Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour février, 2011

Australia (id.) – de Baz Luhrmann – 2008

Posté : 26 février, 2011 @ 1:38 dans 2000-2009, LUHRMANN Baz | Pas de commentaires »

Australia

On le sait depuis ses premiers pas derrière la caméra (Ballroom Dancing) : Baz Luhrmann est un cinéaste de l’excès, l’un des rares réalisateurs actuels à se revendiquer une vraie culture hollywoodienne, avec toutes les envolées lyriques, spectaculaires et romantiques que cela implique. Les adeptes l’ont suivi sur Romeo + Juliette (un bel exercice de style mais qui, d’après ce que je m’en souviens, me paraît avoir déjà pris un sacré coup de vieux), et ont été emballés par Moulin Rouge (un pur exercice de style assez enthousiasmant). Beaucoup, hélas, ont été déçu par Australia.

Je dis « hélas », parce que ce beau mélo sur fond historique, que n’aurait pas renié le Zanuck d’Autant en emporte le vent, est selon moi le plus réussi de tous ses films jusqu’à présent. Débarrassé du filtre shakespearien de son premier succès, et de celui de la comédie musicale de son précédent film, Luhrmann semble toucher ici à l’essence même de son art : une manière toute hollywoodienne de transcender une histoire d’amour assez classique par des envolées lyriques soudaines, et des images à couper le souffle.

L’intrigue elle-même n’a guère d’importance. D’ailleurs, la manière dont elle est introduite est ouvertement simpliste : cette histoire de troupeau qu’il faut convoyer au plus vite à travers une immense étendue est incroyable tant elle semble schématique. D’une certaine manière : qu’importe l’ivresse pourvu qu’on est le flacon… Ce qui emballe le film, c’est bien sa forme, ces images d’une beauté à couper le souffle, qui se succèdent sans la moindre baisse de rythme sur deux heures trente.

On pouvait craindre que Luhrmann ne tienne pas la distance. C’est tout le contraire : plus cette histoire d’amour impossible, et donc incontournable, entre une lady anglaise (Nicole Kidman) et un convoyeur australien (Hugh Jackman) se mêle inextricablement avec la grande histoire, celle de ce pays sur le point d’être rattrapé par la seconde guerre mondiale, plus on plonge au cœur de ce pays, sans doute fantasmé, mais dont Luhrman dévoile peu à peu les beautés a priori insoupçonnables. A tel point qu’on reprendrait bien une heure de plus de cette grande épopée qui ne manque pas de souffle.

Mais il faut un peu de temps pour rentrer dans cette histoire. Sans doute parce que, dans la première demi-heure, on se demande un peu si ce curieux air de famille avec le cinéma de Spielberg (période Indiana Jones et La Dernière Croisade) et celui de Leone (période Le Bon, la Brute et le Truand et Il était une fois dans l’Ouest) est un hasard, un hommage… ou un pillage. La manière-même dont le personnage de Hugh Jackman est introduit rappelle furieusement les premières apparitions d’Indiana Jones dans chacun de ses films, et l’acteur semble, par moments, imiter le jeu d’Eastwood.

Mais j’ai un bon fond : misons sur l’hommage…

D’ailleurs, Australia est bourré de références cinéphiliques. Le Magicien d’Oz et Autant en emporte le Vent en sont les modèles les plus évidents, mais le film semble être aussi un double négatif du Pearl Harbor de Michael Bay : les deux films sont basés sur une histoire très comparable. Mais là où le tâcheron Bay transforme une raclée historique en discours patriotique, Luhrmann se sert de l’histoire en marche pour transcender le destin de ses personnages. La différence entre les films ne s’arrête pas là, loin s’en faut.

Sans être un chef d’œuvre, Australia est le film d’un cinéaste pour qui le cinéma est un art avant tout visuel. Et ça, quitte à passer pour un vieux con, ça n’est franchement pas si courant aujourd’hui dans le cinéma hollywoodien.

