X-Files, aux frontières du réel (The X-Files) – saison 8 – créée par Chris Carter – 2000-2001
La série pouvait-elle survivre au départ de David Duchovny ? Difficile d’imaginer ce qui se serait passé pour la série s’il n’était pas parti… ou s’il avait totalement disparu, pour de bon, à la fin de la saison 7.
Duchovny est parti, mais pas vraiment : Mulder, enlevé par les aliens, sera de retour vers la mi-saison, dans Espérance (épisode 14) et surtout Renaissance (épisode 15), diptyque particulièrement intense qui inaugure le thème des « super-soldats » qui sera au cœur de la nouvelle mythologie jusqu’à la fin de la saison 9. Mulder revient en fait par le biais de flash-backs dès l’étonnant Dévoreur d’âmes (épisode 11), qui prépare son retour en creusant le mystère de sa maladie, qui n’avait été qu’évoquée jusqu’à présent.
Dans le diptyque inaugural, le bancal Chasse à l’homme (épisodes 1 et 2), Mulder a disparu, mais Duchovny est toujours là, incarnant une forme prise par le fameux chasseur de primes extraterrestres. Une fausse bonne idée, qui distrait inutilement du véritable enjeu de ce double-épisode : introduire le successeur de Mulder aux affaires non-classées.
Cette espèce d’entre-deux dans lequel Duchovny n’est ni vraiment là, ni vraiment absent, ne laisse pas à ce successeur, John Doggett, la place qu’il méritait. Parce que le personnage est absolument formidable, sorte de double négatif de Mulder dont il partage la passion, mais qui ne croit en rien d’autre qu’au concret et à l’action.
Il se passe une sorte de miracle avec ce personnage, qui existe dès sa toute première apparition d’une manière extraordinaire. Robert Patrick, acteur généralement pas vraiment bouleversant, est exceptionnel, imposant une présence d’une intensité rare. Aussi à l’aise dans l’action pure que dans l’émotion, il parvient à faire exister un personnage qui restera toujours dans l’ombre de Mulder, et qui aurait mérité bien mieux.
Les « monstres de la semaine » sur lesquels il enquête avec Scully ne sont pas nombreux. Mais ils sont tous passionnants : Patience (épisode 3), Un coin perdu (épisode 4), Via Negativa (épisode 7), Dur comme fer (épisode 9) ou le traumatisant A l’intérieur (épisode 10)… autant de loners traditionnels que la présence magnétique de Doggett/Robert Patrick transforme en éléments du renouveau de la série.
Son trauma (la mort de son fils, quelques années plus tôt) n’est qu’évoqué, en particulier dans Empédocles (épisode 17) ou l’excellent Combattre le passé (épisode 6, clin d’œil au film Memento), mais Patrick impose immédiatement Doggett comme un personnage passionnant. Malgré tout, et jusqu’à devenir le personnage central de la saison dans une poignée d’épisodes : l’intense Invocation (épisode 5) ou le claustrophobique Luminescence (épisode 12).
Quand même, pas facile pour lui de s’imposer entre deux enjeux majeurs : la quête de Mulder (l’accord de Duchovny de revenir à la mi-saison était un cadeau décidément empoisonné) et la grossesse mystérieuse de Scully, qui permet à Gillian Anderson de prendre un peu de recul par moments, et de donner à sa remplaçante annoncée, Monica Reyes (Annabeth Gish) un rôle de plus en plus important jusqu’au double-épisode final Essence (épisodes 20 et 21), qui associe habilement et efficacement tous les thèmes de cette saison, jusqu’à l’extraordinaire accouchement de Scully.
C’est bien Mulder qui, jusque dans ses absences, reste l’âme de cette saison, et visiblement son moteur premier. Son retour est ainsi mis en scène comme une résurrection au sens premier du terme (Renaissance, épisode, 15). Sa cohabitation forcée avec Doggett, et la méfiance qui s’instaure d’emblée entre eux, aurait pu donner une nouvelle direction, passionnante, à la série. Elle est au cœur de quelques épisodes au ton particulier : le mythologique Confiance (épisode 16) ou le loner Vienen (épisode 18).
La mythologie ouvre quelques portes, notamment dans le réussi Per Manum (épisode 13), et la succession des affaires non classées se peaufine, dans Seul (épisode 19) et surtout dans le double-épisode final. Mais on sent bien que l’avenir de X-Files, pour la première fois peut-être, est incertain. Tout est en place pour un nouveau départ, mais Chris Carter offre un final sans cliffhanger, qui aurait pu conclure (fort bien d’ailleurs) la série.
* Voir aussi la saison 1, la saison 2, la saison 3, la saison 4, la saison 5, le premier film, la saison 6, la saison 7, la saison 9, le second film, la saison 10 et la saison 11.