Romance à Manhattan (Romance in Manhattan) – de Stephen Roberts – 1935
Cette charmante bluette aborde mine de rien un thème très fort : celui de l’immigration et de la difficulté que rencontre un étranger pour s’intégrer dans la société américaine. Le film est traité comme une comédie, un rien naïve, où l’on sait parfaitement que tout finira par de grands sourires béats. Mais quand même, l’humour est constamment teinté d’une amertume bien présente.
La séquence d’ouverture est particulièrement forte. On y découvre le personnage principal, un jeune Tchécoslovaque mettant le pied avec enthousiasme sur le sol new-yorkais, un large sourire aux lèvres, la confiance de celui qui touche du doigt le rêve pour lequel il a bataillé des années. C’est Francis Lederer, acteur tchèque découvert dans le Loulou de Pabst, qui fait comme son personnage ses premiers pas en Amérique.
Mais le rêve, pour le personnage, est voilé par une réalité certes édulcorée par la bonté ambiante, mais tout de même assez rude. En résumé, l’homme doit être expulsé, avant même d’avoir la chance de trouver sa place sur le sol américain. Alors il se sauve, se cache, et rencontre une jeune comédienne sans le sou. Et comme c’est un film optimiste, la jeune femme est un grand cœur, et elle a les traits de Ginger Rogers. Ce qui a tendance à conforter l’immigré dans son envie de ne voir que les bons aspects de chaque chose.
Le réalisateur Stephen Roberts n’a pas le talent d’un Gregory La Cava ou d’un Preston Sturges. Il n’a ni leur fantaisie, ni leur sens du rythme. Mais il se montre plutôt habile lorsque, comme dans cette belle séquence d’ouverture, il met en scène la cruauté, voire l’inhumanité de la machine étatique, en la filmant comme une scène de pure comédie.
Naïf et ancré dans le réel. Le film confronte les personnages à un véritable rouleau compresseur sans visage. Mais il reste surtout l’humanité : l’histoire d’amour de deux êtres qui n’auraient jamais dû se rencontrer, et la bienveillance de tous ceux qui les entourent, jusqu’aux policiers du quartier, dont le principal est incarné par la sympathique vieille baderne J. Farrell MacDonald, qui se transformeront en anges gardiens dans un final digne des grandes fables humanistes de Frank Capra.