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Archive pour la catégorie 'YOUNG Loretta'

Ceux de la zone (Man’s Castle) – de Frank Borzage – 1933

Posté : 13 février, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Ceux de la zone

Une ville, la nuit. Sur un banc, un homme en smoking et une jeune femme au regard perdu. Elle semble désespérée, lui habité par une confiance et une sérénité à toute épreuve. En quelques minutes, il décide de la prendre sous son bras, l’emmène dans un restaurant chic, lui redonne le sourire. Et on se dit que Borzage ne perd par de temps pour planter son décor, et introduire ce couple improbable dont on imagine d’emblée ce qu’il peut s’apporter mutuellement…

On se dit même que Borzage n’a pas peur des stéréotypes ni des idées reçues, tant cette rencontre d’une pauvrette et d’un homme fortuné semble familière. Sauf que rien n’est ce qu’il paraît. Au moment où on s’y attend le moins, Borzage lève le voile : lui est aussi pauvre qu’elle. La grande différence, c’est que lui le vit bien, incapable qu’il est de suivre des règles qu’on veut lui imposer, ou de trouver sa place dans une société normale. Un homme libre, et heureux de l’être, donc.

Une société, il en a pourtant bel et bien trouvé une : la « zone », sorte de bidonville créée dans un vaste terrain vague par les laissés pour compte de la crise de 1929. C’est le même décor, en quelque sorte, que celui de Invasion Los Angeles, 60 ans plus tard : le temps passe, les crises se succèdent, et rien ne change vraiment au pays du capitalisme triomphant. Et si le ton entre les deux films est radicalement différent, c’est moins l’époque qui le veut (l’entraide et le sens de la communauté sont également présents), que la personnalité du réalisateur.

Parce que Borzage est tout le contraire d’un cynique : c’est un romantique, un vrai, pour qui rien d’autre ne compte vraiment que l’amour. Alors, forcément, le couple qu’il filme magnifique : Loretta Young et Spencer Tracy, beaux et bouleversants. Elle, sauvée d’un probable suicide par cet homme hors du commun. Lui, amoureux incapable de se l’avouer, tant l’idée même d’avoir la moindre contrainte lui paraît insupportable. Comme celle d’avoir un toit au-dessus de la tête.

Entre eux : le sifflet d’un train qui retentit régulièrement, symbole pour lui de son désir de liberté, symbole pour elle de cette liberté qui pourrait bien la priver de son bonheur, un jour ou l’autre… Ce bonheur qu’elle a trouvé dans le bidonville, dont Borzage fait une peinture fascinante et bienveillante, mais aussi saisissante de vérité.

Il est beau, ce couple improbable. Il est beau parce que tout est dans les non dits, dans ces petits gestes, ces regards, les grands yeux de Loretta Young, le petit sourire de coin de Spencer Tracy, les maladresses, les corps qui s’enlacent comme si rien d’autre n’existait, et ces petits riens d’où surgissent des torrents d’émotion. Qui d’autre que Borzage pourrait faire ressentir la passion la plus extrême à partir d’un simple four, ou le désespoir à partir d’une fleur négligemment jetée dans la soupe ? Lui le fait, et c’est magnifique.

La Blonde platine (Platinum Blonde) – de Frank Capra – 1931

Posté : 11 juillet, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

La Blonde platine

Gros mystère, quand même, autour de ce petit classique précoce de Capra : comment ce balourd de Robert Williams (incroyable sosie de Jeremy Renner, dont on jurerait par moments qu’il était déjà au boulot en 1931) peut-il être à ce point aveugle pour non seulement préférer Jean Harlow à Loretta Young, mais aussi pour ne pas réaliser que cette dernière est une vraie femme, et pas un pote de boulot que l’on tape sur l’épaule plutôt que l’on embrasse ?

OK, le premier baiser entre notre héros et la blonde platine Harlow se déroule derrière un rideau d’eau, lors d’un plan aussi magnifique que trouble. OK, les canons de beauté n’étaient pas les mêmes il y a 86 ans. Mais quand même, on a un peu envie de le secouer ce « héros », journaliste à la vie simple qui se laisse enfermer dans une tour d’ivoire par une belle aussi peu naturelle que la couleur de ses cheveux, et qui ne voit pas que l’authentiquement belle Loretta est raide dingue de lui.

