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Archive pour la catégorie '1920-1929'

Le Dénonciateur (The Informer) – d’Arthur Robison – 1929

Posté : 9 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, POLARS/NOIRS, ROBISON Arthur | Pas de commentaires »

Le Dénonciateur

J’étais jusqu’à présent totalement passé à côté du fait que Le Mouchard de John Ford, adapté d’une pièce écrite par l’un de ses cousins, était un remake. Et qui plus est d’un film assez formidable. Cinq ans avant le chef d’œuvre de Ford, et dans les dernières heures du muet, c’est un cinéaste germano-américain, Arthur Robison, qui porte à l’écran dans une production anglaise cette histoire nord-irlandaise.

Encore que, dans cette version-ci, le contexte politico-sanglant de la guerre d’indépendance irlandaise est pour le moins évacué à l’arrière-plan. Le décor est bien représentatif : celui, nocturne et grouillant de vie, d’un quartier populaire tout en briques, en misère et en humidité. Mais jamais la référence au contexte historique, prédominant dans le film de Ford, n’est clairement affiché.

L’incident à l’origine du drame, un échange de coups de feu entre deux groupes armés, peut ainsi être résumé à l’affrontement de deux gangs rivaux. La violence est la même. Quant au moteur de la dénonciation, qui donne son titre au film, ce n’est finalement rien d’autre qu’un accès de jalousie. Moins ancré dans la réalité quasi-contemporaine que le remake de 1934, le film de Robison n’en est pas moins passionnant, avec une dimension assez universelle.

Gypo Nolan est ici joué par Lars Hanson, un acteur suédois qui n’annonce en rien le Victor McLaglen génialement bas-du-front chez Ford. Lui est un homme qui fut droit, avant de se livrer à cette dénonciation aux effets dramatiques. Un brusque accès magnifiquement filmé par un incroyable travelling sortant l’homme de l’ombre et de l’isolement pour le confronter à la populace grouillante de ce bas-quartier.

Il est aussi un homme rongé par le remord, et tiraillé entre son instinct de survie et sa soif de rédemption. En 1929 comme en 1934, la rédemption et la religion ne sont pas des valeurs à prendre à la légère. Et ce sont des valeurs qui peuvent donner des conclusions pesantes, ou sublimes selon la qualité du réalisateur. Robison est doué. La fin tout en symbole de The Informer est magnifique, évoquant les grandes heures de Borzage. C’est dire.

La Découverte d’un secret (Schloss Vogelöd) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1921

Posté : 7 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

La Découverte d'un secret

C’est le Murnau d’avant les grands films : il tournerait Nosferatu l’année suivante. Un Murnau un rien moins ambitieux dans ses thèmes. Mais c’est un Murnau déjà atypique, dont on fait plus que deviner la grandeur à venir.

Dans une scène de rêve qui n’apporte rien à l’histoire ni au projet, si ce n’est d’offrir une vision horrifique idéale pour offrir de belles images à diffuser dans les journaux de l’époque pour le spectateur amateur de sensations offertes, l’esthétique de la première grande adaptation du roman de Bram Stocker transparaît déjà avec une puissance visuelle frappante.

Plus tard, c’est une scène d’aveu dans un bref flash-back qui marque par la rigueur et la radicalité de sa mise en scène, mélange de grandiose et de simplicité tout en symbolique. La Découverte d’un secret, qui joue avec le goût prononcé à l’époque pour les grands châteaux pleins de mystères (vogue qui trouverait une sorte d’apogée en 1922 avec The Cat and the Canary), est comme ça parsemé de visions marquantes.

Ce sont ces visions, pour la plupart très éphémères voire cinglantes, qui font la réussite du film, basé sur une histoire de mystère dont on pressent très vite le dénouement. Un lieu clos (balayé par la pluie et le vent), des personnages aux caractères très forts qui représentent tous les pans de la culture populaire (du tragique au comique), un vieux meurtre et une mystérieuse disparition…

Ce sont des ressors simples qui sont à la base du film. Et tout en ayant bien conscience d’être devant un Murnau bien mineur, au regard du sommet que représentera L’Aurore six ans et quelques milliers de kilomètres plus tard, eh bien on prend un vrai plaisir devant ce petit serial à huis clos parfaitement maîtrisé.

