Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'MANKIEWICZ Joseph L.'

L’Aventure de Mme Muir (The Ghost and Mrs Muir) – de Joseph L. Mankiewicz – 1947

Posté : 26 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, MANKIEWICZ Joseph L., TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

L'Aventure de Mme Muir

The Ghost and Mrs Muir… Ou comment la magie du cinéma transforme une histoire toute en guimauve en sommet indémodable de délicatesse. Bien avant Demi Moore, Patrick Swayze et leur tour à poterie ruisselant de désir, Gene Tierney, Rex Harrison et un simple portrait accroché faisaient croire à une histoire d’amour entre un fantôme et une jeune femme bien vivante. Et procuraient une émotion qui ne perd rien de sa force, vision après vision.

Encore un tableau, serait-on tenter de dire, tant la filmographie de Gene Tierney semble indissociable de la peinture (dans Laura, mais aussi Le Château du Dragon…). Il faut dire que le visage de l’actrice, si pur soit-il, est habité par ce je ne sais quoi de douloureusement nostalgique, d’un passé mystérieux et inaccessible.

La manière dont ce tableau crée l’atmosphère ici est remarquable : en arrivant dans sa nouvelle maison surplombant la mer, Gene Tierney ouvre une porte donnant sur une pièce plongée dans l’obscurité, où un simple rayon de lumière éclaire un visage fantomatique, celui d’un tableau représentant un marin mort depuis longtemps, et dont la présence ne cessera d’habiter les lieux. Jusqu’à ce qu’il apparaisse réellement.

Nul besoin de trucage savant pour créer l’illusion. Il n’y en a d’ailleurs aucun, juste le pouvoir de la mise en scène, cette magie du cinéma qui suffit à faire comprendre en un plan que Rex Harrison n’est pas de ce monde, et à imposer ce constat comme une évidence, d’un naturel qui emporte tout. Ce sentiment d’évidence est de toutes les scènes, avec un Mankiewicz d’une délicatesse folle, à la mise en scène parfaitement fluide.

L’histoire, impossible, coule avec le naturel et l’évidence du destin en marche, flagrant dès la première séquence réjouissante : l’émancipation de Gene Tierney, jeune veuve qui quitte sa belle-mère et sa belle-sœur castratrices, avec lesquelles elle vit depuis un an. Gene Tierney est superbe, bien sûr. Et le film a la pureté et la beauté de ces contes d’enfance que l’on redécouvre à tout âge, avec le même bonheur.

Quelque part dans la nuit (Somewhere in the night) – de Joseph L. Mankiewicz – 1946

Posté : 18 août, 2021 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MANKIEWICZ Joseph L. | Pas de commentaires »

Quelque part dans la nuit

Imaginons juste ce que ce film aurait donné avec de grands acteurs en tête d’affiche… Parce que John Hodiak et Nancy Guild, franchement, on a fait plus glamour et plus intense, question couple de cinéma. Imaginons juste ce qu’un tel scénario mis en scène avec autant d’inspiration aurait donné avec de vrais grands acteurs. Un authentique chef d’œuvre, sans doute.

En l’état, ce deuxième film de Mankiewicz, changement de registre assez radical après Le Château du Dragon, est déjà une grande réussite, que seul l’aspect franchement terne du couple star vient, justement, ternir. Encore que le jugement est un peu rude : Mankiewicz est un grand directeur d’acteur, et Hodiak, très loin du Lifeboat d’Hitchcock, n’a peut-être jamais été aussi bien.

Et puis il y a une poignée de seconds rôles remarquables : Richard Conte en propriétaire de bar trop charmant (ce regard, quand même, n’est-il pas un rien trop flagrant?), et surtout Lloyd Nolan, réjouissant en flic brillant sans avoir l’air d’y toucher. Le scénario, brillant, lui réserve peut-être les meilleures scènes, et les meilleures répliques lorsqu’il s’interroge sur la raison pour laquelle les flics de cinéma gardent toujours leur chapeau…

Mankiewicz, surtout, signe un grand film noir où tout passe par l’image. Un pur film de cinéma, où l’obscurité qui entoure constamment le héros est une mise en image de l’amnésie du personnage, vétéran de guerre qui part sur la piste de sa propre identité. Une forme visuellement superbe qui est une sorte de mise en abîme, ou une manière de plonger viscéralement le spectateur dans le même trouble que le personnage.

