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Archive pour la catégorie 'WALSH Raoul'

Aventures en Birmanie (Objective, Burma !) – de Raoul Walsh – 1945

Posté : 14 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Aventures en Birmanie

Immense dans le polar (White Heat), immense dans le western (La Fille du Désert), immense dans l’aventure (Capitaine sans peur), immense même dans la comédie (The Strawberry Blonde)… Walsh est un cinéaste immense, qui a transcendé à un moment ou à un autre tous les grands genres du cinéma américain. Le film de guerre ne fait pas exception : celui-ci est même, n’ayons pas peur des mots, le modèle indépassable de tous les films de commando qui ont suivi. Du Anthony Mann de Côte 465 au Terrence Malick de La Ligne rouge en passant par le Spielberg de Il faut sauver le soldat Ryan, tous doivent quelque chose à ce film. Sans oublier John McTiernan, dont le Predator reprend la même trame narrative, quasi-remake qui ne dit pas son nom.

Aventures en Birmanie est en tout cas un modèle de construction, dont Walsh transcende (une nouvelle fois) la simplicité. Une mission : se faufiler dans la jungle birmane pour faire sauter un radar japonais, et permettre aux Américains de revenir en force dans le pays. Un commando réduit : une quarantaine d’hommes derrière l’officier Errol Flynn. Un succès rapide et facile : cible détruite, aucune perte, pas même le moindre blessé. Il n’y a plus qu’à rentrer au bercail, mais c’est là que tout part de travers…

Et c’est là que le film déjà passionnant, prend une autre dimension. On retrouve là le sens du rythme et la fluidité parfaite du cinéma de Walsh. Comme dans tous les Walsh, d’ailleurs. Mais il y a autre chose, qui inspirera tant d’autres cinéastes : une manière de saisir les moments d’attente en filmant les visages des soldats au plus près dans de lents et beau travellings latéraux qui passent de l’un à l’autre, dévoilant les angoisses, les peurs, les postures de personnages à la présence puissante, même si on n’apprend pas grand-chose de leurs histoires personnelles (dont Henry Hull, particulièrement attachant en journaliste vieillissant).

Ces plans reviennent souvent dans le film, constamment renouvelés, toujours très intenses. Dans ce décor où la végétation est omniprésente, Walsh évite la sensation de redite, donnant le sentiment d’un perpétuel changement, créant par la même occasion un inconfort constant. Le danger est potentiellement partout, et sa manière de filmer les murs végétaux, l’obscurité ou l’eau croupie des marécages renforce l’angoisse, lourde et pesante.

Même virtuosité dans les scènes de combat, jamais identiques. L’attaque finale sur la colline, de nuit, est particulièrement forte. Walsh joue sur l’invisible pour renforcer encore la tension, étirant un suspense de plus en plus insoutenable, puis révélant l’urgence de la situation en éclairant artificiellement la scène. Du grand art…

Capitaine sans peur (Captain Horatio Hornblower) – de Raoul Walsh – 1951

Posté : 22 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Capitaine sans peur

On peut débattre et rétorquer que L’Aigle des mers ou Capitaine Blood, c’est aussi drôlement bien. J’en entends aussi clamer que Master and Commander calme tout le monde… Mais quand même, à le voir pour la première fois depuis bien longtemps, je le réaffirme et le crie haut et fort : Capitaine sans peur est le plus grand film d’aventure maritime de tous les temps. Et si ce titre doit être mis en balance, disons en fan évidemment totalement objectif de Raoul Walsh que je suis que ce serait avec le merveilleux La Belle espionne que ce serait…

Capitaine sans peur confirme en tout cas que Walsh est immense, et qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il s’agit de faire souffler un souffle épique constant sur un film où les moments d’attente sont aussi nombreux et importants que les morceaux de bravoure. Entre un Gregory Peck mutique, le regard fixé sur l’horizon, et une bataille navale mémorable, le film trouve un équilibre exceptionnel. En état de grâce qu’il est, Walsh, avec cette fluidité si parfaite qui est sa marque la plus impressionnante.

