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Archive pour la catégorie 'BORZAGE Frank'

Le Mystère de la Vallée blanche (The Valley of Silent Men) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 30 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS, WESTERNS | Pas de commentaires »

The Valley of Silent Men

A cette époque de son parcours, The Valley of Silent Men semble étrangement anachronique pour un Frank Borzage qui avait déjà délaissé les westerns de ses débuts pour des thèmes plus personnels, en particulier avec Humoresque ou Back Pay.

Retour au western, donc, ou plutôt au « northern », variation glacée du genre, avec course poursuite dans les grandes étendues désertes, bandits et prisons, meurtres et mystère. Remarquez bien que ce n’est pas du côté de l’intrigue qu’il faut chercher l’intérêt du film. Adapté d’un roman de James Oliver Curwood (auteur alors très en vogue : au moins une dizaine de films adaptés dans les deux seules années précédentes), le scénario ne convainc pas franchement.

Le mystère profond (qui accouchera d’une souris) assure l’intérêt, sans éclat : qui est donc cette jeune femme qui vient en aide au traqueur de la police montée forcé de prendre à son tour la suite après avoir avoué un meurtre qu’il n’a pas commis, pour sauver un ami et parce qu’il pensait n’avoir plus que quelques jours à suivre (c’est clair ?).

Les parti-pris sont étonnants, avec des personnages qui ne cessent de se croiser par un hasard bien pratique, dans des paysages pourtant immenses. Mais même dans cette immensité, le film a des allures de petit théâtre, étonnamment intime, où les distances semblent ne rien vouloir dire.

Ces paysages sont sans doute la seule raison d’être du film. Borzage, qui a consacré de longs mois à ce tournage, s’en tire plutôt bien, en particulier lors du grand morceau de bravoure, sur le glacier : un moment de suspense qui n’a toutefois pas la portée émotionnelle des grands films de montagne allemands d’Arnold Fanck, dont la manière de filmer les massifs et la neige sera autrement plus puissante.

Le fait qu’il manque quelques scènes (reconstituées par des intertitres) dans la seconde moitié n’aide sans doute pas à apprécier pleinement le film. Mais on peut quand même se risquer à affirmer que Borzage, dans la montagne enneigée, sera nettement plus inspiré avec The Mortal Storm quelques années plus tard. Un authentique chef d’œuvre, lui.

La Lumière verte (Green Light) – de Frank Borzage – 1937

Posté : 15 juin, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

La Lumière Verte

Après la mort d’une patiente, un chirurgien décide de garder pour lui l’erreur fatale commise par son confrère, et endosse la responsabilité. Mais quand il rencontre la fille de la défunte, c’est le coup de foudre… jusqu’à ce qu’elle découvre qui il est.

Le drame médical n’est pas un genre qui m’enthousiasme particulièrement habituellement, ni dans la littérature, ni au cinéma. Mais celui-ci étant signé Borzage, difficile de passer à côté. Et ç’eut été dommage : Green Light est un bien joli film, dans lequel on retrouve cette petite musique si familière et si envoûtante, propre à tous les bons Borzage.

Le scénario, pourtant, est lourdement pesant. Il y a ce beau sacrifice d’abord, puis l’histoire d’amour impossible, et encore l’exil, vers une région touchée depuis des décennies par une épidémie de fièvre mortelle véhiculée par des tiques, qui a coûté la vie à des tas de scientifiqueset que notre bon docteur va tout faire pour éradiquer, quitte à tester ses trouvailles sur son propre corps.

L’histoire ne nous épargne rien des rebondissements dramatiques inhérents à ce genre. Mais il y a le regard si délicat de Borzage, et l’interprétation assez fine d’Errol Flynn, remarquable dans ce rôle très éloigné de ses habituels exploits d’escrimeur… encore que son personnage a clairement un côté très chevaleresque. Son unique collaboration avec Borzage est une belle expérience.

Comme les grands (No greater glory) – de Frank Borzage – 1934

Posté : 14 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

No greater glory

De L’Heure suprême à L’Adieu aux armes, le pacifisme de Borzage ne fait guère de doute. No greater glory, film nettement plus obscur dans son abondante (et passionnante) filmographie, s’inscrit dans cette veine, mais avec un parti-pris beaucoup plus surprenant. Pour mettre en valeur l’absurdité de la guerre, Borzage filme l’affrontement de deux bandes de gamins se battant pour un terrain vague dans la ville.

