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Archive pour septembre, 2022

Le Testament du docteur Cordellier – de Jean Renoir – 1959

Posté : 30 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, FANTASTIQUE/SF, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Le Testament du docteur Cordellier

Avec Le Testament du docteur Cordellier, Jean Renoir est l’un des premiers à gommer la frontière entre la télévision et le cinéma. Très en avance sur son temps donc. Trop, sans doute. Le film est en tout cas tourné pour le cinéma, mais dans des studios et avec des dispositifs habituellement utilisés par la télévision. Plusieurs caméras sont notamment utilisés simultanément pour un tournage plus rapide où les dialogues sont filmés sans coupure, les caméras captant les réactions des uns et des autres.

Cette particularité explique l’étonnante ouverture du film, où l’on voit Jean Renoir lui-même (incarnant Jean Renoir lui-même) arrivant dans un studio télé pour y introduire face caméra l’histoire extraordinaire de Cordellier. On peut aussi préférer y voir une sorte d’hommage au dispositif littéraire cher aux romans horrifiques de la fin du XIXe siècle : le journal intime, qui place le narrateur au cœur de l’intrigue.

Ce n’est pas tout à fait le cas ici, bien sûr : Renoir se contente d’apparaître dans l’introduction. Mais la manière d’introduire plusieurs flash-backs au cours du film participent de ce procédé narratif associé à un pan de la littérature duquel Cordellier se réclame.

Parce qu’il s’agit bien d’une adaptation libre de Docteur Jekyll et Mister Hyde que signe Renoir. Une nouvelle variation sur ce thème en tout cas, qui n’apporte pas grand-chose au mythe, si ce n’est une interprétation brillante de Jean-Louis Barrault, sobre en Cordellier et réjouissant (et méconnaissable) en Opale, le double maléfique.

Il faut dire que son interprétation tranche radicalement avec celle des autres acteurs, qui semblent totalement livrés à eux-mêmes, surjouant avec beaucoup de grands gestes et de bruits des dialogues sentencieux et lourdement symboliques qui sonnent constamment faux. D’autant plus faux que le procédé technique utilisé par Renoir semble lui interdire de maîtriser le rythme de son film.

Quelques passages sont assez réussis : la plupart des scènes extérieures, tournées dans les rues de Paris, les errances nocturnes d’Opale, quoi que frôlant la parodie, sont joliment intenses. Mais tout ça sonne la plupart du temps franchement faux. Pas convaincu, pour le moins, par cette tentative dont on peut au moins reconnaître l’audace.

Outland… loin de la Terre (Outland) – de Peter Hyams – 1981

Posté : 29 septembre, 2022 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, HYAMS Peter | Pas de commentaires »

Outland

Le générique de début a au moins le mérite de ne pas mentir sur la marchandise : Outland est une production qui flirte ouvertement du côté d’Alien, dont le succès deux ans plus tôt avait durablement marqué la science fiction. Le générique est donc très semblable, l’atmosphère angoissante et oppressante aussi, les décors tout de longs couloirs obscurs, de passerelles et de tuyaux interminables. Jusqu’au procédé narratif inaugural, avec ces transmissions informatiques qui s’affichent sur l’écran pour présenter le contexte.

Dans l’espace, personne ne vous entendra crier, selon la phrase d’accroche du chef d’œuvre de Ridley Scott. Pour Outland, ce pourrait être : dans l’espace, t’auras beau crier, personne n’en aura rien à faire. C’est en tout cas ce que réalise le shérif nouvellement affecté dans une colonie minière très, très loin de la terre. Il réalisera franchement dépité que face à l’obscurité, il ne peut compter sur à peu près personne.

Et là, ce n’est pas à Alien que l’on pense, mais au Train sifflera trois fois, dont le film de Peter Hyams est une sorte de remake officieux mais revendiqué. En tout cas dans sa seconde moitié, de loin la plus prenante. Après avoir compris qu’il ne pourrait compter sur personne, le shérif intègre interprété par un Sean Connery, bien décidé à se dresser contre les trafiquants de drogue qui sèment la mort dans la colonie, apprend que des tueurs ont été envoyés par la prochaine navette pour l’assassiner.

