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Archive pour la catégorie 'GANCE Abel'

Napoléon – d’Abel Gance – 1927 (restauration 2024)

Posté : 3 décembre, 2024 @ 8:00 dans 1920-1929, 2020-2029, FILMS MUETS, GANCE Abel | Pas de commentaires »

Napoléon 1927

Voilà le film le plus long de ce blog : près de 7h30 de projection. Peut-être même le plus ambitieux, le plus énorme, et le plus mythique. Et c’est pourtant un film inachevé, ou plutôt le premier volet d’une immense saga qui devait retracer toute la vie de Napoléon jusqu’à sa mort. Parce que ces 7h30 hallucinantes se concentrent sur la jeunesse et l’ascension de Bonaparte, jusqu’au début de sa triomphale campagne d’Italie, en 1797.

Le Napoléon d’Abel Gance a toujours été un grand classique du cinéma, quelle que soit son montage (le plus récent et le plus complet, datant d’il y a une vingtaine d’années, dépassait déjà les 5h). Mais jamais, depuis près d’un siècle, on n’avait eu l’occasion de voir ce qui ressemble bien à la vision définitive de Gance, qui plus est avec une restauration qui frôle la perfection : 7h18 de film, donc, projeté en deux parties.

Au-delà de l’intérêt historique de la chose, Napoléon surprend et émerveille par l’ampleur de sa mise en scène, et par sa beauté visuelle assez hallucinante. A vrai dire, il semble bien qu’il n’y ait pas le moindre plan anodin dans cette fresque fleuve. C’est comme si Abel Gance (qui se réserve le petit rôle de Saint-Just) avait pensé chaque image comme une œuvre en soit. Pour dire ça autrement : il y a plus de cinéma dans une seule scène de Napoléon que dans la majorité des blockbusters actuels.

Voir Napoléon aujourd’hui impressionne d’ailleurs par cette ambition formelle, et par les moyens qui y sont déployés : des centaines, voire des milliers de figurants à l’écran, une reconstitution historique impressionnante, et surtout une invention formelle de chaque instant. On a beaucoup parlé du triple écran, innovation technique spectaculaire qui se résume à vrai dire au dernier quart d’heure, soulignant l’ampleur et la dimension quasiment mystique de la campagne d’Italie. Mais ce n’est finalement qu’une innovation parmi d’autres.

Un montage savant, des travellings dynamiques qui nous plongent au cœur de l’action et des drames, une caméra portée autrement plus convaincante que les excès du cinéma hollywoodien récent qui rendent l’action illisible… Ce n’est pas la première fois qu’Abel Gance signe une grande fresque qui est aussi du cinéma total : quatre ans plus tôt, La Roue était déjà un immense chef d’œuvre d’une invention et d’une maîtrise hallucinantes.

L’ambition est sans doute plus grande encore pour Napoléon. Et même s’il n’évite pas quelques longueurs (dans la partie finale surtout, qui flirte avec la grandiloquence), le film bénéficie d’un rythme incroyable, tout au long de séquences toutes mémorables. Dès la première : magnifique évocation de l’enfance de Bonaparte à l’école militaire de Brienne, avec une bataille de boules de neige homérique et la présence très symbolique (et émouvante) d’un aigle.

Le plus impressionnant : le siège de Toulon, sommet de mise en scène qui confronte la légende de l’homme aux horreurs des combats. Et voilà sans doute l’une des plus grandes batailles jamais filmées au cinéma. Parce que Gance y filme aussi bien le mouvement général des combats que les visages rageux et les corps détruits, avec un mélange d’efficacité et d’émotion inégalé.

Le film est ainsi une succession de grands moments, d’événements historiques plus ou moins romancés, qui sont aussi une manière de raconter la révolution française du point de vue de Napoléon. La manière dont Gance réussit à garder ce point de vue, alors que l’homme ne participait pas aux événements, est brillante : il filme Bonaparte installé à son bureau, dans un appartement qui domine la scène, manière de l’inclure dans le récit tout en l’en gardant à distance.