Le procédé en soi n’est pas le plus fin du monde. Ce parallèle entre la Grande Guerre encore si proche et des batailles d’enfants peut sembler bien péremptoire, surtout que le scénario va très loin dans l’analogie et le pathos, jusqu’à un final tragique dont on peut souligner l’audace et la sincérité, ou mettre en doute le bon goût. Ou reconnaître que ces deux propositions se valent également.

Mais plusieurs aspects font clairement basculer le film du côté de la fable cruelle mais humaine. D’un côté, l’humanité, justement, qui domine encore chez ces enfants qui, bien que prêts à tout pour défendre leur terrain sans charme, ont gardé leurs cœurs grand ouverts et regardent leurs adversaires avec une étrange affection… variation enfantine et presque naïve d’un thème cher à Renoir.

Borzage capte l’innocence toujours présente dans ces regards déterminés. L’amour, aussi. Il capte aussi, et c’est l’autre belle réussite de ce film, les regards des adultes, vétérans des tranchées. Avec une piquante ironie d’abord : le film commence sur le front de 1918, avec un soldat hurlant sa haine de la guerre et du patriotisme… le plan suivant montrant le même soldat, redevenu professeur après la guerre, assurer à ses élèves que rien ne vaut le patriotisme, et que la guerre est le meilleur moyen de l’exprimer.

Un autre moment, moins ironique et plus anodin en apparence, est remarquable. Alors que les enfants n’ont plus que le mot « guerre » sur les lèvres, le gardien du terrain, un vétéran à qui manque un bras, souffle ce simple mot, « guerre », comme abattu par l’obstination des plus jeunes de répéter les erreurs/horreurs de leurs aînés. Un simple mot, et peut-être le plus beau moment du film, le plus borzagien, le plus déchirant.

Ce n’est qu’un au revoir / Voyage sans retour (‘Till we meet again) – de Frank Borzage – 1944

Posté : 15 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Voyage sans retour

Nettement moins connu que Three Comrades ou The Mortal Storm, deux superbes drames sur les ravages du Nazisme, ‘Till we meet again n’en est pas moins une grande réussite qui porte évidemment la marque de Borzage, grand cinéaste d’une délicatesse décidément infinie. On hésite à parler d’une histoire d’amour ici, tant cette histoire d’amour est radicalement impossible entre les deux personnages principaux…

Dans la France occupée, donc, un aviateur américain se réfugie dans un couvent pour échapper aux Allemands. L’une des sœurs, qui vit là depuis ses 8 ans, doit se résoudre à sortir de ce couvent qu’elle n’a plus quitté depuis son arrivée, pour aider l’Américain à quitter le pays. A priori déjà, une histoire d’amour entre un soldat et une religieuse est impossible… Mais si on ajoute un passif douloureux entre la jeune femme et les hommes, et une épouse que le soldat évoque avec une tendresse immense…

Pas de happy end hollywoodien possible entre ces deux-là donc, on le sait d’emblée. Pourtant, ou peut-être grâce à cette certitude, la relation qui se noue entre eux est d’une beauté ravageuse. Elle est belle cette scène où, dans la maison où ils se sont réfugiés, la jeune femme réalise le bonheur de vivre au plus près d’un homme, dans cette famille éphémère qu’ils se sont créés. Et il est magnifique ce regard de l’homme, Ray Milland, posé sur cette femme, Barbara Britton, dont il sait qu’il ne la reverra pas.

C’est toute la puissance du cinéma de Borzage qui se concentre dans ce simple regard, qui véhicule tellement plus d’émotion que n’importe quel long discours. La pureté des sentiments exacerbés dans un contexte de violence et de haine… Et là aussi, Borzage révèle une sensibilité extrême, dans son refus de déshumaniser totalement le personnage de l’officier allemand, monstrueux mais pas dénué de sentiments.

Dans la scène où il annonce vouloir « utiliser » trois jeunes religieuses de 15 ans, il est terrifiant. Et l’évocation de ce qui pourrait advenir de ces adolescentes est plus dure peut-être que toutes les exactions auxquelles on assiste réellement. Ce qui n’empêche pas Borzage de filmer son trouble lorsque ses hommes abattent par mégarde la mère supérieure du couvent, scène terrible, qui propulse la jeune religieuse en dehors de son refuge.