Alors il attend, il attend. Et cette longue attente est longuement filmée par Hyams, dans une sorte de parenthèse étouffante où il ne se passe rien, rien d’autre qu’un homme acculé qui tente sans y croire d’obtenir de l’aide de ses hommes, ou des ouvriers qu’il est payé pour protéger. Comme Gary Cooper dans le classique de Zinnemann. Cette séquence d’attente, qui s’étale sur de longues minutes, semblerait inimaginable dans une grosse production d’aujourd’hui.

Elle semble être la raison d’être de ce western de l’espace, celle vers quoi tout la première partie converge, et qui donne son élan à l’affrontement final. Qui tire un peu en longueur, hélas. Le film, d’ailleurs, n’est pas exempt de défaut, avec un rythme un peu bancal au début, et des trucages spatiaux qui prêtent à sourire. Mais Hyams a rarement été aussi inspiré. Une curiosité.

Le Tourbillon de Paris – de Julien Duvivier – 1928

Posté : 28 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Tourbillon de Paris

La période muette de Duvivier est décidément passionnante, révélant un cinéaste déjà au sommet de son art. De ce pan méconnu de sa filmographie, malgré son éclectisme, il se dégage quelques constantes, notamment l’utilisation courante des surimpressions. Cette signature visuelle atteint sans doute son apogée dans Le Tourbillon de Paris, où cette tendance à faire cohabiter deux plans différents sur la même image est poussée à l’extrême.

Faire resurgir des images du passé, souligner l’ivresse de la vie parisienne, confronter un personnage à ses fantômes, donner corps aux paroles d’une chanson révélant l’état d’âme d’une artiste… Duvivier utilise la surimpression en virtuose, s’en servant pour effacer avec naturel, et même évidence, les limites techniques du cinéma muet. Muet, vraiment ? Cette virtuosité du cinéaste donne le sentiment au contraire que Le Tourbillon de Paris est un film pleins de sons.

Le son de la neige qui crisse d’abord. C’est dans un décor enneigé que le film commence, dans un village de haute montagne isolé par la neige (Tignes, bien avant l’essor des stations de ski, encore un village coupé du monde), où s’est réfugiée une chanteuse parisienne dépassée par son propre succès. C’est là que son mari, un aristocrate écossais très à cheval sur les vieux principes, la retrouve après une longue période de séparation.

C’est qu’il entend bien faire respecter les traditions, en l’occurrence que sa femme renonce à sa vie professionnelle pour mener une douce vie d’épouse dévouée. La belle, elle, aimerait bien renouer avec la fièvre du théâtre, et avec le tourbillon de sa vie mondaine. Alors elle le fait, retrouvant les sommets malgré les efforts d’une presse magouilleuse, et notamment d’un critique très à l’aise avec son propre petit pouvoir. Et en passant, Duvivier dézingue la presse en général et la critique en particulier.

Comme beaucoup de films de cette époque (mais aussi d’époques plus tardives), le beau portrait d’une femme libre et en avance sur son temps est un peu ruiné par la conclusion du film, où la jeune artiste indépendante se range et devient l’épouse soumise qu’on attend qu’elle soit. Le féminisme a encore son chemin à trouver, dans cette France d’il y a presque un siècle.

Le film est par ailleurs une merveille, tant dans sa partie parisienne pleine de vie et de folie, que dans sa partie montagnarde, où Duvivier filme la neige et les grandes étendues désertes avec une inventivité et une intensité rares.

Et puis il y a les acteurs, tous formidables. Gaston Jacquet, acteur fétiche de Duvivier à l’époque du muet (et qu’il retrouvera jusque dans les années 1950), avec qui il a tourné une douzaine de films. Dans le rôle du mari un peu âgé attendant avec résignation que son épouse revienne à la raison (oui), il est admirable, tout en retenue. Et Lil Dagover, grande actrice allemande vue chez Lang (Les Araignées, Les Trois Lumières…) et Murnau (Tartuffe), parfaite dans le rôle de la jeune femme qui, au fond, cherche sa vraie place.

Night Gallery : make me laugh (id.) – série créée par Rod Serling – épisode réalisé par Steven Spielberg – 1971

Posté : 27 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, COURTS MÉTRAGES, FANTASTIQUE/SF, SERLING Rod, SPIELBERG Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Night Gallery Make me laugh

Spielberg avait déjà réalisé l’un des segments de l’épisode pilote de cette nouvelle série anthologique de Rod Serling, le créateur de La Quatrième Dimension. C’était même le premier engagement professionnel du jeune réalisateur, et l’occasion pour lui de diriger Joan Crawford. Pas de nouvelle grande star de l’âge d’or d’Hollywood dans Make me laugh, sa seconde participation au show.