Dans le rôle d’Horatio Hornblower, Gregory Peck trouve l’un de ses plus grands rôles. Pas le plus complexe sans doute : malgré le mystère qui l’entoure dans toute la première partie, on sent d’emblée que ce visage si beau et si lisse ne cache pas de réelles zones d’ombre, mais une grandeur qu’il se refuse à afficher au grand jour. Mais quelle classe, quelle présence ! Et quel couple il forme avec Virginia Mayo, actrice magnifique qui doit décidément tous ses grands rôles (entre les westerns La Fille du désert et Une corde pour te pendre, elle est aussi la trouble compagne de Cagney dans L’Enfer est à lui… Que du bon).

Technicolor flamboyant, couchers de soleil somptueux, clairs-obscurs envoûtants, rebondissements en pagaille, ampleur des scènes d’action, profondeur des enjeux dramatiques… Capitaine sans peur est ce qu’on peut appeler un film profondément généreux, tourné pour le seul plaisir du spectateur. C’est l’apogée du grand cinéma d’aventure, le triomphe du système hollywoodien. J’arrête là, ou je risque de dégainer le terme « chef d’œuvre »…

Le Singe qui parle (The Monkey talks) – de Raoul Walsh – 1927

Posté : 18 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Le Singe qui parle

Voilà une curiosité à plus d’un titre. D’abord parce que le film est particulièrement méconnu dans l’œuvre foisonnante de Raoul Walsh, et qu’il n’en reste qu’une copie légèrement incomplète et surtout en très mauvais état. Et puis parce qu’on se demande un peu ce que Walsh est venu faire dans cette entreprise si improbable.

En fait non, on imagine bien ce qui a pu séduire le cinéaste : cette amitié indéfectible entre hommes, qui donne d’ailleurs sans doute le plus beau plan du film. Un plan tout simple, d’une sobriété qui tranche radicalement avec l’exubérance générale : l’un des personnages principaux qui jure à son meilleur ami, en lui posant une main sur l’épaule, que lui-même ne déclarera pas sa flamme à la femme qu’ils aiment tous les deux tant que l’autre n’aura pas pu retirer son masque de singe…

Et là je sens bien qu’il est temps d’évoquer l’histoire de The Monkey talks. On a donc quatre hommes qui se retrouvent sans le sou après que la police a saisi le cirque dans lequel ils travaillaient, et qui décident de s’unir à la vie à la mort autour d’une idée géniale : et si on faisait passer l’un de nous pour un singe qui parle ? Fortune assurée… On appelle ça une idée « What the fuck », et c’est un Français qui l’a eue : René Fauchois, l’auteur de la pièce (à succès), qui sera aussi celui de Boudu sauvé des eaux.

Avec un tel postulat, difficile de prendre le film vraiment au sérieux. Surtout que le dernier tiers est une succession de rebondissements plus improbables encore. On y voit un vrai singe par lequel des jaloux aigris remplacent le faux. Le vrai singe qui s’échappe très habilement, libère un lion féroce, et agresse la jolie héroïne de l’histoire… On assiste à ça assez fasciné, un peu par le rythme impeccable (on n’en attend pas moins de Walsh), beaucoup par ce grand n’importe quoi totalement revendiqué.

Pourtant, The Monkey talks ne penche jamais vraiment du côté de la franche rigolade. Ce qui domine malgré tout, et c’est là surtout qu’on reconnaît la touche du cinéaste, c’est la force de cette amitié masculine qui tremble à peine devant les charmes pourtant bien réelles des deux personnages féminins : la douce Olive Borden (vue l’année précédente chez Ford dans Trois sublimes canailles), et la vile Jane Winton (second rôle dans L’Aurore), toutes deux également sexy.

Les plus beaux moments du film n’évoquent d’ailleurs clairement pas la comédie : un superbe travelling vertical très romantique, ou une attaque filmée de manière très dramatique en ombre chinoise… The Monkey talks est une œuvre bien mineure dans la carrière de Walsh. Mais même là, l’intensité de son regard est bien présente.

