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Archive pour la catégorie 'BROWN Clarence'

L’Intrus (Intruder in the dust) – de Clarence Brown – 1949

Posté : 7 juin, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BROWN Clarence | Pas de commentaires »

L'Intrus

Formidable brûlot antiraciste que signe Clarence Brown, avec cette adaptation très réussie de Faulkner, tournée entièrement en décors réels, sur les lieux mêmes qui ont inspiré l’écrivain. L’Intrus est un grand film, et c’est dans les détails que ça se joue, plus que dans l’histoire elle-même, suspense assez convenu autour d’un noir accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, et promis à un lynchage dans les règles par une foule très remontée.

Le coup de la masse hargneuse prête à tous les débordements, on nous l’a déjà fait souvent, de Furie à L’Etrange incident. L’Intrus s’inscrit dans cette (prestigieuse) lignée, avec une dimension raciale qui est tout sauf anecdotique. Clarence Brown filme la ségrégation et les difficiles rapports entre blancs et noirs avec une grande sensibilité, captant la frontière invisible qui freine les meilleures volontés.

C’est cette réconciliation difficile entre des citoyens aux histoires si différentes que met en scène le film, dans cette petite ville, dont les vrais habitants font de la figuration. Ce qui, le sachant, donne une dimension troublante aux scènes de foule, les regards semblant confirmer l’impossibilité du dialogue entre blancs et noirs. C’est dans ces regards que se trouve la force du film, dans ces visages captés par les phares d’une voiture à travers des portes entrebâillées, dans une phrase que ne prononce pas le faux coupable pour se disculper.

Ce faux coupable, c’est Juano Hernandez, acteur découvert chez Oscar Micheaux, et que l’on retrouvera peu après en partenaire de John Garfield dans l’excellent Trafic en haute mer (d’après To have and have not d’Hemingway, que Faulkner avait adapté une première fois pour Hawks, sous le titre Le Port de l’angoisse). Sa présence, taiseuse et un peu raide, a une force assez impressionnante.

Pas de grande star à l’affiche, mais une distribution parfaite, de Charles Kemper en meneur de foule à Porter Hall en patriarche fatigué, en passant par David Brian en avocat qui se demande pourquoi il n’arrive pas à communiquer avec le noir qu’il doit défendre. Et puis le trio de choc, qui aura seul le courage d’affronter la foule : un gamin (Claude Jarman Jr, le fils de John Wayne et Maureen O’Hara dans Rio Grande), un employé noir dépassé par les événements (Elzie Emanuel) et une vieille dame très digne (Elizabeth Patterson). Les voir tous les trois déterrer un cadavre en pleine nuit, effrayés par les bruits environnants, est un grand moment de cinéma.

L’Inspiratrice (Inspiration) – de Clarence Brown – 1930

Posté : 8 février, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BROWN Clarence | Pas de commentaires »

L'Inspiratrice

L’histoire n’est pas neuve, les personnages ne sont pas franchement surprenants, le film manque de rythme, la mise en scène n’est inventive que par moments… Mais il y a Greta Garbo, dont on comprend dès le premier plan pourquoi elle est toujours à ce point une icône. Dans ce Paris de l’entre-deux-guerres, dans cet univers de riches oisifs et d’artistes joyeusement décadents, dans cette histoire d’amour où s’invite un aspirant diplomate dont on imagine qu’il annonce des relations internationales qui appartiennent aujourd’hui à un passé bien révolu… Dans ce film typique de ces débuts du parlant donc, Garbo est une apparition d’une modernité hallucinante.

Dès la première scène, cette manière si particulière qu’elle a de s’ennuyer des attentions qu’elle suscite autour d’elle, de dévisager le jeune homme qui l’intrigue, de se diriger vers lui crânement et de lui demander qui il est… Qui d’autre que Garbo pourrait jouer une telle partition en étant aussi touchante, et désarmante ? Garbo n’est jamais aussi bien que lorsqu’on la sent tiraillée entre un passé trouble que l’on ne fait que deviner, et la pureté de sentiments naissants dont on sent qu’ils feront d’elle une héroïne tragique.