En revanche, on retrouve Tom Bosley, acteur sympathique qui incarne ici l’agent d’un humoriste raté, joué par Godfrey Cambridge, dont la vie change radicalement lorsqu’il croise la route d’un authentique magicien, capable de réaliser n’importe lequel de ses vœux. C’est vite trouvé : il veut faire rire tout le monde, tout le temps…

On imagine bien que ce vœu à l’emporte-pièce va déclencher des catastrophes, et ce n’est pas côté scénario que cet épisode marque des points. En revanche, la maîtrise du jeune cinéaste semble déjà s’être affirmée depuis l’épisode précédent. Le regard de Spielberg rompt radicalement avec le tout venant de la télévision globalement assez peu révolutionnaire à cette époque.

Sa manière de filmer en très gros plans le visage ruisselant d’un Godfrey Cambridge superbement dramatique, ou un face-à-face étonnant avec le magicien au turban indien qu’incarne le très américain Jacky Vernon (choix discutable), suffit à donner du corps à cette histoire par ailleurs très anecdotique. Une curiosité, simplement, comme une étape dans la formation d’un cinéaste de génie.

La Loi du Nord / La Piste du Nord – de Jacques Feyder – 1939-1942

Posté : 26 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, 1940-1949, FEYDER Jacques, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Loi du Nord

Un richissime magnat de l’acier de New York tue l’amant de sa femme. Condamné, il s’évade et s’enfuit avec sa secrétaire dans le grand Nord canadien, où il s’alloue les services d’un trappeur chevronné. Ce dernier tombe amoureux de la secrétaire, tandis qu’un caporal de la police montée se lance à leur poursuite et les rejoint bientôt…

Un grand film d’aventure dans les vastes paysages du cercle polaire ? Ce n’est clairement pas ça qui attire Jacques Feyder dans ce projet, pour ce qui sera son avant-dernier film. Certes, il filme le froid et le vent des paysages recouverts de neige. Certes, il y a une vraie tension tout au long de ce périple vers une hypothétique liberté. Mais ce n’est clairement pas ça qui est au cœur du film.

D’ailleurs, Feyder ne fait pas grand-chose pour dissimuler le côté « studio » de son grand Nord. De la même manière qu’il élude soigneusement tous les moments les plus spectaculaires. Le héros s’évade ? Oui, mais au cours d’une audacieuse ellipse qui ne nous dévoile strictement rien des circonstances. L’un des personnages fait une chute qui pourrait être mortelle ? Oui, mais en arrière-plan, et de manière presque subreptice.

Le crime initial : filmé en quelques plans secs et rapides. Le procès : évacué en quelques minutes un peu lourdaude. On le sent d’emblée : tout le film converge vers quelque chose. Pas la course-poursuite dans la neige non plus, qu’une rencontre préalable entre le chasseur et ses proies prend bien soin de désamorcer. Plutôt vers le moment où, enfin, les quatre personnages principaux se retrouvent ensemble, coupés du monde, entourés par une nature hostile.

Et c’est là que le film devient vraiment passionnant, lorsqu’il met en scène trois hommes que tout oppose mais que réunit une même femme. Il faut dire que c’est Michèle Morgan, au sommet de sa grâce, femme de cœur et femme de poigne, qui ne se contente pas d’aimer benoîtement. Loin de là même : c’est elle le moteur de l’intrigue, c’est elle qui prend systématiquement les choses en main, l’air de rien.

Autour d’elle, trois spécimens de virilité revendiquée : le riche homme d’affaires dont elle admire la puissance et qu’interprète Pierre Richard-Willm ; l’officier de la police montée qui perd tous ses moyens à l’apparition d’une femme si belle, beau rôle encore pour Charles Vanel ; et le trappeur Louis avec sa belle gueule toute troublée de découvrir l’amour… L’unique rôle de Jacques Terrane, dont la carrière frémissante d’acteur a été interrompue par la guerre, et par sa mort prématurée en 1941, à l’âge de 25 ans.