Sa construction en cinq actes renforce le sentiment de vitesse qui domine, comme si les rebondissements s’enchaînaient à un rythme dingue. Pourtant, le film est avant tout basé sur des temps longs et des attentes. Peu d’action finalement, à l’image de cette grande scène de chasse dont on ne voit que le départ et le retour quinze minutes plus tard sous une pluie battante, ellipse ironique qui semble confirmer au spectateur qu’il ne faut pas s’attendre à de grands mouvements spectaculaires.

Au final, il ne se passe pas grand-chose d’autre que de l’attente, des souvenirs qui remontent, des secrets qui affleurent. Avec une belle économie de moyens, Murnau signe un vrai film de genre, plein de suspense et de drames humains. Et d’humour. Mineur, mais passionnant, et réjouissant.

Le Mystère de la Tour Eiffel – de Julien Duvivier – 1928

Posté : 22 août, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Mystère de la Tour Eiffel

Curieux film que ce Duvivier muet, qui livre une vision à moitié parodique des serials alors très en vogue. Avec rebondissements à n’en plus finir, bandits internationaux, déguisements…

C’est l’histoire improbable d’un gang de malfaiteurs dont on ne comprend pas vraiment ce qu’est leur objectif ultime, si ce n’est celui de leur chef d’élimer celui qui se met en travers d’une fortune personnelle.

Mais qu’importe l’intrigue : elle est une excuse un peu bidon pour enchaîner les moments forts. Un peu à la manière de L’Homme de Rio finalement, que le film Duvivier semble annoncer à plus d’un titre : pour cette course effrénée qui multiplie les terrains de jeux, et pour ces cascades d’anthologie que le film nous offre.

Léger (et mineur), le film est l’une des rares comédies de Duvivier, particulièrement à l’aise lorsqu’il laisse libre court à la folie, comme dans cette scène où le « double » arrive chez lui et se laisse dévêtir, puis servir un verre, par une armée de serviteurs.

Bien plus que l’intrigue, c’est le style que Duvivier donne à son film qui procure le plaisir. On notera ainsi une très belle scène de rêve, avec ces ombres chinoises projetées, quelques trucages marrants (notamment pour le double-rôle), et des images fortes et magnifiques, comme cette caméra embarquée dans le camion de police, ou cette vue plongeante sur les lacets des Alpes.

Surtout, Duvivier filme la Tour Eiffel avec la même puissance que René Clair (Paris qui dort), lors d’une course poursuite finale hallucinante, extraordinairement vertigineuse, entre les entrelacs de la tour… dont on se demande bien ce que les méchants espèrent trouver au sommet, dans leur course désespérée.

The Black Watch (id.) – de John Ford – 1929

Posté : 28 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FORD John | Pas de commentaires »

The Black Watch

Pour le moins inégal, ce Ford des premiers temps du parlant. The Black Watch aborde de nombreux thèmes, ébauche de multiples pistes. Parfois avec beaucoup de bonheur, parfois avec un résultat nettement moins convaincant.

Les scènes dialoguées sont ainsi lourdes et figées, franchement peu convaincantes. Cela s’explique : quelques mois seulement après l’apparition du parlant, Hollywood tâtonne encore dans ce domaine. Le moins qu’on puisse dire ici, c’est que ces dialogues pèsent sur le rythme et la cohérence du film. Il faut dire aussi que ces scènes dialoguées ont été confiées à Lumsdal Hare, l’acteur qui joue l’officier en chef de la Black Watch et qui était aussi metteur en scène de théâtre. Une fausse bonne idée.

C’est dans les scènes plus vivantes que l’on retrouve le talent de Ford. Ce moment, notamment, où le personnage joué par l’incontournable Victor McLaglen s’éloigne dans la nuit, laissant derrière lui les chants de ses camarades de régiment qu’une mission secrète l’oblige à abandonner, les laissant croire qu’il est un lâche fuyant la violence des combats.

L’histoire se déroule durant la Grande Guerre, alors que son régiment d’Ecossais, la Black Watch, s’apprête à embarquer pour le front de France. L’occasion pour Ford de filmer des scènes de camaraderie comme il les aime tant, et de nous plonger dans la culture écossaise comme il l’a tant fait avec l’Irlande. L’occasion aussi de filmer une séquence mémorable sur un champ de bataille des Flandres, images plongées dans l’obscurité et réduites à quelques plans percutants et dramatiques.

