Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour novembre, 2022

R.M.N. (id.) – de Cristian Mungiu – 2022

Posté : 30 novembre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, MUNGIU Cristian | Pas de commentaires »

RMN

Le film s’ouvre dans un abattoir, où un employé roumain rudoie son supérieur après que celui-ci l’est traité de feignant, « comme tous les gitans ». Et on sent bien que c’est le côté « gitan » qui l’a mis hors de lui, plutôt que le côté « feignant ». Il quitte son job et retourne dans son petit village de Transylvanie, où cohabitent difficilement les communautés roumaines et hongroises, et où on vit mal l’arrivée de deux Sri-Lankais embauchés par la grande usine locale, une boulangerie industrielle.

Il faut dire que cette usine, qui est le plus grand employeur local, paye au minimum, et que la plupart des travailleurs du coin sont partis à l’étranger pour gagner une meilleure paye. Mais quand même, doit-on accepter que ces étrangers viennent prendre nos boulots ? Et puis on vient à peine de retrouver la paix après d’être débarrassé des gitans, alors… Peut-on vraiment ouvrir notre communauté à tout le monde ! « On a rien contre eux, du moment qu’ils restent chez eux… »

Ajoutons encore un Français venu compter les ours pour une OMG, et la culture allemande encore bien présente des siècles après une première vague d’immigration… Il y a, concentré dans ce petit village roumain, à la fois tout le métissage culturel européen, et toute l’hostilité vis-à-vis de l’étranger… Un paradoxe explosif que Cristian Mungiu saisit avec une acuité exceptionnelle. Et notamment lors d’un très, très long plan séquence (fixe) au cours duquel le cinéaste filme une assemblée lancée en plein débat sur le sort à réserver aux Sri-Lankais.

Tous les habitants du village sont là, réunis et tournés vers les notables locaux qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit en revanche, c’est l’animosité, la défiance, la manière dont l’hostilité dirigée vers deux travailleurs sans histoire dévoile peu à peu les vieilles rancœurs, le mur qui sépare les deux communautés historiques. Et en même temps, les tourments et troubles des personnages principaux, attirés et séparés par le drame qui se noue dans le village.

D’un côté : Matthias, l’ouvrier qui revient au village, un colosse mal dégrossi, qui retrouve une épouse qu’il a visiblement maltraitée avant son départ, son fils qui ne parle plus depuis qu’il a fait une mystérieuse rencontre dans les bois, son père qui souffre d’un mal dont on ne sait pas grand-chose. Et de l’autre : Csilla, visiblement l’ancienne maîtresse de Matthias, mais aussi le bras droit de la patronne de la boulangerie. Une femme bien, qui fait ce qu’elle peut pour les deux ouvriers venus de si loin…

Quinze ans après sa belle Palme d’Or (4 mois, 3 semaines, 2 jours), Cristian Mungiu signe un film merveilleux, d’une grande puissance et visuellement splendide. Un film qui réussit le tour de force de nous plonger dans les tourments intimes de ses personnages, et de présenter un portrait complexe, pertinent et très percutant d’une Europe tiraillée par les questions d’identité et d’ouverture. La peur de l’autre, l’incompréhension, la quête de soi… Des thèmes fascinants, pour un film magnifique dont le final, déconcertant, hante longtemps le spectateur.

Sa dernière culotte (Long Pants) – de Frank Capra – 1927

Posté : 29 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Sa dernière culotte

Seconde collaboration entre le jeune Frank Capra et le comique Harry Langdon (après The Strong Man). Et difficile de trouver encore ce qui sera le style du cinéaste, ou son univers. On peut tenter de trouver des signes, se dire que l’histoire de ce jeune homme qui rêve d’un grand amour romanesque avant de réaliser tardivement que le vrai bonheur est depuis toujours à portée de main, évoque avec vingt ans d’avance celle de La Vie est belle. Au moins soulignera-t-on que Capra a de la suite dans les idées…

Mais la vérité, c’est que cette comédie est totalement dénuée du sous-texte social qui habitera tous les grands films de Capra, et d’à peu près tout arrière-plan d’ailleurs. Capra y peaufine son talent de conteur et sa maîtrise du langage cinématographique, mais son art est mis au seul service de Langdon, dont le personnage lunaire se situe quelque part à la croisée des chemins entre Chaplin et Keaton. Chaplin pour les mimiques et quelques mouvements de corps. Keaton pour le visage constamment surpris et impassible.