As Bestas (id.) – de Rodrigo Sorogoyen – 2022

Posté : 25 septembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, * Polars/noirs France, 2020-2029, SOROGOYEN Rodrigo | Pas de commentaires »

As bestas

Voilà un grand film qui vous assomme littéralement. Quelle claque que ce film qui commence comme une chronique rurale sous tension, pour tendre vers le thriller le plus noir, puis vers le portrait sensible d’une richesse et d’une vérité folles. L’histoire se déroule en Galice, région rurale de l’Espagne, où un couple de Français s’est installé il y a déjà un bon moment pour donner un nouveau sens à leur vie.

La toute première scène nous happe littéralement, sans qu’on comprenne vraiment ce qui s’y dit, ni qui sont les personnages. Il est question du fils d’un homme du village, qu’on ne verra pas, et dont il ne sera plus jamais question. Mais entre les hommes attablés dans le petit bar miteux, le ton d’abord bon enfant se fait vite, mais imperceptiblement, plus tendu. L’un des hommes surtout, Xan, dégage une autorité naturelle. Une froideur aussi, cinglante, dont on sent qu’elle peut éclater en violence pure à tout moment.

Et soudain, cette violence, verbale, se dirige vers un autre personnage que l’on n’avait pas encore remarqué : « le Français », qui s’en allait discrètement et que Xan abreuve de sa hargne sans qu’on l’ait vraiment vu venir… Que se passe-t-il entre ces deux hommes, qui vivent à quelques mètres seulement l’un de l’autre ? Le film révèle ses mystères au compte-goutte, mais on sent d’emblée qu’il y a une animosité énorme entre eux.

Rodrigo Sorogoyen adopte le point de vue de ces deux Français, incarnés par Marina Foïs et Denis Ménochet, exceptionnels tous les deux. Il filme le sentiment d’oppression qui grandit chez eux, la peur qui finit par s’installer, le regard qu’ils portent sur ces voisins devenus une véritable menace pour eux. Ce point de vue est important, parce que c’est celui que le spectateur adopte comme une évidence.

Mais il instille à petits traits une vérité plus nuancée que celle que l’on pressentait. Et le trouble ne cesse de grandir, comme lors de ce face à face de la dernière chance, où les certitudes du Français Antoine semblent vaciller, parce que pour la première fois, il comprend un peu mieux celui qui lui bouffe la vie. Si le film est aussi fort, c’est aussi pour ça : pour ce refus du manichéisme, même lorsque l’irréparable est commis.

Xan, incarné par l’Espagnol Luis Zahera, est ainsi un personnage d’une complexité et d’une vérité extraordinaires. Et la perception qu’on en a évolue en cours de route, nous confrontant à nos propres certitudes autoproclamées. Le personnage de la fille du couple (Marie Colomb) incarne parfaitement cette difficulté à se mettre réellement à la place de ceux qu’on a face à nous, même quand ils nous sont propres.

Chronique d’un mode de vie qui tend à disparaître, thriller tendu, As bestas est aussi une belle histoire d’amour entre deux acteurs qu’on savait excellents, mais qu’on n’avait peut-être jamais vu aussi intenses. Denis Ménochet, dont la puissance physique contraste avec le regard troublé. Et Marina Foïs, dont l’apparente passivité initiale cache une détermination et une sensibilité mêlées. Deux grands personnages, pour deux grands acteurs.

Et puis il y a la manière dont le cinéaste filme son décor, ces grandes vallées de la Galice qui tranchent avec tous les stéréotypes sur l’Espagne. Une nature belle et spectaculaire, mais où la vie est rude, et où beaucoup rêvent d’une vie plus facile. Dans ce décor là, le choix de vie d’un couple venu d’ailleurs passe mal. Et les questions que cela pose pèsent sur le film sans que Sorogoyen n’apporte de réponse facile. Le film, en tout cas, trotte dans la tête des jours après l’avoir vu…

Au grand balcon – de Henri Decoin – 1949

Posté : 24 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Au grand balcon

La conquête de l’air, les pionniers de l’aviation… Voilà un thème qui a inspiré un paquet de bons films, aux Etats-Unis (Seuls les anges ont des ailes) comme en France (Le Ciel est à vous). Celui-ci n’est pas le plus connu, il est pourtant passionnant. Et s’il est si réussi, c’est sans doute moins pour les séquences aériennes elles-mêmes que pour les à-côtés.

Il n’y en a d’ailleurs pas beaucoup des séquences aériennes. Question de moyens ou question de point de vue, qu’importe la raison : le fait est que lorsque les avions décollent, la caméra reste le plus souvent au sol. Et les personnages ont le regard braqué vers le ciel, vers ces pilotes qui, parfois au prix de leur vie, repoussent les limites et étendent peu à peu les lignes aéropostales.

Le courrier : voilà qui représente à la fois le tout et le rien pour le chef de la ligne, joué par un extraordinaire Pierre Fresnay. Grillant clope sur clope, le ton sec et l’œil faussement froid de celui qui refuse de laisser ses émotions guider ses décisions, il est à la fois glaçant et émouvant, miroir de ce que deviendra le jeune pilote plein de fougue joué par Georges Marchal.

Decoin donne une vie folle aux scènes de groupes, à cette camaraderie qui trouve ses racines dans des destins personnels. Les scènes sur le terrain d’aviation sont donc très belles. Pourtant, c’est dans le décor inattendu d’une pension de famille que le film trouve son liant : dans cette pension bien réelle baptisée « Au grand balcon » tenue par deux sœurs célibataires qui se découvrent une passion tardive pour ces jeunes pilotes.

Cette pension a bel et bien existé. Elle a été fréquentée par Mermoz ou Guillaumet, dont les destins inspirent ceux des personnages du film. Decoin signe un éloge du courage de ces pionniers. Mais pas un film purement hagiographique. Au grand balcon bouillonne de vie, de sentiments refoulés, d’émotions tues. C’est prenant et c’est beau.

Forrest Gump (id.) – de Robert Zemeckis – 1994

Posté : 23 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1990-1999, ZEMECKIS Robert | Pas de commentaires »

Forrest Gump

De ce petit phénomène des années 1990, beaucoup n’ont retenu que la manière dont le destin de cet homme bon mais un peu lent s’inscrivait si intimement dans la grande histoire de l’Amérique, serrant la main à trois présidents, influençant Elvis ou Lennon, devenant une véritable célébrité en tant que héros du VietNam, créateur d’une grande compagnie de pêche à la crevette, coureur à pied inspirant ou icône d’une Amérique contestatrice.

Ces rencontres ou clins d’œil à l’histoire en marche, des années 50 au début des années 80, sont très présentes, et ponctuent l’histoire de Forrest Gump comme autant de jalons égrenant la course du temps. Ils sont amusants, parfois même très drôles. Leur accumulation a un côté absurde qui prête à sourire, mais qui reste tout de même assez anecdotique.

En revanche, on est toujours emporté par l’extrême bienveillance du personnage, sa simplicité, son absence si totale de duplicité ou de calcul. Forrest Gump est un homme que les sursauts de l’histoire comme les petits accidents de la vie ballottent dans un sens ou dans l’autre, à l’image de cette plume qui vole au début et à la fin du film, se laissant emporter sans résistance au hasard de la brise.

Brise ou tempête pour Forrest, qu’importe. La manière dont Tom Hanks répond par un simple « OK » à toutes les sollicitations, avec ce rond accent du Sud, est irrésistible, ce « OK » qui suffit à passer d’une séquence de comédie à celle sans concession de la guerre, changeant de séquence et d’atmosphère avec naturel. Il est formidable, Hanks, avec ce regard si innocent qui lui a valu son deuxième Oscar en deux ans, après Philadelphia.

Presque dix ans après Retour vers le futur, Zemeckis signe un nouveau jalon majeur du cinéma américain populaire, un film à la fois très drôle et extrêmement mouvant, où l’on rit aussi franchement que l’on pleure. On en sort avec un mélange de boule au ventre et d’euphorie, et l’envie de vivre sa vie avec intensité. C’est déjà un beau programme, non ?

La Charrette Fantôme – de Julien Duvivier – 1940

Posté : 22 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, DUVIVIER Julien, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

La Charrette Fantôme

Ce n’est pas parce que c’est un film de commande que ça ne peut pas être une œuvre personnelle. La Charrette Fantôme en est un parfait exemple : Duvivier n’est pas à l’origine du projet, qui lui a été confié par la Transcontinental. Ce n’est d’ailleurs pas un matériau tout neuf, puisque le roman de Selma Lagerlöf a déjà été porté à l’écran par Victor Sjöström pour un chef d’œuvre muet. Mais Duviver en tire un film qui porte en lui plusieurs thèmes qui lui sont chers.

Celui de la rédemption pour commencer, omniprésent dans son cinéma, et encore auréolé d’une grande auréole religieuse qui frise, au moins dans une scène, au prêchi-prêcha d’un autre temps. Qui frise seulement, parce que même si la grande séquence du prêche se veut ouvertement grandiloquente, elle est d’une force indéniable, qui vous tire des frissons et donne une vérité indéniable à une situation hautement improbable : des laissés pour compte sont en proie à une violente crise de conscience suscitée par des chants religieux.

Duvivier renoue aussi avec une forme de fantastique très ancré dans la religion, après le beau Le Golem. Ici, il s’agit d’une charrette grinçante annonciatrice de la mort qui va frapper. Et Duvivier se démarque de Sjöström en ne filmant que très rarement la charrette, limitant ses effets visuels pour se contenter de bruits de grincement. Une sobriété qui rend les scènes de mort plus frappantes encore, particulièrement celle de Georges, dont l’agonie se conclut par un gros plan assez traumatisant sur le visage de Louis Jouvet.

Jouvet, impérial en lettré des bas-fonds, fascinant contrepoint à la déchéance du personnage principal joué par Pierre Fresnay. Le premier est cultivé, le second a un solide savoir-faire d’artisan (souffleur de verre en l’occurrence)… Pas exactement l’incarnation typique du sans domicile fixe habituel. Pourtant, il y a dans La Charrette Fantôme une vérité qui, pour le coup, porte indéniablement la patte de Duvivier, dont le plus grand talent a toujours été de nous plonger dans des microcosmes très différents.

Ici, dans cette ville dont on ne sait rien (si ce n’est qu’elle « ici, là-bas, ou ailleurs », ainsi que le précise un carton au début du film), Duvivier fait sentir la crasse, la misère et l’ennui. Fresnay et Jouvet, deux aristocrates de la rue confrontés à leur propre mort, sont magnifiques. Face à eux, Micheline Francey incarne une irrésistible jeune sainte, d’une bienveillance absolue. C’est aussi ça le regard de Duvivier : sans rien gommer de la noirceur de ses personnages, il signe un film extrêmement bienveillant, qui réchauffe le cœur.

Le Domino vert – de Herbert Selpin et Henri Decoin – 1935

Posté : 21 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, SELPIN Herbert, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Le Domino vert

Le Domino vert est un film important pour Danielle Darrieux comme pour Henri Decoin. Parce que c’est leur première collaboration, et que de cette collaboration naîtront une poignée de films formidables et deux carrières exemplaires du cinéma français. C’est aussi un film assez anecdotique en soi, l’adaptation d’une pièce de théâtre qui évite soigneusement les écueils du théâtre filmé, mais pas les lenteurs d’un cinéma d’avantage narratif que visuel.

Pour faire court : Decoin fera nettement mieux que ce drame sur deux époques, qui ressemble à beaucoup de films évoquant le destin brisé d’une mère martyr. Danielle Darrieux donc, toute jeune et dévorant l’écran, déjà, dans le double-rôle d’une jeune femme apprenant tardivement que son père est en prison pour un meurtre commis vingt ans plus tôt, et de la mère de celle-ci dans un long flash-back qui occupe la plus grande partie du film.

Decoin fera nettement mieux, donc. Mais il n’est que partiellement responsable des faiblesses de ce Domino vert. Le film de Decoin, produit par le futur patron de la Continental pendant l’Occupation Alfred Greven, est en fait la version française d’un film allemand signé Herbert Selpin. N’ayant pas vu la version allemande, difficile de savoir à quel point Decoin a pu imposer sa propre vision. Il n’est en tout cas pas crédité comme réalisateur, mais pour la « collaboration française », ça ne s’invente pas.

Le film manque de rythme, tire en longueur, et ne parvient pas à tirer l’émotion qui semble pourtant évidente sur le papier. Pas la plus grande réussite de Decoin, assurément. Mais en dépit de ses lenteurs, le film évite tous les pièces du théâtre filmé. Et puis il y a les acteurs, formidables : Charles Vanel dans un rôle très secondaire d’amoureux transi, Jany Holt en garce magnifique et crispante, et surtout Danielle Darrieux, déjà impériale dans ce double-rôle qu’elle incarne avec un naturel, une intensité et un charme qui n’appartiennent qu’à elle.

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