Gance accorde aussi beaucoup d’attention aux autres personnages, historiques pour la plupart, à commencer par sa rencontre avec Joséphine, et leur passion naissante. Mais les plus beaux personnages, ceux qui donnent du relief à ces figures historiques, ce sont les gens du peuple, en particulier la jeune femme jouée par Annabella (dans son tout premier rôle), jamais bien loin du futur empereur, qu’elle aime d’un amour secret.

La plus belle scène du film est, d’ailleurs, peut-être celle qui s’éloigne le plus des faits historiques. Ce moment où la jeune femme se laisse emporter par son imagination romantique : ses « noces » avec l’ombre si reconnaissable de Napoléon. La puissance de la mise en scène de Gance, entièrement au service de l’émotion… C’est beau.

On pourrait évoquer à peu près n’importe quel moment du film, tant il est riche. Ou simplement conclure : voir Napoléon dans cette version là est une expérience de cinéma rare.

Paradis perdu – d’Abel Gance – 1940

Posté : 31 mai, 2024 @ 8:00 dans 1940-1949, GANCE Abel | Pas de commentaires »

Paradis perdu

Petit hommage à Micheline Presle avec ce film de jeunesse signé, excusez du peu, Abel Gance. Une curiosité (exhumée par le précieux Cinéma de Minuit, une nouvelle fois), et une merveille, éclairée par la grâce lumineuse de la jeune actrice.

Elle apparaît tardivement dans le générique, comme une guest star, derrière l’acteur principal Fernand Gravey, et derrière l’icone Elvire Popesco (très bien dans un rôle de princesse russe… ou de bonne fée), derrière aussi quelques seconds rôles de prestige (Alerme, Le Vigan, Jeanne Marken)… Mais elle est bien l’âme de ce beau film.

Une apparition, comme un miracle pour le jeune peintre que joue Gravey, qui tombe amoureux d’elle un 14 juillet, en 1914. C’est la première partie du film : le paradis, ces instants de pur bonheur, que Gance filme avec une merveilleuse légèreté, et même une vraie allégresse. Cette première partie tire du côté du feel good movie, de la comédie, de la joie la plus pure.

Et c’est quand le bonheur est le plus total qu’éclate la guerre, la mobilisation générale, et le deuxième mouvement du film : les quotidiens de guerre parallèles et à distance des deux amoureux, lui sur le front, elle dans les usines, dans des décors étonnamment semblables : de la sueur, du vacarme, et des rails de wagonnets pour toile de fond…

Et l’irruption du drame, dans une séquence d’une très grande beauté douloureuse, qui nous noue le ventre.

La troisième et dernière partie est moins convaincante, poussant le bouchon du mélodrame un peu loin, avec les grands violons et l’incontournable sens du sacrifice. C’est un rien moins intense, mais c’est beau, tout de même. Et le sourire de Micheline Presle est décidément irrésistible…

Le Roman d’un jeune homme pauvre – d’Abel Gance – 1935

Posté : 6 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, GANCE Abel | Pas de commentaires »

Le Roman d'un jeune homme pauvre

Abel Gance a signé des films immenses, révolutionnaires, mais pas que… Adapté d’un roman à succès qui semble être une belle source de guimauverie (mais je ne l’ai pas lu, donc…), Le Roman d’un jeune homme pauvre est loin, très loin de La Roue, dont chaque plan ou presque était renversant. Passé les quelques minutes d’introduction, brillante séquence de vente aux enchères, le film est au mieux anodin, au pire un peu pénible, tant l’histoire que Gance porte à l’écran paraît d’un autre temps, bourrée de clichés et de rebondissements faciles.

