Les Brigades du Tigre – de Jérôme Cornuau – 2006
C’était l’époque où le cinéma français se mettait, comme Hollywood, à adapter des séries télé : il y a eu Belphégor, Vidocq, Les Chevaliers du Ciel… Et il y a ces Brigades du Tigre, l’exception qui confirme la règle (selon laquelle on a sans doute bien fait de ne pas persévérer dans cette voie) : la seule vraie réussite de cette liste pour le moins imparfaite.
Et c’est vrai qu’il se passe une espèce de miracle avec cette adaptation du feuilleton très vieillôt des 70s, qui évoque la brigade de Clémenceau dans l’immédiat avant-guerre, chargée d’assurer la sûreté de la France dans un contexte international difficile. Car il n’y en a pas beaucoup, des films d’action français qui soutiennent aussi bien la comparaison avec Hollywood. C’est bien comme ça qu’il faut voir ces Brigades du Tigre : comme un pur film de genre, où Cornuau se révèle particulièrement à l’aise avec les nombreux moments de bravoure.
Côté scénario, le film est peut-être trop ambitieux, abordant trop de thèmes qui auraient mérité chacun un long métrage : Valentin et ses flics face à la bande à Bonnot, une magouille internationale autour des emprunts russes, la figure de Jean Jaurès, le poids des anarchistes… Cornuau ne fait pas de choix, et embrouille inutilement son récit. Mais quelle efficacité ! La fin de Bonnot, surtout, laisse absolument exsangue, surtout que cette séquence spectaculaire brouille durablement la frontière entre le bien et le mal.
Bonnot (Jacques Gamblin), terroriste entouré d’authentiques tueurs (en particulier un Thierry Frémont glaçant), révèle in fine sa nature d’amoureux poussé au crime par la société. Quant au commissaire Valentin (Clovis Cornillac, intense), il est un fonctionnaire aux ordres écoeuré par le cynisme de ceux qu’il doit protéger, et révolté par les méthodes de ceux à qui il doit obéir.
Le casting est assez formidable, avec aussi Edouard Baer en flic sanguin et violent, et Olivier Gourmet en ogre pur et naïf, ou encore Diane Kruger en princesse anarchistes, Léa Drucker en pute amoureuse, Gérard Jugnot en commissaire intègre, et Philippe Duquesne à contre-emploi en banquier pourri et promis à une fin peu réjouissante…
Quant à la reconstitution d’époque (celle de 1912), elle est particulièrement séduisante, bien plus efficace dans son classicisme aux effets grandiloquents grotesques de Vidocq par exemple. De quoi faire regretter que ce pendant français aux Incorruptibles (une référence revendiquée par Cornuau) n’ait jamais eu de suite…