Il est ici un jeune homme à peine sorti de l’enfance, que sa mère rêve de voir continuer à porter des culottes courtes, meilleur remède à ses yeux contre les envies d’aventure. Elle n’a pas tort : à peine le paternel lui a-t-il offert son premier vrai pantalon qui quitte le giron familial et part à l’aventure. Oh ! Pas loin : à quelques mètres de sa maison, où il tombe immédiatement sous le charme d’une jeune femme de passage, qui se révèle être une hors-la-loi en cavale.

Et c’est là qu’apparaît l’un des moments de bravoure du film : une parade amoureuse de Langdon qui tourne littéralement autour de la jeune femme sur son vélo, enchaînant les figures acrobatiques avec un sérieux affiché franchement irrésistible. C’est de cette posture fière et totalement puérile à la fois que viennent les moments les plus drôles : Langdon se débattant avec son chapeau haut de forme… Langdon tentant d’attirer l’attention d’un policier qui s’avère être un mannequin… Les situations sont étirées au maximum, et c’est de ce temps distendu que viennent les rires.

Jusqu’à cette scène où Langdon, filmé de dos, totalement immobile, assiste passif à une bagarre acharnée entre deux femmes très court vêtues. Et on imagine bien les futurs censeurs du code Hayes assis à la place de Langdon, vomissant tous leurs repas avalés depuis quatre mois… Mais on n’y est pas encore : il y a un vrai vent de liberté qui souffle sur cette comédie, sans prétention mais pas si anodine que ça.

Le Garde du corps (Yojimbo) – d’Akira Kurosawa – 1961

Posté : 28 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

Le Garde du Corps Yojimbo

On le sait, le cinéma de Kurosawa a énormément inspiré le western, et au-delà une partie du cinéma populaire hollywoodien (des Sept Mercenaires à Star Wars). Mais lui-même s’est nettement nourri du cinéma américain. Ce Yojimbo, que Sergio Leone adaptera très fidèlement sans le dire avec Pour une poignée de dollars, doit ainsi beaucoup à La Clé de verre, classique du film noir dont le héros, joué par Alan Ladd, joue un double-jeu très similaire à celui de Toshiro Mifune ici.

Les héros des deux films, en apparence très différents, sont également taiseux, et cachent derrière un cynisme revendiqué une sorte de grandeur d’âme, en tout cas une fidélité à des valeurs qui font défaut à la plupart des autres personnages, trop occupés à se livrer à une guerre de pouvoir. Sanjuro (Mifune) est taiseux parce qu’il analyse, parce qu’il calcule, parce qu’il sait que ses talents de combattant valent cher dans un conflit comme celui qui oppose ces deux familles.

Ce cynisme est de façade : c’est parce qu’il agit en fonction de la morale que le « garde du corps » frôle le trépas (grande différence avec le remake de Leone, où on verra longuement Clint Eastwood se faire tabasser : Mifune apparaît le visage tuméfié après avoir été battu hors champs). Mais il y en a bien un fond (de cynisme) : dans la manière dont Mifune fait le ménage dans la ville, s’amusant du décompte des cadavres qu’il laisse derrière lui.

La violence est extrême (bras et mains coupés, morts qui s’enchaînent). Elle est pourtant relativement peu présente à l’écran, souvent amorcée et reportée, constamment fulgurante. Kurosawa ne s’y attarde pas (au contraire de Leone), privilégiant la tension et l’ironie, qui s’installent dès la longue scène d’introduction, lorsque le personnage de Mifune débarque dans cette ville à pied et observe en silence l’étrange ballet de haine qui s’y livre.

Sept ans après Les Sept Samouraïs, Kurosawa revient à un genre qui lui réussit bien, mais avec une vision dépouillée et radicalisée. Le cinéaste s’est montré et se montrera autrement plus ambitieux, thématiquement. Mais il se concentre ici sur le pur plaisir d’un cinéma d’action tendu et réjouissant. C’est ce qu’on appelle un exercice de style, et c’est rudement bon.