Et que penser de lui lorsqu’il se pâme devant le nez (très discutable, mais les goûts et les couleurs…) de Jean Harlow, alors que Loretta Young possède justement le plus gracieux tarin de l’histoire du cinéma ? Bref… A baffer, le Robert Williams, et c’est bien la principale limite de ce film qui échoue à toucher au cœur comme le réussissaient tous les précédents films de Capra (Ladies of Leisure ou The Miracle Woman notamment).

La popularité grandissante d’Harlow avait poussé la production à donner plus d’importance à son personnage, et même à rebaptiser le film en son honneur. Au détriment de Loretta Young donc qui, même si son nom apparaît en premier au générique, est reléguée durant la plus grande partie du film au rang d’apparition dont on devine qu’elle finira par avoir le dernier mot…

Mais la moindre de ses apparitions illumine le film, devant la caméra d’un Capra très inspiré par la belle (plus que par Harlow, qui ne semble pas le fasciner), et qui assure un rythme impeccable, avec quelques beaux morceaux de bravoure qui reposent souvent sur la prestation de l’excellent Jeremy Renner, pardon Robert Williams. Parfaitement désinvolte et séducteur, l’acteur fait preuve d’une présence impressionnante… qui sera fauchée par la mort avant même la sortie du film. Ce qui explique pourquoi son nom est à ce point tombé dans l’anonymat.

Suez (id.) – d’Allan Dwan – 1938

Posté : 2 juillet, 2015 @ 5:09 dans 1930-1939, DWAN Allan, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Suez

On n’a pas vraiment l’habitude de voir Dwan aux commandes d’un « film de prestige » de cette ampleur : avec ses milliers de figurants et ses décors spectaculaires, la reconstitution des ces années 1850 au cours desquelles le canal de Suez est devenu une réalité, fut même l’une des plus grosses productions de la Fox, en 1938.

Au cours des premières minutes, on a d’ailleurs un peu de mal à sentir le fameux plaisir communicatif de Dwan, cette envie de tourner et de trouver la forme juste pour raconter son histoire qui a fait sa réputation. Un peu engoncé dans une reconstitution trop grande et trop prestigieuse pour lui, Dwan ? Cette impression se fait ressentir à plusieurs reprises au cours du film, essentiellement dans les ors des palais de Louis Napoléon.

Il y a deux femmes dans le film : Loretta Young, grand amour de Ferdinand de Lesseps qui choisit d’épouser le futur empereur (oui, le film prend quelques libertés avec la vérité historique), et Annabella, sauvageonne qui tombe amoureuse de Ferdinand en Egypte. La première est somptueuse et choisit le prestige. La seconde est libre et pleine de fantaisie, sans calcul et d’une générosité absolue.

Le film navigue constamment entre ces deux femmes, ces deux personnalités: à Paris le prestige de la reconstitution ; en Egypte le souffle épique et romanesque. Ce n’est pas une surprise : Dwan est nettement plus inspiré par le souffle épique, qui prend même des dimensions cataclysmiques lors de trois séquences « catastrophes » d’anthologie.

La première est un simple orage, qui isole soudain Annabella et celui qu’elle aime, joué par Tyrone Power. Entre eux, l’alchimie est immédiate, comme si le coup de foudre qui rapprochait les deux acteurs sur le tournage donnait au film une dimension particulière.

La deuxième est un attentat incroyablement spectaculaire, qui impressionne à la fois par la beauté des images, par les centaines de figurants rassemblés, et par les trucages absolument bluffants, qui gardent aujourd’hui encore toute leur force.

La dernière est la plus impressionnante, et donne à Suez, biopic de prestige pour le studio, un aspect « film catastrophe » inattendu : une tornade qui ravage le chantier du canal, séquence incroyable aux trucages là encore formidables, et qui fascine par l’intelligence et la puissance de la narration.

Mais le film ne se résume pas à ces moments de bravoure. Spécialiste de l’aventure et de l’action, Dwan est avant tout un raconteur d’histoire qui maîtrise parfaitement son récit, et tire le meilleur de ses acteurs. C’est aussi un cinéaste qui aime improviser, et fait de certaines scènes anodines des petits bijoux. C’est le cas de la première rencontre entre Annabella et Tyrone Power, petit chef d’oeuvre d’espièglerie et de sensualité.

C’est dans l’équilibre entre ces petits moments intimes et précieux, et les grands moments spectaculaires, que Suez est vraiment réussi, et reste une petite référence dans le cinéma d’aventures.

* DVD chez Sidonis/Calysta (qui vient déjà d’éditer L’Aigle des frontières, tourné par le même Dwan quelques mois plus tard), avec des présentations par Patrick Brion, François Guérif et Yves Boisset.