Faiblesse humaine (Sadie Thompson) – de Raoul Walsh – 1928

Posté : 25 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Sadie Thompson

Walsh n’est pas qu’un cinéaste de l’action et de l’amitié virile. Il peut aussi se montrer très à l’aise pour filmer des portraits de femme, comme avec ce très beau Sadie Thompson, adaptation d’un récit de Sommerset Maugham, et l’un de ses derniers films muets. Sadie Thompson, c’est la grande Gloria Swanson, jeune femme délurée (ce qui veut dire qu’elle est sans doute une ancienne prostituée) qui débarque de San Francisco sur une petite île du Pacifique, où elle tombe amoureuse d’un militaire et subit de courroux d’un pseudo-pasteur réformiste qui veut chasser cette fille de petite vertu…

L’humain contre la bigoterie… Walsh a vite choisi son camp, et fera in fine de l’affreux moraliste un monstre d’hypocrisie. Ce qui, paradoxalement, permettra au cinéaste de se raccrocher à une certaine ferveur religieuse très américaine, avec cette notion de rédemption qui n’est jamais prise à la légère à Hollywood. Mais l’essentiel est ailleurs. Dans la confrontation de cette rigueur inhumaine incarnée par Lionel Barrymore, et de cette liberté d’une modernité folle que représente Gloria Swanson.

On le sent fasciné par la belle, Walsh, qui s’offre d’ailleurs le rôle majeur de O’Hara, le coup de cœur de Sadie. Il la filme avec une vivacité de chaque plan (jusqu’à la dernière partie en tout cas), soulignant de sa caméra la sensualité si en avance sur son temps, l’indépendance de cette femme qui refuse de se plier au regard des autres. Gloria Swanson est une actrice formidable, ce n’est pas une nouveauté. Mais Walsh, plus encore que son réalisateur fétiche Cecil B. De Mille, sait capter en elle l’insolence, la fausse insouciance, et cette beauté farouche qui n’a rien perdu de son caractère de fascination, près d’un siècle plus tard. Sadie Thompson est l’un de ses plus beaux rôles.

Il manque hélas la quasi-totalité de la dernière bobine. Mais le film a été restauré dans les années 1980, avec un montage de photogrammes qui permet de suivre la conclusion de l’histoire, ainsi qu’une très belle musique symphonique. Cette fin un peu tronquée a le mérite d’exister, même si elle nous prive un peu brutalement de la belle tension dramatique qui s’était installée.

Il y a effectivement une grande tension dans ce drame qui ne fait pas toujours dans la dentelle. Une tension alimentée par le regard froid du bigot en chef, par celui tout perdu de Gloria Swanson, et par quelques belles idées de mise en scène : ces plans successifs sur le toit battu par la pluie, superbes ellipses rudement évocatrices. Rythmé et intense, du pur Walsh, déjà.

La Charge fantastique (They died with their boots on) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 21 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, WALSH Raoul, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Charge fantastique

Ce pourrait être une sorte de traité du grand film hollywoodien dans ce que cela a de plus beau et de plus enthousiasmant, mais aussi avec ses limites. Les limites, c’est la grandeur d’âme que le film confère à la figure de Custer, héros de la nation, mort en martyr à Little Big Horn.

Dire que le film de Walsh oublie la dimension polémique et les aspérités (pour le moins) du gars serait exagéré. Custer, officier jusqu’au-boutiste ayant plus de révérence pour l’honneur et la gloire que pour la vie humaine… Cela transparaît tout au long de ce western fleuve. Comme transparaissent sa facette tueur d’Indiens, et un manque d’empathie pour les hommes du rang qu’il envoie inlassablement à la mort.

Mais tout ça reste largement au second plan dans ce qui est une hagiographie de Custer. C’est la réserve, mais elle n’est finalement pas si gênante. Parce que Walsh ne signe pas un documentaire, mais un pur film hollywoodien, et un modèle du genre même, aussi ample qu’intime, une sorte de miracle d’une fluidité absolue, d’un seul mouvement qui part de la comédie presque potache à la tragédie la plus noire. Avec une parfaite cohérence, comme un lent glissement à peine perceptible.

Walsh parsème son film d’étapes fortes, quand même, qui donnent une dimension épique et dramatique à ce portrait. Le départ plein de dignité des élèves sudistes de West Point alors que la guerre civile s’annonce. Puis la séparation de Custer et de sa femme, elle aussi digne et bouleversante. D’autant plus belle qu’elle marque aussi la fin d’une époque pour un couple de cinéma mythique, Olivia de Haviland et Errol Flynn, superbes.