L’Innocent – de Louis Garrel – 2022

Posté : 27 novembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GARREL Louis | Pas de commentaires »

L'Innocent

Un petit vent de folie douce souffle sur cette comédie douce-amère, qui flirte allégrement avec le cartoonesque. Une scène illustre bien la manière dont Louis Garrel, devant et derrière la caméra, fait surgir le grotesque sans avoir l’air d’y toucher : son personnage (Abel, comme dans tous les films qu’il réalise lui-même) s’engueule avec sa meilleure amie (Noémie Merlant), et c’est dans un champ détrempé que ça se passe, les chaussures des deux amis s’alourdissant pas après pas de la terre qui colle aux semelles.

Le moment n’est pas drôle en soi : il y a même une vraie tension entre les deux personnages, qu’une tragédie commune relie et sépare en même temps. Mais ce détail absurde des deux amis qui s’enfoncent dans le champs (pourquoi dans les champs?) libère quelque chose chez le spectateur, comme si Louis Garrel nous autorisait à se moquer tendrement de ces personnages, tellement inspirés par sa propre histoire personnelle.

Abel, donc, est un jeune adulte un peu paumé, qui ne sait surtout plus quoi faire avec sa mère, pétillante sexagénaire qui a un cœur grand comme ça, et qui a développé une étrange habitude depuis qu’elle donne des cours de théâtre dans les prisons : elle y tombe amoureuse. Et là, ça a l’air bien sérieux avec ce braqueur repenti (« c’est fini tout ça ») qui s’apprête à retrouver la liberté pour mener une vie rangée, honnête, sans entourloupe…

Sauf qu’Abel n’y croit pas une seconde. D’abord, comment fait-il pour payer à sa mère une boutique en plein centre ville ? Alors il le suit, il l’espionne. Et c’est à un véritable jeu d’équilibriste que se livre Louis Garrel, devant et derrière la caméra, avec ce film original et très séduisant. Moins pour l’histoire que pour le ton, sorte d’équilibre impossible et pourtant tenu entre tragédie et burlesque, entre vérité et excès…

Il y a du Woody Allen dans cet équilibre-là, dans cet humour décalé, et dans cette manière de placer la notion de jeu et de théâtre au cœur de tout. Louis Garrel, chouette auteur : une révélation pour moi. Louis Garrel, grand directeur d’acteurs aussi. Bon… de grands acteurs, c’est vrai, mais son mérite n’en est pas moins grand : encore fallait-il aller chercher Anouck Grinberg, qui fait son grand retour après une panouille dans Les Volets verts. Quant à Roshdy Zemm, après Les Enfants des autres et avant son propre film Les Miens, c’est décidément son année….

LIVRE : Louis Jouvet – d’Olivier Rony – 2021

Posté : 26 novembre, 2022 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Louis Jouvet

Il y a des biographes qui délayent commentent longuement pour combler des vides, des lacunes… Et il y a Olivier Rony, déjà auteur d’un livre de référence sur Jules Romains, qui signe la biographie définitive sur le plus fidèle interprète de l’auteur de Knock. Ce Louis Jouvet est à l’image de ce titre si dénué d’artifice : il est précis, complet, total, et dénué de toute lacune. Si, si.

C’est en tout cas le sentiment que l’on a à la lecture de ces 375 pages incroyablement denses. C’est bien simple : il n’y a pas une phrase sans une information. Le livre s’ouvre sur la naissance du petit Louis Jouvet, se referme sur sa mort soixante-quatre ans plus tard. Entre les deux : le quotidien d’un homme qui a placé le théâtre au cœur de sa vie, travaillant sans s’accorder de repos jusqu’au tout dernier instant.

Fascinant parcours de cet homme dont la vie semble réellement commencer avec sa découverte du théâtre, dont Olivier Rony détaille les rencontres, les influences, les amitiés, les amours. Et les projets théâtraux surtout, dont on découvre les coulisses avec un sens du détail fascinant : les échanges avec les auteurs, les doutes, les problèmes de décors, les choix de mise en scène…

Le livre est si bien documenté qu’il nous donne le sentiment d’être dans la salle, ou sur le plateau, ou dans les loges. Bref, aux côtés du maître, dont on partage la flamme et les colères. L’homme n’est pas oublié : son premier mariage, son histoire d’amour avec Madeleine Ozeray, mais aussi son attitude ambiguë durant les années d’Occupation, qu’il a passées en tournée sur le continent américain.

Le cinéma occupe dans le livre la place qu’il occupait vraisemblablement dans la vie de Jouvet : relativement annexe. Non pas qu’il méprisait les films : on sent chez lui un vrai plaisir à s’autoriser ces distractions. Mais un plaisir qu’il s’autorise avant tout pour financer ses productions théâtrales. Rony accorde toutefois quelques beaux passages à une poignée de chefs d’œuvre (Hôtel du Nord ou Quai des Orfèvres notamment), écartant en quelques lignes d’autres jugés moins importants (l’éternellement sous-estimé Les Amoureux sont seuls au monde).

La dernière partie du livre est peut-être la plus belle. La santé déclinante de Jouvet, la disparition successive de plusieurs proches très importants dans son parcours (Jean Giraudoux d’abord, puis Jacques Copeau et Charles Dullin coup sur coup)… La mort hante le comédien dans les derniers mois de sa vie. La manière dont Olivier Rony raconte ses derniers instants, avec cette précision qu’il a adoptée dès la première page, est bouleversante.

Rollerball (id.) – de John McTiernan – 2002

Posté : 25 novembre, 2022 @ 8:00 dans 2000-2009, ACTION US (1980-…), FANTASTIQUE/SF, McTIERNAN John | Pas de commentaires »

Rollerball

C’est donc pour ce film-là que McTiernan est allé en prison, après avoir fait espionner ses producteurs qu’il soupçonnait de vouloir saborder son rêve : faire de ce remake d’un film de Norman Jewison une sorte de Spartacus moderne… Pour retrouver des traces du chef d’œuvre de kubrick, il faut bien lire entre les lignes. Si la thématique est bien là, le résultat est quand même nettement plus proche d’un direct-to-dvd parfois très anonyme.

La patte du grand cinéaste de Predator, on la devine dans cette manière très personnelle de nous plonger au cœur de l’action la plus violente, pour tout de suite nous en extraire, comme si on y assistait de très loin. Du cinéaste qui a révolutionné le film d’action bourrin, on ne retrouve l’ambition que dans de brefs moments. Un, surtout : une étonnante course-poursuite au milieu du film, longue séquence intégralement filmée en vision nocturne monochrome.

Cette séquence radicale rompt avec le reste du métrage, gâché par un montage hyper syncopé qui semble confirmer que McTiernan a rapidement été dégagé de la post-prod, lui dont les films sont plutôt marqués par un montage au cordeau (et pas à la hache). Cela dit, a-t-il seulement été impliqué dans la pré-production du film ? Aucun autre de ses longs métrages n’est joué par des acteurs si dénués d’intérêt (un transparent Chris Klein dans le rôle principal, un Jean Réno sans surprise dans celui du méchant).

Rollerball pourrait, devrait être une sorte de fable ultra-violente, critique acerbe du capitalisme galopant. Il l’est sur le papier, mais l’absence totale de nuances et la manière dont tout ce qui n’est pas action pure est évacué n’aide pas à se passionner pour ce jeu de balle auquel on ne comprend pas grand-chose et qui n’a pas grand-intérêt, dont on imagine bien ce qu’il aurait pu représenter dans un Spartacus moderne.

Rollerball n’est pas même vraiment satisfaisant en tant que pur film d’action : on sent constamment McTiernan contraint, incapable de livrer le film politique, ou le pur exercice de style, qu’on aurait pu espérer.

Le Jouet – de Francis Veber – 1976

Posté : 24 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, VEBER Francis | Pas de commentaires »

Le Jouet

Pur hasard dû à la programmation d’un petit cinéma de province, voilà déjà que la rubrique « Francis Veber » de ce blog s’enrichit d’un autre film, un autre classique à sa manière après La Chèvre. Enfin, plutôt avant puisqu’il lui est antérieur. Le Jouet est typiquement une comédie à concept : un gosse de riche beaucoup trop gâté qui peut choisir ce qu’il veut dans le magasin de jouet de son père décide d’emmener chez lui l’un des employés dudit père, qui ne veut décidément rien lui refuser…

Ce n’est pas d’une finesse extrême, ce n’est même pas tellement drôle finalement. Le gosse est d’abord horripilant, avant de devenir sensible et attachant. Bref, rien d’inattendu, et c’est une nouvelle fois du côté de Pierre Richard qu’il faut chercher la raison d’être du film. Excellent en pierrot lunaire, idéal en victime plus ou moins consentante… On ne croit pas une seconde en son personnage, pas plus que dans quoi que ce soit dans le film. Mais l’acteur dégage une sorte d’aura bienveillante et bienfaisante qui ne se refuse pas.

Pour le reste, la fable prévaut sur la farce, les bons sentiments étouffent l’humour, Michel Bouquet caricature sa propre image de bourgeois hautain, la mise en scène n’a qu’un intérêt purement fonctionnel. Le Jouet vient de subir un remake modernisé avec Jamel Debbouze. Pas sûr qu’on s’y attaque très très vite pour comparer…

La Chèvre – de Francis Veber – 1981

Posté : 23 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, VEBER Francis | Pas de commentaires »

La Chèvre

Un passage me réjouit, encore et encore. Après une série de catastrophes que sa maladresse a déclenché, le personnage de Pierre Richard se retrouve dans le désert face à son comparse Gérard Depardieu, profitant d’un rare moment de calme pour discuter. Pendant qu’il parle, Pierre Richard s’enfonce lentement, les pieds pris dans des sables mouvants, imperturbables. Depardieu lève les yeux au ciel et souffle, fatigué : « Qu’est-ce que vous faites encore ? »

Franchement, on pourrait ne parler de La Chèvre qu’en évoquant ce passage, qui résume la réussite du film : l’alchimie parfaite entre deux gueules, deux corps, qui n’ont pas besoin d’en faire trop pour être drôles. C’est ce qu’on appelle un miracle de cinéma, le genre de miracles qui permet à un cinéaste-scénariste souvent mathématique et froid (Veber) de réussir un film lumineux et souvent hilarant. Un autre exemple : le « test de la salière », dont on sait d’emblée comment il va se terminer, et qui fonctionne si bien non pas grâce à l’astuce de scénario, mais grâce aux visages impavides des deux acteurs.

D’ailleurs, il faut un peu de temps pour que la magie opère, jusqu’à la rencontre de Richard et Depardieu. Avant ça, les mêmes gags basés sur la maladresse et la malchance qui ouvrent le film laissent franchement de marbre. Alors non, La Chèvre ne va pas suffire à réhabiliter Francis Veber sur ce blog. Mais il suffit largement à confirmer le talent comique des deux acteurs, et la grandeur de leur associations.

Capitaine sans peur (Captain Horatio Hornblower) – de Raoul Walsh – 1951

Posté : 22 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Capitaine sans peur

On peut débattre et rétorquer que L’Aigle des mers ou Capitaine Blood, c’est aussi drôlement bien. J’en entends aussi clamer que Master and Commander calme tout le monde… Mais quand même, à le voir pour la première fois depuis bien longtemps, je le réaffirme et le crie haut et fort : Capitaine sans peur est le plus grand film d’aventure maritime de tous les temps. Et si ce titre doit être mis en balance, disons en fan évidemment totalement objectif de Raoul Walsh que je suis que ce serait avec le merveilleux La Belle espionne que ce serait…

Capitaine sans peur confirme en tout cas que Walsh est immense, et qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il s’agit de faire souffler un souffle épique constant sur un film où les moments d’attente sont aussi nombreux et importants que les morceaux de bravoure. Entre un Gregory Peck mutique, le regard fixé sur l’horizon, et une bataille navale mémorable, le film trouve un équilibre exceptionnel. En état de grâce qu’il est, Walsh, avec cette fluidité si parfaite qui est sa marque la plus impressionnante.

