Le Mystère de la Vallée blanche (The Valley of Silent Men) – de Frank Borzage – 1922
A cette époque de son parcours, The Valley of Silent Men semble étrangement anachronique pour un Frank Borzage qui avait déjà délaissé les westerns de ses débuts pour des thèmes plus personnels, en particulier avec Humoresque ou Back Pay.
Retour au western, donc, ou plutôt au « northern », variation glacée du genre, avec course poursuite dans les grandes étendues désertes, bandits et prisons, meurtres et mystère. Remarquez bien que ce n’est pas du côté de l’intrigue qu’il faut chercher l’intérêt du film. Adapté d’un roman de James Oliver Curwood (auteur alors très en vogue : au moins une dizaine de films adaptés dans les deux seules années précédentes), le scénario ne convainc pas franchement.
Le mystère profond (qui accouchera d’une souris) assure l’intérêt, sans éclat : qui est donc cette jeune femme qui vient en aide au traqueur de la police montée forcé de prendre à son tour la suite après avoir avoué un meurtre qu’il n’a pas commis, pour sauver un ami et parce qu’il pensait n’avoir plus que quelques jours à suivre (c’est clair ?).
Les parti-pris sont étonnants, avec des personnages qui ne cessent de se croiser par un hasard bien pratique, dans des paysages pourtant immenses. Mais même dans cette immensité, le film a des allures de petit théâtre, étonnamment intime, où les distances semblent ne rien vouloir dire.
Ces paysages sont sans doute la seule raison d’être du film. Borzage, qui a consacré de longs mois à ce tournage, s’en tire plutôt bien, en particulier lors du grand morceau de bravoure, sur le glacier : un moment de suspense qui n’a toutefois pas la portée émotionnelle des grands films de montagne allemands d’Arnold Fanck, dont la manière de filmer les massifs et la neige sera autrement plus puissante.
Le fait qu’il manque quelques scènes (reconstituées par des intertitres) dans la seconde moitié n’aide sans doute pas à apprécier pleinement le film. Mais on peut quand même se risquer à affirmer que Borzage, dans la montagne enneigée, sera nettement plus inspiré avec The Mortal Storm quelques années plus tard. Un authentique chef d’œuvre, lui.