Quelque part dans la nuit pourrait ressembler à un tour de chauffe pour un cinéaste qui sera plus habitué à un cinéma plus ouvertement psychologique. C’est quand même bien plus que ça : un pur film de genre qui prend le parti de mettre la forme au service de la psychologie, comme une virée dans le cerveau foutraque du héros. C’est passionnant, tendu comme un vrai film noir, troublant et fascinant. Brillant.

La Maison des étrangers (House of strangers) – de Joseph L. Manciewicz – 1949

Posté : 31 mars, 2021 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MANKIEWICZ Joseph L. | Pas de commentaires »

La Maison des étrangers

Manciewicz filme une histoire de famille, et c’est d’une cruauté hallucinante ! Film formidable, autour d’un patriarche joué par Edward G. Robinson, qui dirige sont petit monde tel un monarque tout puissant. Immigrant venu d’Italie, qui a fait fortune aux Etats-Unis, et qui écrase de sa présence totalement égocentrée ses quatre fils, sa femme, et tout son entourage.

Le film est composé en grande partie d’un long flash-back raconté par l’un des fils, Max (Richard Conte, intense, parfait), tout juste sorti de prison où il a passé sept ans. Le patriarche est mort, lui est décidé à se venger de ses frères dont on ne sait d’abord pas de quoi ils sont coupables, et sa fiancée (Susan Hayward, superbe) n’aspire qu’à recommencer une autre vie avec lui.

C’est son point de vue à lui, Max, qu’adopte Manciewicz. Celui du fils dévoué, aimant. Le père est donc filmé comme un bienfaiteur à la Capra : un banquier qui prête de l’argent aux nécessiteux du quartier, toujours le sourire aux lèvres, jamais un coup de gueule… un ange, presque.

Ce point de vue très subjectif est passionnant, parce que les faits disent autre chose, et que ce décalage crée un malaise qui ne cesse de grandir, et dont le visage taiseux mais douloureux de la mère est un terrible révélateur. Un bienfaiteur, Edward G. Robinson ? Un usurier, qui pratique des intérêts exorbitants, un père castrateur qui humilie ces fils qui ne sont pas tels qu’ils devraient être. Un monstre qui, au fond, n’attise et ne fabrique que de la haine, et qui ne vit que pour lui-même.

Le titre lui-même révèle tardivement sa cruauté, lorsque la mère quitte brièvement sa réserve. Superbe personnage de femme sacrifiée, pourrissant dans le luxe. Manciewicz filme cette histoire de famille avec une intensité, une cruauté assez terribles. Une tension qui ne fait qu’augmenter, avec le sentiment constant de la tragédie en marche, au-delà de la mort. Prix d’interprétation à Cannes pour Robinson en 1949, remake westernien intéressant mais inférieur en 1954 (La Lance brisée), grande claque en 2021…

La Comtesse aux pieds nus (The Barefoot Contessa) – de Joseph L. Mankiewicz – 1954

Posté : 17 mars, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, BOGART Humphrey, MANKIEWICZ Joseph L. | Pas de commentaires »

La Comtesse aux pieds nus

Bogart, sa protégée étendue dans ses bras, cherchant désespérément le mot espagnol pour Cendrillon, ce mot qu’il cessé d’entendre et d’oublier aussi sec… C’est sublime le cinéma, quand il vous tire des larmes avec une telle pudeur, une telle délicatesse.

Face à Bogart, Ava Gardner, physique de sex-symbol et regard de petite fille perdue, cette petite fille aux pieds nus enfoncés dans la poussière qu’elle continue à être avant tout, malgré le luxe et la gloire.

Ava et Bogie seuls face au succès, à tout ce à quoi chacun rêve, à tous les prédateurs aussi… Ils ont tout obtenu, tout réussi. Mais quand ces deux là se retrouvent face-à-face, après une longue séparation, la vacuité de ce qui les entoure explose, pour ne plus retenir que ce qui les unit : la même condition d’homme et de femme paumés quelque part sur la route des rêves.

La Comtesse aux pieds nus est peut-être le plus beau film de Mankiewicz. Plus plus intense, le plus émouvant, le plus total aussi. Avec son Technicolor envoûtants, ses ellipses audacieuses et ses narrateurs successifs qui racontent chacun leur tour les grands moments de ce destin brisé, Mankiewicz touche à l’essence même du cinéma, cet art narratif et émotionnel qui joue avec nos perceptions.

