ses coups bas. Il est ici épaulé par des acteurs absolument formidables. De Claire Trevor (très émouvante) à Thomas Mitchell (forcément attachant), en passant par John Carradine (forcément fourbe), Berton Churchill (forcément détestable) ou Andy Devine (forcément bon bougre), que des grands acteurs, dans des rôles taillés sur mesure. Et que des habitués du cinéma de Ford.
Et puis il y a John Wayne, bien sûr. L’acteur avait déjà fait quelques panouilles pour Ford à la fin du muet (notamment dans Hangman’s house), et avait déjà tenu la vedette de La Piste des géants pour Walsh, en 1930. Mais depuis près de dix ans, il enchaînait les westerns de série B (C ? D ?…) assez miteuses. C’est bien dans Stagecoach que Wayne devient un acteur puissant. Et une star par la même occasion.
D’ailleurs, on sent bien que Ford a décidé de faire de Wayne une star : l’acteur apparaît pour la première fois dans un travelling qui se termine en gros plan sur son visage impressionnant. Ce plan spectaculaire est de ceux qui créent les légendes…
Wayne est le vrai pivot d’un film qui combine merveilleusement l’intime et le spectaculaire, l’exiguïté de cette diligence avec l’immensité de Monument Valley, les drames personnels des personnages et les guerres indiennes qui font rage. Stagecoach est l’un des chef d’œuvre de Ford (et du western). De cette accumulation de figures obligées, Ford a tiré un film très personnel, et constamment inspiré. Un classique incontournable, oui.