Le Silence des Agneaux (The Silence of the Lambs) – de Jonathan Demme – 1990
C’est la marque des chefs-d’œuvre : j’ai beau avoir vu ce monument une bonne demi-douzaine de fois, j’ai beau connaître par avance quasiment chaque plan à venir, je suis toujours aussi terrifié par ce Silence des Agneaux (y a-t-il eu plus beau titre de film, dans toute l’histoire du cinéma ?), film qui a révolutionné le thriller, lancé la mode des tueurs en série au cinéma, et posé des bases qui serviront à des dizaines de films ou séries télé (à commencer par Twin Peaks et X-Files, dont la Scully est un copié-collé de Clarice Starling).
Le film a inspiré quelques bons thrillers, et une quantité incroyable de films mineurs, voire de nanars. Mais c’est frappant de constater, plus de vingt ans après, à quel point le film de Demme n’a rien perdu de sa force. Le parti-pris du réalisateur y est pour beaucoup. Au-delà du personnage de Hannibal Lecter, manipulateur machiavélique interprété avec un sadisme et une élégance glaçants par Hopkins, c’est aussi l’authenticité qui frappe.
Ni poisseux à l’extrême comme Seven, ni porté par un enjeu dramatique personnel aussi fort que L’Enjeu, Le Silence des Agneaux est totalement ancré dans une réalité parfaitement tangible. Et c’est ce réalisme, ce quotidien palpable, qui font froid dans le dos…
Clarice Starling, l’apprenti agent du FBI que son patron (Scott Glenn, dans le rôle de sa vie) envoie sonder l’âme de Lecter dans l’espoir secret de démasquer un tueur en série en iberté, est une jeune femme un peu froide et plouc, qui n’a rien d’un super agent. Et le tueur qu’elle recherche (Ted Levine, étonnant et effrayant) est un pur malade qui n’a pas l’intelligence démesurée et l’aspect calculateur qui caractérisent la plupart des serial killers à venir du cinéma américain, qui lorgneront tous, sans l’égaler jamais, sur Hannibal, porté au rang de mythe.
Nul autre film, non plus, ne retrouvera une relation aussi trouble et glaçante (encore) que celle qui « unit » Clarice et Lecter, mélange de répulsion et de respect. Les face-à-face entre ces deux-là sont à la fois fascinants et d’une tension à peine supportable.
La tension, d’ailleurs, est à peu près omniprésente dans le film, allant crescendo jusqu’à un face-à-face dans le noir qui reste (même quand on en connaît parfaitement l’issue) l’un des moments les plus authentiquement terrifiants de toute l’histoire du cinéma.