Tout au long du film, on retrouve la délicatesse de Borzage, dans sa manière de filmer le visage si doux et pur de Barbara Britton, ou le regard las et tendre de Ray Milland. Dans des détails aussi : cette tache de sang que Milland essuie sur la joue de Barbara Britton ou, plus tôt dans le film, les colombes qui s’envolent lorsque les jeunes religieuses sont troublées dans leurs prières par des coups de feu… Du beau, du grand Borzage.

Un père (The Good Provider) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 11 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Good Provider

Bon… Je pense que voilà la preuve définitive absolue que Frank Borzage est l’un des cinéastes les plus sensibles de toute l’histoire du cinéma. Le simple fragment de 7 minutes disponible, le seul qui semble avoir survécu de ce long métrage, suffit pour tirer des torrents d’émotion. Et c’est avec une économie de moyen remarquable que Borzage (qui, certes, ne pouvait pas savoir que ne subsisteraient que ces sept précieuses minutes) réussit cet exploit.

Je ne m’avancerai pas à préciser de quoi parle le film. Ce qu’on peut en comprendre d’après cette unique séquence est assez simple : dans une famille bourgeoise, le dialogue est rompu entre le fils devenu jeune homme et le père vieillissant, malgré les efforts de la mère. Efforts vains, comme on peut le voir au début de cette scène. Le fils s’en va, bravache mais pas radicalement braqué. Le père reste, assis sous son porche. La mère le rejoint. La suite est un long dialogue du vieux couple, que la caméra cadre en plan moyen.

C’est simple, direct, et pourtant d’une beauté qui vous saisit les triples. Peut-être par la grâce de ce plan qui soudain devient large, soulignant en une poignée de secondes la solitude qui entoure désormais ce couple de parents dont les enfants s’éloignent. Peut-être aussi grâce à ce plan soudain rapproché sur la main du père qui, avec maladresse et hésitation, saisit celle de sa femme qui ne s’y attendait plus… Peut-être simplement pour l’émotion retenue qui transparaît de ces regards qui ne se croisent pas.

Borzage saisit tout ça, toutes ces émotions changeantes et profondes, avec cette délicatesse et cette sensibilité exacerbées qui sont sa marque. Bien sûr, ce fragment donne une furieuse envie de découvrir un jour The Good Provider. Mais même comme ça, cet éclat brillant suffit à rappeler à quel point Borzage est grand.

The Pitch o’chance (id.) – de Frank Borzage – 1915

Posté : 1 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1895-1919, BORZAGE Frank, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, WESTERNS | Pas de commentaires »

The Pitch o'chance

Même dans cette petite bande westernienne, soumis aux codes incontournables du genre, Borzage est un réalisateur intéressant. Déjà, doit-on ajouter, parce qu’avec ce film de jeunesse, l’un de ses tout premiers travail derrière la caméra après de brefs débuts en tant qu’acteur, le romantisme du cinéaste est déjà là, omniprésent.

Il est toujours devant la caméra aussi, jeune premier jouant le rôle principal, celui d’un parieur invétéré qui gagne, à la suite d’un pari improbable, la compagne d’un joueur très installé dans la ville. Aidé, il est vrai, par la main agile de la rivale de ladite compagne, qui aimerait gagner le cœur dudit joueur. Une histoire presque classique déjà de rivalité qui finira dans un bain de sang… Les grandes figures du western ont été posées très tôt.

Mais c’est Borzage, et ça se sentà des tas de niveaux. D’abord par la joyeuse insouciance qui se dégage de son propre personnage, pauvre hère visiblement heureux de son sort modeste. Puis par le tour que prend la rivalité entre les deux jeunes femmes. « Toi tu as peur de lui… Moi je l’aime », lance la rivale délaissée, avant d’enlacer la compagne officielle.

C’est beau, déjà, du Borzage. Beau et vrai, avec un rythme imparable et une manière d’utiliser le décor, que ce soit un saloon bondé ou de grands paysages vallonnés et déserts… De cette variété de décors, Borzage sait tirer la matière dramatique, avec une aisance déjà confondante. Ces bandes westerniennes des premiers temps étaient souvent tournées à l’arrache, avec de grosses ficelles et des effets faciles. The Pitch o’chance laisse déjà apparaître le talent naissant mais déjà réel d’un immense cinéaste.

