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Archive pour la catégorie 'DE SICA Vittorio'

Les Sorcières (Le Streghe) – de Luchino Visconti, Mauro Bolognini, Pier Paolo Pasolini, Franco Rossi, Vittorio De Sica – 1966

Posté : 15 novembre, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, BOLOGNINI Mauro, DE SICA Vittorio, EASTWOOD Clint (acteur), PASOLINI Pier Paolo, ROSSI Franco, VISCONTI Luchino | Pas de commentaires »

Les Sorcières

Silvana Mangano en star de cinéma rêvant d’une vie de femme. Silvana Mangano en conductrice taiseuse. Sivana Mangano en apparition angélique. Silvana Mangano en vengeresse sicilienne. Silvana Mangano en épouse frustrée… La star semble être la raison d’être de ce film à sketchs produit par Dino de Laurentiis, qui était alors son mari.

C’est aussi l’une des affiches les plus excitantes de ce genre alors très en vogue en Italie : Visconti, Pasolini, De Sica, Rossi et Bologini derrière la caméra, Ennio Morricone à la partition, et quelques-unes des vedettes les plus en vue de ce côté là des Alpes devant la caméra, d’Annie Girardot à Toto en passant par… Clint Eastwood. Eh oui. Le résultat est, disons, inégal.

La sorcière brûlée vive (La strega bruciata viva) – de Luchino Visconti

Le premier sketch, le plus long, est d’une cruauté mordante. Une actrice célèbre passe la soirée dans une grande maison à la montagne, entourée « d’amis ». Les guillemets sont de rigueur, tant la star est ramenée à son statut déshumanisé, méprisée et jalousée par les femmes, convoitée par les hommes. Seule l’hôtesse jouée par Annie Girardot semble voir la femme derrière le fard.

C’est d’ailleurs lorsque la star est dépouillée de son maquillage qu’elle peut s’autoriser à laisser parler son humanité, sa volonté d’exister au-delà de ce statut figé auquel tout le monde la renvoie constamment. La cruauté de ces rapports est renforcée par l’apparente légèreté de cette soirée, où la musique et les rires sont omniprésents.

Très joliment photographié, avec une lumière chaude et tamisée propice à l’intimité, mais aussi aux comportements les plus débridés, ce segment signé Visconti est une vraie réussite, et offre à Silvana Mangano un très beau rôle.

Sens civique (Senso civico) – de Mauro Bolognini

Le deuxième segment, signé Mauro Bologni, est nettement plus léger (et le plus court de tous), pas moins ironique, mais plus anodin. Silvana Mangano est ici une automobiliste coincée à cause d’un accident, qui propose d’emmener un chauffeur blessé à l’hôpital. Elle traverse alors Rome à toute allure (des scènes qui semblent avoir été tournées en condition réelle), passant les hôpitaux les uns après les autres…

Tout repose sur le petit twist final, et sur le verbiage incessant du blessé joué par Alberto Sordi, qui se plaint d’être mourant tout en laissant transparaître sa nature profonde lors d’un bref moment de lucidité : « Mais vous êtes une femme ! Ah, si je n’étais pas blessé… » Six minutes montre en main, suffisant pour livrer une vision pas glorieuse des rapports femmes/hommes.

La Terre vue de la lune (La Terra vista dalla luna) – de Pier Paolo Pasolini

C’est une vraie farce qu’écrit et réalise Pasolini, tout au service de Toto, la star comique incontournable du cinéma italien. Affreux, bêtes et méchants… Ce pourrait être le titre de ce segment régressif dont l’humour peine à convaincre, tout comme les parti-pris esthétiques d’une laideur assumée : décors périurbains sans charme, couleurs criardes, costumes et maquillages comme sortis d’un mauvais dessin animé.

Silvana Mangano, curieusement en retrait cette fois, incarne une sorte d’apparition angélique, sourde et muette qui semble répondre aux attentes de Toto et de son fils, en quête de la femme idéale depuis qu’ils ont enterré leur femme et mère lors de la scène inaugurale, joyeusement cynique. Difficile de prendre ça au sérieux, quand même.

La Sicilienne (La Siciliana) – de Franco Rossi

La rupture de ton est radicale : Rossi filme ce très court segment d’une manière particulièrement dramatique, avec gros plans, jeux d’ombres et montage serré. Le style est presque brutal, mais la musique très présente n’y trompe pas : l’ironie est encore au cœur de cette histoire de vengeance sicilienne.

Mangano, tout en excès dramatiques, joue avec les sentiments exacerbés de l’île jusqu’à une tuerie finale et de grands cris éplorés dont l’outrance tranche radicalement avec l’intensité visuelle du film. Plutôt percutant, mais comme une simple parenthèse avant l’ultime segment, nettement plus riche.