McLaglen, lui, a dû quitter ses frères d’arme pour mener à bien une mission top secret en Inde, où il doit éviter une guerre civile. Cette partie, centrale, est plombée par plusieurs handicaps. D’abord, cette manie hollywoodienne de confier des rôles d’indigènes à des acteurs très blancs (Roy d’Arcy et Myrna Loy, qui surjouent lourdement l’accent indien, sans avoir grand-chose de pertinent à jouer). Et puis un exotisme à la limite de la caricature.

Quelques belles idées surnagent dans cette Inde de carte-postale : Victor McLaglen en séducteur patriotique (un emploi pour le moins inattendu), une évocation très d’actualité de la violence extrême au nom de la religion, ou encore une scène de massacre assez glaçante, qui vient mettre un sacré coup à la notion de bien ou de mal, et que Ford filme en laissant planer le doute sur ses intentions. Il sera en tout cas plus ouvertement critique lorsqu’il filmera une autre scène de massacre assez similaire, dans le sous-estimé Quatre hommes et une prière.

J’ai été diplômé, mais… (Daigaku wa deta keredo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 19 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

J'ai été diplômé mais

Fraîchement diplômé, un jeune homme n’ose pas avouer à sa mère qu’il ne trouve pas de travail. Sa fiancée, à qui il finit par se livrer, décide de travailler dans un bar pour subvenir à leurs besoins…

Voilà résumé en deux phrases, et en onze minutes de fragments survivants, l’histoire de ce long métrage dont l’essentiel a disparu. Mais les onze minutes qui restent retracent à grands traits toutes les étapes du scénario, et suffisent à comprendre que, même si le film n’atteignait sans doute pas les sommets de tant de chefs d’œuvre à venir, il ne manquait pas d’intérêt.

La scène d’ouverture est forte : un entretien d’embauche, entouré par deux plans qui se répondent montrant les pieds du jeune diplômé franchir le pas de porte du potentiel employeur, plein d’entrain en entrant, plein de dépit en sortant.

De ce qu’on peut en voir, Ozu met l’accent sur le mal-être de ce jeune homme et sa honte de voir la femme qu’il aime se montrer dans des bars…ce qui pouvait être bien audacieux dans le Tokyo de 1929. La jeune femme, c’est Kinuyo Tanaka, grande star de l’âge d’or du cinéma japonais (et future grande cinéaste éphémère), qu’Ozu dirige pour la première fois : dix films suivront au total, pendant plus de vingt-cinq ans.

Le Galopin / Un garçon honnête (Tokkan kozo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 14 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Un garçon honnête

Il ne subsiste qu’un bon quart de ce moyen métrage qui durait à l’origine une quarantaine de minutes. Le montage pour le moins serré s’en ressent, avec de longues séquences manquantes ou écourtées, mais le film n’en reste pas moins parfaitement compréhensible, et assez charmant. Une pure comédie pour le coup, genre pas si courant dans le cinéma d’Ozu : une histoire d’enlèvement d’enfant que le cinéaste tourne en dérision avec un esprit très slapstick américain.

L’enfant en question est joué par Tomio Aoki, que l’on reverra beaucoup dans le cinéma d’Ozu (dans Gosses de Tokyo notamment), mais aussi chez Naruse (La Rue sans fin) ou plus tard chez Kon Ichikawa (La Harpe de Birmanie). Sa bouille ronde et son air sérieux font merveille dans ce film, où il fait tourner en bourrique l’homme qui l’enlève et celui qui l’emploie… deux « méchants » pas très sérieux pour le coup.

Les premières minutes ont un petit côté étrangement amateur, qu’Ozu rattrape bien vite lorsque la pure comédie se met en place, et que la jeune victime commence à martyriser ses bourreaux. C’est alors vif et drôle, toujours très léger, une petite chose bien sympathique qui n’annonce pas vraiment les grands chefs d’œuvre à venir du cinéaste, mais que l’on découvre avec une curiosité réjouie.

Hitchin’ Posts (id.) – de John Ford – 1920

Posté : 9 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Hitchin' Posts

Je croyais ce Hitchin’ Posts totalement perdu, comme l’immense majorité des Ford de cette époque, voilà que je découvre qu’il n’en est rien… enfin pas totalement : de ce film qui devait durer quelque chose comme cinquante minutes, il en subsiste trois (minutes), précieusement conservées par la Library of Congress, et dans un état assez exceptionnel.