L’Inspiratrice magnifique ou L’Impératrice magnifique (Magnificent Doll) – de Frank Borzage – 1946

Posté : 12 octobre, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

L'inspiratrice magnifique

Après la guerre d’indépendance américaine, une jeune femme de grande famille se voit contrainte d’épouser un homme qu’elle n’aime pas. Devenue veuve, elle sera convoitée par deux hommes. L’un deviendra président des Etats-Unis, l’autre un traître qui cherchera à créer le chaos pour régner sur l’Amérique… Oui, c’est too much, surtout pour un film qui n’excède pas 1h30. Sauf que ce too much là est inspiré par des faits authentiques, et que c’est le destin de Dolly Payne, qui deviendra Dolly Madison, l’épouse du 4e président, que raconte Borzage.

Certes, le cinéaste s’autorise autant de libertés que lorsqu’il filmait le destin contrarié de la belle-sœur de Napoléon dans Betsy, 10 ans plus tôt. Mais quand même, les grandes lignes sont à peu près authentiques, et ce n’est pas un, mais trois destins hors du commun que le film raconte. Oui, c’est trop. Et sans doute le film aurait-il gagné en cohérence en se concentrant sur un seul des personnages. Parce que oui, cette grande fresque historique et romantique trop ramassée manque un peu de cohérence. Pas de grands moments magiques comme Borzage en a le secret, cela dit…

Toute la première partie du film est ainsi absolument magnifique, et aurait mérité à elle seule un long métrage. Ginger Rogers y est remarquable en jeune femme trop innocente mariée contre son gré, et incapable de prendre de la distance avec ses images toutes faites de vie romantique, au point de passer à côté du grand amour. Borzage y est à son meilleur lorsqu’il filme le quotidien de ce couple qui a tout pour être heureux, si ce n’est cet aveuglement de la jeunesse que l’actrice incarne avec subtilité. Et il y a un souffle tragique bouleversant à la conclusion de cette première partie.

Le problème est que ce premier tiers semble totalement indépendant de la suite, qui ne manque cela dit pas non plus d’intérêt. Le film est alors inégal, avec quelques baisses de rythmes que l’on ne trouvait jamais à la grande époque de Borzage. Et Burgess Meredith reste un peu en retrait dans le rôle du futur président Madison, face à son rival joué par David Niven, au jeu plus spectaculaire. Mais Borzage réussit quelques très belles scènes lyriques (le dîner politique dans la pension par exemple), et Ginger Rogers est décidément une très belle actrice.

Ces deux constats sont particulièrement frappants lors de la grande scène finale, beau discours démocratique de la belle face à une foule très remontée, le genre de grande déclaration que l’on pourrait trouver dans un film de Capra. Mais la beauté, chez Borzage, tient moins aux discours qu’aux petits échanges entre les personnages. Et ce qui bouleverse dans cette dernière scène, ce n’est pas ce que dit Ginger Rogers, mais ce mouvement du corps qui la place face à l’homme de sa vie, et à ce regard qu’ils échangent et qui vous colle les larmes aux yeux. Là, c’est du grand Borzage…

LIVRE : Frank Borzage, un romantique à Hollywood – d’Hervé Dumont – 1993/2013

Posté : 15 juin, 2019 @ 8:00 dans BORZAGE Frank, FARRELL Charles, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Frank Borzage un romantique à Hollywood

Voilà sans doute la meilleure façon de découvrir l’univers d’un cinéaste, de vraiment le découvrir : enchaîner en trois ou quatre mois 35 de ses films, tout en lisant un pavé de 1000 pages qui lui est consacré. Le voyage a en tout cas été passionnant, et je l’écris ici pour la postérité : Frank Borzage est un cinéaste immense, peut-être le plus grand de tous les grands cinéastes mésestimés.

Il y a bien longtemps que j’aime passionnément ses grands chefs d’œuvre muet avec le couple Janet Gaynor-Charles Farrel. Mais quelle découverte, quel voyage fascinant : ses débuts en tant qu’acteur puis réalisateur de petits westerns déjà très intéressants (The Pilgrim), ses premières œuvres personnelles (The Circle), son premier âge d’or (Seventh Hour), mais aussi le passage au parlant (They had to see Paris).

