Play it again, Sam

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Archive pour juin, 2015

Bas les masques (Deadline USA) – de Richard Brooks – 1952

Posté : 30 juin, 2015 @ 2:09 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOGART Humphrey, BROOKS Richard | Pas de commentaires »

Bas les masques

Ne cherchez plus le plus beau film sur le journalisme (vous ne cherchiez pas ?) : il est signé Richard Brooks, et c’est Bogart qui s’y colle dans la peau du rédac chef que tous les journalistes rêveraient d’avoir : un type droit et humain, coriace et intègre. Bref, un vrai homme de presse qui vit son métier comme un sacerdoce et dont la déclaration d’amour à son métier et à son médium, longue tirade totalement inutile à l’intrigue, est renversante d’intensité.

Le film de Brooks est un chef d’oeuvre cynique et sincère à la fois. Cynique parce qu’il décrit une société déjà dominée par le profit, où l’intégrité et le courage sont des notions en voie de disparition. Sincère dans sa vision d’un journalisme qui semble déjà en voie de disparition. En 1952, la presse était donc déjà en crise ? Ce journalisme d’investigation au cœur de son film est menacé par une presse à scandale qui joue avec les peurs et le voyeurisme de ses lecteurs.

Avec une pointe de nostalgie qui paraît encore totalement d’actualité en 2015, Brooks raconte les derniers jours d’un grand journal, condamné à disparaître alors qu’il doit être racheté par son principal concurrent. Des derniers jours que le rédacteur en chef (Bogart, donc, aussi impérial en journaliste qu’il l’était en privé) refuse de vivre comme une agonie, préférant en faire un superbe chant du cygne.

Parallèlement à ses efforts pour tenter de sauver « son » journal, Bogart galvanise donc ses troupes, menacées par le chômage, pour poursuivre leurs investigations et faire tomber un gangster intouchable. Entre le film noir sombre et violent (dans un magnifique noir et blanc) et les petits drames humains, Brooks ne choisit pas et trouve un équilibre absolument parfait.

Et c’est bien ce qui fait le poids de son film : ses personnages sont constamment tiraillés entre leur devoir de journaliste et leur intérêt personnel. Il y a ce reporter montré du doigt parce qu’il s’est fait embauché par un autre journal. Il y a cette veuve du grand patron confrontée à la cupidité de ses filles. Il y a tous ces journalistes tentés par la déprime. Et il y a Bogie lui-même, dont le dévouement absolu à son métier l’empêche de renouer avec son ex-femme. Dans le rôle de cette dernière, personnage discret et en retrait, Kim Hunter est superbe et apporte une indispensable touche d’humanité.

* Belle édition DVD chez Rimini Editions / Fox, avec un beau portrait de Bogart et une présentation passionnante par Patrick Brion qui évoque sa passion pour Richard Brooks.

Le Petit César (Little Caesar) – de Mervyn LeRoy – 1930

Posté : 30 juin, 2015 @ 2:06 dans * Films de gangsters, * Pre-code, 1930-1939, LeROY Mervyn | Pas de commentaires »

Le Petit César

Ce n’est ni le premier film de gangster, ni le premier film « social » de la Warner, ni même le premier dont le héros est un homme violent et antipathique. Mais Le Petit César marque tout de même une date dans l’histoire du genre. Pour l’intensité qu’y met Mervyn LeRoy, réalisateur au sommet de son talent durant cette décennie. Mais aussi pour le personnage extraordinaire de Rico, qui révèle une star aux antipodes de l’idée qu’on se fait d’une star : Edward G. Robinson, aka la tortue bougonne.

Le personnage qu’il y crée est absolument fascinant, à la fois tueur impitoyable et quasi sadique, et véritable enfant qui vit sa puissance naissante comme un caprice de gosse. Il faut voir sa lippe inimitable passer du sadisme le plus radical à l’émerveillement le plus « innocent », et même naïf lorsque, heureux comme un enfant de trois ans devant un sapin de Noël, il se retrouve héros du dîner du jour, immortalisé par un photographe de presse.

Parce que le moteur de Rico, le « petit César » qui part du ruisseau et gravit rapidement les échelons de la pègre grâce à sa poigne de fer, ce n’est pas l’argent. Et finalement pas le pouvoir en tant que tel non plus : c’est le besoin d’exister dans une société que la crise a transformé en machine à broyer les individus. Un thème qui sera également au centre de Je suis un évadé, autre film coup-de-poing de LeRoy, et qui est bel et bien central ici.

C’est un véritable film-référence qui impose d’emblée la richesse de ses thèmes. Ce mélange de film social et de film de gangsters, cette ascension fulgurante que l’on sait vouée à l’échec… Tout cela sera repris à de nombreuses reprises dans les années et les décennies à venir. Notamment par Walsh pour son sublime Les Fantastiques Années 20 dont la conclusion sera une sorte de réponse à celle du Petit César.

D’une richesse infinie dans ses thèmes, porté par un Robinson véritablement habité, Le Petit César est formellement plus contrasté. Parfois brillante lorsqu’elle illustre le danger et la violence dans des jeux d’ombre impressionnants (la réapparition tardive de Rico est formidable), la mise en scène est par moments un peu figée, notamment dans les séquences très dialoguées. Typique de ces premiers mois du cinéma parlant, où le langage cinématographique se réinventait.

La Firme (The Firm) – de Sydney Pollack – 1993

Posté : 30 juin, 2015 @ 2:01 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, CRUISE Tom, POLLACK Sydney | Pas de commentaires »

La Firme

Pas encore action-hero à plein temps, Tom Cruise commence à collectionner les cinéastes prestigieux à ce stade de sa carrière. Une jeune star qui peut choisir le projet qu’il veut, tourner avec qui il veut, et dont l’avenir promet d’être brillant. Une description qui correspond à Tom Cruise-acteur, aussi bien qu’à son personnage dans La Firme : on jurerait que le rôle a été écrit sur mesure pour lui, Pollack s’amusant de cette image de golden boy à qui tout réussi pour le confronter à un piège infernal sans issue possible.

Pollack est en terrain connu dans ce film adapté d’un roman de John Grisham : l’histoire d’un jeune avocat courtisé par toutes les grandes boîtes des Etats-Unis, qui accepte la proposition d’une firme puissante dont l’aspect très familial cache une vérité nettement plus sordide. On est dans un thriller paranoïaque dans la lignée des Trois Jours du Condor. En plus simpliste, quand même, parce qu’avec cette histoire de descente aux enfers, Grisham et les scénaristes (parmi lesquels Robert Towne) n’y vont pas avec le dos de la cuillère.

C’est du gros, gros méchant que doit affronter Tom Cruise, avec son innocence et son humanité retrouvées alors qu’il est au fond du trou. Jusqu’à la caricature, mais avec un savoir faire immense, un vrai sens de l’action (une belle course poursuite, notamment) et surtout une capacité à donner de l’épaisseur à des personnages a priori pas exceptionnels.

C’est le cas des nombreux seconds rôles de prestige que l’on croise le temps de deux ou trois scènes pour la plupart : Holly Hunter assez inattendue, Ed Harris raide et cabot mais superbement pitoyable, et surtout Gary Busey, éternel méchant de service qui trouve ici le rôle de sa vie le temps de deux petites apparitions inoubliables, jubilatoire en détective privé grande gueule.

C’est le cas aussi de Gene Hackman qui, lui, est étonnamment sobre dans le rôle du salaud désigné, mais dont l’humanité transparaît petit à petit, révélant les fêlures de l’homme, miroir terrible et vieilli du personnage de Tom Cruise.

La qualité de l’interprétation est pour beaucoup dans le plaisir que l’on prend devant ce Pollack séduisant, mais mineur.

La Poursuite impitoyable (The Chase) – d’Arthur Penn – 1966

Posté : 26 juin, 2015 @ 4:07 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, PENN Arthur | Pas de commentaires »

La Poursuite Impitoyable

Dans Bonnie and Clyde, autre classique de Penn, le destin tragique des deux anti-héros marqués par le destin est ponctué d’une sorte d’ironie satirique, presque caricaturale par moments. Dans The Chase, point de dérision, point d’ironie, rien d’autre que le sombre constat que le shérif Brando se fait au fond depuis la première minute : ceux pour qui il travaille sont des monstres d’insensibilité, d’égoïsme, de mesquinerie. Et Redford, l’enfant du pays qui vient de s’évader de prison, ne peut pas échapper à son destin.