The Great Library Misery (id.) – de Lloyd French – 1938

Posté : 26 février, 2011 @ 1:28 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, FRENCH Lloyd | Pas de commentaires »

The Great Library Misery

C’est un petit court métrage sans prétention, mais plutôt sympathique : l’histoire un peu kafkaïenne (mais traitée sur le mode humoristique) d’un homme qui veut emprunter un livre à la bibliothèque, mais qui se retrouve confronté à d’insoupçonnables écueils administratifs. Ce n’est évidemment pas très original, et le film ne fourmille pas de trouvailles comiques géniales, ça non. Mais Arthur Q. Bryan, acteur bonhomme dont la voix est plus célèbre que le nom ou le visage (il est passé à la postérité pour avoir donné sa voix à Elmer Fudd), rend son personnage très attachant.

L’histoire de cet homme à qui il faudra des mois de démarches absurdes pour obtenir une carte de bibliothèque qu’il perdra au bout de quelques secondes se suffit à elle-même. Mais le réalisateur Lloyd French l’intègre dans une autre histoire : celle d’un « club des grincheux » sans aucun intérêt, qui introduit et conclut ce court métrage.

The Social Network (id.) – de David Fincher – 2010

Posté : 26 février, 2011 @ 11:59 dans 2010-2019, FINCHER David | Pas de commentaires »

The Social Network (id.) - de David Fincher - 2010 dans 2010-2019 the-social-network

Il en a fait du chemin, Fincher, depuis Alien 3. Sans réelle faute de goût (bon, Panic Room, quand même…), le réalisateur de Seven n’a jamais cessé de brouiller les pistes, changeant continuellement de genre, souvent avec une inspiration qui semble sans bornes. Pourtant, il y a quelque chose de typiquement Fincherien dans chacun de ses films, un fil conducteur dont on a du mal à définir la teneur exacte, mais que l’on ressent intensément.

Avec The Social Network, un film qui n’a a priori rien à voir (mais alors rien du tout) avec l’enquête sans fin de Zodiac ou la vie à l’envers de Benjamin Button (ses deux précédents films), ce fil conducteur saute aux yeux. Il est double, en fait. D’un point de vue formel, le « style Fincher » est un mélange de plus en plus heureux au fil des films entre une virtuosité toute clipesque (Fincher a été découvert grâce à ses clips), et le classicisme le plus pur : film après film, Fincher se débarrasse des tics et boursouflures qui plombaient un peu Fight Club et Panic Room, et met totalement son style éblouissant au service de l’histoire.

Et puis il y a le vrai thème central de Social Network, qui pourrait être celui de tous les films de Fincher depuis Alien 3 : la solitude, immense, plombante, aliénante (mouais…) des personnages. A voir ce film consacré à la naissance de Facebook, histoire dont, a priori, je me contrefous totalement, cette solitude absolue saute aux yeux, et prend aux tripes, laissant un sentiment de malaise comme on en ressent que rarement au cinéma.

Le personnage principal, ici, c’est Mark Zuckerberg, le plus jeune milliardaire de l’histoire, le jeune étudiant de Harvard qui a créé Facebook il y a sept ans seulement, et qui a révolutionné les rapports humains, donnant une dimension inédite à la notion de vie privée, de respect de l’autre, et d’amitié. On comprend bien ce qui a attiré Fincher dans cette histoire : le paradoxe qui existe entre un réseau social dont les membres font la course aux « amis », affichant fièrement et sans retenue les photos et les moindres détails de la « vie sociale », et son créateur, sorte d’autiste brillant, incapable lui-même d’avoir une relation stable avec qui que ce soit, et qui finit par trahir de la manière la plus froide qui soit le seul ami qu’il ait jamais eu…

Mark Zuckerberg (à qui Jesse Eisenberg apporte toutes les nuances nécessaires) est-il un monstre calculateur et dénué de toute moralité ? Est-il simplement incapable de montrer ses sentiments ? Fincher ne tranche pas, et sème encore plus le trouble en laissant entendre sans erreur possible que l’argent n’est pas le moteur de Zuckerberg, pas plus maintenant qu’il est milliardaire que lorsqu’il était un étudiant sans le sou. Quel est donc le moteur de ce jeune homme sans allure, mais à l’intelligence impressionnante et dévorante ? La question hante le spectateur alors que le générique défile. Une chose est sûre : si Zuckerberg a gagné le pouvoir, il n’a fait que renforcer sa profonde solitude…

