Traître sur commande (The Molly Maguires) – de Martin Ritt – 1970
Dès les premières images, Martin Ritt nous plonge littéralement dans l’enfer de la mine : dix minutes sans la moindre parole, au plus près de ces hommes passant des heures dans des galeries obscures et dangereuses, creusant la roche dans les positions les plus inconfortables. Cette entrée en matière impressionne. Sans esbroufe, mais avec une grande puissance visuelle, Ritt met en image des conditions de travail inhumaines.
D’emblée, Traître sur commande s’impose comme l’un des films les plus forts consacrés à la vie des mineurs : leurs conditions de travail donc, avec ces gestes mille fois répétés et le danger omniprésent, mais aussi leur quotidien sans joie et sans horizon. Pour raconter ces vies, Ritt choisit l’angle du suspense, avec l’histoire d’une société secrète qui a volontiers recours à la violence, et avec ce flic infiltré qui finit presque par faire corps avec les mineurs. Mais sans jamais oublier l’essentiel : les personnages.
Dans le rôle du leader de cette société secrète, Sean Connery est parfait. Sa première apparition laisse un moment dubitatif : à côté des gueules fatiguées qui l’entourent, celui qui s’apprêtait à retrouver le matricule 007 paraît trop plein de vie, trop digne aussi. Mais cette première impression ne dure pas. Dès que la caméra s’approche de lui, c’est son regard qui impressionne, entre détermination et lassitude. Le regard d’un homme qui ne cédera jamais rien, mais qui sait que rien de bon n’en sortira.
A ses côtés, Richard Harris est formidable dans le rôle du flic infiltré, d’une complexité rare. A la fois prêt à toutes les bassesses, tous les extrêmes, pour gravir les échelons de la société, et se découvrant une proximité inattendue avec la colère des mineurs, avec leur envie de secouer les choses. Entre Sean Connery et lui naît bientôt une amitié trouble, dont on sent qu’elle ne laisse aucun des deux hommes totalement dupe.
Martin Ritt filme ces personnages complexes sans jamais surjouer leurs contradictions, avec une économie de moyen et une certaine langueur qui colle parfaitement à l’atmosphère ambiante. Passionnant et édifiant, son film est un sans-faute.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.