Heureusement, il y a Pierre Fresnay, formidable en marquis ruiné qui accepte un poste de régisseur (comble de la déchéance pour cet aristocrate sans le sou), justement dans un domaine dont le propriétaire cache un lourd secret qui lui est intimement lié. Evidemment, le marquis désargenté va tomber amoureux de la fille de la maison, qui se méfie des chasseurs de dot, et qui va passer tout le film à souffler le chaud et le froid sur le pauvre Fresnay, qui est quand même de bonne composition.

Enormes ficelles, réalisation d’une modestie qui confine au désintérêt manifeste pour Gance, qu’on a connu plus fervent que dans ce film cousu de fil blanc, dont surnagent simplement quelques idées originales, comme cette vieille dame qui rêve de construire une cathédrale pour y être enterrée, ou les scènes muettes confrontant un Pierre Fresnay digne mais désemparé à la faim qui le tenaille… Mais tout ça reste bien mineur, bien faiblard, et souvent bien ennuyeux.

La Roue – d’Abel Gance – 1923

Posté : 19 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, GANCE Abel | Pas de commentaires »

La Roue

Sept heures de grand cinéma, sept heures d’émotion, de claques dans la gueule, d’images inoubliables, mais aussi de démesure et d’une certaine forme (jubilatoire) de mégalomanie… La Roue, chef d’œuvre que l’on découvre enfin dans la version (longue !) voulue par Abel Gance, est un monument du septième art. Un film visuellement d’une force incroyable. Une grande fresque démesurée. Mais avant tout, un immense bonheur de cinéma.

Dès le générique, deux choses frappent l’esprit : la démesure égotique de Gance, qui se filme lui-même en gros plan ; et sa manière de donner du mouvement à l’image, cette manière unique de filmer les rails, qui est en soit un vrai poème visuel, sorte de quintessence du geste cinématographique. En quelques images, et avant même de camper son histoire, Gance happe le spectateur. Dès ce générique, déjà, les sept heures du film n’ont plus rien d’intimidantes, au contraire.

C’était il y a près de cent ans, et on doit pouvoir affirmer sans crainte que personne n’a jamais filmé une voie ferrée avec autant de force depuis. Gance, dans son film, multiplie les effets visuels, tout en racontant son histoire avec un classicisme séduisant. Bref, c’est comme si tout le cinéma, dans toute sa complexité, était réuni dans La Roue. Sens du cadre, du rythme, utilisation de tous les trucages à disposition (caches, surimpressions, montages, tâches de couleurs)… Gance n’expérimente pas : il maîtrise comme personne le langage cinématographique.

Dans le prologue, on ne voit pas réellement l’accident de train se produire. Mais le plan qui le précède, le montage syncopé qui suit, puis l’utilisation conjuguée de ce montage et de couleurs vives, de gros plans dramatiques et de plans larges chaotiques… Tout ça nous plonge littéralement dans le drame, le vacarme, le sang et les larmes.

On retrouve tout au long du film la même puissance dans le chaos interne qui hante le mécanicien Sisif, dont les gros plans habités sont autant d’images inoubliables. Gance filme la culpabilité avec une force rare. Dans le prologue, celle de l’aiguilleur. Puis celle de Machefer qui aveugle son ami. Et celle de Sisif bien sûr, terrible.

Sisif, cet homme humble, courageux et généreux, dont la vie est broyée parce qu’il tombe amoureux de la fillette qu’il a sauvée et élevée, devenue femme, et qui croit toujours être sa fille. Une jeune femme totalement innocente, qui n’a pas la moindre idée des ravages qu’elle provoque chez ceux qu’elle aime : son père, mais aussi son frère, tous deux devenant des rivaux sans le vouloir.

La Roue a la force des plus grandes tragédies, avec des moments extraordinaires. Cette déchirante scène des retrouvailles où Norma est repoussée, sans comprendre pourquoi, par son « père » et son « frère ». Ou cette autre scène où le père et le fils se trouvent de part et d’autre d’une pièce, séparés par le silence pesant et le mot NORMA qui apparaît en surimpression. Un truc tout simple, mais qui rend palpable le tourment intérieur de ces deux-là.