C’est tout le sujet du film de de Clarence Brown, qui a le mérite de ne pas trop tirer sur la corde lacrymale, restant constamment dans une belle mesure. Avec quelques très belles idées de mise en scène, comme cette première montée des trois étages qui mènent à l’existence du bel amour (Robert Montgomery, bien sympathique, mais tellement nunuche qu’on a un peu de mal à comprendre comment la belle peut être à ce point raide dingue de lui), superbe plan qui rappelle celui de Seventh Heaven, avec un détail en plus qui en dit long sur le passé de Garbo : au bout de deux étages, la belle n’en peut plus, habituée qu’elle est à ne rien faire.

Il y a comme ça une poignée de très belles scènes dans le film. Des retrouvailles fortes sur la terrasse d’un café, un dialogue cruel entre “amis” dans le salon d’un artiste parisien, ou une tragique et déchirante scène de rupture entre un riche dandy et une conquête dont il s’est lassé… Et surtout une fin pleine de pudeur et d’émotion, qui marque encore le refus de Brown de tomber dans la surenchère lacrymale. On lui en sait gré.

Fascination (Possessed) – de Clarence Brown – 1931

Posté : 26 novembre, 2016 @ 8:00 dans 1930-1939, BROWN Clarence | Pas de commentaires »

Fascination

Ce n’est pas n’importe qui, Clarence Brown. Surtout connu pour être le réalisateur de quelques-uns des meilleurs films de Greta Garbo (parmi lesquels la version parlante d’Anna Karénine), Brown vaut bien plus que cela, et s’est imposé comme un cinéaste enthousiasmant de la fin du muet et du début du parlant.

Une scène, au début de ce Possessed, souligne à la fois l’ambition et la maîtrise narrative du réalisateur : la jeune héroïne jouée par Joan Crawford, qui se lamente de son sort d’ouvrière, découvre un nouveau monde en observant la vie des riches et de leurs employés à travers les fenêtres d’un train luxueux qui passe lentement devant elle. Un moment merveilleux et totalement inattendu.

Une jeune femme convoitée par un ami d’enfance qui préfère se tourner vers un homme plus fortuné… L’histoire semble avoir été vue mille fois, même en 1931. Mais Brown réinvente totalement ce triangle amoureux. Avec un ton original d’abord, mélange de gravité et de dérision, où l’humour et la cruauté ne sont jamais vraiment loin l’un de l’autre.

Et puis les personnages eux-mêmes sont loin des clichés attendus. L’ami de toujours (Wallace Ford, très bien) n’est pas le chevalier blanc que l’on croit. Quant au très riche et très séducteur Clark Gable, il est lui aussi plein de surprises. Et le couple qu’il forme bientôt avec Joan Crawford est formidablement beau et attachant. Tellement, même, que pendant une bonne partie du métrage, on se demanderait même presque quel est l’enjeu du film…

Presque, parce que l’étude de caractère est simplement belle, et le rythme donné par Brown absolument parfait. Possessed (drôle de titre, quand même) est en fait un vrai feel-good movie, une magnifique histoire d’amour aussi atypique que touchante.

Âmes libres – (A Free Soul) – de Clarence Brown – 1931

Posté : 1 juin, 2014 @ 6:17 dans 1930-1939, BROWN Clarence | Pas de commentaires »

Âmes libres

Ce beau film de Clarence Brown, situé dans l’Amérique de la prohibition et qui montre l’alcool comme un fléau (séduisant, mais mortel), aborde un thème plutôt rare dans le cinéma de cette période : la relation d’un père et de sa fille, deux êtres désireux de s’émanciper des carcans de la bonne société et de vivre en toute liberté. Des utopistes, un peu naïfs, qui seront bientôt rattrapés par les dures réalités de la vie.

Cette belle relation d’un père alcoolique (Lionel Barrymore, acteur décidément génial) et de sa fille trop éperdue de liberté (Norma Shearer, formidable malgré une petite propension à déclamer ses répliques), est de loin ce qu’il y a de plus réussi dans ce film plutôt original. Brown filme ses deux personnages comme un couple mal assorti, mais lié par une complicité absolue. De leurs rapports naissent le rythme, l’humour, et l’émotion du film.

L’émotion passe parfois par des choses simples et fortes : la scène notamment où, ivre mort, le père surprend sa fille en tenue légère avec un petit escroc dont elle s’est épris (Clark Gable, dans un emploi de petite frappe qui lui était familier à cette époque), et la raccompagne vers la sortie sans prononcer le moindre mot. Ou, un peu plus tard, cette étreinte du père et de la fille, visiblement éprouvés d’avoir décidé de renoncer, pour leur salut commun, à ce qu’ils avaient chacun de plus précieux : l’alcool pour lui, et l’amour d’un joueur pour elle.