L’entrée en scène d’Ava Gardner donne le ton. Drôle d’entrée en scène d’ailleurs, puisque d’elle, danseuse dans bar populaire, on ne voit que l’effet qu’elle produit sur les hommes (et les femmes) qui la dévisagent. Il faudra de longues minutes pour qu’enfin on la voit, à travers le regard de Bogie, qui tombe d’abord sur ses pieds nus.

Bogart, superbe en réalisateur aux ordres d’un odieux producteur qui tire « Cendrillon », alias Maria, alias Ava, de son cloaque pour l’emmener vers le château du prince charmant (Hollywood, pour commencer). Entre le réalisateur et sa nouvelle star, pas d’attirance physique, pas d’amour, encore moins de sexe, mais des liens forts et sincères sans la moindre ambiguïté. Quelque chose d’unique, en somme.

En soit, c’est déjà une sorte de miracle dans un film américain. Ce qui l’est aussi, c’est la vérité et la force de ses liens, l’évolution si belle et si naturelle de leurs relations. La construction en longs flash-backs successifs permet des sauts dans le temps qui donnent du poids immédiat à cette évolution.

Mankiewicz signe un film aussi émouvant que cruel, transformant le rêve d’Hollywood et de la jet set en un monde de domination et d’humiliation, où les êtres purs et innocents sont condamnés à se perdre. Ava Gardner trouve là l’un de ses plus beaux rôles. Bogart est merveilleux dans ce contre-emploi. Un chef d’œuvre, tout simplement.

Le Château du Dragon (Dragonwyck) – de Joseph L. Mankiewicz – 1946

Posté : 26 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, MANKIEWICZ Joseph L., TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

Le Château du Dragon

Premier film réalisé par Mankiewicz, Dragonwyck annonce, en plus sombre mais avec la même approche gothique, L’Aventure de Mme Muir. Plus étonnant, le film annonce aussi, d’une certaine manière, de Laura de Preminger, et d’autres films avec Gene Tierney, avec ce portrait imposant qui hante le film. Mankiewicz est ici le premier à souligner la beauté picturale de l’actrice, dans ce film qui apparaît aussi comme une réponse à Rebecca.

Mankiewiz parle des rêves et du danger de les réaliser. La face cachée de ce rêve-là est particulièrement trouble. Et il n’y a bien que l’innocence de Gene Tierney pour ne pas s’en rendre compte dès l’apparition du « prince charmant » Vincent Price, qui glace le sang en quelques secondes, quelques phrases.

Mais cette jeune fille de fermier, dans le Connecticut de 1844, est trop attachée à ses rêves de château et de princesse, rêves de la fillette qu’elle est encore, pour réaliser la cruauté et la froideur du gars. Ou plutôt pour que cette prise de conscience domine ce fantasme de jeune fille bridée par une éducation très rigoriste (et père joué par le grand Walter Huston).

Pourtant, il est bel et bien glaçant, Vincent Price, annonçant l’acteur d’horreur gothique qu’il deviendra sur le tard. C’est peut-être là que le jeune Mankiewicz est le plus percutant, dans cette manière de filmer Price comme un monstre pathétique, seigneur d’un autre temps qui règne sur un royaume sur le point de disparaître.

Le Reptile (There was a crooked man) – de Joseph L. Mankiewicz – 1970

Posté : 21 septembre, 2018 @ 8:00 dans 1970-1979, DOUGLAS Kirk, MANKIEWICZ Joseph L., WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Reptile

Tout cinéphile qui se respecte doit se souvenir de son premier émoi sensuel devant un écran. Le mien, c’était devant un western dont, longtemps, je n’ai pas su le titre, ni le nom des acteurs, encore moins celui du réalisateur. Bref, le seul souvenir que j’en avais, c’était celui d’un couple de jeunes gens qui s’étreignaient sur une table de billard. La jeune femme dans sa robe collée par la moiteur de l’atmosphère, et la fin tragique (le jeune homme tuait un agresseur en lui lançant une boule de billard) m’avaient profondément marqués.