Gance filme avec la même force l’environnement du drame : la gare, les trains, la poésie des lignes et des machines, la mort et l’enterrement de « Norma » la locomotive, déchirante agonie. Superbe plan aussi des adieux de Sisif aux locomotives, avec ce qui est à la fois un plan fixe et un travelling, la caméra étant installée sur la plate-forme rotative qui tourne à 360°, simple, beau et déchirant.

En découpant son film en un prologue et quatre époques, Gance crée autant de mouvements différents, qui se répondent et se complètent. Au vent d’espoir qui souffle sur la troisième époque, avec un ton qui s’adoucit au moins pour un temps, succède ainsi la lente agonie de la quatrième époque. A la chaude scène en couleurs dans le dancing d’un hôtel répond l’extrême tension du drame dans la montagne, avec son montage syncopé…

S’il y a un bémol, c’est peut-être le jeu de Séverin-Mars (Sisif), dont le maniérisme d’un autre âge flirte avec le ridicule dans sa grande scène de cécité. Et encore… Cette impression première disparaît vite, et le souvenir de ce visage en gros plan hante longtemps la mémoire du spectateur. Quoi qu’il en soit, quelle modernité ! La Roue, même un siècle après sa sortie, reste un immense choc.

La Fin du monde – d’Abel Gance – 1931

Posté : 11 octobre, 2018 @ 8:00 dans 1930-1939, FANTASTIQUE/SF, GANCE Abel | Pas de commentaires »

La Fin du monde

Abel Gance y va un peu fort, pour son premier grand film parlant. Forcément, après son Napoléon, le choc est rude. Mais malgré toutes les qualités qu’on peut lui reconnaître (j’y viens), La Fin du monde est un film plombé par un message biblique lourdement appuyé (ça c’est pour le fond), et par une méconnaissance totale de l’usage du son (ça c’est pour la forme).

Le fond, donc. L’intention est bonne : une comète menace de détruire la terre entière, et imminence du néant va gommer toutes les rancœurs et toutes les tensions mondiales. Mais pourquoi avoir accompagner ça d’un préchi-précha religieux indigeste. D’autant plus indigeste qu’elle est renforcée, au moins dans la première partie, par la prestation outrancière insupportable d’Abel Gance lui-même en martyr autoproclamé, qui pour le spectateur semble surtout avoir pêté les plombs après joué le calvaire de Jésus sur scène…

Quant à la forme… l’ambition manifeste de Gance se heurte à la grande nouveauté du son. Il faudrait tenter une expérience : revoir le film en coupant le son. L’outrance du jeu des acteurs et la propension du réalisateur à souligner longuement chaque émotion paraîtraient sans doute plus authentiques. Pas le courage de tester… Mais le fait est que Gance reste un réalisateur du muet, qui se coltine le son sans trop savoir quoi en faire. En tout cas en n’en faisant pas grand-chose de convainquant.

Finalement, c’est lorsqu’il est le plus modeste que Gance s’épanouit le plus. Lors de la séquence pleine de suspense sur la Tour Eiffel en particulier, où le côté Tintin de l’intrigue (on pense quand même beaucoup à L’Etoile mystérieuse au début) prend toute sa dimension, avec de superbes plans de la structure.

La fin, quand même, succession de plans apocalyptiques assez hypnotiques, tend à rattraper les errances du film, et laisse planer le doute. Le film est-il réellement raté ? Où le sentiment d’inabouti (pour le moins) vient-il du fait que c’est une version mutilée qui a survécu : le film de Gance durait semble-t-il trois heures avant que les producteurs n’en coupent la moitié. Forcément, ça change des choses. Mais sans doute pas tout : rallongée, la prestation de Gance-acteur aurait sans doute été encore plus insupportable…

 

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