La construction du film est brillante. Des jumeaux à qui il aurait volé l’idée de Facebook, et son meilleur ami dont il s’est débarrassé un peu abusivement, réclament de grandes sommes d’argent à Zuckerberg, qui doit raconter les premiers mois de la création du site. Et les débuts sont pour le moins dégueulasses : à l’automne 2003, alors qu’il vient de se faire plaquer, Zuckerberg, pinté, se met à insulter son ex sur son blog, tout en créant une sorte de base de donnée incitant les étudiants à comparer et classer toutes les filles du campus. Le succès est immédiat, et sans précédent.

Fincher n’a apparemment pas un amour immodéré pour Facebook, dont il dévoile les coulisses sordides. Mais ce n’est pas ça qui l’intéresse : c’est ce tout jeune homme qui arrive au sommet du monde, sans y avoir vraiment rien gagné. La fin de l’histoire, bien sûr, reste à écrire.

• Curieux hasard : alors que j’écris ces lignes, Social Network décroche le César du meilleur film étranger. Fincher doit être rudement content, non ?

All Girl Revue (id.) – de Lloyd French – 1939

Posté : 26 février, 2011 @ 11:27 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, FRENCH Lloyd | Pas de commentaires »

All girl revue

Un petit court métrage musical comme on en faisait des dizaines à l’époque, et sans grand intérêt, si ce n’est celui de mettre en vedette une future star : June Allyson. La jeune femme est charmante et chante plutôt bien, mais ni les chansons, ni les chorégraphies ne sortent des sentiers battus. La troupe des Harrison Sisters (connue à l’époque, paraît-il) se contentent d’aligner les numéros, qu’on suit avec un regard amusé, mais pas vraiment passionné…
Le film a quand même une particularité : la distribution est totalement féminine. June Allyson y interprète une jeune femme nommée maire d’une grande ville pour une journée (bah oui, on veut bien être féministe, mais pas tous les jours, quand même), qui doit accueillir une célèbre chanteuse qui arrive en train. Rien de plus, rien de moins…

Ce n’est évidemment pas un hasard : All Girl Revue a été tourné la même année que Femmes, le magnifique long métrage de Georges Cukor avec, lui aussi, un casting 100% féminin. Et quel casting, celui-là !

Les Fantastiques années 20 (The Roaring Twenties) – de Raoul Walsh – 1939

Posté : 25 février, 2011 @ 9:57 dans * Films de gangsters, * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BOGART Humphrey, CAGNEY James, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Les Fanfastiques années 20

1939 est souvent considéré comme la plus grande année qu’a connue Hollywood. Ce n’est sans doute pas un hasard : les grands cinéastes classiques ne sont jamais aussi inspirés que quand ils plongent dans les racines de l’Amérique. Et la menace nazie qui plane sur le monde cette année-là pousse les hommes de cinéma à revisiter le passé. C’est le cas pour John Ford, cette même année, avec Vers sa destinée ou Sur la Piste des Mohawks ; c’est le cas, bien sûr, pour Zanuck et Fleming avec Autant en emporte le vent ; et c’est aussi le cas pour Walsh, qui, sans remonter aussi loin dans le temps que Ford et Fleming, signe en cette fin de décennie l’un des plus beaux films sur la décennie précédente.

La première séquence, qui présente un monde à l’aube de la deuxième guerre mondiale, n’est pas anodine. Cette guerre marque la fin d’une période faite de hauts et de bas, et qui avait commencé avec la fin de la Grande Guerre. Comme un signe que l’évolution du pays est immanquablement marquée par les guerres. Comme un signe, aussi, que l’histoire est un éternel recommencement, et que le héros qu’on s’apprête à rencontrer alors qu’il est au plus bas, est condamné, à la toute fin, à retourner d’où il vient.

The Roaring Twenties est un film de gangsters, c’est même peut-être le plus beau de tous. Mais c’est aussi bien plus que cela. Parce qu’à travers le destin d’Eddie Bartlett, ancien soldat de la Grande Guerre devenu un laissé-pour-compte, qui devient l’un des rois de la Ville grâce à la Prohibition, et qui perdra tout après le krach boursier de 1929, c’est l’histoire de l’Amérique qui se dessine.

C’est aussi l’histoire récente de Hollywood qui clôt symboliquement un chapitre. La dernière scène, sublimissime chute sur les marches enneigées d’une église, marque doublement la fin d’une époque. Dans l’intrigue du film, c’est la fin des années 20 et de l’âge d’or des bootleggers que l’on voit ; mais c’est aussi à celle des années 30, et de l’époque bénie des grands films de gangsters, que l’on assiste. D’ailleurs, le petit et immense James Cagney restera dix ans sans interpréter un gangster : il fera son retour dans le genre avec le sublime-itou L’Enfer est à lui, du même Raoul Walsh.

Les deux films, d’ailleurs, n’ont pas grand-chose en commun (à part d’être géniaux). L’Enfer est à lui sera le portrait pathétique d’un malade mental ; Les Fantastiques années 20 raconte le parcours profondément humain d’un Américain moyen, qui symbolise toutes les vraies valeurs américaines.

Eddie Bartlett possède un sens de l’amitié et une vraie intégrité morale, qui séduit, d’ailleurs, le très beau personnage de Gladys George. A l’inverse, celui d’Humphrey Bogart (encore cantonné aux seconds rôles, mais qui accédera à la gloire éternelle dès l’année suivante) représente la face sombre de l’Amérique, sans valeur morale, comme un méchant de western. Les Fantastiques années 20 présente ainsi une fascinante galerie de personnages très marqués, et tous magnifiquement interprétés. Le film présente aussi, presque à la manière d’un documentaire, cette époque bénie pour les gangsters de la Prohibition, présentée sans doute possible comme une aberration par un Walsh qui a lui-même dû fréquenter assidûment les speak-easy. Y’a pas à dire, il n’y a rien de mieux que l’expérience pour donner de la vie à un film… Et celui-ci, chef d’œuvre absolu, n’en manque pas.

Thugs with dirty mugs (id.) – de Tex Avery – 1939

Posté : 25 février, 2011 @ 9:50 dans 1930-1939, AVERY Tex, COURTS MÉTRAGES, DESSINS ANIMÉS | Pas de commentaires »

Thugs with dirty mugs

C’est l’un des premiers grands films de Tex Avery, et tout son univers est déjà là. Ce cartoon est évidemment un hommage aux films de gangsters des années 30, et en particulier à Angels with dirty faces (Les Anges aux figures sales, tourné par Curtiz l’année précédente). On y retrouve d’ailleurs l’une des figures majeures du genre avec un personnage de chef de gang qui ressemble étrangement à Edward G. Robinson.

Le seul bémol que l’on peut donner à ce court métrage, c’est l’absence d’un vrai fil conducteur. Thugs with dirty mugs, aussi brillant soit-il, est une succession de gags, très drôles certes, mais sans réels rapports les uns avec les autres.

Mais on aurait vraiment tort de bouder son plaisir : les gags sont hilarants, pour la plupart. Et c’est dans ce film que l’on trouve la version la plus aboutie d’un truc que l’on reverra ailleurs, en moins bien : alors que l’action se poursuit à l’écran, on voit une ombre apparaître, comme si un spectateur se levait dans la salle. Ici, c’est même ce spectateur indélicat, pris à partie par le faux Robinson, qui permettra l’arrestation des gangsters…

De l’or pour les braves (Kelly’s heroes) – de Brian G. Hutton – 1970

Posté : 23 février, 2011 @ 11:28 dans 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), HUTTON Brian G. | Pas de commentaires »

De l'or pour les braves

Mais qu’est-ce qui manque donc à Kelly’s heroes pour être un bon film ? Un parti-pris, sans doute, parce qu’en slalomant continuellement entre la comédie et le drame de guerre, entre le burlesque et la reconstitution historique, le film finit par passer à côté de toutes les cibles. Ce n’est pas un film honteux pour autant, non : quelques scènes sont franchement réussies, et Hutton (déjà réalisateur de Quand les aigles attaquent, l’année précédente) signe une mise en scène propre et de beaux cadrages, qui mettent parfaitement en valeur les moyens visiblement démesurés de cette production.

En fait, Kelly’s heroes tient dans la carrière pre-Dirty Harry d’Eastwood sensiblement la même place que La Kermesse de l’Ouest, tourné lui aussi l’année précédente : la star en devenir y est le héros curieusement passif d’une énorme reconstitution historique, dans un film de genre (le film de guerre ici, le western là) au ton étrange. Un film malade qui, à défaut d’être particulièrement inspiré, affiche clairement ses moyens à l’écran.

Le film manque aussi d’un vrai personnage-pivôt : Eastwood est le héros, bien sûr (c’est lui, le Kelly du titre original), mais il traverse le film sans jamais vraiment donner l’impression de s’intéresser à ce qui se passe, comme emprunté par cette grande carcasse dont il ne fait rien. Donner l’impression de ne rien faire avait particulièrement réussi à l’acteur, dans les western-spaghettis de Sergio Leone. Ici, on en est loin, même si Hutton s’amuse à citer régulièrement l’homme sans nom¸ en particulier dans les rues de Clermont, vers la fin du film, qu’il transforme en ville de western. On peut d’ailleurs imaginer que le réalisateur n’a choisi Eastwood que pour ces citations, tant il semble ne pas savoir quoi en faire durant la majeure partie du film.

Hutton est bien plus inspiré par ses seconds rôles, bien mieux mis en valeur que son héros. Deux acteurs, surtout, portent le film vers le haut : Don Rickles et Donald Sutherland. Ce dernier est un soldat à la folie réjouissante. L’acteur retrouvera Eastwood trente ans plus tard tout juste pour le nettement plus réussi Space Cow-Boys.

Minority Report (id.) – de Steven Spielberg – 2002

Posté : 23 février, 2011 @ 11:23 dans 2000-2009, CRUISE Tom, FANTASTIQUE/SF, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Minority Report

Une affiche de rêve : Tom Cruise, superstar à la carrière passionnante, dirigée pour la première fois par Steven Spielberg, cinéaste génial quand il s’attaque au film de genre, dans l’adaptation d’une nouvelle de science fiction du grand Philip K. Dick, à qui on doit quand même des œuvres comme Total Recall (voir ici pour la version 2012) et Blade Runner… Les promesses d’une telle affiche pouvaient-elles être tenues ? Eh bien oui, à 100% oui. Minority Report est l’un d’un meilleurs films de SF de la décennie (disons avec Les Fils de l’homme), et l’un des meilleurs Spielberg tout court (disons, après Les Dents de la mer et Les Aventuriers de l’arche perdue). Ce n’est quand même pas rien.

Côté SF pure, Spielberg nous offre une vision audacieuse, mais pourtant terriblement crédible de ce que le futur nous prépare. Les publicités personnellement interactives, les écrans tactiles, les véhicules guidés par satellites… on est réellement dans un cinéma d’anticipation « sérieux », et documenté. Bref, cet aspect du film est franchement bluffant, et assez fascinant. Pourtant, le principal intérêt de Minority Report n’est pas là, mais dans tout le reste.

Le film est en partie une variation passionnante autour d’un thème classique du film noir, qui a déjà donné lieu à quelque chef d’œuvre (La Grande Horloge en tête) : l’enquêteur qui devient le principal suspect. Ici, c’est Tom Cruise, charismatique et puissant, qui se retrouve la victime d’un système miraculeux et effrayant dont il était jusqu’alors le principal ambassadeur.

C’est aussi l’un des plus complexes de tous les films de Spielberg, basé sur une idée (imaginée par Dick, donc) formidable : Cruise est flic en chef d’une unité expérimentale chargée d’arrêter les meurtriers… avant qu’ils commettent leurs crimes. Pas besoin d’avoir une maîtrise de philo pour imaginer la question sous-jacente : même si le système est infaillible, un meurtrier doit-il être puni avant d’avoir commis un meurtre ? Il y a là-dessous l’enjeu du destin et du libre-arbitre, thèmes maintes fois rabachés, certes, mais traités ici avec une intelligence et une ouverture d’esprit assez rare.

Le piège, avec de tels thèmes, serait de tomber dans la tentation du film à thèse. On en est loin, fort heureusement : Spielberg ne donne pas plus de leçon qu’il n’apporte de réponses aux questions qu’il laisse en suspens. Ce système de « precrime », qui fonctionne grâce à trois jeunes gens dotés de pouvoirs médiumniques et présentés comme des demi-divinités privées de leur humanité, est à la fois parfait (pas un seul meurtre commis depuis sa mise en place six ans plus tôt), et rappelle les méthodes des pires régimes totalitaires. La sécurité, oui, mais à quel prix.

La toile de fond suffit, et Spielberg n’en rajoute pas, se concentrant plutôt sur la fuite en avant désespérée de ce flic du futur, qui semble lui aussi sortir d’un film noir d’antan : embarqué dans une course-poursuite qui le dépasse un peu, John Anderton est aussi un homme dévasté par ses démons intérieurs, le souvenir de ce fils disparu des années plus tôt, sans doute enlevé par un tueur, et dont on ne retrouvera jamais la piste. Un homme vrai, un héros à l’ancienne. Parce que peu importe les révolutions techniques, la variable humaine, elle, ne change pas.

C’est sans doute ce qu’il y a de plus beau dans Minority Report (comme dans Les Fils de l’homme, tiens) : la toile de fond a beau être futuriste, les personnages, eux, pourraient être ceux d’un film des années 40. Anderton/Cruise, donc, mais aussi l’ex-femme (Kathryn Morris, future Lily Rush de la série Cold Case), le flic ambitieux de la police des polices (Colin Farrell, détestable comme il le faut) et le mentor qui cache un trouble secret (l’inoxydable Max Von Sydow).

Tom Cruise et Steven Spielberg avaient mis des années avant de se trouver enfin. Leur rencontre tient toutes ses promesses. La seconde sera pour La Guerre des Mondes. Pas exactement un nanar non plus…

Le Roman comique de Charlot et Lolotte (Tillie’s punctured romance) – de Mack Sennett – 1914

Posté : 23 février, 2011 @ 11:11 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, FILMS MUETS, SENNETT Mack | Pas de commentaires »

Le roman comique de Charlot et Lolotte

• Titres alternatifs (VO) : Tillie’s nightmare, Marie’s millions, For the love of Tillie, Tillie’s big romance

• Titres alternatifs (VF) : Un roman d’amour dégonflé, L’extravagante aventure de Charlot

De tous les films tournés par Chaplin au cours du second semestre 1914, à la Keystone, celui-ci est le seul qu’il n’ait pas lui-même mis en scène. Ce n’est pas la seule particularité de ce film, qui appartient à l’histoire : il est en effet considéré comme le tout premier long métrage comique de l’histoire du cinéma. Côté drame, Griffith était lui-même passé au six-bobines quelques mois plus tôt seulement, avec La Conscience vengeresse.

Bon, son importance historique mise à part, Tillie’s punctured romance n’a pas vraiment de quoi rentrer dans les annales. C’est une comédie tantôt drôle, tantôt poussive, qui porte indéniablement la marque de Marck Sennett : celle que le patron de la Keystone a donnée aux centaines de courts métrages tournés par le studio depuis sa création, deux ans plus tôt.