Mais ce n’est que bien des années plus tard (n’allez pas croire que je suis un vieillard, quand même) que je suis retombé dessus : il s’agissait donc du Reptile, de Mankiewicz. Inutile de dire dans quel état je me suis trouvé en réalisant que mon premier émoi était dû à un cinéaste aussi important que Mankiewicz. Je devais avoir moins de 10 ans à l’époque, et déjà le sens du beau. Oui, c’est émouvant…

Cela étant dit, voir Mankiewicz s’attaquer au western à un âge avancé (c’est son avant-dernier film) est pour le moins inattendu. Evidemment, c’est un western bien atypique qu’il signe, et qui commence avec une série de gros plans sur des sabots de chevaux engoncés dans des « chaussons ». D’emblée, Mankiewicz rompt avec absolument tous les cinéastes qui ont fréquenté le genre avant lui.

Porté par une musique joyeuse et décalée, le film a des allures de comédie, impression confirmée par l’étonnant duo d’homosexuels qui passent leur temps à se chamailler, ou par un ton pince-sans-rire. Mais le fond est sombre, très sombre. Et les personnages sont, selon, des salauds ou des idiots. La palme revient à Kirk Douglas, le « héros » manipulateur qui pousse les prisonniers d’un pénitencier à se révolter pour pouvoir mettre les voiles, et qui donne son ton au film : souriant, ironique, et surtout très cynique.

Face à lui, Henry Fonda, symbole de la droiture dans le cinéma américain, dont la foi en l’être humain lui vaut quelques désagréments… De quoi lui faire voir la vie sous un autre angle. Ajoutons Warren Oates, Hume Cronyn ou Burgess Meredith, dans un très beau rôle de vieux taulard… Ce western unique de Joseph L. Mankiewicz a décidément bien de la gueule.

On en oublierait presque l’histoire, assez convenue, d’évasion. Le film vaut avant tout pour sa galerie de personnages. Et la scène de billard dans tout ça ? Anecdotique et rapidement évacuée. La prime adolescence se nourrit de peu…

Soudain l’été dernier (Suddenly, last summer) – de Joseph L. Mankiewicz – 1959

Posté : 20 août, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, MANKIEWICZ Joseph L. | 1 commentaire »

Soudain l'été dernier

Ah ! la famille… Ses petites querelles, ses papouilles au coin du feu… Mouais… Pas franchement la tasse de thé de Tennessee Williams qui, une nouvelle fois, dresse un portrait absolument terrifiant du « cocon familial ».

Au cœur de ce film, adapté par lui-même de sa pièce : une jeune femme trop belle internée après avoir, apparemment, perdu la raison l’été précédent, lorsque son cousin avec qui elle était en vacances est mort dans de mystérieuses conditions qu’elle a oubliées.

Sa richissime et toute puissante tante, qui vit dans l’illusion des relations qu’elle avait avec son fils chéri, a envie de tout sauf d’entendre ce que la nièce pourrait avoir à raconter. Alors elle fait miroiter une somme exorbitante pour convaincre un chirurgien de pratiquer une lobotomie sur elle. Mais le doc a une priorité inattendue : savoir.

Curieux film, cruel, envoûtant, mais aussi très bavard, qui conserve la structure de la pièce, en actes clairement séparés. Avec un casting trois étoiles : Montgomery Clift, Katherine Hepburn, Elisabeth Taylor. C’est elle, dans un rôle aussi fort que celui de La Chatte sur un toit brûlant, qui donne au film ses plus belles scènes.

La dernière, surtout, filmée de près par Mankiewicz, qui révèle la pureté et l’intensité troublante de l’actrice. Mais pas seulement : se laissant aller dans les bras du doc, ou devenant la proie de pensionnaires plus que troublés par l’apparition de cette femme d’une beauté insolente, elle est bouleversante.

Face à elle, Katherine Hepburn fait presque figurine de cabotine, même si elle est aussi très intense, en particulier dans sa première séquence, incroyable, qui s’apparente à un (très) long monologue halluciné. Interminable tirade sur le papier, que la mise en scène fluide de Mankiewicz rend étonnamment cinématographique.

Quant à Montgomery Clift, il semble tristement diminué, et comme sous l’effet de médicaments, traversant le film comme un témoin très peu bavard, catalyseur plus qu’acteur à proprement parler. Mais c’est par lui qu’avance « l’enquête », et surtout se révèle la vérité des personnages.

Une vérité qui passe par de petits détails, que Mankiewicz filme avec une délicatesse et une intelligence de chaque plan. Dès le tout début, avec cette poupée brandie par une femme internée, puis laissée de côté après sa lobotomie. Un simple détail qui dit mieux que tous les longs mono/dialogues à suivre la cruauté de ces destins brisés.

 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr