Australia (id.) – de Baz Luhrmann – 2008
On le sait depuis ses premiers pas derrière la caméra (Ballroom Dancing) : Baz Luhrmann est un cinéaste de l’excès, l’un des rares réalisateurs actuels à se revendiquer une vraie culture hollywoodienne, avec toutes les envolées lyriques, spectaculaires et romantiques que cela implique. Les adeptes l’ont suivi sur Romeo + Juliette (un bel exercice de style mais qui, d’après ce que je m’en souviens, me paraît avoir déjà pris un sacré coup de vieux), et ont été emballés par Moulin Rouge (un pur exercice de style assez enthousiasmant). Beaucoup, hélas, ont été déçu par Australia.
Je dis « hélas », parce que ce beau mélo sur fond historique, que n’aurait pas renié le Zanuck d’Autant en emporte le vent, est selon moi le plus réussi de tous ses films jusqu’à présent. Débarrassé du filtre shakespearien de son premier succès, et de celui de la comédie musicale de son précédent film, Luhrmann semble toucher ici à l’essence même de son art : une manière toute hollywoodienne de transcender une histoire d’amour assez classique par des envolées lyriques soudaines, et des images à couper le souffle.
L’intrigue elle-même n’a guère d’importance. D’ailleurs, la manière dont elle est introduite est ouvertement simpliste : cette histoire de troupeau qu’il faut convoyer au plus vite à travers une immense étendue est incroyable tant elle semble schématique. D’une certaine manière : qu’importe l’ivresse pourvu qu’on est le flacon… Ce qui emballe le film, c’est bien sa forme, ces images d’une beauté à couper le souffle, qui se succèdent sans la moindre baisse de rythme sur deux heures trente.
On pouvait craindre que Luhrmann ne tienne pas la distance. C’est tout le contraire : plus cette histoire d’amour impossible, et donc incontournable, entre une lady anglaise (Nicole Kidman) et un convoyeur australien (Hugh Jackman) se mêle inextricablement avec la grande histoire, celle de ce pays sur le point d’être rattrapé par la seconde guerre mondiale, plus on plonge au cœur de ce pays, sans doute fantasmé, mais dont Luhrman dévoile peu à peu les beautés a priori insoupçonnables. A tel point qu’on reprendrait bien une heure de plus de cette grande épopée qui ne manque pas de souffle.
Mais il faut un peu de temps pour rentrer dans cette histoire. Sans doute parce que, dans la première demi-heure, on se demande un peu si ce curieux air de famille avec le cinéma de Spielberg (période Indiana Jones et La Dernière Croisade) et celui de Leone (période Le Bon, la Brute et le Truand et Il était une fois dans l’Ouest) est un hasard, un hommage… ou un pillage. La manière-même dont le personnage de Hugh Jackman est introduit rappelle furieusement les premières apparitions d’Indiana Jones dans chacun de ses films, et l’acteur semble, par moments, imiter le jeu d’Eastwood.
Mais j’ai un bon fond : misons sur l’hommage…
D’ailleurs, Australia est bourré de références cinéphiliques. Le Magicien d’Oz et Autant en emporte le Vent en sont les modèles les plus évidents, mais le film semble être aussi un double négatif du Pearl Harbor de Michael Bay : les deux films sont basés sur une histoire très comparable. Mais là où le tâcheron Bay transforme une raclée historique en discours patriotique, Luhrmann se sert de l’histoire en marche pour transcender le destin de ses personnages. La différence entre les films ne s’arrête pas là, loin s’en faut.
Sans être un chef d’œuvre, Australia est le film d’un cinéaste pour qui le cinéma est un art avant tout visuel. Et ça, quitte à passer pour un vieux con, ça n’est franchement pas si courant aujourd’hui dans le cinéma hollywoodien.