San Francisco (id.) – de W.S. Van Dyke – 1936
Suite de ce petit cycle Clark Gable… et c’est du lourd, du très lourd, San Francisco, soit l’un des plus grands chefs d’œuvre de la première grande période du film catastrophe (avec L’Incendie de Chicago et La Mousson), basée sur un fait historique bien réel : le tremblement de terre qui a ravagé San Francisco en 1906.
Hollywood oblige, le séisme apparaît comme un châtiment divin pour laver la ville de toute sa salissure morale, symbolisée en l’occurrence par un seul homme : Blacky, patron du plus grand cabaret de la Barbary Coast, ce quartier aux immeubles vieillissants et prompts à l’embrasement, où se concentrent le vice et la corruption.
Tout en symboles lourdement appuyés, le film aurait pu tourner au prêchi-prêcha insupportable. La jeune héroïne, chanteuse à la voix cristalline qui débarque en ville, est tiraillée entre son amour pour Blacky le voyou, et la grande musique pure que lui offre le patron de l’opéra. Entre le vice et la vertu, avec pour arbitre un prêtre au regard bienfaisant. Et reconnaissons que dans les deux dernières minutes, le film plonge tête la première dans la religiosité hollywoodienne.
Mais il le fait avec un souffle et un style indéniable. Et avant ça, avant ces deux dernières minutes tellement too much, W.S. Van Dyke signe tout simplement un grand film, triomphe du système des studios où tout, mais vraiment tout, fonctionne parfaitement. Un scénario formidable pour commencer (signé Anita Loos, auteur de Rose de Minuit ou Femmes), et un cinéaste en état de grâce qui donne rythme, atmosphère et émotion à cette histoire pleine de musique et de mouvements.
Et il y a les acteurs : Jeanette Mac Donald, aussi bonne actrice que grande chanteuse ; Spencer Tracy, parfait en prêtre au visage constamment bienveillant ; et Clark Gable, quasiment de tous les plans, et absolument renversant. A-t-il jamais été aussi bon que dans ce rôle de mauvais garçon au grand cœur ? A-t-il jamais été aussi profondément émouvant qu’à ce moment précis où il voit les deux êtres qu’il aime le plus lui tourner le dos par sa faute ?
Il y a dans ce film une vie incroyable, une intensité folle qui n’attend pas le tremblement de terre lui-même, qui arrive d’ailleurs fort tard, et qui n’occupe qu’une petite partie du long métrage. Mais quelle partie, chef d’œuvre de montage serré au cordeau qui tire le meilleur de trucages certes spectaculaires et généreux, mais qui sentent bon le décor de studio. Ce montage si dynamique rend palpable la violence du séisme et la cruauté de ses effets.
Rien à jeter dans ce San Francisco qui reste un modèle du genre, et un exemple triomphal du savoir-faire des grands studios hollywoodiens (la MGM en l’occurrence). Chef d’œuvre.