C’est moins le destin tragique de Redford qui intéresse Penn dans ce chef d’œuvre, que la manière dont Brando l’intègre se débat avec son propre destin contrarié. Et il est fascinant Brando. Loin du Stanley d’Un tramway nommé Désir, il est un homme tranquille et droit, homme de loi intègre confronté à la médiocrité de ses semblables et à ce que la foule peut avoir de pire. Un homme bien décidé à aller au bout de sa mission et à sauver du lynchage le jeune Redford, très beau et très condamné d’avance. Un homme seul aussi, dans une ville où tout devient hostile.

Difficile de ne pas penser à Rio Bravo avec ce personnage de Brando et cette ville où chacun devient, au mieux insensible, au pire odieux. D’ailleurs, que Penn nous affirme, en nous regardant droit dans les yeux, que le choix d’Angie Dickinson pour la femme de Brando est un simple hasard, et ne renvoie pas au chef d’oeuvre de Hawks…

En tout cas, il y va fort, dans sa peinture d’une société gangrénée par la haine, la violence, le racisme, la bêtise, la peur. On est au Texas, dans l’Amérique post-Kennedy, et ça ne fait pas vraiment envie. L’action se déroule un samedi soir: pendant que les gamins se trémoussent tant qu’ils peuvent, leurs aînés se saoûlent, se trompent et rêvent du casser du noir. Ou, à défaut, de l’évadé, qu’importe ses torts. Pendant ce temps, les puissants croient pouvoir tout acheter, et leurs cours se désolent de ne pouvoir toucher le soleil. Bref, l’humanité dans ce qu’elle a de pire.

Jusqu’à la nausée, Brando encaisse tous les coups, moraux comme physiques, jusqu’à se faire défigurer lors d’un passage à tabac traumatisant. Mais il tient bon, dernier défenseur d’une valeur qui n’a plus lieu dans cette société-là : le bien. Jusqu’à un final ahurissant, bouleversant et écœurant. Il ne reste alors qu’à pleurer, et à tourner le dos à ces monstres ordinaires. Sublime et déchirant.

3h10 pour Yuma (3:10 to Yuma) – de Delmer Daves – 1957

Posté : 15 juin, 2015 @ 4:07 dans 1950-1959, DAVES Delmer, WESTERNS | Pas de commentaires »

3h10 pour Yuma

Le film commence par l’attaque d’une diligence. Une scène de western on ne peut plus classique, sauf que celle-ci est totalement dépouillée de tout semblant de spectaculaire: la diligence arrête sa course parce qu’elle est bloquée par un troupeau de bétail, et les voleurs sont là, immobiles, à peine menaçants. Simplement là. A leur tête : Glenn Ford, étonnamment calme, presque las. Non loin de là, un fermier sans histoire observe la scène avec ses enfants sans même faire mine d’intervenir, ou de se cacher : c’est Van Heflin, dont on devine qu’il est le « héros » de ce western au rythme déroutant.

Las : c’est le sentiment que donnent les deux protagonistes dans ce face-à-face à l’intrigue proche d’autres grands classiques du genre. On pense au Train sifflera trois fois bien sûr. Mais avec une différence de taille : la manière dont le temps est perçu. Ici, il s’écoule lentement, minant le moral de personnages qui, tous, rêvent d’autres choses. La richesse et la superbe du bandit pour Van Heflin le fermier honnête mais pauvre. La douceur du foyer pour Glenn Ford le tueur calme mais fatigué.

Ces deux-là sont forcés de cohabiter après que Van Heflin a accepté d’escorter Ford jusqu’au train le plus proche en dépit du danger que représentent ses complices. Parce que la prime qu’il touchera peut lui permettre de sauver sa ferme. Mais surtout parce que tenir son rôle d’homme intègre lui permettra de sauver l’image que ses enfants et sa femme ont de lui. Entre eux, une sorte de respect mutuel, presque de l’admiration, mais toujours teintée de lassitude: tenté par la vie de l’autre, chacun sait qu’il est trop tard pour changer de voie.