Et ces extraordinaires années 30, émaillée d’immenses chefs d’œuvre (Man’s Castle, Three Comrades), et d’une richesse inépuisable. Rien à jeter, ou presque, dans cette décennie, où même ses films considérés comme mineurs (Shipmates forever) recèlent des moments de pure magie, sans même compter tous les bijoux méconnus, trop vite oubliés (Living on velvet, Stranded, Big City…).

A vrai dire, sa carrière reste passionnante de bout en bout. Ses années 40 sont souvent méprisées ? A tort : même si les grands chefs d’œuvres sont plus rares, le plus romantique des cinéastes hollywoodiens a toujours ce don pour faire naître une émotion immense, et pour filmer l’intimité naissante entre ses personnages. Et quel directeur d’acteur, qui tire le meilleur de ses comédiens, de Deanna Durbin (His butler’s sister) à Van Heflin (Seven Sweetheart).

Bref, une mine inépuisable pour Hervé Dumont, qui signe l’ouvrage de référence sur Borzage. Moins une biographie à proprement parler qu’une étude détaillée de sa filmographie. Sans doute est-ce dû à la discrétion du cinéaste, Dumont ne s’attarde qu’à de rares occasions sur des épisodes personnelles de sa vie, ne livrant que très peu d’anecdotes. Trop peu à mon goût d’ailleurs : c’est uniquement à travers ses films qu’on découvre l’homme.

A une exception près quand même : Dumont s’intéresse longuement, très longuement, à l’appartenance de Borzage à la franc-maçonnerie, dont il fait le socle de toute la filmographie du cinéaste, en tout cas dans sa première moitié. Quitte à surinterpréter certains de ses films, sans doute.

Cela dit, le livre de Dumont est d’une grande précision sur le travail de Borzage, détaillant longuement les films majeurs du cinéaste (à tel point qu’il vaut mieux avoir vu les films, pour ne pas s’en gâcher le plaisir), balayant un peu trop vite certaines œuvres plus mineurs, en réhabilitant d’autres… Pas la plus intime des biographies, mais un livre important pour plonger dans l’œuvre si méconnue d’un si grand cinéaste.

Pavillon noir (The Spanish Main) – de Frank Borzage – 1945

Posté : 5 juin, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

Pavillon noir

Une porte qui se referme et qui suggère que l’amour des deux héros, enfin, va être consommé… Un joli plan borzagien qui rappelle in extremis que c’est bel et bien le plus romantique des grands cinéastes hollywoodiens qui signe ce film de pirate. Chouette, bondissant, et bourré de rebondissements, ce film de pirate, mais clairement pas le plus personnel des Borzage. Difficile ici de trouver sa patte, d’habitude si visible.

Mais on ne boude pas son plaisir : il y a dans Pavillon noir absolument tout ce qu’on attend d’un film de pirate. A vrai dire, il y a même beaucoup de chose que l’on a déjà vu dans d’autres films de pirates. Reconnaissons que l’histoire, si passionnante soit-elle, n’est pas la plus originale qui soit. Un honnête capitaine humilié par un tyran local devient le plus redouté des pirates, et enlève la jeune femme que doit épouser son ennemi, et dont il tombe amoureux.

On se croirait dans un film d’Errol Flynn, et la comparaison n’est pas fortuite : Borzage lorgne très clairement vers les premiers succès du roi de l’aventure. L’Aigle des mers, bien sûr, mais aussi Robin des Bois, pour un duel dans un escalier qui doit beaucoup au film de Curtiz. Jeux d’ombre compris. Mais ce n’est pas Flynn : c’est Paul Henreid qui défouraille, dans une volonté d’échapper à l’image qui lui colle à la peau depuis Casablanca.

Il est très bien Henreid : plein d’énergie et avec un charme canaille qui lui va bien, même s’il reste dans l’ombre de ce que Flynn a apporté au genre, justement. Le couple qu’il forme avec Maureen O’Hara est ce qu’il y a de plus beau dans ce film. Plus que les jolies maquettes, qui sont jolies mais qui font maquettes. Plus que les scènes d’action, hyper efficaces (belles séquences d’abordage, brutales et impressionnantes).

