L’Homme qui rit – de Jean-Pierre Améris – 2012
Le roman de Victor Hugo est imposant et foisonnant. Trop sans doute pour Jean-Pierre Améris, qui enfile les scènes comme on enfile les perles sur un collier. Le résultat est souvent bien joli, visuellement très ambitieux, et donne de bien jolies photos d’exploitation, à accrocher aux devantures des cinémas. Mais il manque l’essentiel : une âme, une atmosphère, un rythme… Autant d’éléments que j’ai en vain essayé de trouver.
Au contraire, Améris semble constamment à côté de la plaque, loupant dans les grandes largeurs toutes les scènes clés. Celle, capitale, où « l’homme qui rit », monstre de foire devenu noble malgré lui, s’adresse au parlement, ressemble à un mauvais rêve, et n’a pas le poids qu’elle devrait avoir. Celle, dramatique, de la mort de l’un des personnages principaux, sur le champ de foire, a un aspect étrangement figé…
Dommage, parce que ce monstre de foire, gamin défiguré par une affreuse cicatrice, est un personnage fascinant, aussi bien pour le spectateur d’aujourd’hui que pour celui du Paris de Victor Hugo, attiré par cette aberration vivante. Et parce qu’il y a dans cette histoire terrible quelque chose de très actuel qui ne transparaît pas vraiment.
Dommage aussi parce que les acteurs sont excellents, et qu’il y a Gérard Depardieu, dont on oublierait presque, ces temps-ci, qu’il peut être un acteur formidable. Et il l’est, ici, dans un rôle capital, et avec une sobriété qu’on ne lui connaît pas toujours. Grand cœur perdu dans un corps trop grand… le personnage est touchant, Depardieu en fait une masse de douleur et de dignité absolument bouleversante. Dans le tout dernier plan du film, ravalant avec peine son malheur, il apparaît sensible et irrémédiablement perdu. Il est ce qu’il y a de plus beau dans ce film…