Trois minutes, c’est peu, et ça ne permet évidemment pas d’appréhender l’ensemble de l’histoire. Mais en l’état, ce fragment peut se suffire à lui-même. Le découvrir est en tout cas enthousiasmant… et très frustrant. Parce que ces trois minutes sont absolument magnifiques, laissant penser que Ford est déjà au sommet de son talent. Et que si tout le film était de ce niveau, alors Hitchin’ Posts avait tout du chef d’œuvre.

En quelques secondes seulement, Ford plante une atmosphère profondément nostalgique : celle du Sud de l’après-guerre civile, où les anciens riches propriétaires sont réduits à jouer leur avenir aux cartes. On découvre ainsi deux d’entre eux jouant une main fatidique. L’un gagne (beaucoup), l’autre perd (gros). Les deux hommes réagissent avec une même grandeur, une même humanité qui dit beaucoup de tout ce que la guerre leur a enlevés…

La scène se passe sur un bateau à vapeur avançant au rythme lent du fleuve, ce genre de bateaux et de rythmes que Ford retrouvera dans Steamboat Round the Bend quinze ans plus tard. Et le décor est tout sauf anodin. Après la défaite lourde de conséquence du propriétaire, un plan de coupe montre une jeune femme sur le bord du fleuve saluant le passage du bateau, geste léger qui contraste avec le drame qui se noue.

Quant au vainqueur, Ford le film à la porte de la cabine, les rives du fleuve défilant lentement en arrière-plan dans une image visuellement splendide, qui dit aussi beaucoup du rythme de la vie, du temps qui passe lentement mais inexorablement. C’est beau, simple, et ça prend aux tripes. Enthousiasmant et hyper-frustrant, donc : un fragment fordien de plus dont on sort en espérant qu’un jour, peut-être, un miracle permette de découvrir la suite de cette merveille.

La Vie miraculeuse de Thérèse Martin – de Julien Duvivier – 1929

Posté : 4 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Vie miraculeuse de Thérèse Martin

Il n’y avait a priori aucune chance pour que je me laisse emporter par un biopic consacré à Sainte-Thérèse de Lisieux. Non, vraiment, aucune chance. Et c’est bien pour compléter doucement l’intégrale des Duvivier que je me décide à me plonger dans ce film, l’un de ses derniers muets, et l’une de ses dernières incursions dans le penchant mystique de son œuvre, auquel on doit tout de même quelques grands films (dont Don Camillo ne fait définitivement pas partie), L’Agonie de Jérusalem ou La Divine Croisière.

Contrairement à ces deux films, La Vie Miraculeuse de Thérèse Martin n’est pas à proprement parler une œuvre « religieuse ». Il y est question de religion bien sûr, en tout cas de la foi et de ce que cela entraîne dans le destin de Thérèse et de sa famille. Mais le point de vue reste constamment cartésien : pas de miracle, ni d’apparition au programme, si ce n’est une sorte de personnification des doutes et des pulsions de la jeune femme qui a décidé de se consacrer à Dieu, renonçant ainsi aux plaisirs et aux joies de la vie.

En cela, le film marque même une rupture assez forte avec les précédents films que Duvivier a consacré à ce thème de la foi. Parce que le doute est omniprésent, parce que la caméra du cinéaste met avant tout en lumière les souffrances de la jeune femme et surtout du père, beau personnage sacrificiel joué par Lionel Salem (Jésus dans L’Agonie de Jérusalem), bouleversant lorsqu’il assiste au départ de sa « petite reine », dont il sait qu’il ne la serrera plus jamais dans ses bras, et qu’il ne la reverra qu’à travers les barreaux très évocateurs du carmel.

Au temps pour la beauté rédemptrice de la foi, si souvent représentée à l’écran à cette époque. Duvivier filme un quotidien rude et hostile, et c’est avec une scène particulièrement aride que Thérèse (intense Simone Bourday, la révélation du film) revêt l’habit, après qu’on lui a coupé les cheveux sans ménagement (bien avant la Sigourney Weaver d’Alien 3 ou la Demi Moore de G.I. Jane).

Et me voilà emporté par ce destin sacrifié, qui prend aux tripes, et par la puissance évocatrice des images de Duvivier, déjà au sommet de son art. C’est la force et l’intelligence de sa mise en scène qui font le poids de ce beau film, sa manière d’utiliser les surimpressions, les plongées profondes ou les très gros plans, ou encore le split-screen, grâce auquel il ouvre le film avec deux scènes quasi-semblables mais séparées par quinze ans, pour évoquer la rencontre des parents de Thérèse. Brillant et passionnant.