Une soirée comme les autres (Una sera come le altre) – de Vittorio De Sica

Le film se termine en beauté avec le segment le plus original. Peut-être pas le plus intense, ni même le plus profond, mais le plus original. Et accessoirement celui pour lequel Les Sorcières a trouvé une place dans quelques livres de cinéma : parce que c’est dans ce segment, sous la direction de Vittorio De Sica, que la très jeune star Clint Eastwood a trouvé son premier rôle à contre emploi.

Parce que non, sa carrière italienne ne se limite pas aux trois westerns de Sergio Leone : avant de tourner Le Bon, la brute et le truand, Clint a joué dans ce film à sketch, apparaissant dans le générique de début portant chapeau de cowboy et revolvers à la main, mais tout sourire. Une vision très ironique, tant son personnage est aux antipodes de l’homme sans nom.

Il incarne ici le mari particulièrement ennuyeux et casanier de Silvana Mangano, épouse qui rêve de retrouver la flamme de la jeunesse, contrainte de partager le quotidien d’un mari qui ne pense qu’à se reposer, manger et boire son verre de whisky avant d’aller se coucher pour être dispo le lendemain matin pour une nouvelle journée de travail.

Sa prestation de bonnet de nuit est assez réjouissante, face aux airs joliment désespérés de Mangano, touchante et passionnée. Mais ce segment séduit surtout par les scènes très cartoonesques mettant en scène les fantasmes de l’épouse, qui imagine son mari se faire rudoyer ou retrouver une virilité éteinte, ou qui se voit en grande séductrice avec tous les hommes à ses pieds.

Les Sorcières se termine en beauté avec ce segment, qui est aussi l’une des curiosités les plus oubliées de la filmographie de Clint Eastwood. Rien que pour ça…

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) – de Vittorio De Sica – 1948

Posté : 11 juin, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, DE SICA Vittorio | Pas de commentaires »

Le Voleur de bicyclette

Le regard de ce gosse… Bon sang, le regard de ce gosse ! C’est en miettes que l’on sort de ce film pourtant très pudique. Essoré, désespéré, révolté, et pour tout dire bouleversé. Dans ce grand film, sommet du néoréalisme italien, Vittorio De Sica réussit un pari improbable : faire d’un simple vélo le symbole d’une société qui va mal.

Ce vélo, qu’Antonio n’a pu sortir du Monts de Piété qu’en mettant au clou les draps familiaux, il en a un besoin absolu pour conserver ce job de colleur d’affiches qu’il a enfin trouvé après deux ans de chômage. Sans lui, c’est le retour à la misère, l’assurance de mourir de faim, sans perspective ni pour lui, ni pour sa femme, ni pour ce fils qui le regarde avec les yeux confiants de celui qui sait que son père ne peut pas échouer, quoi qu’il fasse.

Sauf que ce vélo, Antonio se le fait voler. Et que c’est tout son monde qui s’écroule, tout ce que la vie était sur le point de lui apporter. Alors il court à travers la ville, cette Rome si pleine de misères, de laideurs, de privations… et de vélos. Il erre dans la ville, flanqué de son fils aux grands yeux pleins d’amour. Ces grands yeux dans lesquels il finira par voir sa propre honte.

Ce qui frappe d’emblée dans le film, ce sont les décors, tristes, gris et lumineux à la fois. Et la manière dont De Sica les filme, dans un noir et blanc superbe qui baigne ce récit hyper réaliste d’une sorte de poésie envoûtante. Ce qui frappe ensuite, c’est la tension que le cinéaste crée autour de ce vélo, dont on devine très vite qu’il va disparaître. Alors il le place dans un coin du cadre, puis le cache, puis le filme de nouveau. Et c’est un suspense digne d’un film noir qui naît…

Mais on n’est pas dans le film noir (encore que…). On est dans la chronique sociale d’une Italie rongée par la pauvreté et le chômage. Lamberto Maggiorani, magnifique dans le rôle de ce père qui se bat pour sauver ses espoirs et sa dignité, est un peu le symbole de cette société, comme Henry Fonda est devenu celui de la Grande Dépression avec Les Raisins de la colère.

Le duo qu’il forme avec son fils de cinéma, joué par le tout jeune Enzo Staiola, évoque furieusement celui que formaient Chaplin et Jackie Coogan dans Le Kid. Dans les deux cas, père et fils sont liés face à l’adversité, et ont une relation quasi fusionnelle. Mais il y a ici, chez le père, des fragilités, des angoisses, et cette conscience que, contrairement au cinéma, tout ne s’arrange pas dans la vraie vie. Et ce regard, superbe et terrible.

 

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