Red State (id.) – de Kevin Smith – 2011
Cinéaste d’habitude plutôt potache (même si derrière le fun se cache souvent une vision cynique et cruelle du monde), Kevin Smith la joue très, très sombre dans cette satire violente surprenante et crispante. Smith s’inspire d’un véritable prédicateur, Fred Phelps, qui clame à qui veut l’entendre que Dieu déteste tout le monde, et particulièrement les gays. Comme dans toute satire, le trait est forcé, souvent énormément (mais le modèle ne fait pas dans la dentelle). Mais la charge est hyper efficace, et le film très grinçant.
Le prédicateur, ici, est une sorte de patriarche qui règne sur une grande famille, militant aux enterrements de jeunes homosexuels, et se préparant pour le grand affrontement final en emmagasinant un véritable arsenal de guerre. Trois ados en quête d’un plan cul facile tombent dans leurs griffes, et sont emprisonnés pour être exécutés lors d’un prêche. Les choses dégénèrent encore quand les agents de l’ATF (comme le FBI, mais en moins bien) encerclent l’église.
Ce pourrait être un film d’horreur fun et flippant… Smith en fait une folie tendue et glauque, politiquement très incorrecte et dérangeante, d’une efficacité rare, et totalement inconfortable. Aux fondamentalistes religieux complètement flippants, Smith oppose des G-men pourris jusqu’à la moelle, qui tuent un innocent et cherchent à tuer tous les membres de la secte, femmes et bébés compris.
Et le cinéaste ne fait pas les choses à moitié, en confiant les deux rôles principaux à deux acteurs monstrueux. Michael Parks, vieille gloire télévisuelle ressuscitée par Tarantino dans une poignée de films récents, est extraordinaire en prédicateur haineux. Il a le charme dérangeant et la folie dissimulée des grands méchants comme Hannibal Lecter. Sa prestation, assez hallucinante, ne doit pas faire oublier celle de l’immense (dans tous les sens du terme) John Goodman. Dans le rôle du G-man en chef, l’acteur fait une prestation assez géniale.
Très à l’aise dans le côté obscur de la satire, Kevin Smith reste quand même avant tout, peut-être, un formidable directeur d’acteur.