You never know women (id.) – de William Wellman – 1926

Posté : 3 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

You never know women

On jurerait que Wellman n’a tourné ce film que pour la séquence finale, superbe moment de tensions dans un théâtre désert et plongé dans la pénombre. Un jeu du chat et de la souris, mais aussi un vrai jeu de dupes qui utilise aussi bien les codes du cinéma que ceux du music-hall, avec apparitions fantomatiques, suspense et joyeux trucages. Particulièrement réussi : ce moment où la proie du faux gentleman semble fondre dans la nuit, pour laisser apparaître celui que l’on n’attendait pas…

You never know women nous plonge dans les coulisses du théâtre, et dans le quotidien d’une troupe d’artistes russes en tournée en Amérique. Et c’est bien ce décor qui fait la particularité du film dont l’histoire est par ailleurs bien classique : une femme croit être amoureuse d’un bellâtre, et ne se rend pas compte que celui qu’elle considère comme son grand frère est lui-même amoureux d’elle… et que, sans aucun doute, elle se trompe sur ses propres sentiments.

C’est qu’il faut constamment mettre les points sur les i avec les femmes, les aider à comprendre leur cœur… Non, ce n’est pas moi qui le dit, mais en substance les personnages masculins de ce film un brin misogyne quand même. Oui, il faut remettre dans le contexte de l’époque. Et puis ce petit sexisme est largement compensé par la peinture peu glorieuse que le film donne des hommes : pas très courageux, franchement jaloux, ou carrément dégueulasses, en gros.

Le fin est belle, donc. Le début est assez brillant aussi : cette courte séquence d’introduction d’accident, où Wellman filme avec beaucoup d’intensité un chantier de construction, et un câble qui menace de céder. C’est tendu, superbement filmé, et ça semble annoncer quelque chose de beaucoup plus sombre que ce qui va suivre. Mais cette séquence se conclue par l’irruption d’un faux héros, et vrai profiteur, à qui Lowell Sherman prête son habituelle suavité teintée de cynisme

Quant à la belle, c’est Florence Vidor, vraiment très belle, et vraiment très aveugle, incapable de voir l’amour fou que lui voue son compagnon de scènes de toujours, joué par Clive Brook (pas suave, et très martial). Le film oscille entre moments d’intimités assez beaux, et longs numéros de music-hall que Wellman filme avec moins d’inspiration que les nombreuses scènes aériennes de sa filmographie (il tournera Wings l’année suivante). Ça n’en reste pas moins très sympathique. Et quel final !

Un père (The Good Provider) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 11 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Good Provider

Bon… Je pense que voilà la preuve définitive absolue que Frank Borzage est l’un des cinéastes les plus sensibles de toute l’histoire du cinéma. Le simple fragment de 7 minutes disponible, le seul qui semble avoir survécu de ce long métrage, suffit pour tirer des torrents d’émotion. Et c’est avec une économie de moyen remarquable que Borzage (qui, certes, ne pouvait pas savoir que ne subsisteraient que ces sept précieuses minutes) réussit cet exploit.

Je ne m’avancerai pas à préciser de quoi parle le film. Ce qu’on peut en comprendre d’après cette unique séquence est assez simple : dans une famille bourgeoise, le dialogue est rompu entre le fils devenu jeune homme et le père vieillissant, malgré les efforts de la mère. Efforts vains, comme on peut le voir au début de cette scène. Le fils s’en va, bravache mais pas radicalement braqué. Le père reste, assis sous son porche. La mère le rejoint. La suite est un long dialogue du vieux couple, que la caméra cadre en plan moyen.

C’est simple, direct, et pourtant d’une beauté qui vous saisit les triples. Peut-être par la grâce de ce plan qui soudain devient large, soulignant en une poignée de secondes la solitude qui entoure désormais ce couple de parents dont les enfants s’éloignent. Peut-être aussi grâce à ce plan soudain rapproché sur la main du père qui, avec maladresse et hésitation, saisit celle de sa femme qui ne s’y attendait plus… Peut-être simplement pour l’émotion retenue qui transparaît de ces regards qui ne se croisent pas.

Borzage saisit tout ça, toutes ces émotions changeantes et profondes, avec cette délicatesse et cette sensibilité exacerbées qui sont sa marque. Bien sûr, ce fragment donne une furieuse envie de découvrir un jour The Good Provider. Mais même comme ça, cet éclat brillant suffit à rappeler à quel point Borzage est grand.

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