Dans le rôle d’Horatio Hornblower, Gregory Peck trouve l’un de ses plus grands rôles. Pas le plus complexe sans doute : malgré le mystère qui l’entoure dans toute la première partie, on sent d’emblée que ce visage si beau et si lisse ne cache pas de réelles zones d’ombre, mais une grandeur qu’il se refuse à afficher au grand jour. Mais quelle classe, quelle présence ! Et quel couple il forme avec Virginia Mayo, actrice magnifique qui doit décidément tous ses grands rôles (entre les westerns La Fille du désert et Une corde pour te pendre, elle est aussi la trouble compagne de Cagney dans L’Enfer est à lui… Que du bon).

Technicolor flamboyant, couchers de soleil somptueux, clairs-obscurs envoûtants, rebondissements en pagaille, ampleur des scènes d’action, profondeur des enjeux dramatiques… Capitaine sans peur est ce qu’on peut appeler un film profondément généreux, tourné pour le seul plaisir du spectateur. C’est l’apogée du grand cinéma d’aventure, le triomphe du système hollywoodien. J’arrête là, ou je risque de dégainer le terme « chef d’œuvre »…

Méphisto – de Henri Debain et Georges Vinter – 1931

Posté : 13 novembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, DEBAIN Henri, GABIN Jean, VINTER Georges | Pas de commentaires »

Méphisto

Le film invisible, celui que les vrais amoureux de Gabin rêvaient de voir depuis des décennies : ce film dont on savait vaguement qu’il existait une copie conservée dans une cinémathèque (celle de Toulouse), mais qui n’était jamais sortie de sa boîte. Et voilà que les indispensables magiciens de Lobster Films se sont lancés dans une restauration du film, qui permet aujourd’hui de découvrir enfin ce film mystérieux, dans tous les sens du terme.

Verdict final, pour commencer : Méphisto n’est pas un chef d’œuvre. Très influencé par le Fantômas de Louis Feuillade, il reste encore très marqué par l’esprit de ces serials des premiers temps, avec un méchant au look iconique (chapeau profondément enfoncé, grand manteau, large écharpe dissimulant le visage), un super-enquêteur sur sa piste (Gabin en personne), des fausses-pistes, des rebondissements et des cliffhangers qui clôturent les différentes parties (le film est divisé en quatre chapitres).

Mais aussi : un rythme qui semble déjà approximatif en ce début des années 30. Le début, surtout, est assez poussif, avec un jeu d’acteur qui semble bien maladroit. Même Gabin paraît un peu emprunté. Il faut dire à sa décharge qu’il n’a que peu d’expérience de l’écran : il n’a alors à son actif qu’un unique long métrage, Chacun sa chance. Il est encore connu avant tout pour sa carrière au music-hall, où il se livre à des numéros très influencés par Maurice Chevalier.

En pleine enquête, on le voit donc monter sur scène (littéralement) le temps d’une chanson qui a tout d’un tube pour l’époque : « J’aime les grosses femmes »… Tout un programme ! Curieusement, c’est en montant sur scène dans un boui-boui marseillais que son personnage gagne en épaisseur, et que Gabin semble gagner en confiance. Son jeu s’affirme, sa présence s’impose. Ce n’est pas encore le grand Gabin, mais c’est un Gabin en construction, et c’est passionnant.

Comme il est passionnant de le voir dominer les débats dans ce qui est son premier rôle de flic (il faudra attendre près de vingt-cinq ans pour le revoir endosser l’imper du policier, ce sera pour Razzia sur la chnouf), véritable héros quasi-omniprésent à l’écran. Il lui manque encore un peu d’épaisseur, c’est vrai. Mais à sa décharge, le scénario est assez improbable, avec un « génie du crime » dont on se demande bien ce qu’il cherche vraiment, et qui passe quand même tout le film à rater à peu près tout ce qu’il essaye…

Mais il y a quelques belles idées (le « résumé » des épisodes précédents qui utilise la voix populaire autour des journaux du jour), de beaux moments de suspense (la scène du train, ou celle de la cave, fort joliment réalisées et très tendues), une belle manière de filmer les ruelles de Marseille, ou les extérieurs parisiens. Une fraîcheur aussi, et une générosité dans l’action et les rebondissements. Et le plaisir, immense, de découvrir cette curiosité. Enfin.

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