Le film est une merveille de construction, une merveille de rythme. Un film assez audacieux aussi, qui ose des ruptures de tons assez radicales, et quelques effets inattendus comme ce regard face caméra d’un officier de West Point. Walsh est au sommet de son art, aussi bien dans les scènes intimes et légères (Hattie McDaniel qui hulule avec les chouettes) que dans les moments de bravoure (la bataille de Little Big Horn, extraordinaire).

They died with their boots on (l’un des très beaux titres de westerns, dans sa version originale) est un classique indémodable, un modèle du genre, un grand film. Point.

Bataille sans merci (Gun Fury) – de Raoul Walsh – 1953

Posté : 23 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, WALSH Raoul, WESTERNS | Pas de commentaires »

Bataille sans merci

Voilà un western d’un extrême simplicité qui, comme La Belle Espionne, autre Walsh avec Rock Hudson (un chef d’œuvre, celui-là), est basé sur un mouvement qui semble ne jamais s’arrêter. C’est une course-poursuite sur la route du Mexique. Ni plus, ni moins.

Survivant d’une attaque de brigands, Hudson poursuit le gang qui l’a laissé pour mort et enlevé sa fiancée (Donna Reed). D’abord seul, puis aidé par un bandit repenti (l’excellent Leo Gordon), à qui s’ajoute bientôt un Indien, puis un Mexicain…

Drôle de troupe, qui forme l’une de ces improbables communautés qui font le sel de nombreux westerns, de La Chevauchée fantastique à Josey Wales… Celui-ci n’est pas un jalon majeur du genre, mais Walsh sait lui donner un rythme impeccable et une vraie intensité, en tout cas dans la première partie.

La seconde manque en revanche parfois de souffle, avec un côté répétitif et prévisible. Mais quel talent, quand même, pour créer une atmosphère, pour rendre le moindre plan dynamique.

Le film a été tourné en relief. Mais le procédé a été peu utilisé lors de projections, et cette particularité n’apporte pas grand-chose, si ce n’est une poignée de plans qui semblent vieillots, où les personnages lancent des objets vers la caméra, mouvements censés mettre en valeur ce relief.

On note quand même la participation de Lee Marvin ou Neville Brand dans les rôles d’hommes de main, comme ils en enchaînaient alors.

L’Entraîneuse fatale (Manpower) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 22 juillet, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, DIETRICH Marlene, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

L'Entraîneuse fatale

Entre deux monuments incontournables (cette année-là, il signe aussi High Sierra, Strawberry Blonde et La Charge fantastique, bilan aussi impressionnant que celui de Ford en 1939), Walsh tourne ce Manpower qui ne manque pas d’intérêt non plus. Sans atteindre les sommets des trois autres, Walsh signe un film admirablement tenu, et d’une grande richesse.

A vrai dire, il y a même trois ou quatre films là-dedans. Un côté comédie entre hommes, avec ce groupe d’ouvriers chargés de réparer les lignes à haute tension, qui passe leur temps à se lancer des vannes, à s’engueuler et à se rabibocher. Un boulot très dangereux d’ailleurs, que nos bonshommes doivent le plus souvent réaliser dans des conditions extrêmes (pluie, orage, vent), et qui donne lieu à quelques scènes particulièrement spectaculaires, auxquelles Walsh donne un mélange de tension et de légèreté très réussi.

Et quel casting dans ce groupe d’hommes : autour de George Raft et Edward G. Robinson, on trouve Ward Bond, Alan Hale et quelques autres gueules qu’on aime bien, et qui s’amusent visiblement beaucoup à donner de la vie à leurs personnages, dans des moments d’amitié virile comme ce bon Raoul Walsh en a le secret. Du pur plaisir…

Mais cette légèreté apparente est constamment baignée dans une étrange atmosphère qui semble annoncer les drames à venir, et qui ne manquent pas. La gravité d’un ouvrier vieillissant qui pressent la tragédie en marche, ces rapports tendus avec une fille qu’il a délaissée et qu’il a retrouvée alors qu’elle était en prison, le quotidien de cette jeune femme obligée de jouer l’entraîneuse dans un bar mal fréquenté pour simplement vivre.