Dans l’évolution personnelle de Chaplin, ce film est pour le moins anecdotique. Ou plutôt, c’est une parenthèse dans sa construction, de plus en plus précise à cette époque, du personnage de Charlot : Chaplin, ici, joue un rôle de composition totalement différent. Et c’est la dernière fois, en tant qu’acteur, qu’il s’éloigne du personnage de Charlot avant Monsieur Verdoux, plus de trente ans plus tard. Ce personnage-ci ne tue pas des jeunes femmes, contrairement à Verdoux. Il est pourtant bien plus détestable.

Chaplin, avec une petite moustache fine et une redingote élégante, joue un petit voyou fiancé à Mabel Normand, qui décide de séduire l’imposante Tillie pour lui voler ses quelques billets. Le forfait commis, il retrouve sa belle. Mais quand Tillie devient l’héritière désignée d’un richissime oncle, il tente de remettre la main sur le magot…

Tillie, c’est Marie Dressler, totalement tombée dans l’oubli aujourd’hui, mais qui était une grande vedette de l’époque. Cette comédienne gargantuesque avait créé le personnage sur scène, et c’est bien autour d’elle que tourne le film. La filiation entre l’opérette et le film est d’ailleurs clairement revendiqué par Sennett, avec un lever et un tomber de rideau inattendus.

Le Fils du Pendu (Moonrise) – de Frank Borzage – 1948

Posté : 23 février, 2011 @ 10:22 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Le Fils du pendu

De l’immense Borzage, on connaît surtout ses grands films des années 30 et ses chef d’œuvres muets (a-t-on fait plus beau que L’Heure suprême de toute l’histoire du cinéma ?). Mais jusqu’au bout, borzaigui (c’est comme ça qu’il faut dire, paraît-il) a été un cinéaste passionnant. Et ce Moonrise n’est pas loin d’être le bout de sa carrière : son échec cuisant et sans appel y a mis un terme presque définitif. Il faudra attendre sept ans pour qu’il fasse un timide retour par la case télévision, et il ne signera plus, officiellement, que deux longs métrages.

L’échec de Moonrise est évidemment profondément injuste, injustice que la postérité s’est chargée de réparer en partie : le film fait désormais l’objet d’un petit culte auprès des cinéphiles. Parce qu’il est brillant, bien sûr, mais aussi parce que c’est l’ultime très grand film de l’un des plus grands cinéastes du monde. Echec injuste, donc, mais qu’on peut facilement comprendre, tant Borzage évite consciencieusement les chemins balisés.

Moonrise est en effet un pur cheminement mental : tout le film se concentre sur l’état d’esprit du « héros », interprété par le sympa-mais-sans-plus Dane Clark. Fils d’un homme pendu pour avoir tué le médecin ayant laissé mourir sa femme, ce jeune homme vit depuis son enfance dans l’ombre envahissante de ce père pendu. Mis au ban de la société, par les autres autant que par lui-même, il se sent marqué par la malédiction du pendu. Lorsqu’il tue accidentellement un homme (Lloyd Bridges, dans un tout petit rôle marquant), il croit être rattrapé par son destin.

Pour le spectateur, il n’y a guère de suspense dans cette histoire : on sait bien vite que notre héros sera démasqué. Mais ce que Borzage filme ici, c’est le cerveau en ébullition de ce « fils du pendu », rongé par la culpabilité, persuadé d’avoir une nature de criminel, et oppressé par les regards scrutateurs de cette petite ville de province dans laquelle il vit. Il faudra l’amour d’une jeune institutrice, l’amitié d’un vieux noir vivant en reclus dans les marais et d’un sourd-muet considéré comme un attardé (deux laissés pour compte de cette petite communauté), et la clairvoyance d’un shérif aux airs de bouseux limité, pour que le « criminel » montre enfin son vrai visage : celui d’un homme bon, victime des circonstances.

Le film est d’une intelligence assez rare. Il est aussi visuellement éblouissant, et dès la première séquence : une caméra virtuose, cadrant les pieds, nous montre un homme conduit à l’échafaud. Fondu-enchaîné : l’ombre d’un pendu semble planer sur le lit d’un petit enfant… En quelques plans muets, Borzage a installé le socle de son film. C’est tout simplement magnifique.

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