Les acteurs, tous parfaits (il y a aussi Leslie Howard dans le rôle du fiancé éploré), sont fort bien utilisés par un Clarence Brown très inspiré, qui alterne avec bonheur la légèreté et l’émotion, le quasi-vaudeville et le drame. Il pousse le bouchon un peu loin, par moments, avec en particulier quelques visions particulièrement morbides des ravages de l’alcool. Mais le film évite la plupart du temps les effets trop faciles.

L’introduction du personnage de Gable, dans un simulacre de procès, est particulièrement originale et réussie. Comme l’est la dernière séquence : de retour au tribunal, le père et la famille transforment un procès à haut risque en une tribune leur permettant à chacun de rompre avec leurs vieux démons, l’alcoolisme et l’excessive soif de liberté. On peut mettre en cause la pseudo-morale, mais qu’importe : Brown ne sermonne pas, mais réussit le beau portrait d’un père et de sa fille.

• Le film fait partie du volume 2 de la collection Forbidden Hollywood, disponible en DVD zone 1.

Le Dernier des Mohicans (The Last of the Mohicans) – de Maurice Tourneur et Clarence Brown – 1920

Posté : 30 avril, 2014 @ 1:51 dans 1920-1929, BROWN Clarence, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le dernier des Mohicans Tourneur

De toutes les adaptations du roman de Fenimore Cooper, celle-ci est sans doute la plus belle (avec celle de Michael Mann peut-être), un chef d’œuvre du muet que Tourneur co-réalise avec son associé de longue date Clarence Brown, sans doute chargé de la deuxième équipe. Deux grands noms au service d’une grande histoire de la culture populaire…

Sur fond de guerre entre les Anglais et les Français, dans l’Amérique de 1757, c’est une histoire d’amour impossible entre une blanche et un Indien. Trente ans avant la révolution de La Flèche brisée. La fille d’un officier britannique et le fils d’un chef Mohican se découvrent et tombent amoureux malgré le monde qui les sépare, et la violence qui les entoure.

Tourné en 1920, le film surprend aujourd’hui encore par sa modernité et son audace. Pour l’histoire d’amour bien sûr, mais aussi pour la manière d’appréhender la violence, filmée sans l’habituel fard hollywoodien. Tourneur filme notamment une longue séquence de massacre sans rien nous épargner : ni la sauvagerie des assaillants, ni les femmes tuées à coup de hache, ni même un bébé jeté comme un vulgaire sac… Plus inconcevable encore, dans un film américain (d’aujourd’hui en tout cas) : la violence touche même les animaux, avec un cheval tombé sous les flèches…

Tourneur signe aussi l’une des plus belles mises en scène de sa carrière. Jouant constamment de la profondeur de champ, il souligne l’inquiétante beauté de ses magnifiques décors naturels, qui semblent peser comme une sourde menace sur les personnages, parfois filmés comme de simples silhouettes au loin, cernées par le danger.

L’exceptionnel sens du cadre de Tourneur est éclatant, tout comme le soin qu’il apporte à l’éclairage, qui a fait sa réputation à Hollywood, où il était alors considéré comme l’un des plus grands cinéastes en activité (ce qu’on a un peu vite oublié en France). La lumière est ici tamisée par les arbres, la pluie ou les nuages. Elle met en valeur les visages, et surtout les regards, des personnages, notamment dans de belles scènes d’attente, entre deux accès de violence.

Dans le rôle du grand méchant, l’Indien traître par qui le malheur arrivera, Wallace Beery est assez formidable. Loin, très loin, de son habituel emploi de costaud au grand cœur, notamment dans d’innombrables films de catch (Flesh de John Ford, pour ne citer que le plus recommandable), il est effrayant, figure inoubliable de ce chef d’œuvre dur et inspiré.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur », consacré à la période muette du cinéaste, édité par Bach Films. Avec une belle image qui permet de réaliser la beauté des images de Tourneur. Fait plutôt rare chez cet éditeur, la musique d’accompagnement est une partition qui suit et souligne véritablement l’action du film, et pas une simple bande son collée au hasard sur l’image. Avec, en bonus, une présentation passionnée par Patrick Brion.

 

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