Héros à vendre (Heroes for sale) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 30 septembre, 2013 @ 1:13 dans 1930-1939, BOND Ward, WELLMAN William A., YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Héros à vendre (Heroes for sale) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 heros-a-vendre

Cette curiosité tournée alors que la Grande Dépression n’en finissait plus de plonger des Américains dans la misère est à la fois une merveille de mise en scène, et l’un des films les plus forts consacrés à cette période guère glorieuse pour les Etats-Unis. En à peine plus d’une heure, le grand Wellman aborde des thèmes aussi forts que le sort des vétérans de la Grande Guerre, la chasse aux « rouges », la misère galopante et la folie du capitalisme jusqu’au boutiste.

Wellman ne signe pas un documentaire sur l’Amérique. Son film est une vraie fiction, le destin d’un homme profondément courageux et honnête, symbole des symboles de l’Amérique, victime d’une société qui, dans la crise (que ce soit la guerre ou la dépression) perd ses repères. Dans le rôle central, Richard Barthelmess est parfait. Son physique solide, et son regard déterminé, traversent les épreuves avec une dignité qui colle parfaitement au film.

Les vingt premières minutes, dans les tranchées françaises, sont parmi les plus beaux moments consacrés à la première guerre mondiale. Lui-même vétéran de la mythique escadrille Lafayette, Wellman sait ce qu’est la réalité du champ de bataille, et cela se sent dans sa manière de filmer les combats, et ces hommes forcés d’affronter la violence. Devant sa caméra, l’acte d’héroïsme qui sert de base au film ressemble surtout à un immense gâchis humain. Il n’exalte pas le héros, pas plus qu’il ne condamne ou ne juge le lâche… On sent chez Wellman une compréhension, et même un amour sincère pour ces types que les circonstances ont menés sur le champ de bataille, quel qu’y soit leur comportement.

Après ces vingt premières minutes exceptionnelles, Wellman semble vouloir brasser trop de thèmes : les traumatismes des vétérans, les addictions à la drogue des blessés de guerre, la non-reconnaissance de la société américaine… Lorsqu’il met en scène un personnage de communiste caricatural et franchement ridicule, le sentiment de trop plein n’est pas loin. Mais ce n’est qu’une fausse piste. Le film, à travers le destin de ce vétéran trop attentif au destin de ses semblables, se recentre alors sur les dérives de l’Amérique. Wellman signe un grand film politique qui, quinze ans plus tard, l’aurait sans doute conduit devant la commission McCarthy : une ode à l’entraide, et une critique d’une grande force de ce capitalisme qui dévore les plus pauvres et enrichit les plus riches.

Trois ans avant Chaplin et ses Temps modernes, Wellman évoque déjà le sort des petits ouvriers victimes de la déshumanisation du travail. Avec moins d’humour, certes, mais avec la même tendresse, et la même honnêteté. Et le même cynisme du destin : dans les deux films, le héros est condamné à la prison parce qu’il est considéré, à tort, comme le meneur d’une manifestation.

Plus curieux, et plus dérangeant : son Amérique en crise, avec les comportements inhumains des dirigeants, donne le sentiment que le monde est au bord de la rupture. Une phrase d’un immigré allemand (« si j’étais au pouvoir, je tuerais tous les pauvres et les inutiles »), et la vision des sans-abris que l’on amasse sans ménagement dans un wagon sans fenêtre, évoquent des heures encore plus sombres que Wellman ne peut pas encore imaginer.

Héros à vendre est un chef d’œuvre cruel, émouvant, mais aussi curieusement dénué de tout pessimisme, qui irradie aussi de la présence (et de l’absence, dans la dernière partie) de Loretta Young, sublime comme toujours, qui donne une profondeur, et une vie tout simplement, à un personnage loin d’être le plus intéressant du film.

Il y a des idées de mise en scène absolument géniales dans Héros à vendre. Barthelmess qui retrouve son pote soldat sur le bateau qui les ramène aux Etats-Unis, qui lui serra la main et réalise que cette main tient la médaille qui lui était destinée à lui. En un échange de regard, tout est dit entre ces deux hommes : la honte et la culpabilité de l’un, et la compréhension de l’autre, suffisamment courageux pour affronter son destin, qui semble déjà écrit.

Pas d’apitoiement ici. Malgré les tragédies qui frappent Barthelmess (et il y a de quoi déprimer tout un régiment), le personnage garde toute sa foi en l’Amérique. Ce qui s’applique sans doute à Wellman lui-même : un cinéaste fier d’être américain, mais parfaitement conscient des horreurs dont son pays peut être capable.