C’est ce couple improbable qui séduit le plus, grâce à la vitalité explosive de Maureen O’Hara surtout. C’est elle qui a suggéré à la RKO de confier le film à Borzage. Son succès boostera sa carrière. Selon la petite histoire, c’est en visitant le plateau de Pavillon noir que Ford se serait décidé définitivement à refaire appel à l’actrice (qu’il avait déjà dirigée dans Qu’elle était verte ma vallée) pour L’Homme tranquille.

La Sœur de son valet (His butler’s Sister) – de Frank Borzage – 1943

Posté : 2 juin, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

La Sœur de son valet

Borzage reste dans sa veine musicale, et la première scène ne présage rien de particulièrement enthousiasmant. Dans un train, deux charmantes écervelées tapent à la porte d’un compartiment. Lorsque son occupant ouvre, elles se lancent dans un numéro chanté tout sucré et très joyeux: le voyageur, qui n’avait rien demandé, est un célèbre compositeur dont toutes les apprenties chanteuses espèrent obtenir les faveurs.

C’est Franchot Tone, loin de son rôle mémorable des Trois Camarades, mais dont la nonchalance lasse fait des merveilles dès cette première scène. De quoi espérer que la suite soit d’avantage basée sur les personnages que sur les prouesses vocales des interprètes. Elle l’est effectivement, même si le joli grain de voix de Deanna Durbin est bien mis en valeur tout au long du film.

Deanna Durbin dont l’apparition donne un soudain coup de peps au film. Dans le train toujours, la caméra la suit dans la travée centrale des wagons qu’elle traverse, tous les passagers se retournant à son passage, et le spectateur ne la voyant que de dos. Une manière pour Borzage de mettre en évidence, sans même la montrer vraiment, le charisme étincelant du personnage, ressors comique de plusieurs scènes à suivre.

Et c’est alors une réjouissante comédie romantique qui commence, avec cette histoire d’une apprentie chanteuse qui débarque chez son demi-frère qu’elle croit richissime (Pat O’Brien), mais qui se révèle être le majordome du célèbre compositeur qu’elle pensait rencontrer dans le train. Comme quoi le hasard fait bien les choses. Sauf que, bien sûr, rien ne se passera comme elle le pense.

Ces deux-là finiront-ils ensemble ? Evidemment oui, aucun suspense là-dessus. Mais comme toujours chez Borzage, on sait que l’amour ne pourra éclater et se réaliser que quand les barrières sociales et l’ascendant de l’un sur l’autre auront disparu. Tout le sel repose sur la manière dont cela va se produire. Et la manière, ici, est splendide.

A cette époque, les films de Borzage paraissent souvent en deçà de ses grands chefs d’œuvre. Avec His butler’s sister, le cinéaste renoue avec son génie pour créer un mouvement qui conduit inexorablement vers des torrents d’émotion, sur lesquels le film se referme.

D’ici là, quel rythme. Un rythme qui repose sur la précision de la mise en scène, sur des cadres magnifiques, sur des intermèdes musicaux qui trouvent parfaitement leur place dans l’histoire (avec notamment une scène très émouvante dans un café russe, où Deanna Durbin entonne une belle chanson folklorique, celle-là même qui a inspiré ses Deux guitares à Charles Aznavour)… et sur les dialogues en tant qu’éléments sonores de l’ensemble.

L’humour repose en effet peu sur les mots eux-mêmes : d’avantage sur la musique qu’ils produisent. Borzage s’en amuse ainsi joyeusement lors de l’un des premiers échanges entre la sœur et le frère, où chaque réplique est soit coupée, soit incompréhensible. Et tout ça donne à la scène un rythme irrésistible.

Au passage, Borzage égratigne aussi le monde du spectacle, avec un étonnant personnage de producteur libidineux, mais encore relativement sympathique. Autre époque, autre vision…

Bien sûr, cette bluette n’a pas la portée et la force de Seventh hour ou The Mortal Storm. Les thèmes abordés ici n’ont pas la même gravité, et l’issue du film ne fait, dès les premières minutes, aucun doute. Mais le plaisir que cette bluette procure est grand, et l’émotion lorsque le mot fin apparaît est immense…

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