Cette jeune femme, c’est Marlene Dietrich, qui a de nouveau l’occasion de chanter (passage quasi-obligé pur elle), et qui excelle à faire de son personnage une fausse dure qui cherche à dissimuler ses fêlures et sa sensibilité derrière des abords revêches que ce couillon cynique de George Raft est bien le seul à prendre au sérieux. Mais malgré toutes les bonnes intentions de la belle, on sent vite que c’est le drame qu’elle va apporter dans cette petite équipe soudée, entre le couillon cynique et son pote Robinson, parfait dans son rôle de couillon naïf.

Entre le rire franc et la tragédie pure, Walsh joue un peu aux montagnes russes avec ce film. Mais le résultat, intense et réjouissant, ne laisse aucune place à la tiédeur ou à la facilité. Du pur plaisir, vraiment.

Rosita, chanteuse des rues (Rosita) – d’Ernst Lubitsch (et Raoul Walsh) – 1923

Posté : 12 juin, 2019 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, LUBITSCH Ernst, PICKFORD Mary, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Rosita

Il y en a qui galèrent pour se faire une place au soleil d’Hollywood. Et il y a Lubitsch, prince en son pays, que la plus grande star d’Amérique appelle pour la mettre en scène, lui déroulant le tapis rouge et lui offrant des moyens énormes. Rosita est donc le premier film américain du maître allemand, un « Mary Pickford movie » (un genre en soi) que, comme les autres grands noms qui ont dirigé l’actrice (Tourneur, Borzage), il transcende par son style et son regard.

Pas que Rosita soit le film le plus personnel de Lubitsch, ni même son plus abouti d’ailleurs : il y a dans cette grande histoire d’amour romanesque qui flirte avec la tragédie une sorte de tiraillement constant entre deux tons, deux univers. La romance et le tragique, le drame le plus sombre et la comédie la plus triviale.

Cela donne beaucoup de très beaux moments, que ce soit dans le drame (le héros qui découvre son destin à travers l’ombre d’un pendu) ou la comédie (la famille de Rosita qui débarque dans le palais). Mais il manque sans doute une vraie direction au film pour qu’il soit totalement réussi.

C’est en tout cas un rôle taillé sur mesure pour Mary Pickford : celui d’une pauvre chanteuse de rue dans le Séville des quartiers populaires, dont le roi d’Espagne s’entiche après l’avoir entendue le moquer devant la foule enthousiaste. Un roi particulièrement inconséquent plus intéressé par l’idée d’assouvir ses fantasmes que de régler les problèmes du peuple. Non pas que les questions sociales ou politiques soient mises en avant cela dit : à l’exception d’une scène savoureuse où Rosita malmène un collecteur d’impôts, cet aspect reste au stade de la toile de fond.

Lubitsch, cela dit, a des moyens visiblement très importants, qui lui permettent de mettre en scène la « populace » au milieu de laquelle évolue la jolie chanteuse de rue. Réussissant ainsi une séquence d’ouverture particulièrement impressionnante, la foule convergeant vers cette jeune chanteuse pleine de vie qui s’avance comme une rock star.

Ces scènes de foule sont peut-être, et assez bizarrement, les plus réussies du film : c’est là, au milieu de dizaines, voire de centaines de figurants, que Lubitsch capte le mieux ce que sont ses personnages. Le premier face-à-face avec le roi, dans ces conditions, ne manque pas de saveur.

Cela dit, Lubitsch est déjà Lubitsch. Il sait aussi filmer les alcôves, les couloirs… et les portes qui s’ouvrent (déjà) devant Mary Pickford, ces portes tellement présentes dans son cinéma, et qui accompagnent ici l’irrésistible ascension de la chanteuse qui devient comtesse.