• Le film figure dans le volume 3 de la collection Forbidden Hollywood, coffret DVD en zone 1entièrement consacré à Wellman, avec commentaire audio d’un historien du cinéma, John Gallagher (mais sans sous-titres).

Rose de minuit (Midnight Mary) – de William A. Wellman – 1933

Posté : 20 septembre, 2013 @ 10:35 dans 1930-1939, WELLMAN William A., YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Rose de minuit (Midnight Mary) – de William A. Wellman – 1933 dans 1930-1939 rose-de-minuit

Tourné quelques mois seulement après Frisco Jenny, ce Midnight Mary a visiblement pour objectif de capitaliser sur le succès du film de Wellman, en reprenant le même cinéaste, et un thème similaire. Comme Jenny, Mary est une jeune femme qui n’aspire qu’à mener une vie décente et honnête, mais qui est née du mauvais côté.

Orpheline très jeune, elle semble marquée par le destin, qui contrarie perpétuellement ses velléités à rentrer dans le rang, la renvoyant constamment auprès d’une bande de gangsters qui se considèrent comme sa véritable famille, et avec lesquels, malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à couper le cordon.

Ce Midnight Mary est toutefois très différent du précédent film de Wellman. Par la construction d’abord : le film commence dans un tribunal, alors qu’un jury se retire pour délibérer sur la culpabilité de la jeune femme dans une affaire de meurtre. Tandis qu’elle attend le verdict, Mary se remémore son passé, depuis sa misérable enfance jusqu’aux faits qui l’ont conduite dans ce tribunal.

Cet enchaînement de flash-backs donne un ton particulier au film. Certains épisodes sont abordés en quelques secondes, d’autres donnent lieu à de longues séquences admirablement construites… mais toutes participent au même mouvement tragique : celui du destin réservé à la jeune femme, amoureuse d’un homme trop bien né pour elle (Franchot Tone, parfait en fils gâté bourré de contradictions), et qui tente désespérément d’échapper au destin que sa naissance lui promet.

C’est Loretta Young, l’une des plus belles actrices oubliées. Ses grands yeux romantiques, son sourire de fillette insouciante, son profil de séductrice fatale, cette innocence et cette sexualité qui émanent d’elle en même temps… Tout ce qui fait qu’un film avec Loretta Young n’est pas un film comme les autres.

Dans ce rôle d’héroïne tragique, elle est constamment dans la note juste, n’en rajoutant jamais dans le mélo. Elle est à l’image du film, émouvant et digne à la fois. Wellman filme, mine de rien, une œuvre sans concession (malgré la fin) et assez osée, où les futurs amants parlent ouvertement de sexe dès leur première rencontre (sans consommer cependant). Un film, surtout, qui aborde sans faux-culterie le thème des origines sociales, et la prédisposition à la misère et au crime selon la naissance.

Ce pre-code est un nouveau bijou, gonflé, intelligent et passionnant, qui porte bien la marque de Wellman. Son style percutant, son talent de directeur d’acteur, son sens du dialogue, atteignent déjà des sommets avec ce magnifique Midnight Mary.

• Le film fait partie du troisième volume de la collection Forbidden Hollywood : un coffret de quatre DVD entièrement consacré aux films pre-code de William Wellman, édité en zone 1. En bonus pour ce film : un étrange court métrage, Goofy Movies, montage d’images muettes dont l’histoire est racontée par une voix off ; un dessin animé de cette année-là (Bosko’s Parlor Pranks), la bande annonce originale de Midnight Mary, et un commentaire audio du film par les historiens du cinéma Jeffrey Vance et Tony Maietta. Hélas, les sous-titres français, disponibles pour le film, sont inexistants pour les bonus.

Le Criminel (The Stranger) – d’Orson Welles – 1946

Posté : 24 mai, 2013 @ 12:01 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, WELLES Orson, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Le Criminel (The Stranger) – d’Orson Welles – 1946 dans * Films noirs (1935-1959) le-criminel

Bien sûr, il y a Citizen Kane, Le Procès, La Splendeur des Amberson, La Soif du Mal… Mais on aurait tort de mésestimer ce « simple » film noir souvent oublié dans la liste des chef d’œuvre de Welles, mais qui fait bel et bien partie de ses réussites majeures. Il faut dire que le cinéaste lui-même évoquait Le Criminel comme un film anecdotique dans sa carrière. Mais Welles, comme d’autres grands cinéastes (Von Stroheim ou Hitchcock par exemple) avait la dent dure avec certains de ses films, et souvent bien trop dure.

