Un coup de maître – de Rémi Bezançon – 2023
Avec Un coup de maître, Rémi Bezançon fait un peu ce qu’il avait fait avec le milieu littéraire dans son précédent film, Le Mystère Henri Pick : plutôt que de filmer la création artistique elle-même (ce qui peut être passionnant, ou casse-gueule selon le talent que l’on a), c’est le microcosme culturel qu’il raconte, à la fois cri d’amour pour les artistes et jeu de massacre pour ceux qui les entoure.
Ce dernier aspect n’est pas le plus léger ni le plus convainquant. En surjouant le cynisme du critique d’art, ou le snobisme d’une patronne de galerie qui n’expose que des cochons, Bezançon fait plus que flirter avec la caricature : il s’y vautre allégrement. D’une manière générale, le film souffre (un peu) de seconds rôles un peu trop monochromes. Ce qui finalement n’est pas très gênant.
Ce n’est pas gênant, parce que la seule chose qui compte vraiment dans Un coup de maître, c’est la relation qui unit le peintre joué par Bouli Lanners, et son galeriste et ami joué par Vincent Macaigne. Deux hommes très différents : le premier incapable de se plier aux exigences du marché et aux normes sociales, le second ancien artiste dont le job consiste justement à avoir une intelligence sociale pour trouver une place dans le marché de l’art.
Et ils sont formidables, ces deux là, drôles et touchants dans le même mouvement. C’est leur amitié qui est au cœur du film, et qui prend toute sa place dans cette saillie sublime d’un Macaigne qui, sans changer de ton ou à peine, passe du discours le plus diplomate à la pure agression verbale face à un critique incapable de voir la beauté du geste artistique.
La beauté du film ne repose que sur eux deux, Macaigne et Lanners, sur leur singularité et sur la manière dont leurs deux univers si opposés a priori se retrouvent autour d’une même douceur, d’une même aspiration à la pureté. Un coup de maître ne l’est pas (un coup de maître) : il aurait fallu un cinéaste d’une autre dimension pour rendre justice à la belle idée du tableau qui ouvre et referme le film. Mais pour son duo d’acteurs, et pour la douce naïveté du propos…