Sans doute, en hésitant un peu moins entre comédie et drame, la dernière partie du film aurait-elle été plus forte, plus poignante. Mais ce final très lubitschien pour le coup, tout en expédiant un peu vite la question du « faux mort » (ah oui, il faut avoir vu le film), réserve un sort réjouissant à ce roi indélicat, dominé in fine par une reine qui sort tardivement de sa retenue pour remettre de l’ordre dans l’histoire. Féministe avant l’heure…

La Fille du désert (Colorado Territory) – de Raoul Walsh – 1949

Posté : 4 novembre, 2018 @ 8:00 dans 1940-1949, WALSH Raoul, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Fille du désert

Drôle d’idée, quand même, de faire un auto-remake westernien de High Sierra, son chef d’œuvre du film noir dont le final avait justement des allures de western. Ce n’est clairement pas le plus ambitieux des films de Walsh, et voilà à peu près la pire vacherie qu’on puisse dire de ce western, assez exemplaire si on réussit à éviter la comparaison avec son modèle.

Le rythme est impeccable. Evidemment, aurait-on envie d’ajouter, tant cette question de rythme est une caractéristique incontournable du cinéma de Walsh. Le cinéaste réussit une nouvelle fois à trouver l’équilibre parfait entre l’humain et l’action, avec en particulier des personnages féminins aussi enthousiasmants qu’inattendus : Virginia Mayo (qui soutient plutôt bien la comparaison avec Ida Lupino) et surtout la grande Dorothy Malone, dans un rôle secondaire, mais passionnant.

Quant à Joel McCrea, il est toujours très bien et très sympathique. Trop sans doute : on a quand même du mal à croire à son personnage de bandit. Trop gentil, trop lisse, on s’attend presque pendant toute la première partie à apprendre qu’il est un policier sous couverture. Bogart avait un côté nettement plus dangereux qui, pour le coup, manque cruellement ici.

Mais Walsh émaille son film de petits moments originaux et surprenants : Virginia Mayo qui opère Joel McCrea blessé (plutôt rare dans le western), ou encore l’idée rigolote de menotter le poignet d’un bandit à la cheville d’un autre, qui donne une légèreté inattendue à une séquence qui ne l’était pas forcément.

Il excelle aussi dans les séquences d’action, franchement exceptionnelles : l’attaque de la diligence, et surtout celle du train, deux grands moments formidablement réalisés. Deux moments qui bénéficient du la présence de cascadeurs impressionnants, qui donnent une pêche incroyable au film.

Surtout, le film est marqué par d’impressionnants décors de villes fantômes qui s’élèvent au milieu du désert. Qui s’élèvent littéralement, puisque l’une est indiquée « au-delà de la montagne », et l’autre est carrément accrochée à un immense rocher. L’apparition de la belle Virginia Mayo au milieu des ruines abandonnées, au milieu de nulle part, est l’un des moments les plus étonnants et, oui, spectaculaires, de ce film au final magnifique.

La Vallée de la peur (Pursued) – de Raoul Walsh – 1947

Posté : 13 octobre, 2017 @ 8:00 dans 1940-1949, MITCHUM Robert, WALSH Raoul, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Vallée de la peur

Un vrai mystère dans un western, sombre et profond, qui ne s’éclaire que dans les toutes dernières minutes… Ce n’est pas si courant, et c’est ce qui rend ce Walsh si atypique, et si fascinant. Dès la première scène, on est littéralement happé par le destin tragique d’un Robert Mitchum tout jeune, qui affiche une triste résignation face à son sort : on le découvre réfugié dans une ruine au milieu du désert, attendant presque sereinement les hommes qui vont venir pour le tuer.

Comment est-il arrivé là ? Qui sont ces hommes décidés à en finir avec lui ? Lui-même n’a pas toutes les réponses, et ce mystère le hante littéralement, comme il hante tout ce beau film. Le passé de Bob, il se le remémore lui-même au gré de ses souvenirs, avec la belle Teresa Wright venue le retrouver. Construit sur de longs flash-backs, le film joue la carte de l’originalité, et frappe fort.

Cette originalité permet d’ailleurs d’avaler l’intrigue elle-même, banale et peu crédible histoire de vengeance, simple prétexte que Walsh semble prendre moyennement au sérieux. Un Walsh particulièrement tourné vers la psychologie de ses personnages : de Bob Mitchum qui s’interroge sur la nature du mal et sur sa propre nature, à Judith Anderson, toujours excellente, dans un rôle auquel elle apporte ce trouble qu’elle trimbale de film en film.

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