Il faut dire que l’époque de ses débuts semble déjà loin : plus jamais il n’a eu (ni n’aura) la liberté totale sur ses films comme il l’a eue pour Citizen Kane. Victime des coupes brutales imposées par ses producteurs, et à des difficultés de plus en plus grandes à monter ses films, Welles accepte pour la première fois de réaliser un film de commande, et de se plier aux règles d’un genre bien établi. Mieux (ou pire) : le film entre dans le cadre des productions patriotiques nées de la seconde guerre mondiale.

Le conflit est terminé, mais la communauté internationale observe avec passion le sort réservé aux anciens bourreaux nazis. Hollywood y tient son rôle (comme elle l’avait fait pendant le conflit), et produit de nombreux films consacrés à la traque des nazis (Pris au piège par exemple). Celui-ci en fait partie, et applique à cette traque une intrigue qui ressemble étrangement à celle au cœur de L’Ombre d’un doute d’Hitchcock : un inspecteur soupçonne le paisible notable d’une petite ville d’être le criminel (en l’occurrence un important dirigeant du Reich) qu’il recherche.

On le voit, le projet de Welles semble hyper balisé. Pourtant, le résultat est un pur film wellesien, un chef d’œuvre porté par la prestation d’un trio d’acteurs fabuleux (Welles lui-même dans le rôle glaçant du nazi, Edward G. Robinson royal, et Loretta Young sublime dans le rôle le plus complexe, celui de la femme tiraillée entre son amour et sa répulsion pour cet homme dont elle ignorait le passé) et surtout par la mise en scène exceptionnelles du cinéaste.

Mouvements de caméra envoûtants, noir et blanc profond, ombres inquiétantes… Welles annonce déjà avec génie le travail qu’il effectuera sur La Dame de Shanghai, son film suivant. Le plan le plus insignifiant prend une dimension particulière grâce au soin immense apporté à sa composition, les décors, les objets, les ombres… créant des cadres dans le cadre qui semblent emprisonnés ses personnages : le flic Robinson cerné par des ennemis invisibles, le monstre Welles qui voit sa nouvelle vie partir en vrille, et la douce Loretta Young tourmentée par ses horribles doutes…

D’une production modeste répondant à des impératifs immenses, Orson Welles tire l’un de ses grands chef d’œuvre, un film passionnant, terrifiant, et constamment fascinant.

Quatre hommes et une prière (Four Men and a prayer) – de John Ford – 1938

Posté : 11 mars, 2013 @ 3:42 dans 1930-1939, CARRADINE John, FORD John, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

Quatre hommes et une prière (Four Men and a prayer) – de John Ford – 1938 dans 1930-1939 quatre-hommes-et-une-priere

Film de commande, a priori loin de l’univers de Ford, d’autant plus que les héros sont des frères d’une grande famille anglaise… un comble pour cet Irlandais de cœur et d’esprit, dont l’œuvre est bien plus marquée par l’amour de la verte Erin.

Quatre frères, donc (dont George Sanders et David Niven), qui enquêtent à travers le monde pour réhabiliter le nom de leur père (C. Aubrey Smith), grand militaire mort dans le déshonneur.

Cette enquête internationale concerne une sombre histoire de trafic d’armes, étonnamment obscure et complexe pour une œuvrette qui, la plupart du temps, reste très légère. Une complexité quasi parodique, comme si Ford cherchait délibérément à nous éloigner de l’intrigue, au profit d’une étude de caractère pleine de charmes, de légèreté et d’ironie, que résume admirablement le personnage de Loretta Young, formidable et belle comme c’est pas permis.

Une petite légèreté, où Ford impose sa marque, notamment lors d’une scène de bagarre mémorable dans un bar, portée par l’Irish et Fordien Barry Fitzgerald.

Mais la plus belle scène, inattendue et marquante, se passe sur une île d’Amérique du Sud, en proie à la Révolution. Un décor de carte postale, que Loretta Young  découvre avec une excitation de touriste. Et soudain, elle prend conscience de la réalité, de sa violence et de sa cruauté, en assistant à un massacre épouvantable… Cette soudaine immersion dans la noirceur et l’horreur est d’autant plus frappante et dure qu’elle fait irruption soudainement, au cœur d’un océan de faux semblants.

Pas une œuvre majeure, non, mais un petit film gonflé et insolent, derrière des apparence un rien inconséquentes.

 

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