3h10 pour Yuma, tourné dans un noir et blanc admirable (signé Charles Lawton Jr) qui joue constamment sur les longues ombres portées pour souligner le poids du temps, est un chef d’œuvre, un de plus pour Daves qui aura décidément marqué l’histoire du western. N’ayant pas lu le roman d’Elmore Leonard dont le film est adapté, impossible de dire si le ton adopté par Daves doit quelque chose à l’écrivain ou non. Mais ce ton, le rythme lent, presque pesant font du film un western unique en son genre.

La tension monte, jusqu’à la haletante séquence finale. Mais Daves évite jusqu’au bout tout sensationnalisme. Son suspense repose sur l’irruption de la violence dans des situations quotidiennes, chez des hommes et des femmes qui n’ont rien de tueurs ou d’aventuriers. Des êtres incroyablement normaux, confrontés à l’échec et à la peur. Les acteurs sont tous formidables: Van Heflin confronté au doute et à l’effroi face à sa propre impuissance, Glenn Ford dont la superbe se fissure lentement et presque imperceptiblement.

Et quel final! Sans jamais perdre son cap, Daves fait encore monter la tension et nous offre l’affrontement tant attendu sans rien sacrifier de ses ambitions, pur concentré de suspense et d’émotion. C’est absolument magnifique.

* Carlotta a édité deux westerns de Daves avec Glenn Ford, dans de belles éditions blue ray : 3h10 pour Yuma et le plus méconnu Cow-boy, avec des bonus passionnants, notamment une évocation (en deux parties) de la carrière de Daves par son fils Michael.

L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man who shot Liberty Valance) – de John Ford – 1962

Posté : 7 juin, 2015 @ 5:59 dans 1960-1969, FORD John, MILES Vera, STEWART James, WAYNE John, WESTERNS | 1 commentaire »

L'Homme qui tua Liberty Valance

« Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende ». La postérité a essentiellement retenu cette réplique culte lancée par un journaliste à l’éthique très discutable (interprété par Carleton Young). A tel point qu’on en oublierait presque que, bien trente ans avant Clint Eastwood et son Impitoyable, John Ford s’est lancé avec ce chef d’œuvre dans une entreprise de démystification de la légende de l’Ouest, qui a pourtant largement contribué à sa propre légende.

Ford est dans la dernière ligne droite de sa longue carrière, et il le sait, aucun doute là-dessus : les quinze premières minutes, sublimes et bouleversantes, sont peut-être les plus nostalgiques de toute sa filmographie. Le retour dans l’Ouest de James Stewart et Vera Miles après des années d’absence, pour enterrer le mythe par excellence : John Wayne, dont on apprend qu’il a rangé les armes depuis longtemps, et qu’il a fini sa vie seul et oublié de tous.

Pas gai, mais d’une force inouïe. Ford ne se fait plus guère d’illusion, sur quoi que ce soit : sur sa propre carrière donc, mais aussi sur son pays, dont il a souvent exploré l’histoire par le passé. Comme beaucoup de westerns, L’Homme qui tua Liberty Valance se déroule dans une sorte d’entre-deux, alors que la civilisation et le droit s’apprêtaient à faire basculer un Ouest encore sauvage. Le triomphe de la démocratie ? Oui, mais au prix d’écoulements de sang qu’on aura vite fait de magnifier, et d’en gommer toutes les aspérités moins romantiques.

James Stewart, « monsieur Smith » en personne, est donc l’incarnation de ce que la jeune Amérique a de plus pur. L’antithèse de ce dinosaure de John Wayne, bras armé de l’histoire en marche, mauvaise conscience condamnée à être enterrée de son vivant. Un superbe sacrifié conscient de ce qu’il est et de la gène qu’il représente.

L’Homme qui tua Liberty Valance est un chef d’œuvre absolu, une superbe réflexion d’une lucidité et d’un cynisme incroyables sur la naissance de la démocratie. Mais Ford n’oublie pas le pur plaisir de spectateur : son film est, visuellement, une pure merveille dont l’utilisation des ombres est d’une beauté renversante, soulignant constamment le destin d’un John Wayne qui, même s’il a droit à ses moments de superbe (« That’s my steak, Valance »), est condamné à n’être que l’instrument dont on se débarrasse. Cynisme, nostalgie, et lucidité.

 

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